Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION DU 2O SEPTEMBRE 2005

La démocratie est-elle dépassée?

Avec Anne-Cécile Robert, Journaliste au Monde Diplomatique.

 

Pascale Fourier  : Par deux fois au moins, le peuple et en particulier le peuple de gauche, s’est fait traité de mal votant et de mal comprenant notamment par des hommes dits « de gauche ». Quelque chose m’étonne, parce qu’il ne me semble pas que Jaurès par exemple aurait osé penser trente secondes ce genre de chose du peuple, dans la mesure notamment où la démocratie est censée s’appuyer sur la souveraineté populaire, donc sur le vote souverain du peuple qu’on n’a pas le droit de renvoyer dans les buts en disant : « vous avez mal voté ! ». Alors, qu’est-ce qui se passe ? Il y a une nouvelle conception de la démocratie apparemment ?

Anne-Cécile Robert : Toute une série de gens qu’ils soient penseurs, intellectuels, responsables politiques... estiment aujourd’hui que la démocratie est quelque chose de dépassé, que ça pose plus de problèmes que ça ne résout de questions. Alors on pourrait dire, après tout, pourquoi pas intellectuellement discuter de tout et de rien, mais on voit bien que les gens qui tiennent ce discours-là sont aussi des gens qui sont liés à des intérêts économiques ou qui tirent la conclusion de ce soi-disant dépassement de la démocratie que le pouvoir doit être confié au marché, à des grandes entreprises, à des lobbys, à des techniciens, voire des technocrates, qui, eux, seraient mieux placés que nous pour savoir ce qui est bon pour le peuple. Donc, une apparente critique intellectuelle est en fait une charge politique, idéologique contre un principe d’égalité entre les citoyens et un principe d’organisation de la société qui est de dire que le pouvoir qui s’applique au peuple doit être responsable devant lui. C’est ça la démocratie : c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. Et ça paraît logique parce qu’il n’y a qu’une collectivité qui peut déterminer ce qui est son bien commun. Et aujourd’hui vous avez ce que l’on pourrait appeler un mouvement complètement réactionnaire, aristocratique, de gens qui veulent revenir sur les acquis de la démocratie qu’on a depuis 200 ans. Oui, quelque chose de régressif, une volonté de retour en arrière et qui distille un mépris du peuple, un mépris des classes populaires en général qui effectivement empêchent les riches de tourner en rond, si on veut être un peu lapidaire. Et ce qui est embêtant, c’est que des gens -vous citiez Jaurès à l’instant - des gens qui sont censés incarner le progrès social, la démocratie, des gens « de gauche » pour faire court, s’engouffrent dans ce discours-là. Et donc ceux qui devraient être les porte-parole de la démocratie, ceux qui demandent l’approfondissement de la démocratie, en viennent eux aussi à tenir ce discours de mépris du peuple. Alors ça prend des formes très différentes, parfois soft : souvenez-vous, le 21 avril 2002, lorsqu’il y a eu ce drame puisqu’on a eu l’extrême droite au deuxième tour, vous avez quand même eu un certain discours : « Salauds de pauvres qui votent mal, qui n’ont pas reconnu leurs vrais représentants ». Bon, ça indépendamment de savoir ce que l’on pense de ce pauvre Jospin, mais bon après tout, c’est lui qui n’a pas réussi à convaincre les électeurs de voter pour lui. Alors on a eu une sorte d’inversion de démarche : tout d’un coup les électeurs ont mal voté et n’ont pas su reconnaître leurs représentants. Alors qu’en fait, on peut très bien penser que c’était tout bêtement une insatisfaction politique qui les a fait voter comme ils ont voté. On a eu tout un discours de mépris des gens qui ne comprennent rien, un refus d’écouter en fait !

Pascale Fourier  : Tout à l’heure, vous avez dit que certains considéraient que la démocratie était dépassée, mais dépassée en quoi ? Sur quels symptômes s’appuient-ils pour dire que la démocratie est dépassée ?

