Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION DU 27 MAI 2008

Capitalisme... et socialisme... 2/2

Avec Tony Andreani, professeur émérite de Sciences Politiques à Paris VIII

 

Pascale Fourier   : Et notre invité aujourd'hui sera Tony Andreani, professeur émérite de sciences politiques à Paris 8, et auteur de Le socialisme est à venir aux éditions Syllepse.

Alors je vous rappelle le contexte : j'étais allé voir Tony Andreani quelque part, là-bas, au fond des Cévennes, à propos de son livre Le socialisme est à venir. Et, il y a deux semaines de cela, je vous avais proposé une sorte de premier apéritif intellectuel pour ainsi dire, une première émission pour vous ouvrir l'esprit au désir d'interroger les notions de socialisme et de capitalisme. Voici donc une deuxième émission, un deuxième apéritif, fruit des 1 h 30 d'enregistrement qui me restaient. C'est que nous avions une conversation à la fois un peu débridée et un peu inaboutie, en fait. Vous verrez… Du coup, j'ai quelque peu tranché à la hache dans les propos de Tony Andréani, qui demanderaient du coup à être complétés par la lecture de son livre.
Deuxième apéro donc, pour vous ouvrir l'appétit, j'espère.

La dernière fois, je n'avais pas eu la réponse à ma petite question ! L'émission s'était close sur le fait que vous pensiez qu'il était fort difficile de réguler le capitalisme, notamment pour des questions politiques, c'est-à-dire pour des questions d'accords internationaux qu'il faudrait mettre en place. Mais alors ça veut dire qu'il faut être anticapitaliste comme Besançenot ?


Tony Andréani : Non, ça ne veut pas dire nécessairement cela parce que, de toutes façons, le capitalisme est là pour très, très longtemps et je pense même qu'un secteur capitaliste, dans un autre type d'économie, ne sera pas inutile. Mais, ce qu'il faudrait, c'est changer ce capitalisme, et pour le dire en un mot, le définanciariser.

Keynes voulait euthanasier le rentier - n'allons pas jusque-là ! - mais si on pouvait couper l'herbe sous les pieds, enlever l'oxygène à cette finance, ce serait très bien. Définanciariser le capitalisme, c'est-à-dire en quelque sorte empêcher cette espèce de circulation folle des actions - je parle surtout du marché des actions - tous les jours dans un coin particulier de la planète.

Alors évidemment, il y aussi tout le problème que je n'ai pas évoqué d'une régulation de la mondialisation. Nous savons que la mondialisation a des avantages, il ne faut pas le nier. La mondialisation, j'entends la mondialisation aussi bien productive, c'est-à-dire les grandes firmes transnationales, que le commerce international, que même la mondialisation des capitaux. Mais nous en voyons bien aussi tous les revers, et là, un certain nombre d'économistes pensent qu'il faudrait revenir à des formes de protectionnisme circonstancié, modéré, qu'il faudrait revenir à un certain contrôle des changes, pas sur toutes les opérations naturellement, pas sur les échanges de marchandises, mais sur les grandes opérations en capital - comme le fait la Chine par exemple -, qu'il faudrait revenir vers un système de parités fixes et non pas ces changes flottants qui font qu'il y a ici des transactions innombrables sur le marché des changes. Parités fixes modulables, c'est ce que font les Chinois aussi. Donc vous avez toute une série de propositions de cet ordre.

Ce que je veux dire, c'est que ceci devrait être fait dans l'intérêt même des capitalistes, dans l'intérêt même d'un capital qui comprendrait ce qu'il convient de faire pour éviter des crises graves et qu'on ne peut plus maîtriser. Mais la question est : quel serait l'intérêt pour les salariés? Alors, je pense que, quand même, il y aurait quelques petits avantages. Au niveau macro-économique, ça donnerait quelques marges de manœuvre à un gouvernement progressiste, ne serait-ce qu'à travers le produit des taxations, qui permettraient d'apporter de l'argent au budget. C'est dans ces conditions qu'un certain nombre de mesures proposées à gauche deviendraient possibles, même si elles sont limitées.

