Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION DU 7 FEVRIER 2006

"Mais le Nord aide le Sud ! ", disent-ils...

Avec Damien Millet, président du Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde (CADTM).

 

Pascale Fourier : La semaine dernière, finalement, vous aviez l'air de dire qu'il n' y a pas une vraie volonté d'éradiquer la pauvreté dans le sud, une volonté de faire en sorte que ces pays s’en sortent. Ces propos m'étonnent, parce qu'on donne de l'argent aux pays du Sud, on donne ce qui s'appelle l'Aide Publique au Développement, qui est relativement importante... Donc, si on ne veut pas les aider, tout en leur donnant des sous... je ne comprends pas très bien la logique de l'affaire?

Damien Millet : En fait, l'Aide Publique au Développement, en abrégé l'APD, c'est aussi une imposture à démasquer. Et, je crois que c'est important de prendre cela comme étape maintenant. L'Aide Publique au Développement, il faudrait-il savoir ce qu'on compte dedans avant de voir si elle est efficace ou pas, et si elle permet de lutter efficacement contre la pauvreté. Dans l'Aide Publique au Développement, il faut savoir qu'on compte les annulations de dettes. Dans l'Aide Publique au Développement de la France, il y a entre 30 et 40 % d'annulations de dettes. C'est-à-dire que quand on demande à un pays de ne pas rembourser telle créance, on fait comme si, en même temps, on lui envoyait l'argent correspondant. Donc c’est de l’argent qu'on sort, fictivement, mais qu'on sort, et donc on le compte dans l'Aide Publique au Développement. Alors, médiatiquement, c'est habile parce que du coup on peut communiquer deux fois: on fait une première communication pour dire qu'on a annulé la dette, et une deuxième communication pour dire qu'on a augmenté l'Aide Publique au Développement; en fait, c'est la même opération réelle. On compte dans l'Aide Publique au Développement, par exemple les frais d'accueil des étrangers, les frais de l'OFPRA, l'Office de Protection des Réfugiés et des Apatrides. Et l'on sait ce que signifie accueil des étrangers, bien souvent c'est dans des conditions absolument terribles, et l'argent sert à les renvoyer dans leur pays d'origine. On compte dans l'Aide Publique au Développement les frais des consultants et des coûts des coopérants qu'on envoie dans ces pays alors que bien souvent il y a dans le pays des gens qui ont été formés et qui pourraient mener les études, et qui sont au chômage. On compte dans l'Aide Publique au Développement ce qu'on appelle les « frais d'écolage » :quand un étudiant d’un pays du Sud vient faire ses études en France, l'argent que la France dépense pour ses études est compté dans l'Aide Publique au Développement, alors que, normalement, selon les règles comptables de l'OCDE, l'argent ne devrait être compté que si ce sont des études qui portent sur le développement et si l'étudiant retourne ensuite dans son pays pour les mettre en pratique. Mais comme on déclare l'année où elle est dépensée, eh bien finalement on ne sait pas du tout si l'étudiant va y retourner ou pas. Pour la France, ces frais d'écolage étaient de 660 millions d'euros l'an dernier.

Ça veut dire qu'on met à peu près tout et n'importe quoi dans cette Aide Publique au Développement. Imaginons qu'on mette dans l'Aide Publique au Développement l'affrètement d'un avion pour envoyer des médicaments ou des vivres à un pays du Sud qui vient de connaître une catastrophe humanitaire. L'affrètement de l'avion, c'est de l'argent qu'on envoie en France, qui ne va pas dans les pays du Sud. Le salaire du pilote, c'est de l'argent qui reste au Nord. Le fait d'acheter des médicaments ou des vivres achetés à Danone, à Nestlé, ou à un laboratoire pharmaceutique, c'est de l'argent qui reste au Nord. Ce qui arrive au Sud, c'est le produit médicament qui coûte beaucoup moins que la somme totale qui a été dépensée pour l'envoyer dans ce pays.