Anne-Cécile Robert : C’est une excellente question parce que c’est un discours qui est assez préfabriqué, c’est-à-dire que, par exemple, ils nous disent qu’aujourd’hui dans le monde mondialisé, les choses sont trop complexes pour que les citoyens puissent s’y retrouver. Mais n’importe quel historien vous dira que le monde a toujours été complexe ! Mais on est parti du principe, parce qu’on était des humanistes, des progressistes, qu’on avait une certaine idée de la civilisation, que justement le but du jeu était de créer un espace de dialogue, où les citoyens, les experts, toute la communauté politique débat de son avenir et des grandes orientations. La complexité est une espèce d’argument que l’on nous envoie à la figure, un argument un peu terroriste comme ça, pour nous empêcher d’exercer notre pouvoir de citoyen. Alors qu’en fait on voit bien lors de l’université d’été d’Attac par exemple, que quand on prend le temps d’expliquer une question, rien ne résiste à l’explication. Des choses qui apparaissent très complexes, un bon pédagogue, plusieurs pédagogues peuvent très bien les démonter, les éclairer, pour que les gens s’y retrouvent. D’ailleurs il y a beaucoup d’expériences, conférences de citoyens par exemple, des associations qui travaillent là-dessus, sur comment justement décortiquer les grandes questions, créer une sorte d’expertise citoyenne, comme on dit aujourd’hui. Ce discours sur la complexité, c’est un discours complètement politique, même idéologique au mauvais sens du terme parce qu' on s’aperçoit que c’est toujours compliqué pour les mêmes. La complexité, c’est toujours pour le peuple. Ce n’est jamais complexe pour les grandes entreprises, pour les grands partis politiques qui, eux, évidemment comprennent tout à tout, bien sûr. Quand on voit comment se passe la vie politique, les débats parlementaires, on voit bien que la difficulté est partagée. Non, c’est un refus de faire fonctionner la démocratie, et c’est une volonté de capter le pouvoir par une partie des gens.

Pascale Fourier  : Est-ce qu’il peut y avoir un lien entre, à l’intérieur de la démocratie française, cette façon de récuser la capacité de bien voter, de s’intéresser à la chose politique du peuple, et cette extension du niveau de la décision, soit au niveau européen soit au niveau mondial ? Autrement dit, y a-t-il un lien entre cette façon de nous renvoyer dans les buts et la volonté apparente de vouloir instituer une sorte de gouvernement mondial ou plutôt une « gouvernance » mondiale comme ils disent ?

Anne-Cécile Robert: C’est vrai que l’on voit depuis quelques années que des choses qui n’étaient pas possibles dans le cadre national, par exemple des atteintes aux droits sociaux, on a utilisé par exemple la construction européenne pour les faire passer. C’est-à-dire que comme dans les syndicats nationaux vous aviez des syndicats, forces politiques qui étaient structurées et qui combattaient, un certain nombre de droits politiques et sociaux étaient défendus, on les maintenait. Et depuis quelques années, 25-30 ans, le détour par l’international, le fait de passer notamment au niveau européen est une façon de faire avaler aux sociétés des réformes qu’elles ne veulent pas, et qui sont en général des réformes très régressives. Parce qu’effectivement, au niveau européen comme au niveau international, vous n’avez pas de démocratie constituée, donc vous retrouvez des gens qui sont entre eux, qui sont souvent sous la pression des lobbys d’ailleurs, des grands lobbys économiques, qui prennent des décisions qu’on n’accepterait pas au niveau national. Et il y a une phrase d’ailleurs d’Alain Touraine qui est assez étonnante, il a dit : « Pendant très longtemps le mot « libéralisme » n’était pas acceptable, on en a trouvé un autre, le mot « Europe ». Et on voit bien qu’effectivement on a réussi à faire valider une idéologie qui était globalement rejetée simplement par le détour par l’international. Et c’est pour ça que la mondialisation – on nous dit que c’est un phénomène inéluctable, on nous le présente presque comme quelque chose de naturel - c’est en grande partie quelque chose qui est construit pour ça. C’est-à-dire que des gens ont pris des décisions pour que la mondialisation s’installe et que justement on puisse prendre des décisions économiques dans un sens où l’on serait loin des citoyens et où l’on serait hors de tout contrôle. Alors ce n’est pas du tout la théorie du complot, mais c’est le fonctionnement, je pense, des choses. Parce qu’effectivement on a raison d’internationaliser certaines questions; je pense que c’est important, il y a certaines questions qu’on ne peut pas traiter nationalement. D’ailleurs pendant très longtemps le mouvement ouvrier était internationaliste, c’est très bien. Mais on voit bien que cet échelon international aujourd’hui est investi politiquement par des forces qui voient tout le parti qu’elles peuvent en tirer parce qu’on ne sait toujours pas ce qu’est une démocratie européenne ou une démocratie internationale. Historiquement, ça c’est construit dans le cadre national. Ca ne fonctionne pas toujours très bien, mais ça ressemble à quelque chose. Aujourd’hui on nous dit que c’est dépassé, qu’il faut construire une démocratie européenne ou internationale, mais comme personne ne sait ce que c’est, on ne voit jamais rien venir. C’est-à-dire qu’on déconstruit par les deux bouts. On déconstruit la démocratie nationale, et on ne reconstruit rien au niveau européen et international. Et ce mot de « gouvernance » est devenu une façon de nous faire croire que l’on reconstitue un gouvernement politique démocratique au niveau européen ou international, alors que ce n’est pas du tout le cas. D’ailleurs la gouvernance est un mot qui vient de la science administrative anglo-saxonne et à l’origine, c’est juste la question de la comptabilité des entreprises et des administrations. Ca n’a rien à voir avec l’idée de gouverner une société avec une politique culturelle, sociale, etc. On substitue de plus en plus le mot « gouvernance » au mot « gouvernement » pour en fait faire disparaître l’idée du gouvernement démocratique qui débat, qui prend des orientations sous le contrôle des citoyens, au profit de quelque chose de technocratique, de moins transparent qui fonctionne sous la pression des lobbys. Et c’est tout un changement qui se fait par le détour par l’international et par l’européen. Mais il faut que les citoyens peut-être se rendent compte que s’il y a besoin d’internationaliser certaines questions, on n’est pas forcé de les internationaliser tel qu’on le fait aujourd’hui. Là, c’est l’internationalisation non-démocratique, mais on peut très bien travailler sur des formes de démocratie transnationale, c’est ce qu’on fait à Attac, mais beaucoup d’associations le font : comment recréer des espaces de démocratie dans les états nationaux déjà, et dans les espaces intermédiaires, au niveau européen ou international.

