Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION DU 28 FEVRIER 2006

Le droit du Travail: complexe, obsolète??

Avec Gérard Filoche, inspecteur du travail et membre du Parti Socialiste.

 

Pascale Fourier : Visiblement, un certain nombre d'attaques sont menées actuellement contre le droit du travail. Comment s'est-il construit? Comment on en est arrivé au CDD, CDI... enfin CDI d'abord ?


Gérard Filoche
 : La construction du code du travail, c'est une bataille sur des décennies, sur presque un siècle. La bataille portait sur le fait que le contrat de celui qui n'avait que sa force de travail à vendre soit respecté, qu'il ait sa dignité, qu'il ait un salaire décent, des conditions de travail décentes et qui lui permettent d'avoir une protection sociale tout au long de la vie.
Alors aujourd'hui, c'est vrai que le Code du travail comporte 3151 articles. On nous dit qu'il est trop compliqué. Vous savez, ce sont les mêmes qui nous ont défendu la Constitution l'année dernière: il ne la trouvait pas trop compliquée... Là, ils trouvent que le Code est trop compliqué. En fait, il y a dix articles essentiels, ceux qui passent devant les prud’hommes: la naissance du contrat, la gestion du contrat, le licenciement, les durées de travail, les heures sup', et puis certains points sur les institutions représentatives du personnel. Il n'est pas trop compliqué en vérité. Mais le code du travail est plein de niches qui ont été bâties, par décennies, par des avancées par des grèves, des mouvements sociaux etc. Il n'est pas très protecteur; il l'est un peu. C'est la contrepartie de la subordination que subit chaque salarié dans son exploitation quotidienne. Et donc le travailleur trouve des droits et une dignité dedans.

Ils veulent le réécrire et mettre tout ça à bas. Ils disent que ça va être à droit constant: en vérité, ce sera à droit dégradé ! Ils ils veulent remettre en cause le C. D. I. qui en fait assure une certaine stabilité de l'emploi, tel qu'il est conçu: au fur et à mesure que le temps passe, on a plus d'indemnités de licenciement, on a des primes d'ancienneté, et on se sent mieux protégé, plus établi. C'est quand même normal ! Quand vous travaillez dix ans, vingt ans pour un patron, vous n'avez pas intérêt à vous faire virer au bout de vingt-cinq ans et à repartir à la case zéro. C'est inhumain comme situation ! Mais pourtant, c'est ce dont ils rêvent. Comme je le disais, ils attaquent le CDI par tous les bouts:le début avec le CPE; la fin avec les emplois un vieux qu'ils sont en train de mettre en place. Il faut faciliter les licenciements et faire que ce soit avec le moins de motifs possibles!! On dira même qu'une entreprise pourra, même quand elle fait des bénéfices, licencier puisque se serait pour améliorer sa productivité, sa compétitivité. En fait on réduirait, peu à peu, sous la menace de licenciement, avec l'épée de Damoclès de l'ANPE sous la gorge, les capacités de défense du salariés pour vendre sa force de travail. C'est ça, l'opération de rénovation, simplification, « modernisation » comme ils disent, du Code du travail, et de la commission que le Parlement et l'UMP a mise en place.


Pascale Fourier : J'ai cru lire, dans un de vos écrits d'ailleurs, que le CDI avait été « inventé » en 1945, à la Libération :ça a un lien avec le Programme National de la Résistance ?

Gérard Filoche : La mise en place du CDI, en fait, est une construction plus complexe: elle prend un siècle en vérité avec tous les droits qui sont autour: non-discrimination d'embauche, non-discrimination contre les syndicalistes, protection face à la maladie, face aux accidents du travail, possibilité de se retirer dans des situation de danger et protection contre le licenciement, garantie de salaire minimum. C'est un ensemble qui s'est construit dans le temps et qui assure le statut du salarié. Il faut comprendre que pour la droite, le patronat, c'est un statut maintenant très préoccupant. Au début du XXe siècle, il n'y avait 3 millions de salariés; en 1945, 1 actif sur 2 était salarié; et aujourd'hui 9 actifs sur 10 sont salariés. C'est-à-dire que le CDI est devenu la norme. C'est un statut pour 16 millions de salariés du privé... Existe à côté un autre statut un petit peu plus solide pour les 5 millions de la fonction publique.

