Pascale
Fourier : Et notre invité
aujourd'hui sera Tony Andreani, professeur émérite de
Sciences Politiques à Paris VIII, et auteur de Le socialisme
est à venir aux éditions Syllepse.
Si je suis allée voir Tony Andreani. C'est que j'entendais parler
de plus en plus autour des boîtes à penser de gauche en
particulier, de "socialisme du XXIe siècle". Socialisme?
C'est que, moi, je savais à peine ce que c'était, dans
le fond. Alors, j'ai essayé de me renseigner, de trouver des
livres, et il n'y en avait pas beaucoup, c'est le moins que l'on puisse
dire... Il y en avait pourtant un au moins, récent, Le socialisme
est à venir aux éditions Syllepse, écrit par
Tony Andreani en 2004. Ce que je pourrais dire, c'est : « lisez-le
! » , au moins le tome 2, car Tony Andreani y pose les pistes
d'un socialisme possible, un socialisme qui n'exclut pas le marché.
Quoi qu'il en soit, j'ai rencontré Tony Andreani, en faisant
un détour sur le chemin des vacances, là-bas, quelque
part dans les Cévennes. L'émission que je vous propose
aujourd'hui n'est pas aboutie parce que nous n'avons pas eu le temps
d'aller aussi loin que nous le voulions. Prenez-la comme une sorte d'introduction,
une invitation à vous lancer vous aussi dans une réflexion
sur la nature du capitalisme, les possibilités de le réguler
ou pas, la nécessité ou pas d'organiser l'économie
autrement. Cette émission, c'est une sorte d'apéritif
intellectuel, apéritif au sens premier - qui ouvre l'appétit
- pour comprendre le système auquel nous sommes confrontés,
sa logique, et les moyens de sortir de l'impasse.
Ces derniers temps, quand je regarde les sites des boîtes à
penser de gauche, qui visent à la reconstruction justement de
la gauche en dehors du Parti Socialiste, je lis la plupart du temps
les mots "socialisme du XXIe siècle". Ça m'étonne
toujours un petit peu parce que moi, socialisme, je ne vois pas trop
ce que ça veut dire. Derrière socialisme, il y a forcément
capitalisme, à l'opposé, on pourrait dire, et je ne vois
pas trop comment les gens qui font cette proposition sont passées
de l'anti-libéralisme qui est, la plupart du temps, communément
admis - c'est peut-être un peu fallacieux de dire les choses comme
ça, mais disons quand même que la critique du libéralisme
a été entendue -, comment on est passé de l'anti-libéralisme
à des propositions vers un socialisme du XXIe siècle.
Je ne vous vois pas trop le cheminement intellectuel...
Tony
Andréani
: D'abord c'est un phénomène nouveau. L'idée même,
le terme de « socialisme » était devenu
quelque chose de presque prohibé, presque un gros mot dans l'opinion
publique et dans la sphère intellectuelle. Comment en est-on
arrivé là ? On en est juste aux premiers balbutiements,
mais je pense qu'on en est arrivé là parce qu'on s'est
rendu compte, petit à petit, qu'il serait très difficile
de réformer le capitalisme actuel, de le remettre dans un chemin
qui soit moins périlleux, et moins difficile pour les salariés
et pour l'ensemble de la population.
Je pense qu'il faut d'abord partir du capitalisme tel qu'il est aujourd'hui.
On va essayer de le définir rapidement, et puis on va voir si
on peut essayer de le réformer. J'anticipe sur ma réponse
: oui, on peut. Mais à condition que les réformes soient
radicales et dans ce cas-là, on redonnera des marges de manoeuvre
à un pouvoir progressiste, dans ce cas-là, on redonnera
un peu de contre-pouvoir aux salariés. Mais ce n'est pas la solution.
Il faut le faire, il faut soutenir ce type de propositions. Il faut
le faire, mais ce n'est pas la solution parce qu'on ne changera rien
au fait que nous sommes entrés dans l'ère de la globalisation,
dans l'ère des firmes multinationales et dans l'ère du
marché mondial. Donc on ne peut pas revenir à un socialisme
antérieur.
Alors, si vous le voulez bien, on va commencer un peu par définir
rapidement le capitalisme tel qu'il est aujourd'hui. Je crois que le
terme plus adéquat, c'est le mot de « capitalisme
financiarisé ». « Financiarisé »,
c'est-à-dire dominé par la finance. Alors expliquons ça,
si possible de façon très simple, même si plusieurs
de vos interlocuteurs ont dû déjà le faire et très
bien.