Pascale Fourier  : Certains pourraient vous dire que cette histoire de gouvernance est bien puisqu’elle permet l’émergence d’une société civile...

Anne-Cécile Robert : Mais, il faut faire attention au mots qu’on emploie, les mots sont chargés. « Gouvernance » ne fait pas partie du vocabulaire démocratique, c’est un vocabulaire administratif et technique, et on ne peut pas lui donner une portée politique spontanée. Les gens qui défendent la gouvernance, en général ne sont pas des gens que la démocratie préoccupe. Ce sont des financiers, des comptables. Moi, je m’intéresse beaucoup à l’Afrique, et quand vous voyez le Fond Monétaire Internationale, la Banque Mondiale ou la Commission Européenne qui débarquent en parlant « gouvernance », c’est une histoire de gros sous ! Ils regardent dans les caisses de l’Etat ce qui sort, ce qui rentre, mais on n’est pas dans « comment résoudre la pauvreté ? Quel serait le projet politique qui permettrait par exemple au Mali ou au Burkina Faso de se développer ? ». Parce que l’on n’est pas du tout dans cette logique-là. Donc au contraire, la gouvernance qui est censée résoudre des problèmes politiques ou des problèmes financiers les accroît, les entérine, les fossilise. Et ce que nous devrions faire en tant que citoyens, c’est essayer de changer de point de vue et de revenir à cette question :  qu’est-ce que c’est que la politique ? Qu’est-ce que c’est qu’un gouvernement démocratique ? Qu’est- ce que c’est que des choix de société, l’intérêt général ? Quelles sont les politiques qu’on voudrait mettre en priorité, le social, la culture ? Toute chose qu’une vision comptable telle que celle de la gouvernance ne permet pas de réaliser.

Pascale Fourier  : Il y a quelque chose que je ne comprends pas bien : cette façon de récuser la démocratie finalement a un ancrage idéologique qui vient du passé, c’est la suite logique de quelque chose, ou elle est née là, comme ça, brutalement ?

