Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION DU 31 OCTOBRE 2003

A propos de l’Europe… 2/2

Avec Anne-Cécile Robert, docteur en Droit, spécialiste de l'Union Européenne,et journaliste au Monde Diplomatique.

 

 

Pascale Fourier : Et notre invité, comme la semaine dernière, est Anne-Cécile Robert, journaliste au Monde diplomatique. Alors, comme d'habitude, je lis les journaux, et il est question ces derniers temps, de peut-être nous faire voter pour que nous disions si nous sommes d'accord ou non avec la Constitution européenne concoctée par Valéry Giscard d'Estaing. Et il est même question de nous faire voter tous ensemble, c'est-à-dire nous tous les Européens, tous le même jour, dans tous les pays, pour qu'on ait le sentiment d'appartenir tous à un même et grand peuple. Alors qu'est-ce qu'on peut penser de cela ? C'est justement la question que je suis allée poser à Anne-Cécile Robert dans son petit bureau du Monde Diplomatique.

Anne-Cécile Robert : C'est vrai que Valéry Giscard d'Estaing, qui présidait une convention pour l'avenir de l'Europe, a abouti à un projet de traité constitutionnel européen, et ce projet de traité constitutionnel devrait être soumis au vote des citoyens. En tout cas, il me paraît absolument impératif que ce texte soit soumis à un référendum parce que c'est un texte qui va constitutionnaliser progressivement les traités européens et donc il serait tout à fait inacceptable que les citoyens européens ne soient pas consultés par un référendum sur ce texte fondamental. Et même je dirais, que, si on veut nous imposer ce texte constitutionnel sans vote, ce sera l'équivalent d'une sorte de coup d'Etat juridique qu'on nous imposera. Et il est d'autant plus important de voter pour cette constitution qu'elle va organiser pour les années à venir non seulement tout le fonctionnement des institutions européennes, mais surtout le contenu de la construction européenne. Et en l'occurence ce qui est grave, c'est que le texte de la constitution européenne constitutionnalise le libre-échange, le libéralisme, les valeurs du marché en total déséquilibre avec les autres valeurs sociales ou démocratiques. Donc c'est un texte extrêmement important puisqu'il va inscrire dans le marbre, si vous voulez, les principes de l'économie de marché, du libéralisme, de la concurrence au détriment des valeurs sociales ou démocratiques. Il faut absolument qu'on vote sur ce texte et alors après, est-ce qu'il faut qu'on vote, nous, tous les pays européens en même temps sur ce texte; ça je dirais, c'est une fausse question parce que cela ne change pas grand-chose. L'essentiel, c'est que tous les citoyens européens soient amenés à se prononcer sur un texte qui va gouverner leur vie pour les vingt ans, trente ans ou cinquante ans à venir.

Pascale Fourier : « Constitutionnalise le libre-échange »… Qu'est-ce que ça veut dire « constitutionnalise » ?

Anne-Cécile Robert : C'est-à-dire qu'on va mettre dans un texte juridique officiel la supériorité, la primauté des valeurs de la concurrence et du libéralisme. On va l'inscrire dans un texte qu'on sera ensuite obligé de respecter comme aujourd'hui on est obligé de respecter le traité de Maastricht et vous avez vu, par exemple, le gouvernement français qui se fait taper sur les doigts par la Commission européenne parce qu'on a des déficits publics trop graves. Donc on risque des sanctions financières par exemple. Pour la constitution européenne, ce sera la même chose. Cela voudra dire que si on ne respecte pas la concurrence, si on ne respecte pas le libre marché, si on ne respecte pas la liberté d'entreprise, même si c'est pour, je ne sais pas moi, protéger les droits sociaux, protéger les droits des femmes ou les droits des pauvres, eh bien, on sera sanctionné par les institutions européennes qui auront le pouvoir juridique de nous infliger des amendes, de censurer nos lois.

Pascale Fourier : Mais les traités le permettaient déjà non ?

Anne-Cécile Robert : Alors les traités permettaient déjà dans une large mesure de faire ça, c'est pour ça d'ailleurs que la commission Européenne fait le gendarme régulièrement. Là, avec la constitution, on franchirait une nouvelle étape puisque l'idée ce serait de rapprocher le système des traités européens d'une constitution comme on a dans les Eats nationaux. Et voyez en France, par exemple, on a la constitution de 1958 qui est la loi suprême et à laquelle tout le monde doit se soumettre et qui d'ailleurs a été approuvée par le peuple français. Donc là l'idée, c'est de franchir une nouvelle étape, en quittant le domaine des traités internationaux qui peuvent être renégociés régulièrement par des conférences intergouvernementales etc. pour aboutir à un texte, une constitution donc, inamovible qu'on ne pourra plus changer, et qui sera d'autant plus difficile à changer d'ailleurs qu'on l'aura adoptée à quinze ou vingt pays et donc il y aura toujours un Etat qui ne sera pas d'accord pour qu'on revienne sur le texte. Donc la constitution, c'est franchir une nouvelle étape pour imposer, figer dans le marbre les principes économiques du libéralisme.

