Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION DU 20 FEVRIER 2007

Protectionnisme: réticences... et nécessité d'un protectionnisme européen

Avec Hakim El Karoui, auteur de « L'avenir d'une exception » aux éditions Flammarion.

 

Pascale Fourier : Et notre invité comme la semaine dernière sera Hakim El Karoui, qui a écrit « L'avenir d'une exception » aux éditions Flammarion. La semaine dernière, Hakim El Karoui nous avait expliqué ce qui d'après lui nécessitait la mise en place de formes de protectionnisme. Il développait notamment la thèse de l'émergence d'une troisième mondialisation qui avait pour conséquence que le libre-échange ne pouvait plus fonctionner si l'on considérait qu'il était censé être bénéfique à tous. Nous avions déjà vu les arguments que les partisans du libre échange pouvaient opposer aux partisans du protectionnisme, mais nous n'avions pas encore vu tout ce qui pouvait s'opposer à l'émergence pleine et entière de cette notion de protectionnisme nécessaire dans le débat public. C'est donc ce que je lui dit, pour introduire cette deuxième émission.


La semaine dernière, vous préconisiez un néo-protectionnisme européen. Nous avions essayé de voir ce qui pouvait s'y opposer, mais je pense que nous n'avions pas fait le tour. Juste à la fin vous aviez dit : " Est-ce que les salariés allemands vont se révolter à un moment ou à un autre ?"... Mais on pourrait se poser aussi la question pour la France....À la limite, la révolte, elle a déjà eu lieu, mais il n'y a toujours pas de réponse au niveau politique... Alors, qu'est-ce qu'on fait ?

Hakim El Karoui : Ecoutez. On est à quelques semaines des élections... Ça peut changer d'ici là, mais aujourd'hui tout le monde voit une victoire de Sarkozy assez large - certes les commentateurs ont quand même appris à se méfier des résultats des sondages pré-électoraux... Moi je pense que ça peut continuer... : on peut continuer à ne pas entendre ce que disent les gens. La révolte, elle est clairement dans les urnes. Elle s'est matérialisée en 2002. En 1995, 1997, d'une certaine manières on pouvait considérer qu'elle était déjà là. En 2007, il n'y a aucune raison qu'elle ne se matérialise pas d'une façon ou d'une autre. Alors, ce qu'il faut voir, après c'est un peu de la cuisine, mais 2007, l'architecture aujourd'hui de l'élection, c'est Sarkozy qui en fait est une addition de Chirac, Madelin, Boutin, 2002, et ça faisait 25 % des voix. Royal, c'est une addition de Jospin, Chevènement, Taubira, ça faisait 24 % des voix. Le troisième, Le Pen, il avait fait 16,8, il avait contre lui Megret; aujourd'hui, il a contre lui de Villiers - Megret avait pris 2 points, je pense que de Villiers ne fera pas plus: donc, il est structurellement à 17. Donc les grands partis se disent : " 25, 24, 17, en fait, on a la paix, on n'a pas de risque d'avoir un Le Pen au deuxième tour qui viendra nous embêter, et qui du coup va nous forcer à poser, ou à réfléchir à des solutions jusqu'à present interdites". Donc, en fait il y a eu un retour à la tranquillité politique, qui moi me semble extrêmement dangereuse, pour des raisons purement arithmétiques, sachant qu'en fait 2002 avaient été aussi créé, moins par une montée de Le Pen que par l'émiettement des candidatures. Et en fait, la montée n'était pas à l'extrême-droite, elle était à l'extrême-gauche, puisque l'extrême- gauche avait fait huit points de plus, ce qui était clairement considérable et ce qui était clairement un rejet de Jospin, qui était considéré comme n'étant pas à gauche.


Aujourd'hui, le positionnement de Le Pen, c'est de dire qu'il est au centre-droit - les déclarations de Sarkozy sont clairement plus anti-immigré que lui.... - sauf qu'il a son fonds de commerce xénophobe... Il fait donc une campagne extrêmement habile, où il réussit à incarner l'anti-système, ni de droite ni de gauche - alors qu'il est clairement xénophobe. Normalement il y a tout pour qu'il continue à monter.