Anne-Cécile Robert : En fait, la démocratie est attaquée sur plusieurs flancs. C’est-à-dire que jusqu’à présent, il y avait une critique classique de la démocratie, qui venait des courants politiques qui n’ont jamais accepté par exemple la Révolution Française ou les Lumières. C’est le cas de toutes les branches de l’extrême-droite qui ont toujours rejeté ce message démocratique qui ressort : souvenez-vous par exemple en 1986 lorsque François Mitterand avait consulté les partis politiques en demandant ce qu’il fallait faire contre les attentats; Jean-Marie Le Pen avait dit que la démocratie n’est pas adaptée à ce genre de situation. Donc ça ressort, et la critique du parlementarisme, de l’extrême-droite est une façon de rejeter les instances de la démocratie. Ca, c’est une critique traditionnelle qu’on peut appeler anti-moderne parce que les historiens et les philosophes estiment qu’il y a une grande période historique qui commence à la Renaissance et qu’on appelle « la modernité », et qui est la période où est née la démocratie avec la citoyenneté, le droit de vote, les droits de l’homme, etc. Et l’extrême droite se situe historiquement dans un courant anti-moderne, qui souhaiterait retourner... - il y a même des branches aristocratiques qui veulent rétablir la monarchie, pourquoi pas...

Donc la démocratie est toujours attaquée par ces gens-là, mais elle est attaquée par un nouveau courant qui lui se dit « post moderne », c’est-à-dire qu’il y a eu la modernité à une époque avec la démocratie, les droits de l’homme, mais tout ça est dépassé, il faut passer à un autre système qui serait donc post-moderne et dans lequel on déconstruit tout ce qui a été la démocratie. Donc on nous explique par exemple qu’on ne peut pas faire voter les citoyens sur tout parce que c’est trop complexe. On nous explique qu’il faut que les experts aient plus de place parce qu’ils savent des choses que les autres ne savent pas et qu’ils doivent donc décider à notre place. Mais la question de savoir si l’expert pense juste - parce que l’expert a ses opinions politiques - est évidemment une question que l’on ne pose pas. D’ailleurs, en général, les pouvoirs choisissent l’expert qui va leur donner la réponse qu’ils attendent... Donc il y a cette critique qu’on appelle post-moderniste, ou post-moderne, qu’on peut retrouver chez des gens très différents à des degrés divers: par exemple, le sociologue Alain Touraine, qui est un homme de gauche, a fait tout une critique intellectuelle sur la notion de « sujet », en disant qu’aujourd’hui la politique a disparu, que ce que veulent les gens c’est la proximité, c’est l’identité. Effectivement, personne n’est contre la proximité et l’identité. Le problème est que si l’on fait de la proximité et de l’identité pour détruire l’intérêt général, l’espace politique, la démocratie où chacun est à égalité, là on n’est pas d’accord. Vous avez d’autres gens comme Joël Roman, qui est un philosophe, qui a écrit un livre qui s’appelle La démocratie des individus et qui est un livre intéressant, mais on voit bien qu’apparaît ce personnage de l’individu qui n’est plus un sujet politique, qui ne veut plus être citoyen, qui s’occupe de sa sphère privée. Et donc au milieu de tout ça, comment faire une démocratie si chacun est enfermé sur ses particularismes, sa logique d’identité ? Vous avez aussi quelqu’un comme Toni Negri, l’italien qui lui dit que l’Etat-Nation, c’est fini, que c’est un instrument de pression- il parle des guerres de la colonisation. Alors il y a effectivement une critique, il a raison, c’est vrai que l’Etat-Nation a aussi été à un moment de l’Histoire un instrument de pouvoir qui a opprimé par exemple les ouvriers. Mais ça n’a pas été que ça ! C’est ça qu’il oublie de dire. L’Etat-Nation a aussi été l’espace où s’est créée la démocratie, où l’on a élaboré des droits sociaux, où l’on a inventé les droits de l’homme. Donc on jette un peu le bébé avec l’eau du bain. C’est-à-dire qu’au-delà d’une critique qu’on peut faire effectivement sur le plan historique, eh bien on va détruire en même temps la démocratie.

Donc on a tout un courant comme ça post-moderniste qui en fait aboutit à détruire les fondements politiques de la démocratie au profit d’une vision aristocratique du monde. Vous avez des gens qui, par nature, que ce soient des experts, ou des chefs d’entreprise ou certaines catégories de responsables politiques sont par nature aptes à nous dire ce qui est bon pour nous. Et on n’a pas le droit de les critiquer, d’où le décalage qu’on a aujourd’hui dans les élections. Par exemple pour le Traité Constitutionnel européen, 90% des parlementaires votent le traité, et 55% des Français votent non. On voit bien le décalage, et on peut quand même penser que les Français qui ont voté Non savaient très bien pourquoi ils votaient Non. Ils avaient de bonnes raisons de voter Non...

