Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne
EMISSION DU 25 DECEMBRE
2007
Traité,
une affaire de démocratie...
Avec Jacques Cotta, Journaliste, Instigateur de la pétition "Le "non" censuré dans les médias, ça suffit !", Raoul-Marc Jennar, Chercheur à l'Urfig et pour l'ONG Oxfam et Paul Thibaud, Philosophe, ancien directeur de la revue Esprit. |
[Ambiance : soirée élection à Aligre] A la TV : « Il est 21h… 59 min… et 55sec … voici maintenant notre estimation IPSOS des résultats de ce référendum : les français rejettent… »
[Immenses cris de
joie…] Ca, c'était le cri de joie immense des auditeurs réunis le 29 Mai 2005 dans les locaux d'Aligre FM à l'annonce des résultats du référendum sur le traité instituant une constitution. Joie immense comme celle probablement des 54,7% des français qui avaient voté Non. Ce jour-là, on a bien dû évoquer en rigolant le fait que peut-être on allait nous appeler à revoter, comme on l'avait fait en d'autres circonstances avec d'autres peuples récalcitrants, mais ce qu'on ne soupçonnait pas, c'est que la réaction serait plus perverse: après qu'hommes politiques ert médias aient craché leur venin à la face du peuple souverain au lendemain du 29 Mai, on allait carrément se passer du peuple. Car aujourd'hui, c'est bien le même traité à peu de choses près qui est resservi, mais pour être sûr qu'il soit ratifié, c'est au parlementaires qu'il sera soumis. L'Union Européenne était déjà en elle-même a-démocratique, mais on passe cette fois-ci à la vitesse supérieure en portant atteinte, au nom d'une prétendue nécessaire avancée de la construction européenne, aux fondements-mêmes de la démocratie française: la décision du peuple souverain est niée, jetée aux oubliettes, avec l'aval de la quasi-totalité de la classe politique et des médias qui font régner l'omerta la plus absolue sur ce déni de démocratie pourtant dénoncée par certains. Retour sur ce que les invités de Des Sous disaient déjà en 2005.... Jacques Cotta, journaliste, émission du 14 Juin 2005 après un extrait d'une émission télévisé du 29 mai 2005: analyse du référendum par Arnaud Montebourg.
***** Montebourg: - Il faut
d’abord l’analyser. C’est quand même une gigantesque motion de censure
populaire contre l’absence de démocratie en Europe. Est arrivé un nouvel
acteur ce soir, en Europe, pas seulement en France, ce sont les citoyens.
Ils ont mis un pied dans la porte, ils ont dit : « Nous sommes
propriétaires de l’Europe, co-propriétaire de l’Europe. Ils viennent
de le dire d’une façon saisissante : participation importante,
partout, dans tous les quartiers, dans les endroits où l’on disait :
« Ces gens là ne votent plus, ce n’est plus la peine de faire de
la politique pour eux. » On l’entendait, ça. Et y compris dans
certains de nos partis. Donc nous avons, là, un événement politique
majeur : où les citoyens viennent de faire irruption dans le processus
de construction européenne qui ont décidé d’en être les copropriétaires. ..»
Pascale Fourier : Jacques Cotta soulignait le rôle de la partialité des médias dans le Non français. Cette fois, en 2007, ils ont bien compris la leçon: ils ne sont pas partiaux, ils sont muets! En 2005, l'animatrice de Des Sous était déjà inquiète de ce que certains regrettaient qu'il y ait référendum.. Extrait de l'émission du 3 Mai 2005 avec Raoul-Marc Jennar, un de ceux qui avaient sillonné la France pour appeler à voter Non bien qu'il soit un fervent partisan de l'Europe. * Pascale Fourier : Il y a quelque chose d’autre qui m’inquiète un petit peu. Ce n'est pas directement dans le traité lui-même, mais c’est l’attitude des élites actuellement que l’on peut voir, du moins depuis que le « non » finalement s’affirme. Moi, j’ai entendu des personnes qui, quasiment, regrettaient qu’il y ait un référendum en France. J’ai entendu même un journaliste qui parlait de ce qui se passait en Allemagne, pays dans lequel il n’y avait pas de référendum parce qu’on savait ce que cela avait donné avant 40, avant les années 40.... Enfin il y a une espèce de stigmatisation véhémente de l’opinion du peuple. Est-ce que ce n’est pas inquiétant et qu’est-ce qu’on peut espérer comme transformations si éventuellement le « non » l’emportait justement. Raoul-Marc Jennar : Si le « non » l’emporte, c’est un formidable désaveu des élites politiques et médiatiques dont il faut bien constater que le fossé entre le peuple et ces élites n’a jamais été aussi grand qu’aujourd’hui en tout cas sur ce dossier-là. Les élites politiques et médiatiques qui se rangent toutes dans le camp du « oui » à quelques exceptions près, -il y a quand même des exceptions- , servent en fait ceux qui sont les maîtres du jeu, c'est-à-dire le patronat, et donc ne peuvent pas concevoir un langage critique à l’égard d’un texte qui est celui que voulait et que veut le patronnat. Il faut quand même se rappeler que quand la Convention , présidée par Giscard d’Estaing a commencé ses travaux, aussi bien le MEDEF que l’équivalent patronal au niveau européen qui s’appelle l’UNICE ont sorti des textes limitant, balisant ce qui pouvait se faire. Ils indiquaient très précisément ce qu’ils voulaient, et ce qu’ils ne voulaient pas et quand on compare ces messages qui furent envoyés en 2002 avec le résultat, on peut constater effectivement qu’ils ont obtenu totalement satisfaction. Et donc pour tous ceux qui sont les relais soit technocratiques, soit politiques, soit médiatiques du monde des affaires, eh bien il est normal qu’ils défendent ce texte. Le problème, c’est que les politiques le fassent, c’est leur liberté, que les journalistes qui prétendent être des journalistes, c'est-à-dire qui prétendent à fournir une information et à donner aux citoyennes et aux citoyens l’information la plus complète possible, là il y a un vrai problème parce que le droit à l’information, ce n’est pas seulement le droit des journalistes de trouver l’information, c’est le droit des auditeurs des lecteurs des téléspectateurs à avoir une information complète et équilibrée...