Pascale Fourier : Est-ce qu'il y a eu débat démocratique pour choisir cette voie du libre-échange ? Vous êtes en train de dire : « Dans la constitution, on va inscrire dans le marbre le libre-échange comme valeur fondamentale puisque c'est ce que marque marque normalement une constitution. Est-ce qu'il y a eu un moment quelconque un vote de l'ensemble des peuples européens pour dire : « Nous sommes pour le libre-échange, nous voulons que ce soit notre valeur fondamentale » et si tel est le cas, qu'est-ce qui sous-tend cette volonté libre-échangiste ?

Anne-Cécile Robert : Historiquement, il y a eu très peu de référendums européens. Si vous prenez depuis 1951, date à laquelle on a commencé la construction européenne, il a dû y avoir deux- trois référendums, du moins en France. Je crois qu'on a voté sur l'adhésion du Royaume-Uni, on a voté sur Maastricht, … donc il y a eu très peu de référendums ; la plupart du temps ce sont les parlements nationaux qui ont adopté les textes. Donc en général, les citoyens n'étaient pas du tout tenus au courant. Les citoyens ignoraient qu'on allait signer un traité comme ça, et parfois même, pour avoir discuté avec des députés, je m'en suis rendu compte, les députés eux-mêmes n'étaient pas au courant des textes qu'on leur faisait voter. C'est-à-dire qu'on leur disait : « Vous aller voter le traité de Rome, vous allez voter le traité de Bruxelles », on disait : « Mais ce n'est pas grave, c'est juste un petit traité technique », et eux-mêmes souvent étaient sous-informés par le gouvernement qui avait négocié le traité en question. Donc grosso modo, on peut dire que depuis cinquante ans la construction européenne s'est faite sans débat public, loin des peuples,sans que même les parlements nationaux soient véritablement à même d'établir une réflexion et d'en rendre compte aux citoyens. Et le problème, c'est que la dernière fois qu'on nous a fait voter, - c'était au moment du traité de Maastricht en 1992-, on a voté dans des conditions absolument atroces, moi je trouve un scandale pour la démocratie, c'est-à-dire qu'on n'a pas saisi l'occasion de faire un grand débat démocratique pour expliquer quels étaient les enjeux européens, pour discuter véritablement du sens de la construction européenne, du contenu du traité de Maastricht, et au-delà du contenu du traité de Maastricht de la raison pour laquelle on voulait faire l'Europe. Si vous vous souvenez, on nous a dit : « Il faut absolument voter pour ce texte, sinon c'est le chaos, sinon ce sera la guerre, l'Europe va sauter, il faut voter pour le traité de Maastricht parce qu'il faut voter pour la paix ». C'était n'importe quoi parce que le traité de Maastricht avait pour fonction principale d'instaurer la monnaie unique et c'était de cela qu'il fallait débattre. Or, on a débattu du tout sauf de ça. Donc l'enjeu aujourd'hui, c'est avoir un vrai débat européen autour d'une consultation des citoyens de manière à ancrer la construction européenne dans les peuples, dans un vrai débat démocratique. Et, je le répète, cela ne sera absolument pas grave si la constitution européenne n'est pas adoptée. Ce terrorisme intellectuel-là, il faut absolument qu'on s'en débarrasse. Si la constitution européenne n'est pas adoptée, eh bien, ils reverront leur copie comme on dit, ils se réuniront à nouveau pour modifier le texte et pour nous en proposer un autre.

Pascale Fourier : L’Europe sans débat public dans la population, l'Assemblée Nationale sans réel débat, tout cela n'est pas très réjouissant. Alors est-ce qu'il y a quelqu'un quelque part qui voudrait un réel débat sur l'Europe, c'est ce que j'ai demandé à Anne-Cécile Robert, donc, qui journaliste au monde diplomatique.