Pendant les 30 glorieuses, nous avions un capitalisme on peut appeler
keynésien et que je définirais très rapidement
comme ceci - c'est la base de tout : c'étaient des grandes entreprises
qui devaient être profitables et qui étaient axées
sur la rentabilité économique. Qu'est-ce que ça
veut dire ? Ça veut dire simplement qu'elles devaient rembourser
leurs emprunts. C'était pour beaucoup une économie reposant
sur le crédit, et elles devaient payer leurs intérêts.
Et en ce qui concernait les propriétaires, elles devaient leur
fournir au moins le même rendement que les intérêts
fournis par les banquiers et une prime de risque. Disons que ça
pouvait faire un retour sur investissement, sur les capitaux propres
de l'entreprise, qui pouvait être de l'ordre de 4 à 5 %,
quelque chose comme ça.
Aujourd'hui on
est arrivé dans un monde tout à fait différent.
Ce qui est important, ce n'est plus cette rentabilité globale
du capital, c'est la rentabilité des capitaux propres, des capitaux
qui appartiennent en propre à l'entreprise, et c'est la rentabilité
financière. « Financière », ça
veut dire qu'il faut développer la valeur actionnariale, la valeur
de l'action. La valeur de l'action, c'est ce que l'action peut rapporter:
elle rapporte des dividendes, et puis elle rapporte aussi des bénéfices
futurs, sous forme d'une valorisation à venir, ce qu'on appelle
la « valeur actionnariale ».
Et là, nous ne sommes plus à 5 %, nous sommes à
15 %. C'est la norme. Et si ce n'est pas 15 %, c'est 20, c'est 25, c'est
même quelquefois 30%, ce qui est tout à fait nouveau et
tout à fait extraordinaire quand on pense que le taux de croissance
de l'économie mondiale est autour de 4 %.
Alors pourquoi ? Parce qu'il y a de nouveaux propriétaires. Ce
ne sont plus les propriétaires d'autrefois, ce sont des fonds.
D'une part ce qu'on appelle les "zinzins", les investisseurs
institutionnels. En quelques mots, les "zinzin" c'est quoi
? Ce sont des fonds de pensions, généralement anglo-saxons,
qui ont des sommes colossales à leur disposition. Ce sont deuxièmement
des compagnies d'assurances. Ce sont troisièmement des fonds
mutuels. Les compagnies d'assurances, quand vous prenez par exemple
une assurance-vie - c'est une compagnie d'assurance qui peut vous proposer
un contrat. Les fonds mutuels quand vous achetez une part de Sicav:
une Sicav, c'est un fond mutuel, c'est un placement qui dépend
d'une banque.
Voilà. Ces trois grandes catégories sont devenues les
nouveaux propriétaires. Eux et les grandes banques internationales.
Parce que les grandes banques internationales, maintenant, ne sont plus
simplement des banques - comme on dit "de détail" -
c'est-à-dire des banques qui accordent des crédits aux
particuliers, à vous et à moi, et qui accordent des crédits
aux entreprises, ce sont des banques qui font tout. Ce sont de banques
qui sont en même temps des banques d'affaires pour leur propre
compte: elles achètent des titres de propriété,
des titres de créances, et surtout pour le compte de tiers, c'est-à-dire
pour le compte d'un autre fonds. Les grandes banques sont devenues des
mastodontes, qui, plus encore peut-être que les autres fonds,
dominent, représentent la finance. Ces banques, ces nouveaux
propriétaires exigent donc un rendement de leurs placements très
élevé et en quelque sorte à flux tendu, en continu,
à jet continu - ce qu'on appelle le court-termisme, c'est-à-dire
qu'il faut que, tous les trimestres, tous les ans, ça rapporte
ces fameux de 15 % ou plus.
Et une fois que vous avez compris cela, tout le reste en découle,
tout le reste s'enchaîne. Tous les effets sur le mode de gestion
des entreprises dont je veux rappeler quelques-uns.
- Premièrement, la grande entreprise autrefois, qui était
un ensemble intégré, la grande entreprise de l'époque
des 30 glorieuses, maintenant va filialiser une grande partie de ses
activités parce que, là, on pourra identifier d'où
vient le profit et à quel montant il s'élève.
- Deuxièmement, elle va se recentrer sur le cœur de son
métier, parce que c'est là que vont arriver tous les
profits qui vont permettre d'arriver à ces 15 %. Elle va sous-traiter
parce que ces 15 % de rentabilité financière, il faut
bien que ça vienne de quelque part. Elle va externaliser pleins
de services, jusqu'à la comptabilité, jusqu'au nettoyage.