Evidemment, si on touche à ça, on touche à tout, c'est décisif! Le salariat est maintenant majoritaire, et d'une façon écrasante. Les professions libérales, les professions intermédiaires, les salariés indépendants, les artisans, les commerçants, tout cela ne représente plus qu’un actif sur dix. C'est pour cela que ça a une telle importance, que c'est si important de s’attaquer au CDI puisqu'on fait reculer les droits de tous ceux qui produisent. Et c'est bien les salariés qui produisent! Certains disent parfois qu'une entreprise c'est un chef, des produits, des clients. Qu’est-ce que c'est un employeur sans salariés ? Ce n'est rien!! Un jour, on m’a dit que le patron de L'Oréal certes est parti avec 600 millions pour sa retraite, mais qu'il fait vivre 50 000 salariés. Non! Ce sont 50 000 salariés qui le font vivre. Je tiens à remettre les choses à l'endroit!! Le salariat est donc une force économique, sociale tout à fait décisive.

En fait, en touchant le C. D. I. aujourd'hui, comme le fait le trio Chirac- Villepin-Sarkozy, on touche à l'essentiel. Ils veulent enlever ce qui constitue des garanties collectives. D'ailleurs, Mme Parisot, pour le MEDEF, le dit très bien : elle ne veut plus par exemple de durée légale du travail. Le MEDEF a reculé en 10 ans: avant, il défendait le contrat collectif contre la loi en disant : « Laissez-nous négocier », mais maintenant, il ne veut même plus le contrat collectif. Ils ne veulent plus négocier. Ils défendent le contrat individuel, c'est-à-dire de gré à gré, entre l'employeur et le salarié. Et de temps en temps, ils essaient même de remettre en cause le lien de subordination qui caractérise le contrat de travail, en disant que nous sommes tous à égalité, que le salarié signe librement avec son employeur et qu'ensuite il suit librement la règle.... C'est la loi qu'avait faite
M. Fillon en 2004 et qui disait qu'on pouvait renverser en quelque sorte les hiérarchies des sources du droit du travail, c'est-à-dire qu'un accord d'entreprise pouvait déroger à un accord de branche, qui pouvait déroger à un accord interprofessionnel, et éventuellement pouvait déroger à des lois, quand celles-ci le prévoyaient. C'était la mise à mal de l'ordre public social.

Ils ne veulent pas que les lois de la République l'emportent sur le marché. Ils veulent que le marché de l'emportent contre les lois de la République. Ils ne veulent plus d'État de droit dans l'entreprise, ils veulent que ça soit totalement sous le contrôle de l'employeur. C'est un ensemble! Et c'est pour ça qu'ils veulent démanteler le Code du travail comme ils sont en train de le faire.


Pascale Fourier : Moi je veux bien qu'il y ait énormément de protection des salariés par l'intermédiaire du Code du travail . Mais enfin, il y a quand même la réalité du monde actuel ! Un monde qui est fait de concurrence, dans lequel il faut être compétitif! Si les salariés français sont les seuls à garder une sorte de contrat dans lequel on est obligé de les garder la vie, si quand on les licencie, on est obligé de leur donner des indemnités énormes, jamais la France ne pourra être assez compétitive ! Ey elle va donc perdre des emplois...

Gérard Filoche : Vous voulez tout niveler par le bas ? Vous voulez faire qu'on soit aligné sur le plus faible des statuts du monde, quel que soit l'endroit où il existe ? En gros, c'est une sorte de variante du principe du pays d'origine, que vous défendez. Le pays qui protège le moins son salarié, qui le fait travailler le plus longtemps, qui le paie le moins et qui lui donne le moins de retraite, c'est celui qui est le plus compétitif, c'est cela???!!!!