Cette voie radicale, cette voie de transformation du capitalisme est une voie qu'il faut soutenir, parce qu'elle évitera les grandes dérives dont vous parliez tout à l'heure, les grandes crises, et elle sera un petit peu plus favorable aux salariés. Mais ma conclusion aussi, c'est que ça ne change pas fondamentalement le capitalisme tel qu'il est parce que, aujourd'hui, il s'est mondialisé et on ne pourra pas faire qu'il ne soit pas mondialisé. Encore une fois, ce sont des mesures limitées, mais qui seraient des garde-fous en quelque sorte, qui permettraient au capitalisme de continuer sur une trajectoire qui soit acceptable

Pascale Fourier  : Je vous ai écouté avec attention, et pourtant quand je me suis décidée à venir vous voir, c'est parce que vous aviez écrit un livre qui s'appelle Le socialisme est à venir . Mais pourquoi écrire un livre qui s'appelle Le socialisme est à venir si le capitalisme régulé vous va tout à fait bien ?

Tony Andréani: Je n'ai pas dit qu'il m'allait tout à fait bien. J'ai dit qu'il améliorerait un petit peu la situation actuelle et que, d'autre part, il éviterait des crises majeures.

Mais il reste le fond du problème. Le fond du problème, si vous le voulez bien, c'est que le capitalisme - et celui-là aussi - est devenu de plus en plus antinomique avec la démocratie. Si le pouvoir politique n'a plus de pouvoir, eh bien, à ce moment-là, il ne sert pas à grand-chose. Donc il faut aller plus loin, et il faut aller là - je pense qu'on peut l'appeler autrement que « socialisme ». Reste que socialisme, c'est quand même une grande tradition, ça remonte très loin et que ça peut encore vouloir dire quelque chose. Alors le nouveau socialisme, le socialisme du XXIe siècle dont on ose parler aujourd'hui, mais qu'on ne définit pas - sauf quelques références au Venezuela -, ce socialisme serait fondé sur la démocratie précisément.

Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu'il faudrait qu'il y ait une réhabilitation, et même plus, de ce que l'on peut appeler les choix collectifs. Nous avions deux systèmes, pour caricaturer. Très simplement, nous avions un système à la soviétique où tout est choix collectif - en plus, c'est une bureaucratie qui est lourde - , et l'autre système, où tout est choix privé, et donc, par conséquent, où tout résulte des choix des individus éparpillés, atomisés, etc.

Eh bien, c'est autre chose qu'il faut faire, c'est-à-dire articuler vraiment les choix collectifs, ceux qui portent sur les grandes orientations, et ceux qui portent sur les choix individuels, les choix privés du citoyen qui sommeille en chacun d'entre nous. Chacun d'entre nous se dit : « Moi, en tant qu'individu, je préférerais par exemple pouvoir rouler à 160 à l'heure sur l'autoroute, mais en tant que citoyen, je me rends compte que ce n'est pas bien et que, donc, il faut des mesures, qui doivent être décidées collectivement, et je m'y soumettrai. ».L'intérêt collectif, c'est aussi le sentiment d'appartenir à une communauté, et cette communauté, c'est la communauté nationale, communauté qui est comme une communauté de destin. Et donc, à partir de là, il faut un citoyen qui se sente pouvoir peser sur les choix collectifs- c'est d'ailleurs dans ce sens qu'on rejoint la problématique de la République . A partir de là, évidemment, cela veut dire que ce citoyen va disposer d'un certain nombre de biens. Ces biens, je préfère les appeler des « biens sociaux » que des « biens publics ». Ce sont des biens sociaux fondamentaux, tels que l'éducation, tels que la santé, tels que l'information. Aujourd'hui par exemple Internet est un moyen d'information qui devrait être accessible à tous, comme un bien social. C'est ça d'une part.

C'est d'autre part ce qu'on peut appeler des « biens de civilisation », qui ne sont pas les mêmes d'une société à une autre, nécessairement, mais dans notre mode de vie, dans notre standard de vie, il y a l'électricité, il y a les transports publics, il y a des musées, il y a des bibliothèques, il y a des jardins publics, il y un mode de vie qui nous est particulier, qui n'est pas forcément le même que celui des danois ou celui des hollandais etc. Mais ça, c'est ce qui fait aussi le ciment d'une communauté nationale. Donc, en ce sens, ce sont des biens sociaux, ça fait société.

Puis enfin il y a des biens stratégiques, c'est-à-dire des biens qui permettent une certaine indépendance nationale. Si nous ne produisons plus, nous n'avons plus les moyens - je prends un exemple - de produire l'acier en France. Si l'acier doit venir de je ne sais où dans le monde – l'acier, c'est presque un bien stratégique-, comment voulez-vous construire des automobiles si vous n'avez pas d'acier (et bien d'autres choses ) ? Eh bien, quand on voit que nous n'avons aucune maîtrise sur la production de l'acier, ni au niveau français, ni même au niveau européen, il y a un bien stratégique qui nous échappe et donc, forcément, on tombe dans un état de dépendance.