Donc, l'Aide Publique au Développement, c'est un montant qui est gonflé par rapport à l'aide réelle qui est apportée aux pays du Nord. Il faut savoir que l'Aide Publique au Développement, en 2004, c'était 78 milliards de dollars. Donc malgré tout cela, en gonflant artificiellement tout cela, on arrive à 78 milliards de dollars. Pendant le même temps, les pays du Sud ont remboursé 374 milliards de dollars au titre de services de la dette. Donc ça veut dire que cet argent revient dans les pays du Nord, et bien souvent on assiste à un financement de nos propres entreprises à travers l'Aide de Publique au Développement, Air France, Nestlé ou Danone, ou un laboratoire pharmaceutique, comme je le disais tout à l'heure. Donc une très très grande partie de l'Aide Publique au Développement profite aux pays donateurs et pas du tout au pays qui reçoit l'aide.

D'après une phrase de la Banque Mondiale, les « dons à objectif spécial » - « objectif spécial », c'est la coopération technique, les remises de dettes ou l'aide d'urgence - sont un élément essentiel du processus de développement et on un impact budgétaire sur les pays donateurs, mais ils ne fournissent pas de ressources financières additionnelles pour atteindre les objectifs de développement du millénaire. Donc ça veut dire que finalement l'apport sur place et très très très réduit.

Les pays riches se sont engagés à augmenter leur Aide Publique au Développement. On a parlé de 0,5 % du produit national brut en 2010, de 0.7 % du produit national brut en 2015 et ça a fait la Une des grands journaux. Il faut savoir que depuis 1970, les pays riches s'engagent à accorder 0.7 % de leur Produit National Brut à l'Aide Publique au Développement. C'est-à-dire qu'on est en train, simplement, de prendre une mesure qui conduirait à ce que, dans 10 ans, on satisfasse une promesse d'il y a 35 ans. Et rien ne dit qu'elle sera satisfaite, bien sûr: aujourd'hui c'est seulement 0.25 % d'Aide Publique au Développement, et une partie de cette Aide Publique au Développement est constituée de dons que les pays doivent rembourser jusqu'au dernier centime. On voit là qu'il y a un problème complètement vicié. Il faudrait que cette Aide Publique au Développement soit complètement sous forme de dons. Et puis on pourrait l'appeler « réparation », parce que depuis le temps qu'on pille les pays du Sud, depuis l'esclavage, depuis la colonisation, peut-être qu'on pourrait réparer ces dégâts-là avec une véritable Aide Publique au Développement qui leur serviraient réellement.


Pascale Fourier
 : On a vu la semaine dernière, que finalement, les choses n'étaient pas aussi claires que ça autour du problème de la dette, et de la volonté réelle ou pas, de la régler, voire de l'annuler. Mais enfin, globalement, quand j'écoute un peu les médias, j'ai vraiment l'impression que les pays du Nord sont attentifs à ce qui se passe dans les pays du Sud, et font tout ce qui est en leur pouvoir pour pouvoir les aider...

Damien Millet : Ils sont médiatiquement attentifs. Et ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour continuer de les dominer. Voilà, je crois que c'est vraiment ça la logique aujourd'hui.

On a parlé d'objectifs du développement du millénaire. C'est-à-dire qu'on a fait le constat qu'effectivement il y a des lacunes énormes dans le développement humain. En 2000, au sommet qu’on a appelé « sommet du millénaire », l'ONU, et donc tous les pays membres de l'ONU, se sont engagés à, en gros, diviser par deux la pauvreté d'ici 2015. On peut très bien considérer que c'est effectivement une prise en compte du problème de la pauvreté. Mais je crois, surtout que c'est un changement d'objectif, puisque l'objectif précédent était d'éradiquer la pauvreté, de supprimer la pauvreté. Et, là, maintenant, on parle de diviser par deux la pauvreté. Il y a un vrai problème ! Comment peut-on avoir comme objectif politique prioritaire de simplement diviser par deux la pauvreté et de laisser plusieurs centaines de millions de personnes dans la pauvreté, et se contenter de cela?

