Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne
EMISSION DU 27 DECEMBRE
2005
Convention UNEDIC et indemnisation des chômeurs
Avec Guillaume Duval,
Rédacteur en chef d'Alternatives
Economiques. |
Pascale
Fourier :
Au mois de décembre, on entendait parler dans les journaux de
la renégociation de la convention UNEDIC. Je voulais en savoir
plus et je suis allée voir Guillaume Duval qui avait écrit
dans le numéro d'Alternatives Economiques de décembre
un très intéressant article sur les « chômeurs
français maltraités », disait-il. Je me suis
donc rendue à la rédaction du magazine et je lui ai donc
demandé quel était le rôle de cette convention UNEDIC
et quel allait être le traitement infligé aux chômeurs
tout bientôt. Ma première question était de savoir
ce qu'était en fait l'UNEDIC et à quoi elle servait. Guillaume Duval : L'UNEDIC est un régime d'indemnisation du chômage qui a été mis en place à la fin des années 50 par des négociations entre le mouvement syndical et le patronat. En théorie, c'est un organisme paritaire, c'est-à-dire qu'il n'est pas géré par l'Etat ou qu'il ne dépend pas directement de décisions politiques. Il récolte des cotisations :les cotisations patronales qui sont un pourcentage du salaire brut versé au salarié, les cotisations salariales qui sont versées par les salariés en pourcentage du salaire brut qui leur est versé.
Pascale Fourier : Vous avez dit que l'UNEDIC a été créé par les entreprises et les salariés. Pourquoi n'est-ce pas l'Etat qui devait s'en occuper ? Quelle était la philosophie sous-jacente? Guillaume Duval : C'est la même philosophie que l'ensemble du développement de la protection sociale: c'est dans le cadre de la relation sociale employeur-employé que devait se régler ce qui touche à l'insécurité due à la maladie ou à l'emploi lui-même. En conséquence, dans l'esprit de l'après-guerre, du fordisme, la mise en place de ce système associant le capital et le travail devait réguler les à-coups du capitalisme et éviter les très graves crises que l'on avaient connues, notamment 1929 où le phénomène du chômage avait joué un rôle important dans l'accélération de la crise économique. Dans les systèmes mis en place donc durant cette période, on privilégie assez souvent le dialogue entre patronat et syndicats pour régler ce type de questions. Pascale
Fourier : La
convention qui va être négociée comporte-t-elle
des difficultés particulières liées à un
déficit ?
Guillaume Duval : Pour l'instant, il s'agit d'argent emprunté par l'unEdic car il est suffisamment important dans le paysage social français pour avoir une bonne signature et pouvoir emprunter de l'argent auprès des banques. Les taux aujourd'hui sont relativement faibles, mais il s'agit toujours d'une solution coûteuse, et il faut aussi veiller à l'équilibre sur moyenne période. Le problème est qu'il faudrait être capable de mettre de côté de l'argent excédentaire dans les périodes où le chômage baisse comme ça a été le cas dans les années 2000: l'unEdic avait un léger excédent en 2000 et 2001 .... Mais à chaque fois que cette situation se présente, le patronat, très unifié, exige et obtient une baisse des cotisations pour éviter ces surplus alors qu'il faudrait laisser monter ces surplus pourmettre de l'argent de côté et pouvoir le dépenser dans des périodes comme ces derniers mois où les besoins de l'UNEDIC augmentent parce que le chômage augmente. Pascale
Fourier : Vous
venez de dire que le patronat est unifié et que du coup il réussit
à obtenir des choses. Cela laisse-t-il entendre que les syndicats
de salariés ne sont pas unifiés et donc ne réussissent
pas à obtenir ce qu'ils souhaitent ?... Pascale
Fourier : Les
négociations dont on avait beaucoup entendu parler sont celles
autour du Plan d'Aide au Retour à l'Emploi (PARE). On avait l'impression
que les syndicats de salariés ont acceptés un certain
nombre de choses, pour d'un autre côté reconquérir
le fait que les allocations ne soient plus dégressives. Vous
dites que l'on va revenir à la dégressivité. On
aurait donc lâché un morceau pour se le faire reprendre
après ? Aujourd'hui, face aux difficultés économiques, le patronat souhaite revenir en arrière éventuellement sur la dégressivité, mais on est actuellement plus engagé sur la durée de l'indemnisation que vers un retour de la dégressivité qui serait vraiment un casus belli pour les syndicats. Mais là, il s'agissait de copier les modèles scandinaves et anglo-saxons qui sur ce point sont très proches, qui considèrent que l'indemnisation en elle-même n'est pas un moyen efficace de pousser à la réinsertion des chômeurs sur le marché du travail, qu'il convient de faire porter l'effort non sur les dépenses passives (indemnisations) mais sur les dépenses actives de formation, d'encadrement des chômeurs etc. pour les réinsérer dans le marché du travail, y compris - et c'est les négociations actuelles - en les obligeant à reprendre des emplois en leur coupant les indemnités s'ils n'acceptent pas de reprendre des emplois même s'ils sont éloignés de chez eux, moins bien payés que ce qu'ils occupaient précédemment etc. etc. Pascale Fourier : C'était un discours que l'on entendait du côté du patronat: si les chômeurs sont presque trop indemnisés, cela ne favorise pas leur retour à l'emploi, car ils ne sont pas trop pressés de retourner travailler... Est-ce vrai ? Guillaume