Voilà: les biens sociaux, ce sont des biens qui font société. Ce sont des biens qui font des citoyens et qui font société. Et c'est là qu'on en arrive au service public. C'est le premier volet, le premier grand secteur d'une économie socialiste à venir.

Et si nous sommes très attachés encore à nos services publics, c'est parce que nous sentons bien que qu'il y avait là un enjeu fondamental, nous sentons bien qu'il y avait là un élément non capitaliste, un élément de socialisme. Dans les années 70, on ne s'en rendait pas tellement compte. Maintenant qu'on est en train de perdre ce que nous apportaient ces services publics, on sent bien que nous en avions absolument besoin pour la formation, l'engagement du citoyen.

Pascale Fourier  : Des Sous ... et des Hommes sur Aligre FM 93.1. en compagnie de Tony Andréani. Biens sociaux mis en oeuvre par des services publics, ce serait le premier grand secteur d'une économie socialiste à venir. Tony Andreani dans la plage suivante va amener un deuxième élément d'une économie socialiste : le plan.

Tony Andréani: Comment peut-on les mettre en oeuvre ? On peut les mettre en oeuvre dans le système capitaliste, mais avec peu d'effets, non seulement parce qu'il y a ces résistances, mais encore parce qu'on n'a pas beaucoup de moyens d'agir sur les forces du marché.

Vous avez bien compris que le socialisme dont je vais parler, c'est un socialisme de marché ou avec marché. Ce n'est pas du tout un socialisme, une économie administrés. Ce n'est pas une économie à la soviétique. L'économie à la soviétique, c'était une économie où tout dépendait finalement d'un appareil administratif et politique. C'était une économie avec des commandements, où des centres divers, le Gosplan au sommet, donnaient des ordres qui étaient à exécuter.

Ici, ce n'est pas de cela qu'il s'agit: il s'agit de guider ou plutôt d'orienter les marchés dans les directions qui sont souhaitées par les citoyens. Ceci nous conduit, si vous voulez, à une réhabilitation de la notion de planification. Il ne s'agit pas du tout, encore une fois, de cette ancienne planification, sauf dans le domaine des services publics, où tout de même, là, il faut décider. Mais pour le reste non, pour le reste il s'agit d'agir indirectement, c'est-à-dire de guider de manière incitative, comme cela fut fait d'ailleurs lors de la grande période de la planification à la française qui avait fait école dans le monde entier et qui avait donné des résultats qui étaient quand même assez remarquables.

Alors comment est-ce qu'on agit ? Par quels leviers on agit ? On agit par des leviers indirects, bien sûr. On agit, par exemple, par des différences dans la fiscalité, la fiscalité à différents niveaux. On peut donner des exonérations. On peut avoir plusieurs taux de TVA. Il y a toutes sortes de moyens qui permettent d'infléchir le fonctionnement de cette économie de marché dans une direction.

Il y a un autre moyen qui était tout à fait important à l'époque, qui est assez simple à comprendre, c'était l'action par les taux intérêt. En variant les taux d'intérêt, évidemment vous pouvez stimuler un secteur plutôt qu'un autre. Et pendant très longtemps, l'économie française a marché avec ce qu'on appelait les taux bonifiés. Les taux bonifiés, c'était des taux qui étaient plus bas et qui était compensés par l'État auprès des banques.

À partir du moment où notre économie est devenue beaucoup moins une économie de crédit et beaucoup plus une économie de finances de marché, évidemment ce moyen est bien moins efficace.

J'ai fini sur ce sujet, mais vous voyez bien qu'il faut passer par ces outils si l'on veut que les choix des citoyens puissent s'incarner et qu'ils ne se heurtent pas à des intérêts privés qui n'en ont rien à faire, et qui ne voient que leurs propres objectifs. On pourrait multiplier les exemples.

Pascale Fourier   : Bon ! Vous allez entendre un peu la cuisine interne d'une interview. C'est que j'essayais d'orienter en fait celle-ci vers une explication de la façon dont Tony Andréani voyait un socialisme du XXIe siècle. Premier pilier, on avait vu, deuxième pilier... Mais je n'avais pas la suite, alors j'essayais de synthétiser, et Tony Andréani est parti du coup sur le troisième pilier de ce nouveau socialisme.