Bayrou a fait exactement la même analyse que lui. Lui n'est pas sur la xénophobie, mais il est exactement sur l'anti-système, avec un programme qui, par contre, reste archi-conforme. Donc, Bayrou lui aussi a une chance d'augmenter - il avait fait 7 en 2002 - qui est relativement importante.
Mais d'une certaine manière on peut considérer que, peut-être que les deux partis majoritaires peuvent s'en tirer, et que donc il ne va rien se passer.

Après il y a plusieurs solutions. Soit il y a une cohabitation: le coup d'après, les Français disent : " Mais attendez, on n'a pas élu un président parce qu'on croyait en lui, on a élu un président parce que, finalement, on n'avait pas le choix. Et on n'a pas réussi à être suffisamment nombreux pour dire : "Stop, arrêtez les frais". ". Donc, on peut imaginer une cohabitation. On peut imaginer aussi un blocage total du pays, très rapidement après l'élection, même si je pense que si c'est Sarkozy, les gens vont être un peu groggys. Donc il va faire passer trois, quatre mesures très très vite : la limitation du droit de grève, éventuellement une évolution du contrat de travail, etc. Et puis, comme lui il joue un peu les uns contre les autres, il dira : " Il faut une autorité très très forte pour permettre la cohésion du pays". Et ça c'est clairement un des problèmes aujourd'hui de la France. Mais fondamentalement dans ce cas de figure-là, personne ne répond aux besoins de protection des salariés, encore une fois, des milieux populaires, mais aujourd'hui de la classe moyenne, avec cette évolution extraordinaire de 2005, de l'alliance politique entre la classe moyenne et les milieux populaires contre leur élite puisque tous les partis avaient appelé à voter Oui - et on se rend compte qu'une majorité de la classe moyenne du privé et une majorité de la classe moyenne du public, à voter contre le traité pour des raisons complètement différentes ( elle a voté en fait avec les électeurs qui eux ont voté Non déjàà Maastricht)

On peut continuer à ne pas entendre; après, on peut aussi considérer qu'on est en train de changer de système politique. Aristote disait qu'après la démocratie, il y a l'oligarchie. Peut-être qu' Aristote avait raison...

Pascale Fourier : Vous aviez l'air de dire tout à l'heure que, finalement, peu d'hommes politiques seraient prompts à reprendre la thématique du néoprotectionnisme. Il semblerait que les médias eux-mêmes aient quelque tendanceà vilipender cette thématique: quand j'ai écouté M. Raffarin parler à la radio, on sentait les grands yeux qu'en face faisait le journaliste de France Inter, les interrogations étonnés qu'il pouvait avoir...

Hakim El Karoui : Sur les politiques, je n'ai pas été aussi catégorique. Si on regarde six mois en arrière et aujourd'hui, on se rend compte qu'en fait aujourd'hui tous les politiques sérieux parlent de préférence européenne, d'une forme de protectionnisme. Donc le débat a quand même largement évolué.

L'autre chose qui se passe, on en reparlera peut-être, c'est le débat aux États-Unis. Les démocrates ont gagné l'élection de mi-terme, avec deux thèmes : la contestation de ce qui se passait en Irak et le protectionnisme commercial. La place des États-Unis est importante quand même dans les débats européens: quand il y a un sujet aux États-Unis, ça permet aussi d'expliquer aux politiques français qu'il y a peut-être un sujet en Europe puisqu'après tout les systèmes économiques ne sont pas si différents que ça. Et moi, je l'ai vu avec des rencontres privées: il y a vraiment un intérêt très important des politiques pour cette idée. Sauf qu'en fait, personne n'a vraiment franchi le pas. Tout le monde en parle maintenant, ce n'était pas le cas avant; mais personne ne dit que ça doit être central, ce qu'il faut faire. Personne n'a pris le thème en l'étendard, ce que je trouve dommage, mais après tout, c'est le débat aussi...

Là où il y a le plus de difficultés, c'est avec les médias. Parce que la différence entre les journalistes et les politiques, c'est que les politiques, il faut qu'ils aient quelque chose à raconter à leurs électeurs qui leur disent que leur salaire n'augmente pas, que leur boîte va délocaliser, qu'ils voient de plus en plus de produits qui viennent de loin et qui sont largement aussi compétitifs que les leurs même quand il y a une forte valeur ajoutée etc.