Mais un tel monde amène des catastrophes!! La France veut envoyer le Clémenceau en Inde: pourquoi ? Pas pour appliquer le principe du pays d'origine, parce que sinon ça voudrait dire qu'il faudrait payer là-bas les ouvriers indiens au prix français... Non, c'est pour avoir des esclaves qu'on peut amianter, et sans payer des Français qui eux sont capables de désamianter mais qui coûtent plus cher voilà. Vous vous rendez compte le monde qu'on a ! C'est le retour à Cro-Magnon, avant la révolution néolithique, c'est ça qui est en route !! Moi, j’aime le désamianteur indien, le plombier polonais, le chauffeur bulgare, le sidérurgiste tchèque, l'ouvrier du bâtiment letton, et le maçons portugais. Je les aime tellement que je veux que leur salaire monte sans que le nôtre baisse... Je préfère le faire progresser vers le haut, et non vers le bas. Aller vers du progrès et non pas vers Cro-Magnon, le 19e siècle. Je suis pour harmoniser les salaires, les droits sociaux et fiscaux vers le haut, en Europe comme dans le monde, à commencer par l'Europe. C'est pour ça que j'étais contre le projet de constitution ultralibérale qu'on nous a présenté l'année dernière, et que je suis contre la circulaire Bolkestein, directive qu'on nous a fait avaler, à peine atténuée, le 16 février dernier.


Pascale Fourier : J'étais en train de me dire que, décidément, ce Filoche, on ne peut même pas dire qu'il est socialiste, il est quasi extrémiste !! Rocard, lui, au moins, avait l'audace d'accepter de dire que le capitalisme a gagné, que les choses sont comme ça et qu'il faudrait que ses camarades socialistes en prennent acte. Vous vous n’avez pris acte de rien. Vous ne prenez pas acte de la vraie situation qui est celle qui existe actuellement, dans laquelle les frontières sont ouvertes, et où on est effectivement en concurrence. Vous pouvez aimer beaucoup ou pas le chauffeur polonais, mais la réalité du monde, c'est qu’il faut, à la limite, piquer le travail du chauffeur polonais...

Gérard Filoche : C'est extraordinaire. Moi, je suis un socialiste modéré ! Mais le discours ultralibéral, disons thatchérien et reaganien, est tellement puissant, que maintenant même les socialistes modérés passent pour être ultra gauche!! Je voudrais reprendre les choses. Vous parlez de Michel Rocard... Mais lui, il n'est plus pour les 35 heures, il n'est même plus pour une Europe fédérale.... il pense qu'on ne peut plus rien faire, en gros. A la fin du XIXe - début XXe siècle, il y avait plein de socialistes qui pensaient que le capitalisme avait gagné: ça ne les empêchait pas de se battre pour des revendications !! Les 3/8 par exemple, 8 heures de loisirs, 8 heures de repos, 8 heures de travail, des salaires minima etc.. Même ceux qui pensaient que le capitalisme avait gagné avaient des revendications. Le pire avec Michel Rocard, c'est qu'il pense que le capitalisme a gagné, mais qu'il n'a plus de revendications. Moi, j'en ai encore. Rien d'extraordinaire.... Je suis pour la retraite à 60 ans, je pense que la France peut se le payer, je suis même pour qu’elle soit à 55 ans dans les travaux pénibles. Je suis pour augmenter le SMIC. Je suis pour que la santé soit gratuite. Je suis pour que les services publics soient repris, ré-élargis, défendus et améliorés. Je suis pour l'école publique. Je suis contre la marchandisation du savoir. Et je suis contre le fait qu'on mette en concurrence les humains entre eux, en tirant sur le niveau du plus faible et en faisant la guerre de tous contre tous.