Mais surtout, le sommet de l'ONU qui a eu lieu en 2005, a déjà fait le constat que de toutes façons cet objectif, très modeste, de diviser par deux la pauvreté, ne sera pas tenu.
L'Afrique est évidemment le continent pour lequel la situation est la pire, puisque non seulement la pauvreté n'est pas en train de se réduire, mais elle est même en train de s'aggraver sur de nombreux plans sociaux. Donc les objectifs du millénaire ont une autre finalité que la réduction de la pauvreté. Le but n'est pas de prendre à bras-le-corps la pauvreté, parce que si la volonté politique existait, on pourrait faire cela. Le but, c'est avant tout de faire croire qu'on lutte contre la pauvreté. Et donc, ça va anesthésier toute contestation. Le commun des mortels, qui écoute les informations, effectivement va se dire : « Les grandes puissances sont en train de réduire le problème de la pauvreté... Les choses vont suivre leur cours... Je laisse faire ». Alors que non!! On laisse croire qu'on lutte contre la pauvreté, alors que pendant ce temps-là, on continue d'imposer des mesures néolibérales qui accroissent la pauvreté. La finalité de ces objectifs du millénaire est, je crois, de nous faire croire que le système qui a créé la dette, qui a créé la pauvreté, qui est à l'œuvre aujourd'hui dans la plupart des pays du monde, va apporter une solution. Alors qu'il est lui-même le problème ! Et donc, à partir du moment où il laisse croire qu'il va apporter une solution, eh bien les gens se disent : «  On va rester à l'intérieur de ce système, et on va trouver la solution », alors que je crois qu'il est structurellement incapable d'apporter une solution, parce qu'il a structurellement géré le problème de la dette et crée le problème de la pauvreté. Donc il y a véritable imposture médiatique dans le discours actuel, dont le but est avant tout de lui permettre de perpétuer le système qui est en place.

Pendant très longtemps, dans les années 80, les programment d'ajustement structurel était très très crus, on disait : « Il faut diviser par deux le budget de la santé, il faut diviser par deux le budget de l'éducation, par exemple ». Nous, bien sûr, on parlait déjà de réduction de la pauvreté. Alors que ces institutions comme la Banque Mondiale et le FMI était très délégitimés, pour retrouver une certaine légitimité , elles ont récupéré le vocabulaire des opposants, mais en y laissant la même logique. Donc, on va dire: « On va créer quelques petits budgets sociaux, on va parsemer quelques petites aides à droite ou à gauche, et on lutte contre la pauvreté ». En gros, on va créer 100 cases de santé dans un pays d'Afrique, on va créer 100 écoles dans une région du monde. Mais pendant le même temps, on interdit aux gouvernements de recruter des enseignants et de former des enseignants; on interdit aux gouvernements de recruter des médecins, de former des aides-soignantes. Ça veut dire qu' on va avoir un minimum d'infrastructures nouvelles, mais on va empêcher le gouvernement d’assurer le fonctionnement. Ça veut dire quoi ? Ca veut dire que si on veut que l'école elle tourne, il faut que les populations payent le salaire des enseignants. Mais elles n'ont pas la possibilité de payer le salaire des enseignants ! Et donc on ne va pas à lutter contre la pauvreté en maintenant ces mesures d'ajustement structurel. Donc il faut vraiment démasquer cette imposture du langage officiel, qui cherche à protéger le système, a faire semblant de lutter contre ce qu'elle appelle des « dommages collatéraux », alors que finalement ce n'est pas un dommage collatéral, c'est l'essence-même du système qui est ici en cause.


Pascale Fourier
 : Je me suis laissée peut-être intoxiquer par les médias, mais j'ai l'impression que si on dit qu'on va réduire seulement de la moitié de la pauvreté, c'est parce qu’on pense que ça va se décanter naturellement grâce aux échanges commerciaux, au libre-échange…

Damien Millet : Eh bien là aussi, on a affaire à une imposture médiatique. La libéralisation, le libre-échange, le libre commerce, la liberté économique, c'est une fausse liberté. Parce que, ça a toujours été, dans l'histoire de l'économie moderne, l'outil des puissants pour lutter contre les plus faibles. A partir du moment où un État acquiert une puissance économique, en protégeant son économie la plupart du temps, une fois qu'il est arrivé à être le plus puissant d'une région donnée, voire de la planète, il a tout intérêt à abolir les protections chez celui qui y est moins puissant que lui pour qu'ils ne vienne pas le concurrencer. Et donc, de tout temps, le libre-échange a été l'outil prôné par les grandes puissances face aux autres. I y a une phrase célèbre qu'on peut lire dans le Monde Diplomatique de décembre qui dit la chose suivante finalement : il y a deux cent ans, l'Angleterre a promu le libre-échange par ce qu'elle était dominante; et on pronostiquait que les États-Unis allaient prôner eux aussi, dans les deux cent ans à venir, le libre-échange puisque elle allait devenir la puissance dominante. Et effectivement aujourd'hui, les États-Unis sont la première puissance mondiale sur le plan économique et ce sont eux qui sont le fer de lance du libre-échange.