Elle va inciter les managers à augmenter toujours ce rendement,
et pour cela elle va les payer grassement. Et c'est pour ça
que, si vous voulez, les salaires des hauts dirigeants, des patrons,
aujourd'hui, sont devenus exorbitants. Juste pour donner un petit
ordre de grandeur, à l'époque des Trente Glorieuses,
il était admis - de coutume en tout cas - que le PDG d'une
grande entreprise gagne à peu près 40 fois le salaire
ouvrier de base. Aujourd'hui la norme, c'est 400 fois. Dans certains
cas, c'est 1000 fois. Sans parler de tout le reste, sans parler des
stocks options et tout ça. Ensuite, pour obtenir toute cette
rentabilité, eh bien on va agir sur le travail. Donc, pour
ça, il faut rendre le travail plus flexible, au moins le travail
des non-qualifiés. Parce qu'il y a une partie de qualifiés
que l'on va intéresser, les stables; les autres, il faut qu'ils
soient très flexibles selon le carnet de commandes, et il faut
aussi qu'ils soient mobiles, c'est-à-dire qu'on puisse s'en
débarrasser quand il le faut. On va intensifier le travail,
le stress au travail. On va délocaliser, naturellement…
Tout cela résulte de cette norme des 15 % et de cette domination
de la finance sur l'entreprise. C'est un ensemble d'effets en chaîne
qui sont impressionnants.
Pascale Fourier
: Mais finalement, ce que vous décrivez, est-ce que
c'est une dérive du capitalisme - c'est ce que les gens qui se
disent seulement anti-libéraux pourraient se dire - ou est-ce
que cette évolution est intrinsèque réellement
à la dynamique du capitalisme ?
Tony
Andréani
: Je pense que c'est intrinsèque à la dynamique du capitalisme,
mais ce n'était pas quelque chose non plus qui a été
prévu, prémédité, quelque chose qui est
venu avec une logique, une nécessité de faire.
Comment ça s'est fait ? On peut le dire en quelques mots. D'abord
il y a eu des Etats qui, à la fin des années 70, se sont
endettés. Ils se sont endettés, et c'est de là
que vient la dette publique actuelle, et, pour cela, ils ont émis
des emprunts, donc ça a développé formidablement
le marché obligataire. Je voudrais préciser un terme.
Ce dont je vais parler ici, quand je parle de « capitalisme
financiarisé », c'est d'un capitalisme dominé
par la finance de marché. Distinguons bien la finance de crédit
qui est le crédit bancaire traditionnel, de la finance de marché.
En gros, la finance de marché, c'est la finance qui passe par
les marchés d'actions et les marchés d'obligations. Donc,
formidable développement du marché d'obligations.
Deuxièmement il y a un phénomène historique et
sociologique qui est le fait que les couches moyennes supérieures
surtout, qui se sont développés pendant ces 30 années,
ont gagné de l'argent et ont voulu le placer. Entre 40 et 60
ans, elles ont voulu le placer pour que ça leur rapporte. On
peut dire que les baby-boomers ont voulu assurer leur avenir. Ça
donne cette image employée quelquefois du père qui licencie
le fils. C'est-à-dire le père qui cotise, plutôt
aux États-Unis, dans un fonds de retraite, pour assurer sa retraite,
pour en sortir un capital ou pour en sortir un revenu - c'est assez
différent d'ailleurs - mais qui, du coup, confie la gestion à
un fonds qui, lui-même, va exiger de l'entreprise, de la grande
entreprise - mettons General Motors - qui va exiger ce taux de rentabilité
extraordinaire. Et donc la grande entreprise va licencier le fils.
Il y a bien des choses. Il y a un phénomène de conjoncture
car tout ne se fait pas de manière rigoureuse, soit par la volonté
d'une classe qui sait ce qu'elle fait, soit par un mécanisme
complètement impersonnel qui se développe de lui-même.
Il y a un aspect conjoncturel. Il y a des moments dans l'Histoire où
il y a plusieurs chemins. Alors dérive oui ! En ce sens qu'il
y a un chemin qui a été pris. D'autres auraient pu l'être.
Quoi qu'il en soit, il y a quand même un mouvement de fond, qui
est à la base de tout cela, c'est la concentration du capital.
C'est-à-dire que cette concentration qui avait commencé,
maintenant elle a besoin de dépasser les frontières nationales.
Les firmes ont besoin de devenir transnationales et elles ont besoin
de financement eux-mêmes venant de l'épargne la plus large
possible, éventuellement venant de l'épargne du monde
entier. Donc là, c'est le mouvement que Marx a décrit
depuis très longtemps, le mouvement à la fois de concentration
du capital et de centralisation dans un nombre de mains de plus en plus
petit, les oligopoles.