Vous savez, le socialisme, qu'est-ce que c'est aujourd'hui ? C'est vouloir un monde civilisé. Le libéralisme, qu'est-ce que c'est aujourd'hui ? C’est vouloir la guerre de tous contre tous, au nom de la compétition et de la concurrence. Les premiers progrès humains ont été faits quand on a régulé la concurrence et la compétition. Je vous en prie, écoutez-moi bien: je suis un socialiste très modéré. Ce qui est anormal, c'est que le discours médiatique, dans 90 % des cas, devienne si fou, si sectaire, si idéologique, si aberrant, que des propos de bon sens comme ceux que je tiens puissent être caractérisés comme vous l'avez indirectement fait.


Pascale Fourier : Encore une fois, de bons Services Publics, une protection sociale, un code du travail qui tient la route, c'est absolument antinomique avec la modernité !

Gérard Filoche : C'est le contraire ! Je vais vous dire quelque chose : c'est le droit du travail qui crée le droit au travail. C'est la réglementation qui crée de l'emploi et la déréglementation qui crée du chômage. Et je peux vous le prouver. Je prends une entreprise de nettoyage qui s'appelait Métroclair. Elle avait 145 salariés. Le patron trichait tellement qu'il faisait faire des heures supplémentaires à ces gens qui étaient dans des bureaux avant six heures du matin et dans des bureaux après six heures le soir. 280, 300 heures par mois, et il ne payait pas les heures supplémentaires. Si on laisse les choses aller, eh bien c'est ce qui se passera partout, il n'y aura plus de règle. Moi, j'étais là comme inspecteur. Je réussis à mettre la main sur le registre effectif des horaires parce qu'un des salariés me le donne. Et grâce à la loi, je mets le patron devant sa forfaiture. Je lui dit : «  Voilà combien d'heures supplémentaires vous n'avez pas payées; voilà combien de gens vous faites travailler au-delà de 48 heures, etc. etc. ». Et je lui dis: « Je vais vous faire un procès verbal avec des infractions, multiplié par le nombre de salariés, vous en avez 145, ceux-ci pourront aller au tribunal se plaindre, cinq ans en arrière, sur les heures supplémentaires impayés ». Le patron me dit: « Mais ne faites pas ça, M. l'inspecteur, je... je... je vais négocier ». Je dis: « Vous n'avez rien à négocier, vous êtes en infraction, vous êtes un délinquant! Il me dit: « Si, si, je vais négocier, je vais embaucher ». Et il y a effectivement embaucher 55 personnes pour se mettre en règle avec la loi, c'est-à-dire qu'ils sont passés de 145 à 200. Je vous le dis, c'est la réglementation qui crée de l'emploi. Plus vous allez tirer sur la longe et faire travailler les gens 300 heures, vous dites quoi, que ça va favoriser la relance ? Mais pas du tout, ça va favoriser deux chômeurs derrière, parce que quelqu'un qui est flexible, incroyablement flexible, eh bien il travaille deux fois plus, à la place de quelqu'un qui n'a pas de boulot. Vous remarquerez que les patrons n'ont que le mot flexibilité à la bouche..... Mais quand il s'agit de payer, ils sont d'une rigidité absolue !!! Donc, il faut quand même remettre les choses à leur place.

Je vous le dis, moi : vive le Code du travail ! Quand Mme Parisot dit : "La liberté commence là où s'arrête le Code du travail", on se demande si c'est possible d'entendre des choses pareilles. Appliquez donc ça au code de la route!! Vous aurez 10 000 morts le lendemain... Appliquez ce que dit Mme Parisot au Code du travail et vous aurez 200, 300, 400 000 chômeurs de plus le lendemain. C'est le même principe.

Vive le droit, vive l'état de droit dans l'entreprise. À bas les tricheurs, les fraudeurs, les exploiteurs, les actionnaires qui s'enrichissent en dormant. Il faut répartir. On est dans un monde qui doit être humain, pas dans un monde de sauvagerie. Et ceux qui aujourd'hui vous font des principes d'économie sauvage sont effectivement ceux qui sont vraiment archaïques.


Pascale Fourier : Vous n'arrêtez pas de revenir le mot MEDEF. Est-ce que ce qui est en train de se passer actuellement a à voir, avec quelque chose dont on n'entend plus du tout parler mais dont on a beaucoup entendu parler il y a quelques années, la « Refondation sociale », ce concept merveilleux que ce permettait d'utiliser ce syndicat patronal? Il voulait faire une « Refondation sociale », refondre la société.... Ça a un lien ?