Le chemin, c'était au démarrage : en quoi le besoin, par exemple, de peser sur le cours des choses des citoyens peut-il valider la nécessite de passer du capitalisme au socialisme? On en était à dire qu'il fallait qu'il y ait des leviers indirects, la fiscalité, les taux d'intérêt, etc., qu'il fallait qu'il y ait de la planification, et puis qu'il y avait des biens sociaux qui relevaient donc de choix politiques qui devaient passer par le biais de services publics. Et donc, là, normalement, il faut qu'on réussisse à retomber sur nos pattes par rapport à la question de démarrage. Parce que, à ce moment là, moi, la question qui me viendrait naturellement, c'est que ce n'est toujours pas du socialisme ! En quoi ce n'est pas du capitalisme régulé ? Ou alors je dis : «  On revient aux années des Trente Glorieuses; à ce moment-là, c'était ça..., ça existait déjà ».

Tony Andréani: On y revient, en mieux, parce qu'on gère autrement.

Pascale Fourier  : Parce que c'est quoi le triptyque, il y a des biens sociaux...

Tony Andréani: Il y a des biens sociaux, services publics. Ensuite il y a deux voies possibles. A mon avis, là encore, il faut marcher sur les deux jambes. La première est plus connue, c'est les entreprises publiques, semi-publiques plus exactement en général, semi-publiques.

Puis l'autre voie, ce sont les entreprises de type coopératif, structures socialisées, les entreprises socialisées.

Il reste l'immense domaine des biens privés où l'on peut évidemment guider d'une certaine façon, mais ce sont des biens privés et là, ce n'est pas à la puissance publique d'intervenir directement.

Il y aurait donc, il y aura - c'est pour ça que ce serait un nouveau socialisme - deux secteurs. Un premier secteur, finalement assez classique, mais revu et corrigé, c'est-à-dire un secteur d'entreprises publiques ou plus exactement, plus généralement semi-publiques. Il faut sortir de ce dogme, n'est-ce pas, que l'entreprise privée marche toujours mieux que l'entreprise publique.

Quel sont ses avantages ? Du point de vue de la stabilité, de l'actionnariat, de la participation des salariés, de la gestion bien sûr. Ensuite il faudra parler de ses modes de financement. Est-ce que c'est l'État qui finance ? Est-ce qu'il y a d'autres modes de financements possibles ? En définitive, comment c'est géré ? Au niveau des conseils d'administration, comment c'est contrôlé ? Voilà tout un champ possible. Est-ce que c'est du socialisme ? On pourrait appeler ça du « capitalisme d'État », mais il y aurait quand même des différences importantes, notamment au niveau de la participation des salariés à la gestion.

L'autre secteur qui est un secteur évidemment plus nouveau, et c'est là que j'ai essayé de faire des propositions en m'inspirant de nombreux travaux, ce serait le secteur que j'ai appelé « socialisé ». Comment le définir en deux mots ? C'est un secteur à base de coopératives, mais ce ne sont quand même pas des coopératives entièrement autogérées. Ce sont des coopératives plus exactement gérées par les travailleurs, mais pas possédées par les travailleurs, ou seulement en partie par les travailleurs. Et là, nous entrons dans un monde tout à fait différent, c'est-à-dire un monde où on ne fait plus du tout appel aux marchés financiers, on ne va plus sur les marchés financiers, il n'y a plus d'actions, il n'y a plus de cotations en bourse, il n'y a rien de tel. C'est un monde qui, à nouveau, est financé à travers des banques, elles-mêmes coopératives, des banques qui sont elles-mêmes contrôlées par un fond public de financement. La logique est complètement différente

La logique, ce n'est plus, si vous voulez, une logique où on essaie de maximiser les revenus du capital, une logique où c'est le capital qui embauche le travail. C'est la logique inverse, c'est le travail qui embauche le capital et qui le rémunère. Le principe, c'est plutôt maximiser les revenus du travail, une fois que naturellement vous payez des intérêts, les crédits, une fois que vous avez payé les taxes, les impôts, etc.

Là, nous entrons dans quelque chose de nouveau. Ce quelque chose de nouveau, ce n'est pas quelque chose d'imaginaire ou complètement imaginaire. Il y a toutes sortes de modèles qui ont été proposés par la littérature anglo-saxonne, qui est très intéressante, et pratiquement pas connue en France. Mais nous avons aussi des réalités concrètes sous les yeux sur lesquelles nous pouvons réfléchir et qui nous donnent des idées.