Alors le résultat... Tout le monde est à peu près
d'accord sur la description de cette finance des marchés, ensuite
il reste à savoir ce que l'on va faire...
- Cette finance
de marché, premièrement est injuste, évidemment,
parce qu'elle fait une part belle à la rente plus qu'au travail.
- Deuxièmement
elle est, je dirais, corruptrice. Corruptrice parce que, au niveau
de toutes ces institutions, il y a forcément de la collusion
ou de la connivence. Par exemple, entre un cabinet d'audit, qui est
payé par la firme et la firme elle-même, il y aura de
la connivence. Par exemple, une grande banque qui a comme client une
grande entreprise ne va pas dire du mal de la grande entreprise, même
si elle n'en pense pas moins, et elle va inciter ses épargnants
à investir, acheter des actions, etc. etc. Et c'est pour cela,
je pense, que malgré tous les efforts pour moraliser ces institutions
qui sont privées, c'est en quelque sorte dans le logiciel de
la finance des marchés que cette corruption se développe.
- Troisièmement,
elle est instable. D'une instabilité folle. Ça a été
très bien décrit, déjà par Keynes, qui
avait expliqué ça magnifiquement et c'est aujourd'hui
très bien théorisé. C'est ce qu'on appelle les
comportements mimétiques, moutonniers des opérateurs.
Ce qui ne veut pas dire qu'ils sont bêtes, non ! Par calcul
rationnel, ils sont moutonniers. C'est comme ça qu'il y a des
bulles, positives ou négatives. Et puis il y a ce qu'on appelle
les prophéties auto-réalisatrices. C'est-à-dire,
que, quand le marché pense quelque chose, même si vous,
par exemple, vous savez qu'il se trompe, l'opinion générale
sera celle-là, et ça va d'une certaine manière
se réaliser, jusqu'à ce qu'un jour ça se casse
la figure. C'est notamment toute l'histoire des start-up dans la nouvelle
économie au début des années 2000.
- Surtout et
dernièrement, cette finance est extrêmement coûteuse.
Elle est finalement plus coûteuse que l'ancien système
de financement par le crédit. Elle est plus coûteuse
pour les entreprises elles-mêmes, qui voulaient se débarrasser
de la contrainte des banques. Et elle est plus coûteuse pour
l'ensemble de la société, parce que cela représente
un prélèvement formidable sur les richesses produites.
Pascale Fourier
: Des Sous ... et des Hommes, en compagnie de Tony Andreani.
Alors, vous verrez, dans la toute première question de début
d'émission, j'avais orienté les choses vers le socialisme
du XXIe siècle. On n'y arrivera jamais vraiment, mais qu'importe.
Suite de notre apéro intellectuel, et pour le socialisme, on
verra plus tard.
Ma question à moi, c'était : « Mais est-ce
que le développement actuel du capitalisme, qu'on pourrait qualifier
de néolibéral, était une dérive du capitalisme
ou est-ce que c'était intrinsèque à la dynamique
du capitalisme ? Tout à l'heure, vous m'avez dit : «
En tous les cas, ce n'était pas prévu, ce n'était
pas prémédité ». Et un petit peu plus
loin, vous avez dit: « C'est une dérive parce que
d'autres chemins auraient pu être pris ». Finalement,
est-ce que ça serait possible d'imaginer un capitalisme qui serait
différent de celui-ci, éventuellement un capitalisme comme
on a connu déjà dans les années 30, ou est-ce qu'il
y a validité à se déclarer - brut de décoffrage
! - « anticapitaliste » comme on l'entend de-ci
de-là ?
Tony
Andréani
: La première question est mise à l'ordre du jour par
la crise aujourd'hui, la crise financière qui devient une crise
économique et dont tout le monde reconnaît que c'est sans
doute la plus grave depuis longtemps. On traverse une crise financière
pratiquement tous les ans depuis 30 ans, mais celle-là c'est
la plus grave, peut-être la plus grave depuis 1929. Il y a même
des prévisions qui annoncent pire.
Est-ce qu'on peut réguler le capitalisme ? Évidemment,
c'est ce que les différents acteurs, les différentes autorités,
les économistes, essaient de faire, de proposer. Toute une série
de réformes sont proposées : ce sont des réformes
disons de type politico-dministratif.
- Par exemple,
il faudra mieux contrôler les banques pour qu'elles prennent
moins de risques - ça, c'est le comité de Bâle
- Il faudra
bien distinguer parmi les titres de crédit, ces fameux titres
qui ont été dans la crise de subprimes, il faudra distinguer
les titres risqués des titres moins risqués etc. etc.
