Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION DU 20 MAI 2008

La crise alimentaire, les causes...

Avec Ludovic Lamant, journaliste à Mediapart.fr

 

Pascale Fourier  : Et notre invité aujourd'hui sera Ludovic Lamant, collaborateur d'un site internet qui vient de se lancer, un site indépendant qui s'appelle Mediapart, et dont l'adresse est www.mediapart.fr. Ludovic Lamant a fait une série d'articles remarquables sur la crise alimentaire, ce qui est la raison de sa venue ici. Alors qu'est-ce qui se passe ? Il y a pénurie? Il n'y a plus à manger pour tout le monde ?

Ludovic Lamant: Oui, effectivement, depuis quelques années, on a l'impression que les matières premières agricoles, le riz, le blé, le maïs, sont devenues des produits de plus en plus rares. Pas mal de journalistes y sont allés de leur explication. Les institutions internationales aussi se sont prononcées. A chaque fois, on nous donne à peu près la même série d'explications.

Alors, évidement il y a la montée en puissance de l'Inde, de la Chine, qui consomment de plus en plus et, notamment, dont les régimes alimentaires sont en train de s'aligner sur le mode occidental. Donc ils consomment plus de viande et, donc, il faut aussi plus de céréales pour nourrir le bétail. Ça, c'est la grande explication.

Après, on nous a expliqué qu'il y avait, par exemple, la hausse du pétrole qui, du coup, augmentait complètement les coûts de production des petits paysans parce que le coût de l'essence augmente et, donc, les coûts de production également.

Puis il y a d'autres facteurs, par exemple la spéculation; sur laquelle on va peut-être revenir un peu plus tard.

Et puis, on nous a aussi parlé des biocarburants. Les fameux biocarburants... L'idée, c'est de dire qu'une partie des champs, qui étaient utilisés pour la production alimentaire, est utilisée en fait pour faire de l'essence. C'est un mouvement extrêmement brutal aux Etats-Unis - mais également au Brésil - qui a eu lieu en très peu d'années - puisque que ça a commencé véritablement à partir de l'année 2000 – qui, du coup, explique que les productions de maïs destinées à l'alimentation, notamment de certains pays, sont en train de se réduire.

Donc, toutes ces causes ont fait un peu que les produits que l'on croyait extrêmement communs comme le blé, les céréales, sont devenues rares, ce qui explique en partie la flambée des cours que l'on constate, qui a commencé vraiment en 2004, et puis qui s'est accentuée. En 2007, on assiste à une véritable flambée, et depuis le début de l'année, on a vu des émeutes de la faim, des révoltes populaires, des pauvres dans des grandes villes dans les pays du tiers-monde qui réclamaient un accès à de la nourriture moins chère.

Pascale Fourier  : Les explications que vous avez données, notamment les biocarburants, la hausse de la démographie et les changements alimentaires dues à l'irruption, on pourrait dire, de l'Inde et de la Chine sur le marché, c'est un peu celles qui ont été retenues par les médias classiques et les grandes institutions internationales. Ça m'a toujours semblé un petit peu étonnant, parce que ça m'étonne quand même qu'en un an la démographie soit devenue absolument galopante, que brusquement l'Inde et la Chine se soient mises à dévorer plus que d'habitude... Ça me semble un peu bizarre, ces explications !

Ludovic Lamant: Oui, c'est vrai. Moi aussi, je m'étais un peu posé cette question. Parce qu'on a vraiment un phénomène de flambée très fort, ces derniers mois et, en même temps, la plupart des gens nous donnent, avancent des raisons qui sont vraiment sur du long terme, c'est-à-dire sur des 15 ans, 20 ans au moins...

Il y a peut-être une des raisons sur lesquelles, dans cette série sur Mediapart, que j'ai eu envie de creuser, c'est l'idée de la spéculation.

Comment ça marche, concrètement, cette spéculation ? On a des investisseurs qui, d'habitude, étaient plutôt clients d'actions sur des bourses classiques, ou alors d'obligations d'État, pour avoir des rendements en fin d'année et recevoir un peu d'argent. Et là, on est dans un contexte international un peu particulier - crise financière aux États-Unis, la crise des subprimes - qui fait que les rendements en bourse ne sont pas très bons. Et du coup, certains fonds d'investissements, les "hedge funds" - je ne veux pas être trop technique, mais en tout cas ces fonds d'investissement-là ont décidé d'aller chercher des rendements ailleurs - se sont dit, effectivement - ils ont fait la même analyse que nous – que oui, effectivement, les céréales sont devenues de plus en plus rares, et qu'il y a peut-être lieu de spéculer là-dessus pour en tirer plus d'argent. C'est ce qui s'est passé et, depuis quelques années, on constate des arrivées massives d'investissements sur des bourses qui sont spécialisées sur des matières agricoles; c'est notamment le cas de la bourse de Chicago.