Pascale Fourier  : Est-ce que la démocratie participative participe justement de cette déconstruction de la démocratie ou au contraire est-ce qu’elle lui donne une nouvelle impulsion d’un certain côté ?

Anne-Cécile Robert : Là, c’est pareil, on a deux versants de la démocratie participative, vous avez un versant progressiste et un versant régressif. C’est-à-dire que des gens nous disent qu’on fait de la démocratie participative pour, en fait, nous faire avaler le fait qu’on a perdu le pouvoir sur l’échelon national, et qu’on ne l’aura jamais aux niveaux européen et international. Donc on dit: « Faites de la participation dans votre quartier, faites de la démocratie de proximité », mais en fait la réalité du pouvoir, du pouvoir économique, je ne sais pas, par exemple sur la Banque Centrale Européenne, va vous échapper. Ca c’est la version régressive. Mais vous avez une version progressiste qui est de dire : « Comment fait-on pour ne pas se contenter d’avoir des élus qu’on élit tous les 5 ans ou tous les 7 ans et après de rentrer chez nous tandis que les élus font ce qu’ils veulent ? ». C’est quand même un peu problématique, et là, c’est progressiste, parce qu’on veut que les citoyens se mêlent de la chose publique, pas seulement quand il y a les élections, mais concrètement, au quotidien presque. Assister à des réunions de conseil municipal, participer à des conférences de citoyens, vous savez, ces conférences où l’on réfléchit sur ce qu’est une politique publique urbaine dans les quartiers, là on voit bien que les gens participent à la réflexion et à la prise de décision. Donc il faut que les citoyens soient vigilants quand on leur parle de démocratie participative, voir si c’est vraiment un progrès c’est-à-dire si on gagne du pouvoir en tant que citoyen dans la clarté et l’égalité de tous, ou si c’est un truc qu’on nous donne comme un placebo, ou pour nous faire avaler le fait qu’on a perdu une réalité du pouvoir.

Pascale Fourier  : Au tout début de l’émission je disais:« Mais Jaurès ne se serait jamais permis de traiter ainsi le peuple »... Est-ce qu’on peut avoir l’espoir que nos hommes politique de gauche redeviennent des Jaurès qui ont confiance dans le peuple, qui le poussent, qui le tirent, qui ont confiance ! Vous voyez ? ...Quelque chose de fort !

Anne-Cécile Robert : On sent depuis le 29 mai un mouvement profond dans la société qui est effectivement une demande de politique au sens noble, qui pour l’instant se heurte au fait que les représentants officiels de la gauche ou au-delà ne sont plus représentatifs du mouvement social, ne sont plus représentatifs de la société, et que c’est une réalité à laquelle ils ne veulent pas faire face. Ils se sont auto-proclamés représentants de la gauche alors qu’en fait ils font des choses qui ne conviennent plus, - c’est en tout cas ce que montrent les élections - , au peuple de gauche. Et ce qui est intéressant avec le referendum du 29 mai, c’est qu’on a vu massivement – parce que le Non est massivement de gauche – on a vu une demande, presque une sommation du « peuple de gauche » pour avoir une réaction, un changement au niveau de ses représentants. Et l’on voit émerger au travers du mouvement social, au travers des comités pour le Non qui ne se sont pas dissouts, qui continuent de travailler, on voit émerger des gens...ça ne va pas forcément se transformer en parti politique tout de suite, ça peut peut-être prendre un petit peu de temps, mais on voit des personnalités émerger, on voit des groupes émerger. Et puis il y a toutes ces propositions originales autour de la présidentielle de 2007 : comment pourrait-on présenter des candidatures collectives, comment pourrait-on finalement bousculer le jeu politique ? En tout cas il faut quand même s’interroger sur le point de savoir si ce 29 mai n’est pas véritablement une fracture, une rupture qu’on pourrait faire fructifier, et savoir si finalement les gens qui ont voté Oui et ceux qui ont voté Non, si ce n'est pas quelque part une vraie source de recomposition ? En tout cas les gens qui voudront se présenter aux élections devront se positionner par rapport à ça. Donc, quelque part, le peuple a récupéré la main. Il est à l’origine d’une redéfinition du débat politique. Ca, c’est très intéressant. Mais ça peut prendre du temps. Mais c’est intéressant que ça puisse se produire, alors qu’il y a quelques années, c’était complètement bloqué. Là, on sent que ça se redéfinit lentement.

 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 20 Septembre 2005 sur AligreFM. Merci d'avance.