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Pascale Fourier: Le retour de bâton, ils l'ont bien eu en 2005... mais qu'importe pour eux: on fera l'Europe sans les peuples ! L'Europe vaut bien cela sans doute.... Extrait de l'émission du 24 mai 2005 avec Paul Thibaud, philosophe, ancien directeur de la revue Esprit. * Pascale Fourier : Mais est-ce que ça ne risque pas d’arrêter l’Europe ? Parce que c’est ça que dirait un partisan du « oui » ? Paul Thibaud : Bien sûr ! Pascale Fourier : Ca va arrêter l’Europe ? C’est la fin de l’Europe ????!! Paul Thibaud : Mais attendez…Si l’Europe est un projet sérieux, il n’y a pas de raison qu’elle s’arrête. Les raisons de faire l’Europe apparaîtront dans le débat à tout le monde. Simplement, on les précisera. Elles deviendront plus conscientes à travers ce débat européen, alors que là elles sont présupposées métaphysiquement, sans être mises à l’épreuve du débat. C’est ça le point qui est important.
Paul Thibaud : Je vous l’ai dit à l’instant : il faut arrêter un processus dont personne ne comprend exactement où il va ( le slogan de « l’Union sans cesse plus étroite » a dépassé sa zone de validité de toute évidence) , pour essayer d’éclaircir l’enjeu européen, et créer une vie politique européenne. Pour moi, c’est l’argument le plus important. La création d’une vie politique européenne passe par le « non », passe par cette crise reconnue d’une certaine manière de fonctionner, qu’on peut d’un certain côté résumer par un fonctionnement diplomatique. La diplomatie est devenue une manière de légiférer, ce qui est quand même tout à fait extraordinaire! La diplomatie a sa zone de validité, très forte, qui consiste à éviter les guerres, à fabriquer des compromis pour éviter les guerres. Elle n’a pas fait que ça, mais c’est une de ses tâches, incontestablement, et pour éviter les guerres, il faut quelquefois, souvent même, créer des accords fragiles, et dissimuler les enjeux profonds, du moins les mettre sous le boisseau et valoriser le compromis immédiat, ce qui est tout à fait légitime. Mais la diplomatie, comme manière de légiférer c’est très mauvais ! Parce que c’est des décisions qu’on ne peut pas s’approprier. C’est quand même un abus de pouvoir des exécutifs contre les parlements et contre les peuples ! Ce sont les exécutifs, donc, d’une manière diplomatique, par frottement si vous voulez, par fabrication d’une socialité particulière, disons « d’en haut » comme on dit maintenant, qui ont fait l’Europe; il s’agit de réimpliquer les peuples! Réimpliquer les peuples et les représentations parlementaires, c’est ça, le point important. Et comment ça passerait ? Par « continuons comme avant » ? Non, ce n’est pas possible ! Il faut une rupture. C’est ça, au fond, la raison essentielle.
Voilà des questions qu’il faut poser. L’Europe est en crise, et à ne pas vouloir le reconnaître, on ne peut faire que prolonger cette crise qui doit être d’abord regardée en face, pour être traitée. Voilà, à peu près, la situation présente telle que je la vois. Pascale Fourier : Mais un socialiste bon teint vous dirait : « Oui d’accord pour l’instant, ça ne va pas très très bien, mais l’Europe sociale, c’est juste pour demain ». Paul Thibaud : Non, non, non, non ! L’Europe sociale n’est pas pour demain ! Ils le savent bien que ça n’est pas pour demain ! Il y a une dissymétrie dans les traités : le social et le fiscal se traitent à l’unanimité, l’économique ou bien c’est la Commission qui s’en occupe ou bien c’est le Conseil des ministres qui décide à la majorité. Et donc vous voyez très bien que, quand on veut faire une norme sociale, comme par exemple la norme sur le temps de travail, on n’arrive pas à décider à l’unanimité ! Mais pendant ce temps-là, la concurrence, elle, elle est libérée au nom du mode de décision économique. Donc entre l’économique et le social, il y a une jambe longue et une jambe courte.. alors ça boîte ! ***** Pascale Fourier: Voilà. On avait voté Non, ils vont voter Oui. C'est la revanche des élites au mépris de la démocratie. Je vous rappelle que malheureusement seule une opposition unanime des partis de gauche, donc essentiellement du PS, à la révision de la réforme préalable à la ratification du traité modificatif peut arrêter le processus en marche: tout se joue le 4 février. Je ne peux qu'à nouveau vous inviter à présenter à tous les élus du PS des voeux pour 2008 à votre façon, en leur rappelant qu'en Mars, aux municipales, le peuple ne saurait voter pour qui le méprise. La semaine prochaine,
nous réécouterons deux très bonnes analyses de
Liêm Honag Ngoc et Jacques Généreux faites en 2005.
En attendant, je vous souhaite à tous une année de découvertes,
de joies et d'engagements, parce que ne pas s'engager, c'est encore
s'engager!
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Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 25 Décembre 2007 sur AligreFM. Merci d'avance. |