- Il faudra
superviser les agences de notation puisqu'elles ont mal fait leur
boulot. Certains vont même un peu plus loin et disent qu'il
faudrait plutôt des agences publiques que ces 3-4 agences privées,
puisqu'elles fournissent un bien public, la certification, etc.
Il y a des propositions un peu plus fortes :
- Revenons à
une séparation entre la banque de crédit, la banque
de détail et la banque d'affaires.
- Essayons de
promouvoir des fonds qui aient une perspective de long terme et non
pas ces fonds qui jouent à chaque instant sur les actions qu'ils
possèdent, ce capital qui flotte.
- La taxe Tobin,
c'est-à-dire essayer de freiner cette circulation des capitaux...
Alors, je ne peux pas entrer dans une vraie discussion là-dessus.
Mais je pense que ces mesures seront très, très difficiles
à mettre en oeuvre. D'abord parce qu'elles vont se heurter à
une énorme résistance et ensuite parce qu'elles supposeraient
pour la plupart des accords internationaux entre les différentes
pays, entre les différents Etats, et que certains Etats ont intérêt
plus que d'autres, en particulier les États-Unis, à ce
que le système actuel perdure... Donc je pense que c'est assez
improbable.
Vous avez interrogé François Morin qui a fait une analyse
magnifique, très décapante, de ce « mur de
l'argent » du capitalisme, et qui conclut en disant : «
Eh bien voilà, il faudrait trois grands régulateurs internationaux,
c'est la seule solution parce que le problème est global, il
est mondial ». Oui, mais je ne vois pas très bien
comment on peut y arriver !
Une autre possibilité, ce serait de dire : « Bon,
on va quand même essayer d'améliorer les choses, mais surtout,
il faudrait également faire en sorte que le système soit
un petit peu plus favorable aux salariés, ou un peu moins défavorable ».
Et vous avez des propositions que vous connaissez dans la perspective
de l'actionnariat salarié. Les salariés actionnaires dans
l'entreprise, au moins, eux seront des actionnaires stables. Et puis
des grand fonds, par exemple les fonds de retraite, mais pas seulement,
où les syndicats pourraient jouer un rôle à côté
du patronat pour faire valoir les intérêts des salariés.
Moi, je dois dire qu'à mon avis, ce sont de très, très
mauvaises pistes, qui ne sont pas praticables. On peut dire rapidement
pourquoi. D'abord en ce qui concerne l'actionnariat des salariés,
seul un certain nombre de salariés deviendront actionnaires,
c'est-à-dire ceux qui auront les meilleurs salaires, et ils verront
leurs intérêts plus que ceux qui n'auront pas pu acheter
des actions. Donc ça aggravera la division du salariat qui existe
déjà. En ce qui concerne les fonds, je ne vois pas que
la présence de syndicats dans les fonds puisse changer quelque
chose à la volonté de ces fonds d'obtenir le maximum de
rendement de leurs placements. Pour dire les choses de manière
très rapide, tout ceci entraînerait une espèce de
schizophrénie chez le travailleur entre sa fonction de salariés
et sa fonction d'actionnaire. Quand on joue sur une fonction, c'est
au détriment de l'autre. Et cette espèce de contradiction
est inévitable. Alors évidemment, c'est tout à
fait différent - mais ça, on en parlera plus tard - si
les travailleurs sont eux-mêmes entièrement propriétaires
de leur entreprise...
Pascale Fourier
: Eh oui, c'était donc Des Sous... et des Hommes,
en compagnie de Tony Andreani. Je ne peux que vous conseiller la lecture
des ouvrages qu'il a fait paraître, en deux tomes donc, Le socialisme
est à venir , au moins le tome 2, et si, à l'intérieur,
vous ne voulez pas tout lire, lisez au moins les 20 pages d'introduction
qui sont absolument remarquables. Je ne sais pas… Calez-vous dans
une librairie quelconque où vous pouvez lire tranquillement,
c'est un vrai bonheur !
Pour la suite des émissions, grand mystère pour l'instant.
En tous les cas un sujet me semble absolument primordial, c'est celui
de la crise alimentaire. Je cherche désespérément
des explications qui me semblent pertinentes. Alors j'ai fini par en
trouver, c'était sur Médiapart... Je vous conseille donc
vivement d'aller voir ce qui se passe sur ce sujet sur Médiapart.
Ils ont fait un gros dossier qui explique en particulier les mécanismes
qui concernent les marchés des denrées alimentaires: c'est
vraiment un très, très bon travail et, avec un peu de
chance, on ne sait jamais, peut-être que je réussirai à
faire venir le journaliste ici, à Aligre. Voilà. Pour
l'instant on espère seulement.
À bientôt !
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