Anne-Cécile Robert : L'Europe révèle la crise des démocraties occidentales. Quels que soient les sujets, les élus, les gouvernants, ont de plus en plus peur d'assumer leurs choix politiques qui, après tout, peuvent être très respectables, mais ils ont de plus en plus peur de les assumer, d'en débattre véritablement, de se reposer sur des questions de fond, et de se confronter à ce que pensent les citoyens. Ca, c'est une crise et l'Europe ne fait que révéler cette crise, mais c'est une crise globale des démocraties occidentales. On a peur du débat public, on a peur d'échanger véritablement des opinions et finalement d'assumer véritablement des choix politiques. En fait, on nous impose ce qui se passe maintenant, c'est que les élus ou les gouvernants passent leur temps à nous imposer leur choix sans vouloir prendre la peine de nous les expliquer. Alors d'où vient cette crise, ce drame de la démocratie pourrait-on dire, puisqu'il y a quand même l'extrême-droite qui nous une menace pour cette raison-là. Le drame vient du fait que, depuis vingt ans, il faut bien dire que les partis de droite comme de gauche professent la même idéologie, et en tout cas, pratique la même politique et ça c'est au coeur du drame de la démocratie, c'est qu'on n'a plus véritablement d'opinions politiques tranchées, différentes, qui permettraient d'avoir un débat. Comment voulez-vous débattre quand vous êtes d'accord ? C'est un peu le problème. Alors, de drame en drame, la difficulté, c'est que l'extrême-droite a parfaitement compris ça, et elle, elle dit : «Eux, ils pensent pareil, moi je suis la différence ». Et le drame, c'est que la différence qu'incarne l'extrême-droite, c'est la xénophobie, c'est le racisme, c'est au bout du compte la destruction de la démocratie. Donc on a véritablement des drames en cascade qui font que la démocratie est en train de se détruire sous nos yeux. Mais il faut que les gouvernants, qui se disent démocrates, et qui utilisent l'extrême-droite comme un épouvantail commode, il faut que les gouvernants se rendent compte de leur responsabilité. C'est parce que eux, en tant que démocrates, ils n'agissent plus véritablement conformément à l'idéal démocratique qu'on peut avoir des partis racistes et xénophobes qui s'engouffrent dans la brèche, c'est-à-dire qu'il faut que nous arrivions à rappeler les dirigeants politiques des grands partis à leurs obligations de citoyens, car avant d'être des élus ou des gouvernants, ils sont des citoyens comme les autres, - c'est-à-dire d'assumer le débat public et leur fonction de représentation. Ils sont là pour nous représenter avant tout, c'est-à-dire d'être en lien avec les préoccupations des citoyens, donc être à l'écoute... Moi qui vais souvent en Afrique, je peux vous dire qu'il y a des traditions notamment en Afrique du Sud, où régulièrement le chef ou actuellement le président de la république va dans les villages pour écouter. C'est-à-dire, le chef ne parle pas, il écoute et ensuite il rentre chez lui pour tenir compte de ce qu'il a entendu ; ça c'est la démocratie. Il faudrait revenir à cette fonction de la démocratie qui est l'écoute, qu'on s'écoute les uns les autres et qu'à partir de cette écoute on arrive à avoir un débat parce qu'il faut bien reconnaître que la période que l'on vit est difficile : la mondialisation, les nouvelles technologies, les menaces sur l'environnement, ce sont des questions compliquées, donc il faut que l'on ait le courage en tant que démocrates de les assumer, d'en débattre, qu'on débatte des O.G.M., qu'on arrête de nous dire : « Il y a les bons d'un côté, les méchants de l'autre » et qu'au bout du compte, chacun arrive à se faire son opinion.

Pascale Fourier : Mais justement questions difficiles, comme vous le disiez, plein de questions difficiles qui nous assaillent… eh bien ça tombe mal parce que je suis un peu malcomprenante, c'est du moins ce qu'ont l'air de dire les personnes qui me représentent…. Je suis malcomprenante ! ! ! D'ailleurs, quand j'ai « mal » voté aux dernières élections en France, si on s'écarte un petit peu de l'Europe, et comme j'ai l'intention de très « mal » voter pour l'Europe s'ils proposent un référendum, il se trouve que moi, mais comme des millions de Français, notamment d'Européens sans doute à venir, nous sommes malcomprenants… un peu sourds…. même quand on nous explique, on ne comprend pas !!! C'est quand même ça la difficulté !!