Je ne vais pas assommer les auditeurs de chiffres, mais j'en ai quand même repéré un qui m'a vraiment paru intéressant : l'an dernier, en gros, on a presque 200 milliards de dollars qui ont été placés sur des matières premières agricoles. C'est un chiffre que l'on ne se représente pas forcément, cette masse-là, mais ça dit bien le côté complètement rapide et le côté massif de cette tendance.

Du coup, toutes les banques, les sociétés, les traders, se sont lancés dans la construction, l'élaboration d'outils financiers qui sont adossés à ces matières premières pour justement proposer à leurs clients - ça peut être des particuliers comme des fonds d'investissement, des fonds de retraites britanniques, anglo-saxons, il y en a beaucoup - pour proposer à ce genre de clients des outils pour, très simplement, miser sur les matières premières agricoles.

Alors la subtilité, à chaque fois, est celle-ci : on arrive en bourse, on achète un certain nombre de futurs sur les matières premières, c'est-à-dire qu'on achète maintenant, à l'instant T, le résultat d'une production dans dix mois, par exemple. Mais la subtilité, c'est que ces investisseurs-là vont se dégager avant la production, ils ne vont jamais récupérer physiquement la production de blé ou la production de riz, ou de je ne sais quoi, sur laquelle ils ont misé.

C'est vraiment de la spéculation, puisqu'on est sur un investissement à court terme, et, par ailleurs, ça ne sert absolument pas, on s'en rend bien compte, l'agriculteur qui n'est pas du tout face à un client classique.

Pascale Fourier  : Vous voulez dire qu'actuellement il y a des gens qui sont en train de spéculer sur la faim ? Ils se débrouillent en se disant, je vais spéculer, je vais gagner de l'argent, tant pis s'il y a des gens qui crèvent de faim à l'arrivée ?

Ludovic Lamant: On peut faire cette analyse-là et, de fait, je pense que les grands hedge funds en sont parfaitement conscients aujourd'hui. Ce qui se passe, c'est que, de plus en plus, il y a des produits ciblés qui sont à destination de particuliers aussi: ce sont des produits assez simples d'accès que l'on propose à des particuliers, et là, pour le coup, le particulier n'est pas forcément conscient qu'il est en train de spéculer sur des productions dont le système va entretenir la hausse des coûts et donc bloquer l'accès d'une partie de population dans les pays du Sud à ce genre de productions. Il y a plein de particuliers qui, à mon avis, n'en sont absolument pas conscients. Mais pour le coup, les hedge funds le savent très bien, et ce sont eux qui ont commencé à partir de 2004. Ça, c'est certain.

Pascale Fourier  : Des Sous ... et des Hommes, 93.1 et on est en compagnie de Ludovic Lamant du site Mediapart.

Il y a un petit truc qui m'étonne : les grandes institutions internationales vont bien s'apercevoir que le capitalisme n'est pas moral, enfin si je suis bien ce que vous m'avez dit tout à l'heure. Ils vont interdire la spéculation du coup ?...

Ludovic Lamant: Bizarrement, elles n'ont pas encore proposé cette possibilité. Il y a des pays qui ont décidé ...- je pense par exemple au Vietnam qui est particulièrement victime de la spéculation sur le riz, et qui a proposé d'interdire justement la spéculation sur une variété précise de riz -. C'est complètement novateur et vraiment différent. Pour le coup, c'est vraiment à rebrousse-poil de ce qui se fait ailleurs.

De l'enquête que j'ai faite, j'en conclus qu'il est évident que la spéculation joue un rôle - mais tout le monde n'est pas d'accord pour quantifier. Les syndicats agricoles français tournent autour de 20 % de la hausse qui serait liée à la spéculation. C'est déjà énorme en tant que tel. On peut penser que c'est beaucoup plus sur certaines variétés.