Pascale Fourier
 : Oui mais d'après ce que j'ai compris, il y a des pays du Sud qui demandent que le commerce soit libéralisé, notamment pour les produits agricoles. Donc c'est que les pays du Sud y voient eux aussi un intérêt, non ?

Damien Millet : Il faut faire attention à l'expression de pays du Sud. D'abord, il y a deux types de pays du Sud: il y a les pays émergents, comme le Brésil, l'Inde, la Chine par exemple, qui finalement jouent leur propre carte, veulent leur part du gâteau, veulent devenir à leur tour de grandes puissances et à leur tour avoir accès aux avantages des pays riches; et il y a les pays les plus pauvres, les pays africains notamment, ceux qui sont dans tous les cas les victimes des accords actuels au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce. On assiste aujourd'hui à une légère redistribution des cartes: les grandes puissances comme l'Union Européenne et les États-Unis s'allient avec le Brésil, l'Inde, la Chine et vont gérer le commerce mondial entre eux, et finalement, les pays africains sont toujours les laissés pour compte de l'histoire. Je veux insister sur un deuxième point: à l'intérieur même des pays du Sud, il y a ceux qui profitent du système et ceux qui subissent le système. Alors oui, les élites de ces pays prônent le libre- échange parce qu’elles y ont personnellement intérêt. Mais bien sûr, les populations ne le prônent pas: souvent elles ne sont pas dupes. Et il y a des centaines de mouvements sociaux du Sud qui demandent l'arrêt des négociations en cours à l'OMC, dans ce sens-là en tout cas, et l'annulation totale de la dette, notamment.


Pascale Fourier
 : En fait, je vous trouve un petit peu excessif dans ce que vous dites... A vous entendre, on a vraiment l'impression que les pays du Nord sont vraiment des « vilains », pour utiliser un terme un peu enfantin. Or, par exemple, avec le tsunami, on s'est aperçu qu'il y a une véritable volonté d'aider, de venir en aide, une volonté tant individuelle que collective, non?

Damien Millet : Ils ont l'air « vilain » simplement parce que, quand on analyse précisément ce qui se passe au niveau financier et économique, effectivement ils maintiennent les pays du Sud dans une domination absolument implacable. Il est vrai qu'il y a eu un tsunami et qu'on a envoyé de l'aide... Il y a eu plus de 10 milliards de dollars qui ont été envoyés, aussi bien par des structures publiques que par des particuliers. Qu'est-ce que ça va changer là bas ? Déjà, ça va augmenter l'Aide Publique au Développement, dont on vient de parler. Mais, de même l'annulation de la tête de l'Irak va aussi augmenté l'Aide Publique au Développement. Donc, je peux vous annoncer d'ores et déjà une augmentation importante de l'Aide Publique au Développement pour cette année. Sans forcément qu'un sou de plus soit dépensé ! En Irak, on va se contenter de reconstruire, on ne va pas améliorer une situation précédente.

Je crois que, le discours officiel sur les catastrophes naturelles est aussi à démasquer.Parce qu'on nous fait croire, quand on est juste des fétus de paille. La catastrophe est naturelle. L'homme est bien faible devant. Il doit abdiquer, il doit baisser la tête, il doit subir. Et puis finalement, il fait ce qu'il peut après. Mais je crois qu'il est fondamental de comprendre que l'organisation sociale et économique est fondamentale dans les conséquences des catastrophes naturelles. Bien sûr, le déclenchement du tsunami est naturel. Mais les conséquences le sont-elles ? Le séisme au Pakistan a une cause naturelle. Mais ses conséquences le sont-elles ? On a analysé, au CADTM, les catastrophes naturelles depuis les années 70. Or il se trouve que le nombre de catastrophes naturelles a été multiplié par 2.5 entre les années 70 et les années 90. Et, pour la décennie 2000, c'est en pleine explosion. Alors, est ce que c'est vraiment le hasard ? Il faut savoir par exemple que les pays qu'on appelle les pays les plus pauvres, les pays à faible indice de développement humain - calculé par l'Organisation des Nations Unies pour le développement - ont connu 20 % des catastrophes naturelles pendant la dernière décennie, entre 92 et 2001, mais ils ont subi 50 % des décès. Les catastrophes naturelles frappent plus, en termes de décès, les pays pauvres que les autres. Ça interroge. Une catastrophe naturelle fait en moyenne 44 décès dans un pays développé, et 300 décès dans un pays à faible indice de développement humain. Pourquoi une telle différence, si c’est si naturel que ça ?