On parle souvent des "salariés protégés" et les protégés, c'est évidemment les fonctionnaires qui sont des nantis, c'est bien connu. Je pense que c'est un tout petit peu plus complexe que ça. Le jour où il y aura un journaliste chinois qui pourra contester la place d'un journaliste du Monde parce qu' il sera aussi bon que lui et qu'il sera payé dix fois moins cher, je pense que peut-être alors les journalistes du Monde se rendront compte que le monde a changé... Jusqu'à présent, ils ne s'en rendent pas compte, parce que ce sont les premiers protégés. D'ailleurs, les politiques aussi sont assez protégées. La concurrence internationale, ils ne connaissent pas. Même aux élections européennes : il peut y avoir des élus européens, mais en gros ça marche pas... Ce sont c'est deux exemples un peu caricaturaux, mais en même temps, ce sont eux qui tiennent une bonne partie du débat alors que d'une certaine manière ils ne vivent pas ces problèmes-là. Et, je crois qu'il y a un vrai clivage entre ceux qui vivent ces sujets-là, et puis ceux qui les regarde.

Dans les médias, il y a beaucoup de problèmes. D'abord il y a probablement une forme d'inculture. Les médias répètent ce qui se dit. Je crois qu'il y a un vrai problème de classe, pas forcément de lutte des classes, mais il y a une organisation où il y a un politiquement correct qui est européen, qui se traduit en France par plusieurs aspects : il faut cracher sur la France en disant qu'on est vraiment fini; considérer que les Français sont ringard; considérer qu'ils sont incapables de s'adapter à l'économie de marché - alors qu'on est quand même la quatrième économie du monde, que nos grandes entreprises ont fait des évolutions assez extraordinaires! Et comme ça, il y a dans le dans le dogme , le mot "libre-échange".


D'ailleurs, c'est intéressant, mais quand on parle de protectionnisme en France, on dit toujours « la tentation protectionniste ». C'est vraiment un syntagme figé, qui dit bien que c'est un tabou, soit sexuel, soit religieux. C'est un péché aujourd'hui de penser au protectionnisme. Encore une fois, il s'agit juste de régulation commerciale. Moi, ça me fait sourire.... Alors on peut utiliser d'autres mots pour être moins vigoureux : on peut parler de "souveraineté", on peut parler de "régulation", etc. Mais bon, c'est bien de protectionnisme que l'on parle !

Donc, oui, il y a un problème avec les médias. Est-ce qu'il est insurmontable ? Je ne crois pas. À partir du moment où on explique assez sereinement ce que ça veut dire. Il y a ceux qui sont pour, il y a ceux qui sont contre, c'est normal: mais derrière, il faut savoir qu'il y a une vraie vision de la société. Le problème, c'est de mettre le thème dans le débat, pour qu'on puisse en parler sereinement. Et c'est vrai que c'est très difficile, et c'est pour cela que des gens comme Emmanuel Todd sont importants, parce qu'ils ont une vraie crédibilité, une vraie frappe médiatique, et qu'ils peuvent amener certains à se poser des questions qui jusqu'à présent étaient interdites.

Pascale Fourier : Justement, quand on parle de protectionnisme... ça veut dire quoi? On met des barbelés tout autour des frontières, c'est aussi horrible que ça ?

Hakim El Karoui : En fait, il y a trois types de protectionnisme, trois modes d'application, puisque "protectionnisme", c'est par rapport à des mouvements et existent des mouvements commerciaux, des mouvements de capitaux, et des mouvements des hommes.

L'Europe, la France, pratique le protectionnisme migratoire sans aucune vergogne, de façon de plus en plus importante, depuis 30 ans maintenant. Quand on dit : "Vous êtes protectionnistes ! ", ils répondent : "Non ! Jamais! Libre-échange", etc". Non, regardez ce qui est fait en matière de flux migratoires.... On est très très protectionniste en France et en Europe, et on est très fier !