Gérard Filoche : Oui, bien sûr, ça a à voir. Nous avions fait une émission à ce sujet, mais le MEDEF est la puissance qui dirige ce pays: ce sont les cent entreprises du CAC 40, les mille entreprises de plus de 1000 salariés, qui font 48 % du produit intérieur brut, la puissance économique. Ceux-là n'en ont jamais assez. Ils veulent augmenter en permanence leurs marges. Ils disent que c'est le coût du travail qu'il faut baisser. Mais, le travail n'est pas un coût, c'est une richesse ! Ce qui coûte cher, c'est ce que le capital prend au travail. Et il prend de plus en plus. Et donc, ces gens-là organisent la pression,. Par l'intermédiaire du gouvernement - ce sont leurs hommes ! - , ils s'efforcent de cantonner les revendications salariales, les aspirations de ceux d'en bas, de ceux qui produisent des richesses, à vivre décemment. C'est une opposition classique. Le salariat n’a que sa force de travail à vendre, il cherche normalement à la vendre au prix le plus élevé possible. Le capital et le patronat cherchent à ce qu'elle soit vendue le plus bas possible. Et tous les instruments de chantage, de propagande, toutes les batailles idéologiques sont subordonnées à cet objectif. M. Kessler, qui était le second de M. Seillière, avait inventé une théorie sur les risquophiles et les risquophobes. Les risquophiles, ceux qui aimaient le risque, c'était les entrepreneurs, ces pionniers modernes qui challengent, qui défient, qui construisent, qui inventent, qui innovent ! Les risquophobes, c'étaient les salariés crispés sur leurs acquis, frigorifiés, et puis arc-boutés sur des syndicats archaïques. Voilà les deux visions du monde.

Paradoxalement, pourtant, tout ce qu'ils demandent en général, sur le plan politique, sur le plan économique etc., c'est de sécuriser les employeurs et de précariser les salariés. C'est un peu paradoxal, mais c'est ça le fond de leur effort. Ils ont fait un rapport, qui a été fait par M. de Virville, qui était un ancien D. R. H. de Renault, qui d'ailleurs avaient été condamné parce qu'il prenait des intérimaires sur des emplois permanents, et il a été condamné en première instance, en deuxième instance, à la cour de cassation. C'est à lui qu'on a confié le soin de proposer des pistes de réécriture du Code du travail. C'est comme si vous demandiez à M. Juppé le soin de faire une loi pour réformer les abus de biens sociaux. Vous voyez le genre ! Donc, monsieur de Virville a travaillé pour M. Fillon, M. Raffarin, et maintenant, M. Larcher et M. de Villepin, en gros pour le MEDEF. Il a fait 64 mesures, qui sont tout aussi réactionnaires les unes que les autres. En fait, je peux vous les résumer, c'est : moins de lois, moins de juges, moins de syndicats, moins d'institutions représentatives du personnel, moins de convention collective. C'est ça. Pour revenir au gré à gré, aux loueurs de bras, en tête-à-tête avec son employeur, soumis. Et c'est l'orientation générale que le MEDEF veut faire prendre, dans la réécriture actuelle du Code du travail.

Pascale Fourier : Dans leur projet de Refondation sociale que l'on pouvait lire sur le site du MEDEF, ça fonctionnait par dossier: il y avait la Refondation sociale, le droit du travail, la formation professionnelle. Ils cachaient leurs billes pendant un temps: un dossier était ouvert, pas l'autre. Un dossoer était finalement ouvert peu de temps avant que la mesure soit proposée à plus haut niveaux....