J'ai fait une espèce de contre-exemple: j'ai donné un contre-exemple, c'est le cas du sucre. Si vous prenez le sucre, c'est l'une des seules matières premières agricoles qui n'a pas augmenté, ou dont les cours n'ont pas flambé en 2007. C'est une exception. Et moi, je me suis un peu penché sur pourquoi ça n'a pas augmenté comme les autres ? Et il y a deux raisons. Il y a une raison qui est une très forte production ces derniers mois de l'Inde et du Brésil, ce qui fait qu'on a des cas de surproduction. Et la deuxième raison, c'est que c'est très compliqué de spéculer sur du sucre.
Donc du coup, visiblement il y a très peu d'investissements qui sont faits sur le sucre, ou en tout cas beaucoup moins que sur le blé, le riz, le maïs. Et là, bizarrement, cette matière première n'augmente pas, ou augmente très peu. En tout cas en 2007 - en juin 2007 -, elle a touchée presque un plus bas depuis des années.

Ça prouve bien que, là-dessus, la spéculation joue un rôle. On se bat un peu pour savoir si c'est 20 %, 30 %, un peu plus, on ne sait pas. Dans tous les cas, ça joue un rôle et, par ailleurs, ça rend les cours un peu plus volatiles, c'est-à-dire qu'il y a des fortes hausses et, dans la même séance, il y a des fortes baisses, ce qui rend les tendances très difficiles à lire. Et pour les agriculteurs, pareil ! Ils voient la valeur de leur production flamber, soudainement s'effondrer, et puis repartir à la hausse. C'est très particulier pour les agriculteurs et ce n'est pas très constructif non plus. Donc, ça peut-être très dangereux.

Donc, interdire non, mais, en tous cas, tout le monde réfléchit et essaie de quantifier le phénomène, ça c'est sûr.

Pascale Fourier  : Que veulent faire la FAO, le FMI, la Banque Mondiale ? Qu'est-ce qu'ils proposent, ces braves gens ?

Ludovic Lamant: Depuis quelques semaines, on est effectivement face à un numéro un peu particulier des grandes institutions. Elles sont toutes montées au créneau pour alerter le monde, la communauté internationale, sur la situation. En même temps, c'est assez particulier parce qu'il faut bien reconnaître qu'elles sont à l'origine de la situation pour une bonne partie.
Concrètement, le FMI, qui est dirigé par Dominique Strauss-Kahn, a dit que c'était la faute aux biocarburants. C'est une explication un peu courte si on se souvient que c'est le même FMI et la Banque Mondiale qui, à la fin des années 80, début des années 90, ont demandé à de nombreux de pays du Sud de mettre en place des politiques d'ajustements structurels qui ont libéralisé les échanges agricoles.

La crise est complexe, il se passe plein de choses; n'empêche que le numéro des grandes institutions internationales en ce moment, qui sont en train de tenir le devant de la scène en expliquant, en donnant leur version de la crise, en disant attention, en tapant, là sur les biocarburants, ici sur l'explosion, la flambée des prix du pétrole... C'est quand même un peu difficile à croire et on aimerait qu'ils remontent un petit peu plus en arrière pour faire un mea-culpa un peu plus crédible.

Parce que - faut bien se rappeler une chose, c'est que ces institutions connaissent une crise de légitimité énorme - elles sont critiquées dans beaucoup de pays, notamment les pays du Sud. Et elles se disent - c'est vraiment, à mon avis, de la pure stratégie - qu'elles sont dans un cas de crise financière aux États-Unis, énorme, du jamais vu, qu'elles sont face à une crise alimentaire qui est en train de bouleverser aussi la donne, et du coup elles se disent qu'elles vont un peu quand même instrumentaliser ces crises-là, pour essayer de se construire un nouveau rôle, une nouvelle légitimité, une nouvelle stratégie, et en sortir grandi.

Sauf que, ce qu'elles ne disent pas, c'est que c'est en partie de leur faute s'il y a cette crise-là aujourd'hui. La FAO, notamment, c'est quand même l'agence de l'ONU spécialisée dans les questions alimentaires, et donc, c'est quand même l'échec de la FAO qu'on voit aujourd'hui. C'est exactement ce que disait Monsieur Wadé, Président du Sénégal, qui disait: « Autant arrêter de faire travailler la FAO, qui ne sert à rien et qui est en train d'observer son propre échec ». Ce sont des propos très violents, qui créent une vraie polémique, mais qui en tous cas ont lancé ce débat sur la légitimité de ces institutions aujourd'hui sur la question alimentaire.

Pascale Fourier  : Est-ce que ces grandes institutions alimentaires ont détruit, d'une certaine façon, l'agriculture, notamment par les plans d'ajustement structurel que vous évoquiez tout à l'heure ?