Ensuite il y a le protectionnisme financier, qu'on confond souvent avec le protectionnisme commercial. Le protectionnisme financier, c'est quand par exemple les Américains disent : " Il y a la gestion des ports américains qui peut être acheté par l'émirat de Dubaï, surtout pas, c'est dangereux, c'est des Arabes, c'est des terroristes, notre sécurité nationale... Donc non". Ou quand une entreprise chinoise veut racheter une entreprise de pétrole américaine: c'est cassé au Congrès... Ils sont très efficaces d'ailleurs pour mettre des barrières stratégiques. Ça, c'est du protectionnisme financier. On considère qu'il ne faut pas qu'il y ait appropriation des moyens des entreprises par des entreprises qui viennent d'autres régions du monde. Moi, j'y suis très hostile, sauf dans certains secteurs stratégiques. Pour une raison simple, c'est que l'argent n'a pas d'odeur et à partir du moment où on investit dans une zone géographique, on apporte du capital, on joue avec les mêmes règles du jeu que les autres, on rapporte du travail. Et dans l'Histoire, après on peut considérer qu'il y a des rapports de force, mais le protectionnisme tel que je l'envisage, ce n'est pas de laisser les Chinois dans la difficulté, de les empêcher de se développer. Non. C'est tenir compte des nouvelles évolutions, et surtout de redonner un petit peu d'espoir aux milieux populaires et aux classes moyenne. Donc ce protectionnisme financier, a priori non.

Et puis, il y a le protectionnisme commercial, qui peut prendre des formes assez différentes, qui peut être direct ou indirect. La forme la plus simple, qui ne me semble plus tout à fait adaptés, c'est de dire qu'on va faire un "tarif extérieur commun", c'està-dire qu'on va taxer les importations de produits qui sont non-européens. Pourquoi ça ne marche pas ? Parce que ça amène à taxer les produits qui viennent de Norvège par exemple ou des États-Unis, sans qu'il y ait de vraies raisons économiques. Et puis, si on fait un tarif pour toutes les importations, on va taxer le pétrole: c'est une absurdité absolue.


Donc, il faut avoir un petit peu de finesse, et une façon d'avoir de la finesse, et de bien piloter ça, c'est de faire du contingentement commercial. C'est-à-dire de dire par exemple: "On autorise l'importation de tant de dizaines de milliers de véhicules" - ce qu'on avait fait en Europe dans les années 80 et au début des années 90, à la demande de Mme Thatcher, quand l'automobile britannique était en train de se déliter du fait de la très forte compétitivité de l'automobile japonaise ( ça a permis aux Japonais de venir investir en Grande-Bretagne. Aujourd'hui, ça n'a pas sauvé une automobile britannique, mais ça a sauvé une partie de l'industrie automobile en Grande-Bretagne puisque ce qui reste comme industrie automobile en Grande-Bretagne aujourd'hui c'est japonais). Donc le contingentement, c'est une forme intéressante. C'est ce que propose Maurice Allais, prix Nobel d'économie français, le seul, vivant, même s' il est très âgé.


Une autre forme, c'est de dire qu'il y a clairement des pratiques de dumping dans certains pays et que donc il faut faire des taxes antidumpings, qui là aussi peuvent être très efficace. Il y a une taxe européennede 47 % je crois sur les vélos chinois, qui fait qu'aujourd'hui il y a 70 % de la production de vélo en Europe qui est européenne. Alors on peut considérer que ce n'est pas la vocation des Européens de produire des vélos, sauf que ça permet aux Européens de continuer à travailler dans l'industrie du vélo. Donc, ça a une forme d'efficacité.


On peut dire que la taxe environnementale, la "taxe carbone" dont parlait Villepin, c'est une forme de protectionnisme environnemental indirect.

On peut jouer aussi sur les normes. Les Chinois sont extrêmement bons pour faire des normes chinoises, en disant par exemple qu'ils ont maintenant le premier marché présent dans les télécoms, et qu'il faut que nous nous adaptions à leurs normes - et non eux à nos normes. Pourquoi pas? Encore une fois, c'est un vrai rapport de forces. On peut donc considérer que, sur un certain nombre de produits, on met des barrières non tarifaires qui vont faire qu'en fait il n'y aura qu'en Europe qu'on saura faire ce type de produit. Et donc on relocalise la production.

Donc vous voyez, il y a des moyens juridiques, des moyens vraiment commerciaux, éventuellement des moyens financiers, qui peuvent permettre de mieux réguler le commerce international. Sachant que l'OMC n'est vraiment pas le bon outil, puisque l'OMC est dans une logique où il faut faire le maximum de libre-échange - c'est sa mission dernière, et c'est même sa fin dernière ! Donc il ne faut pas compter sur l'OMC.