Duval : C'est
toujours un discours que l'on entend pendant ces périodes où
il y a des négociations. Les éléments dont on dispose
au plan international montrent que ce n'est pas du tout le cas, même
s'il peut exister telle ou telle situation particulière. On peut rêver
du modèle danois et de ses avantages qui offre la flexibilité
aux entreprises et la sécurité aux employés - ils
ont un bon revenu et un bon soutien quand ils sont au chômage
- , mais cela impliquerait de changer assez radicalement les niveaux
de dépenses consenties en France. Le Danemark est très
loin d'être un cas isolé dans la mesure où 9 des
15 pays de l'ex-Union Européenne à 15 sont dans le même
cas, que le Danemark : ils dépensent plus que nous par chômeur
pour les indemniser, les soutenir, les encadrer, etc. C'est même
le cas du Portugal qui est pourtant un pays parmi les plus pauvres de
l'Europe des 15, et nettement plus pauvre que nous ne le sommes. Pascale Fourier : Je ne comprends pas: comment est-il possible qu'ils dépensent autant pour leurs chômeurs? Pourquoi ce n'est pas possible en France ? Guillaume Duval : Il ne faut pas oublier que le Danemark a un plus faible taux de chômage que nous: il est moitié moindre que le nôtre. Ils dépensent plus que nous pour chaque chômeur, mais ils en ont moins. C'est essentiellement une question de niveau de solidarité entre chômeurs et actifs. En France, le chômage est très important, mais il touche une fraction relativement limitée du salariat. Il est le fait d'une fraction qui tourne très très vite sur le marché du travail à travers l'intérim et les contrats à durée déterminée et qui se retrouve très fréquemment à l' anpe tandis qu'une part non négligeable du salariat n'a pas ce risque en permanence au-dessus la tête. Certes souvent quand les gens deviennent plus vieux, atteignent 50 ans, même quand « stables « , risquent de se retrouver au chômage, mais cela reste un risque lointain quand on n'a pas cet âge-là, et la capacité d'être solidaires entre salariés et chômeurs n'est pas garantie. A cela s'ajoute la pression constante du patronat qui, aujourd'hui encore, fait un casus belli sur la question des niveaux de cotisation chômage, ce qui ne permet jamais d'aller dans le sens du modèle évoqué tout à l'heure :pour dépenser à peu près autant que les danois par chômeur, il faudrait dégager des moyens financiers correspondants, donc avoir une hausse très sensible des cotisations. Le patronat le refuse par principe aujourd'hui. Pascale Fourier : Ce qui m'interroge toujours, c'est d'entendre les patrons et la droite parler d'incitation au travail. Suffit-il d'inciter les chômeurs pour qu'ils puissent trouver de l' emploi... Guillaume Duval : Non bien sûr, il est évident que la question du chômage est d'abord une question macro-économique: il faut d'abord trouver davantage de croissance; même si cela pose des problèmes écologiques -mais c'est un autre débat-, c'est cela qui compte. Après, il y a des questions qui sont réelles sur l'organisation du marché du travail, sur la capacité à faire se rencontrer une offre et une demande dans de bonnes conditions d'une part, et d'autre part il y a un problème réel de chômage de très longue durée de masse en France. Depuis le temps que l'on a un problème de chômage de longue durée en France, c'est un problème massif: il n'y a pas d'autre solution que de dépenser beaucoup d'argent pour espérer qu'ils puissent un jour trouver une place sur le marché du travail. En plus, même quand il y a croissance, se pose un problème de gestion de file d'attente: il ne faut pas que ce soit toujours les jeunes les mieux formés qui profitent, il faut aussi trouver les moyens, pour, au cours de la reprise, réinsérer les gens qui en sont exclus depuis très longtemps. Pascale Fourier : C'était Des Sous ...et des Hommes en compagnie de Guillaume Duval, rédacteur en chef du mensuel Alternatives Economiques . Je ne peux que vous en conseiller la lecture de ce magazine qui comporte des articles passionnants et la lecture aussi de leurs hors- série absolument remarquables. A la semaine prochaine!
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Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 27 Décembre 2005 sur AligreFM. Merci d'avance. |