Ludovic Lamant: C'est compliqué de répondre globalement. Mais ce qui s'est passé en tous cas, c'est que l'on peut constater que les pays où on a vu des émeutes de la faim dernièrement sont des pays qui ont justement joué ce jeu-là, c'est-à-dire qui ont accepté au début des années 90 d'ouvrir leurs échanges, de se spécialiser sur certains types de production en éliminant les aides à la production, les aides aux petits paysans, etc. au nom d'une concurrence pure et parfaite. Et du coup on peut penser qu'on est en train aujourd'hui d'en voir les conséquences. Voilà.
Pascale Fourier   : Des Sous ...et des Hommes, sur Aligre FM, 93.1. Et on est toujours en compagnie de Ludovic Lamant de Mediapart.

Tout à l'heure, dans l'intervention précédente, vous parliez du fait qu'un certain nombre d'institutions pensent à instrumentaliser la crise. Or, justement, sur Mediapart, vous aviez aussi une longue interview de Pascal Lamy, qui disait qu'il fallait justement profiter de cette crise, qu'il fallait absolument relancer le cycle de Doha à l'OMC et donc libéraliser encore plus les échanges...

Ludovic Lamant: Oui, effectivement, ce que dit Pascal Lamy à l'OMC - l'Organisation Mondiale du Commerce -, c'est que cette crise prouve que, en fait, il faut aller vers plus de libéralisation.
En somme, alors que, justement, la crise d'aujourd'hui traduit les méfaits d'un certain type de libéralisme qu'on a constaté dans les années 90, il faut prolonger, il faut poursuivre, et approfondir... L'idéal, derrière l'idée du round de Doha, c'est une concurrence pure et parfaite sur certains points, notamment l'agriculture. C'est-à-dire vraiment l'idée, c'est qu'on va faire baisser les droits de douane, ce qui va permettre d'améliorer les exportations, les importations, à l'échelle du monde. Et donc, du coup, concrètement, ça veut dire beaucoup moins d'aides aussi pour les petits agriculteurs. Et c'est bien les petits agriculteurs qui ne produisent pas assez aujourd'hui, ce qui pose aussi problème dans la crise d'aujourd'hui.

Il y a Pascal Lamy, il n'y a pas seulement lui... Moi, j'avais juste gardé en tête une citation de Strauss-Kahn qui avait dit, je cite : « Boucler le cycle de Doha serait d'une aide précieuse car cela réduirait les barrières commerciales et les distorsions sur les marchés, et cela favoriserait le commerce agricole ». Ça, c'est la réaction d'une institution comme le FMI il y a un mois, alors que vraiment on constate l'échec de cette politique-là.

Là, pour le coup, il y a vraiment deux courants qui sont en train de s'opposer, et notamment Pascal Lamy et ses collègues sont plutôt bien embêtés de constater que depuis quelques mois, depuis un an en gros, pas mal de pays ont décidé de faire l'inverse, c'est-à-dire de fermer leurs frontières. Des pays ont joué effectivement le jeu d'un certain protectionniste pour faire face à l'urgence. Il y avait eu le Vietnam en juillet 2007, il y avait eu l'Inde, etc... qui ont fermé leurs frontières et qui ont dit : « On arrête d'exporter le riz, on arrête d'exporter du blé, et on garde pour notre population parce que, là, on en a vraiment besoin ». Et donc c'est, je crois, une dizaine de gros producteurs du Sud - il y a également l'Égypte, il y a également les Philippines - qui ont sont en train de fermer, ou de revenir en arrière, si on prend les termes de l'OMC. En tous cas, il y a un retour de certaines barrières. Alors pour l'instant, c'est un retour temporaire, mais n'empêche que cela va complètement à l'encontre d'une politique d'ouverture qu'on a constatée depuis 10 ans.

Pascale Fourier  : Ils se font largement vilipender dans...

Ludovic Lamant: Oui. Moi, il y avait un exemple que, dans cette enquête sur Mediapart, j'ai voulu creuser, qui était le cas de l'Inde. Bizarrement, on n'a pas vu d'émeutes de la faim en tant que telles en Inde alors que c'est un pays énorme, un milliard d'habitants à nourrir, de vrais problèmes agricoles au sens où, effectivement, il y a une vraie pauvreté dans les campagnes. Mais, en même temps, on n'a pas eu ces mouvements, ces tensions sociales. Et donc on a été voir un peu des chercheurs, on les a fait parler, on a lu des livres, et en gros, c'est quand même lié, mine de rien, à cette révolution verte qui avait permis, en gros, de dire : « On mise tout sur le blé et le riz ». Alors on fait de l'agriculture intensive - ce qui n'est pas forcément la meilleure solution -, mais en même temps on assure une souveraineté alimentaire. Et donc, depuis des années, l'Inde passe son temps à défendre cette politique-là, et à la défendre notamment dans les enceintes de l'OMC, etc. Et à chaque fois, elle résiste aux critiques de l'OMC sur le mode "il y a trop de d'aides, trop de subventions nationales pour l'agriculture, il y a trop d'aides pour les petits agriculteurs, etc."