Pascale Fourier : On pourrait aussi reprocher à cette vision des choses de faire de l'Europe une espèce de forteresse qui n'en aurait rien à faire des pays du Tiers-Monde en particulier...

Hakim El Karoui : Oui. Alors ça, c'est une vraie question. Je pense qu'on peut y répondre assez facilement.

D'abord, encore une fois, aujourd'hui, on a fait de l'Europe une forteresse migratoire. Et personne ne revendique, personne ne dit qu'il faut arrêter avec cette partaique... enfin il y a de belles âmes, mais ça me choque pas - alors que moi, je trouve, sur le plan moral c'est beaucoup plus gênant.

Ensuite, si je prends encore l'exemple de la Chine... La Chine aujourd'hui a un modèle économique et politique qui est fondé sur une double réalité : un parti unique autoritaire qui contrôle l'ensemble du système, et un système économique qui est tourné complètement vers l'exportation, qui fait sa croissance uniquement vers l'exportation - enfin, je caricature un peu, je schématise, mais en gros, c'est ça. On peut dire aux Chinois: "Ecoutez, vous ne respectez pas les règles de l'économie de marché, vous ne respectez pas la propriété intellectuelle, et puis en fait votre réalité, votre nombre etc. fait que le système des avantages comparatifs ne fonctionne plus. Donc, il faut rééquilibrer tout ça. Et pour rééquilibrer tout ça, vous avez quand même une solution. Quand on produit, il faut vendre, et, pour vendre, il faut qu'il y ait un marché". Le marché des Chinois aujourd'hui, c'est les pays développés, et l'Afrique - puisque les Chinois sont en train de faire énormément de mal en Afrique.... Donc on peut très bien leur dire: "Ecoutez, on va rééquilibrer les échanges entre taxant, d'une façon ou d'une autre, vos produits. Mais en échange, d'abord, vous allez développer votre marché intérieur, parce que vous allez jouer un petit peu mieux les règles du jeu du capitalisme, protégez vos salariés à vous, qui vont du coup épargner un peu moins, consommer plus et donc développer votre marché intérieur". Et ensuite, on peut aller jusqu'à proposer des solutions où le montant des taxes collectées en Europe serait reversé aux Chinois, soit en fonction de leur évolution sociale, de leur évolution environnementale, soit de leur capacité à acheter des produits européens. Il ne doit pas y avoir la suspicion que nous sommes égoïstes et que l'on souhaite empêcher le développement des chinois par exemple.

Et puis enfin, aujourd'hui on fait du protectionnisme en matière agricole: c'est pour ça qu'il y a encore une agriculture en Europe. Alors le libre échange n'est pas la cause de tous les maux, de la perte d'emploi, etc. Le progrès technique a une part très importante dans l'augmentation du chômage: ça se voit très bien en matière agricole puisqu'on a protégé l'agriculture et que ça n'a pas du tout nui à sa productivité. Contrairement à ce que disent tous les partisans du libre-échange, le protectionnisme ne nuit pas à la productivité quand on a une certaine taille des marchés. Par contre, le progrès technique a fait que le nombre d'emplois a considérablement baissé. Mais, aujourd'hui, il y a des arbitrages à faire. On ferme nos frontières agricoles pour protéger les agriculteurs. On peut très bien ouvrir dans certains cas nos frontières agricoles pour permettre des importations de produits qui viennent de pays très pauvres. On peut aussi fermer nos frontières industrielles, pour permettre à l'industrie française et européenne de continuer à se développer. Et, là aussi ce n'est pas une fin en soi on peut permettre la migration des salariés.

Mais, aujourd'hui, en fait, moi je crois que la question, c'est le temps Aujourd'hui, ça va trop vite. Il me semble que c'est ce que disent les Français. Et, soit on les entend, soit on ne les entend pas. Et, si on ne les entend pas, ça risque de mal finir.

Pascale Fourier : C'était Des Sous Et Des Hommes, en compagnie de Hakim El Karoui. Je vous redonne le titre du livre vraiment remarquable qu'il a écrit: il s'appelle « L'avenir d'une exception », aux éditions Flammarion. Je vous rappelle aussi le site qu'il anime www.protectionnisme.eu .
Voilà. À la semaine prochaine.


 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 20 Février 2007 sur AligreFM. Merci d'avance.