Je pense par exemple au financement solidaire. Le financement solidaire, c'est quand même très intéressant parce qu'on finance des gens qui n'ont pas d'argent, mais on finance en prenant un certain nombre de précautions. Il y a aussi une mutualisation d'un certain nombre de services, de moyens, etc.

Une autre source d'inspiration, ce sont des réseaux de coopératives. En France il y a le réseau des SCOOP, mais il faut dire que c'est un réseau extrêmement large, très faible. Nous avons un grand groupe coopératif en Espagne, qui s'appelle Mondragon, qui est un groupe pratiquement de la taille des grandes entreprises multinationales, qui, d'ailleurs, est implanté à l'international et qui repose sur la démocratie d'entreprise, et où il y a toutes sortes d'institutions qui sont intéressantes, qui peuvent nous montrer comment fonctionnerait, non plus un groupe, mais l'ensemble d'un secteur. En gros, l'idée générale, c'est l'idée d'une socialisation et de l'investissement, et de l'information, et du conseil, et d'un certain nombre de services communs, etc.

Alors, on ne part pas de rien, c'est à créer, c'est difficile, parce que, évidemment il s'agit d'aller vers de petites entreprises mais aussi vers de très grandes entreprises. Mais à mon avis, c'est peut-être le défi de l'avenir.

Pascale Fourier  : Est-ce que ça veut dire que le coiffeur en bas de chez moi va être obligé de devenir une entreprise publique ou semi-publique, ou de tourner en coopérative ?

Tony Andréani: Pas du tout ! Lui, il reste dans le secteur privé, il n'y aurait aucun intérêt... Pour qu'il y ait une coopérative, il faut qu'il y ait du monde, il faut une assemblée générale. Votre coiffeur n'en a pas besoin... Quantité de petites entreprises resteront dans le secteur privé. Et même, je pense que, dans ce socialisme, il restera un secteur capitaliste, il ne va pas disparaître comme ça par enchantement. Et d'une certaine façon - bien sûr on pourrait lui couper les ailes - mais est-ce que c'est souhaitable ? Non, il vaut mieux que, à condition qu'il soit soumis à un certain nombre de conditions sociales, fiscales, etc., améliorées par rapport à celles d'aujourd'hui, il vaut mieux qu'il subsiste et qu'il serve en quelque sorte de compétiteurs ou de co-challenger, comme on dit aujourd'hui, pour le secteur semi-public, pour le secteur socialisé.

Voilà. Donc mon idée générale, c'est qu'il n'y a pas de solution unique. Il faut essayer plusieurs choses à la fois. Effectivement, une réforme radicale du capitalisme est plus que souhaitable. Mais ça ne suffit pas. Ça ne répond pas à ce que nous disions, c'est-à-dire au besoin de démocratie - la démocratie c'est quand même la grande ambition, le grand espoir de la plupart des gens, qui sont déçus, mais enfin c'est ce qu'ils veulent, c'est ce qu'ils cherchent. Ça ne suffit pas. Donc voilà. On peut faire mieux, dans un secteur semi-public. On peut faire encore mieux dans un secteur socialisé. Et ça nous donnerait une image d'un socialisme de demain.

Pascale Fourier  : Eh oui ! c'était Des Sous ... et des Hommes en compagnie de Tony Andreani. Alors Tony Andreani, je le rappelle est professeur émérite de Sciences Politiques à Paris VIII et il a écrit un livre, dont je ne peux que vous recommander la lecture, qui s'appelle Le socialisme est à venir. Il est en deux tomes, on peut au moins lire le deuxième à défaut de lire les deux et, à l'intérieur du deuxième, je ne peux que vous recommander d'une façon encore plus spécifique l'introduction.
J'essaierai de mettre bientôt des textes de Tony Andreani, assez courts, sur mon site www.des-sous-et-des-hommes.org . Je lui en ai fait la demande, ça va bientôt arriver, je pense.

Voilà. La semaine prochaine, nous entendrons à nouveau Aurélien Bernier dont, décidément, j'apprécie énormément les propos. Il nous parlera de l'Europe et de la question environnementale.

Voilà, à la semaine prochaine.

 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 27Mai 2008 sur AligreFM. Merci d'avance.