Gérard Filoche : Vous avez raison. Je crois qu'ils avaient vu neuf thèmes à l'époque. Ils ont dû en achever trois ou quatre. Ils n’avaient pas pu faire le Code du travail. Ca se passait sous la gauche: ce projet s'est étalé, si mes souvenirs sont bons, entre 1998 et 2002. Mais ce qu'ils n'ont pas pu faire sous la gauche, ils le font avec la droite. D'ailleurs, je voudrais, moi, à l'avenir, une gauche aussi fidèle aux salariés que la droite est fidèle au patronat. Ça nous changerait... Parce que quand je regarde les œuvres successives de Raffarin, Villepin et Fillon, Larcher, il n'y a pas photo: eux, ils mettent en pratique les choses ! Ils ont supprimé le registre de l'inspection du travail dans les entreprises; ils ont refait par décret la façon dont doit être écrit un bulletin de paye - au lieu de vint-et-une lignes, il ne devrait plus y en avoir que sept; ils ont modifié les normes comptable avec les Frsi FRs qui permettent d'avoir une comptabilité au plus près d'établissements - comme ça, on ne peut pas renvoyer au groupe, faire une comptabilité et vérifier qu'il y a ou non motif à licenciement; ils ont dérégulé la hiérarchie des sources de droit. Fillon a quand même allongé le contingent annuel d'heures de travail pour le faire passer de 130 heures à 220 heures, ce qui représente quand même pratiquement 14 mois en 11 mois, quand on prend ses congés. Mais il a permis que, par exemple, on rachète le compte épargne- temps, c'est-à-dire que ça fasse autant d'heures supplémentaires à taux zéro, puisqu'elles sont rachetées à taux zéro. Il a différé jusqu'au 1° janvier 2008. , pour les entreprises de moins de 20 salariés, le paiement avec un bonus de 25 % des heures supplémentaires qui ne sont actuellement payées qu'avec 10% : la loi Aubry avait prévu qu'elles passeraient à 25% au 1° janvier 2005... Ils ont en fait allongé la durée du travail sur l'ensemble de la vie avec le report des retraites, et ils l'ont allongé sur la semaine, le mois et l'année, ce qui est quand même énorme. En fait, ils forcent ainsi les gens à travailler plus en gagnant moins.

Ca c’est l'ensemble de l'opération depuis 2002. Nous ne sommes pas face à un gouvernement ordinaire. On a beau dire tout ce qu'on veut. Ce gouvernement est.... exceptionnel. Recordman de la réaction. Ce n'est pas un gouvernement comme les autres.
La droite avait essayé en France en 1986/88, elle a réessayé entre 93 et 97, mais là, depuis le 21 avril 2002, elle se lâche. Elle y va à fond. C'est Thatcher, Reagan puissance 10. Ils essaient de détruire soixante ans d’éléments de pacte républicaine, qui restent encore en place depuis le programme de la résistance en 1945. Et ils le font à la schlague. De Villepin, qui est minoritaire dans le pays, le fait à toute vitesse, comme s'il voulait mettre les bouchées doubles avant 2007. Et je crois qu'on a, quelque chose de sans précédent, une sorte de contre-révolution blanche qui tente de détruire tous nos acquis. Mais ils vont avoir le peuple français contre eux, heureusement. Les jeunes, les moins jeunes, enfin tout le monde doit être sur le pont parce que c’est impossible de se laisser faire, sans non seulement résister, mais gagner, gagner, et les chasser. Ils ne représentent pas, ni la France, ni le peuple français, ni notre espoir, ni l'idée qu'on se faisait du progrès etc. Ils représentent des médiocres réactionnaires, qui veulent revenir au 19e siècle sous couvert de modernisme, et tout ça pour leur seul profit.


Pascale Fourier :C'était donc Des sous et des hommes, en compagnie de Gérard Filoche. La semaine prochaine, eh bien, je dois faire une manie avec les membres du Parti Socialiste, puisqu' on recevra Liêm Hoang Ngoc, qui est le bras droit en matière d'économie de M. Emmanuelli. Il nous parlera de l'évolution du Parti Socialiste, de la synthèse qui a eu lieu donc au Parti Socialiste... À la semaine prochaine !


 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 28 Février 2006 sur AligreFM. Merci d'avance.