En fait je crois que ce monde globalisé, ce monde néolibéral qui a connu une globalisation financière importante, s'est privé des moyens de protéger ses populations face à des catastrophes naturelles. Et l'idéologie libérale est complètement irresponsable dans ce contexte-là. Je donne deux exemples. Les programmes d'ajustement structurel, dont on a parlé dans l'émission précédente, réduisent les budgets sociaux au minimum : même la santé, l'éducation, les infrastructures, les programmes de logement sont complètement amputés à cause des programmes d'ajustement structurel. Comment dans ces conditions peut-on concevoir qu'un pays puisse financer un service d'alerte, un service de protection d'une catastrophe, un service d'urgence en cas de catastrophe? Pour vous donner un exemple, à Cuba, en juillet 2005 est passé un ouragan de force 4 qui s'appelait Denis. En une demi-journée, Cuba a réussi, grâce à son organisation sociale et économique - qui est critiquable par certains points certainement - à installer 2200 structures d'accueil, à évacuer 1.5 millions de personnes, à mobiliser l'armée, la protection civile, des structures sociales comme des syndicats, comme des comités de quartier, comme des coopératives, à diffuser rapidement l'information grâce à des réseaux de bénévoles. Ce cyclone de force quatre a fait 16 morts. Ce cyclone avait exactement la même force que Katrina. Katrina, aux États-Unis, en août 2005, donc le mois suivant, a fait plus de 1100 morts et un million de sans abris. Donc les conséquences d'une catastrophe naturelle sont intimement liées à l'organisation sociale d'un pays. On sait très bien que Cuba est réputé pour avoir le meilleur système de protection au monde, même par des spécialistes de l'humanitaire qui ne sont pas engagés politiquement sur ce plan-là.

Le deuxième exemple que je vais donner, c'est la déforestation. On sait très bien que pour rembourser leurs dettes, les pays doivent attirer les capitaux et exporter les agrumes et les bois précieux par exemple. On sait aussi que les populations pauvres ont tendance à déboiser de plus en plus, notamment les flancs des montagnes, les pentes des volcans, pour pouvoir pratiquer de l'élevage, pour planter du maïs, du café, pour pouvoir survivre. Et donc, évidemment, dans ces conditions-là, quand une catastrophe naturelle survient, eh bien les montagnes déboisées ne retiennent plus rien, les dégâts sont démultipliés, les glissements de terrain se multiplient etc. Et donc là aussi, les conséquences des contraintes économiques très fortes imposées par les grandes puissances sont dramatiques dans les pays les plus pauvres. Cela veut dire que les conséquences sont liées à l'organisation de la société. Et de ce point de vue-là, il est clair que les programmes d'ajustement structurel sapent toute organisation sociale efficace ! Il n'y a plus aucune prise en compte de l'intérêt collectif, et c'est uniquement le remboursement de la dette qui est érigée en priorité.

Nous ne sommes pas que des fétus de paille. Nous devons réfléchir, et aussi bien au Nord qu'au Sud, à l'organisation économique et sociale que nous voulons, au monde dans lequel nous voulons vivre. Et nous le verrons, dans ces conditions-là, éradiquer la pauvreté n'est pas un gros problème économique, c'est un problème de volonté. Annuler la dette n'est pas un problème économique, c'est un problème de volonté. Et se renforcer, être plus fort face aux catastrophes naturelles et aussi un problème de volonté.


Pascale Fourier
 : C'était donc Des Sous.. et des Hommes, en compagnie de Damien Millet, président du Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers-Monde. Je ne peux à nouveau que vous conseiller la lecture des deux livres qu'il a écrits. Le premier, en co-écriture avec Éric Toussaint : 50 questions, 50 réponses sur la dette, le FMI et la banque mondiale, un livre limpide de pédagogie. Et puis le deuxième, qu'il a écrit tout seul, mais qui est tout aussi remarquable, qui s'appelle L'Afrique sans dette qui vient de sortir tout récemment aux éditions Syllepses. Voilà, à la semaine prochaine !

 



 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 7 Février 2006 sur AligreFM. Merci d'avance.