Anne-Cécile Robert : C'est vrai qu'on a une espèce d'arrogance aujourd'hui des gouvernants et des élites en général qui considèrent que, quand on ne fait pas les mêmes choix qu'eux, quand on ne fait pas les bons votes, comme vous le disiez tout à l'heure, eh bien c'est forcément de notre faute, c'est nous qui n'avons pas compris. Donc conclusion : eux ils ont raison et c'est nous les méchants dans l'histoire ! Et ça, cela s'appelle le mépris des électeurs, cela s'appelle l'arrogance ! C'est un peu comme l'aristocratie qui, sous l'ancien régime était persuadée, parce qu'elle avait le sang bleu, d'être faite pour le pouvoir et d'avoir la vérité. Et aujourd'hui on a un peu des comportements aristocratiques comme ça qui se développent à droite comme à gauche ou vous avez des élus et des gouvernants, qui sont tellement persuadés d'avoir raison, d'avoir tout compris, de mener la bonne politique, d'avoir choisi les bons candidats, qui ne comprennent pas quand les citoyens font d'autres choix. Or si les citoyens font d'autres choix, ils ont peut-être de bonnes raisons de les faire, et c'est ça que les élites devraient entendre ! Si les citoyens ne votent pas comme prévu, s'ils font d'autres choix, c'est peut-être qu'ils ont une autre vision des choses et une autre compréhension de la situation. Et ça, cela fait partie du malaise de la démocratie que ce mépris des électeurs qu'on avait au moment des dernières élections européennes où les Irlandais et les Danois ont été obligés de revoter parce qu'ils avaient voté « non » au Traité de Nice… eh bien, on les a fait revoter jusqu'à ce qu'ils votent « oui » ! Ca, c'est le mépris des électeurs, et quand on dit le mépris des électeurs, c'est le mépris du suffrage universel, c'est le mépris de la démocratie. Donc, les élites devraient se rendre compte qu'elles ne peuvent pas tenir ce discours, sauf à remettre en cause la démocratie elle-même.

Pascale Fourier : L'autre fois j'ai rencontré un de mes amis qui me disait qu'il voyageait beaucoup, qu'à chaque fois qu'il va quelque part en Europe, finalement il se sent chez lui, qu'il y a bien un espèce de creuset commun par exemple, qui fait que, s'il va en Chine, par exemple, il ne se sentira pas chez lui. S'il va en Allemagne, n'importe où en Europe, il ne se sentira chez lui. Est-ce que finalement les personnes qui souhaiteraient, on pourrait presque dire, moins Europe, n'en sont pas à l'état des nations gauloises qui luttaient régulièrement les unes contre les autres, alors que finalement, quand on regarde, on ne peut pas dire le sens de l'Histoire mais le chemin de l'Histoire, disons, on s'aperçoit que leurs querelles étaient, en tout les cas on peut le juger comme tel actuellement, ridicules. Peut-être que c'est ridicule de penser à la France par exemple, à l'Allemagne d'un côté, que c'est complètement obsolète.