Et donc du coup, ce papier, c'était «  il y a d'autres façons de faire ». Et l'idée, c'est quand même de dire qu'il faut augmenter les aides pour les petits agriculteurs ... Les subventions nationales de l'Inde sont précieuses et c'est évidemment là-dessus que sont en train de réfléchir pas mal de gens pour certains pays du Sud. Moi, je pensais à un pays comme Madagascar où, vraiment, l'agriculture qu'on a connu est décimée, la pauvreté est intense et, en même temps, il faut repartir à zéro en donnant des subventions, encourager les petits agriculteurs, les éleveurs aussi, les petits éleveurs face...

Pascale Fourier  : Il y a un petit quelque chose, je sais pas si c'est moi qui suis particulièrement inattentive ces derniers temps par rapport à ce que disent les médias, mais j'ai l'impression que cette histoire de crise alimentaire est un petit peu passée au deuxième plan, d'une part, et d'autre part je n'arrive pas tellement à voir dans les médias cette espèce de dualité, de façon de voir les choses, ouverture généralisée dans le domaine agricole notamment, d'une part, et d'autre part, souveraineté alimentaire, protectionnisme... Ce débat n'a pas l'air d'émerger au travers des médias et peut-être n'émerge-t-il pas du tout. Quelle pourrait en être l'explication ?

Ludovic Lamant: S'il émerge ou pas... Moi, en tout cas, j'ai envie de dire que sur Mediapart, on essaie de le poser. Alors, effectivement, ce n'est pas un débat très simple à poser, il n'arrange pas tout le monde, c'est certain. Il y a quand même certaines dissensions qui sont en train d'apparaître et que, moi, je trouve plutôt bienvenues et qui sont plutôt encourageantes pour la suite, y compris au sein des grandes institutions.

Je pense par exemple à la Commission Européenne. Bizarrement, il y a Peter Mendelson, qui est le Haut Commissaire au commerce - et qui est vraiment sur la ligne Pascal Lamy, Strauss-Kahn, des institutions internationales - qui dit : « Voilà, ces mouvements de fermeture et de protectionnisme, la fermeture des frontières du Vietnam, de l'Inde etc. est quelque chose de dramatique parce que ça touche avant tout les pays du Sud qui, eux, n'ont pas de production suffisante ».

Face à sa position - qui, j'ai envie de dire, est plutôt prévisible de la part de la Commission - il y a par exemple le commissaire à l'environnement qui s'est opposé à cette version des faits et qui a dit : « Il faut essayer de mettre un peu le hola sur la culture des biocarburants ». Voilà qui a apporté d'autres éléments de complexité comme réponse à la crise. Ça prouve bien qu'il y a quand même des lignes de fracture. Et que les choses vont peut-être quand même évoluer.
Tout le monde en appelle au grand débat sur la gouvernance, sur les questions agricoles, etc. Souvent ce sont des débats un peu creux. Michel Barnier en appelle à un grand débat sur le thème de quelle gouvernance pour l'agriculture dans le monde ? Il en appelle à une refonte des institutions agricoles, etc.... Bon... évidemment, on a le droit d'être un petit peu sceptique pour l'instant....

Pascale Fourier  : Eh oui, donc, c'était Des Sous Et Des Hommes en compagnie de Ludovic Lamant. Je rappelle qu'il travaille à Mediapart, qui est un média que je suis attentivement ces derniers temps avec des dossiers fameux, notamment fait par l'équipe d'économie, dans laquelle on trouve notamment Laurent Mauduit que j'ai reçu il y a quelque temps. N'hésitez pas à aller voir si leur site, c'est www. mediapart.fr. C'est un site payant, c'est un choix pour justement de ne pas être dépendant des grands annonceurs, et derrière, des grandes firmes. Vous verrez qu'au niveau de la section économie, du coup, ça permet une certaine liberté de ton tout à fait appréciable.

Voilà. A la semaine prochaine !

 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 20Mai 2008 sur AligreFM. Merci d'avance.