Anne-Cécile Robert : Je ne connais pas l'ami dont vous parlez, qui voyage beaucoup, et sans doute que, quand on a la chance de pouvoir se payer un billet d'avion pour aller en Chine ou pour aller aux États-Unis, on se rend compte effectivement d'une certaine identité européenne, mais ça c'est très marqué socialement. Mais est-ce que c'est très profond ? Est-ce qu'au-delà de la possibilité de voyager, d'avoir une monnaie commune, est-ce qu'il y a véritablement un sentiment profond d'appartenance ? Moi je ne crois pas, en tout cas c'est très réservé à une petite élite qui, effectivement, se promène sans arrêt dans les avions. Mais pour le commun des Européens, l'Europe reste quand même assez statique, donc ce n'est pas forcément quelque chose de très probant. Est-ce que l'Europe peut-être le creuset d'une identité commune? C'est possible ! Mais cela ne sortira pas comme un lapin d'un chapeau. C'est-à-dire qu'il faudra qu'on qu’en décide ensemble, qu'on le discute et qu'on fasse des choix, qu'on définisse les priorités européennes, l'identité de l'Europe. Pour l'instant, il n'y a pas véritablement de projet commun européen, il n'y a pas de peuple européen pourrait-on dire, il y a une addition de peuples nationaux. Il n'y a pas de peuple européen qui parlerait la même langue, qui discuterait des mêmes questions, qui estimerait avoir des intérêts communs, des enjeux communs à discuter. Alors peut-être qu'on peut le construire, que cela arrivera ! Pour l'instant, on constate que ce n'est pas le cas. On est encore très marqués par nos histoires nationales. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne puisse pas se mettre ensemble, qu’on ne peut pas coopérer, collaborer ensemble pour faire des choses en commun, des grands projets industriels par exemple, des opérations de défense commune, on peut très bien faire ça sans pour autant casser les États-nations. On peut construire une Europe des coopérations sur des sujets concrets comme on a fait la politique agricole par exemple. La politique agricole, cela a été une coopération qui a permis d'ailleurs de sauver les Européens de la famine - dans les années 40-50, c'est quand même la famine. Alors c'est vrai qu'aujourd'hui on nous présente toujours la nation comme quelque chose de ringard, sous-entendu « l'Europe c'est moderne », sous l'argument un peu court « soyez européens, c'est moderne, ne soyez plus nationaux, c'est ringard ! ». C'est un peu stupide ! L'argument du modernisme n'est pas un argument en soi. Je pourrais même d'ailleurs dire, volontairement provocatrice, que dans les années 30, la modernité, c'était être nazi. Donc ce n'est pas un argument, au-delà de cette provocation exagérée, ce n'est pas un véritable argument, la modernité ou l'archaïsme. Il faut bien dire que, l'État-nation, c'est quand même ce qui, historiquement, a construit la démocratie. La construction de l'État-nation à partir des XVIe et XVIIe siècle en Europe correspond à la construction de la démocratie. Il y a un lien très fort institutionnel, philosophique, et psychologique je dirais, entre l'État-nation et la démocratie. Et pour l'instant, on ne sait pas construire d'ailleurs de démocratie au-delà des États-nations. On ne sait pas ce que c'est qu'une démocratie internationale. On sait ce que c'est qu'une démocratie nationale parce que cela fait plusieurs centaines d'années qu'on la pratique, parce que, grosso modo, les Français, qu'ils habitent au sud ou au nord, se reconnaissent à peu près dans les institutions, dans le parlement, dans le chef de l'État, dans une histoire commune mais, au-delà de ça, on n'a pas véritablement d'État-nation européen, ça n'existe pas. Donc l'État-nation, pour l'instant, demeure le cadre de la démocratie et le cadre premier de l'identité des Européens. Donc c'est quelque chose qui pour l'instant demeure un facteur de liberté pour tous, jusqu'à ce qu'on invente autre chose. Peut-être qu'effectivement dans cinquante ans, dans cent ans, on aura trouvé quelque chose de mieux, on aura inventé une façon de faire la démocratie au niveau international ou européen, mais pour l'instant, ce n'est pas le cas. Tout ce qu'on nous propose, c'est de détruire l'État-nation pour ne rien faire à la place. On nous propose de détruire la démocratie nationale sans nous expliquer comment on va reconstruire la démocratie au niveau européen ou international.

Pascale Fourier : C'est furieusement ringard !

Anne-Cécile Robert : Furieusement ringard ! On peut dire que la démocratie est ringarde, que les droits de l'homme sont ringards ! C'est effectivement une façon de voir les choses, mais jusqu'à ce qu'on me prouve qu'il y a un meilleur système que la démocratie, eh bien je serai une démocrate intégriste et je me battrai jusqu'au bout pour le suffrage universel, la démocratie et éventuellement l'État-nation jusqu'à ce qu'on me prouve qu'il y a autre chose.

Pascale Fourier : Eh bien si vous voulez en savoir un petit peu plus sur l'Europe, vous pouvez aller voir le site que nous recommande Anne-Cécile Robert ; http://www.info-europe.fr/
A droite de l'écran, vous verrez apparaître « fiches Europe », ce sont des petites fiches pédagogiques, paraît-il, très bien faites - un peu de propagande, mais bien faites ! Autrement je vous conseille vivement un document qu'à fait la fondation Copernic qui s'appelle « Copernic flash nº 5 » et qui est daté de septembre 2003. Le titre, c'est « Constitution européenne première remarque ». Il y a vraiment des éléments extrêmement importants sur la place du libéralisme et du libre-échange dans la nouvelle Constitution européenne qu'on nous propose. Alors vous pouvez aller sur le site : http://www.fondation-copernic.org/ et si ça ne marche pas par hasard, envoyez un e-mail à Copernic2@wanadoo.fr. Et puis un dernier point, je voudrais vous signaler le magnifique petit livre qu'Anne-Cécile Robert a écrit en collaboration avec André Bellon, ça s'appelle « Le peuple inattendu », c'est une analyse de la défaite du 21 avril 2002, mais alors qu'on nous dit, d'habitude, qu'on a mal voté, qu'on n'a pas voté Jospin, qu'on a mal compris, là il y a tout à fait d'autres analyses sur le « peuple inattendu », ça veut dire aussi le peuple qui peut et qui doit s'exprimer et que les politiques récusent d'une certaine façon. C'est un livre absolument remarquable Editions Syllepse. Ça coûte 7 euros. Et c'est absolument vivifiant, étonnant. Je ne peux que le conseiller ! Voilà, à la semaine prochaine !

 

 

 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 31 Octobre 2003 sur AligreFM. Merci d'avance.