Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION- bonus du 2 Juin 2007

L'intervieweuse interviewée...

Avec Philippe Vannini, président d'AligreFM, Patrick Léon-Emile, animateur de Version Originale, et Pascale Fourier,animatrice de Des Sous... et des Hommes.

 

A l'occasion des 25 ans d'AligreFM, des interviews croisées des animateurs de la radio par d'autres animateurs ont été enregistrées... L'occasion pour chacun de découvrir les autres, et d'expliquer ce qui l'a amené à parler dans le micro....

Interview donc de Pascale, par Philippe Vannini et Patrick Léon-Emile...

 

Philippe Vannini : Alors là, on va parler Des Sous Et Des Hommes, avec...Avec qui ?

Pascale Fourier : Avec Pascale Fourier.

Patrick Léon-Emile: ...et Patrick Léon-Emile qui anime Version Originale.

Ça fait combien de temps que vous etes sur Aligre ?

Pascale Fourier : Ça sera ma septième saison si je continue de l'année prochaine.

Patrick Léon-Emile : Quand tu as voulu faire une émission sur l'économie, est-ce que tu t'es dit : " Voilà de quelle manière j'aimerais qu'on parle de l'économie", est-ce que tu t'es dit :"Voilà ce qui manque dans la façon de parler économie, voilà comment je propose d'en parler ?" ?

Pascale Fourier : C'était ça, oui, parce que j'ai la fâcheuse tendance, outre de bafouiller comme tout le monde pourra le remarquer, d'écouter France Inter le matin. Et donc, j'ai la joie et la bonne humeur d'entendre Jean-Marc Sylvestre... Et puis, il y a sept ans, étaient apparus sur de grands panneaux publicitaires des faucilles et des marteaux dorés, et qui étaient en fait des invitations à placer son argent en bourse. À l'époque j'ai trouvé ça un peu étrange... C'était le moment où ils nous disaient vraiment qu'il fallait placer son argent en bourse, que c'était extraordinaire, qu'on allait faire fortune. Je trouvais tout cela quand même franchement étrange et très en décalage avec ce que moi j'avais pu entendre quand j'étais petite dans les discours politiques. Et du coup, je me suis dit - moi, je ne fais pas du tout d'économie dans la vie civile, je m'occupe notamment de latin et de grec, donc ce n'est pas complètement le même sujet -, je me suis dit : "Si je n'y comprends rien, je peux peut-être essayer de faire comprendre aux gens en posant des petites questions candides, quitte à bafouiller en posant des questions". Et, c'est ce que j'ai essayé de faire. Alors oui, évidemment, je n'ai pas essayé d'interviewer les mêmes gens que Jean-Marc Sylvestre, c'est clair.

Patrick Léon-Emile : C'est-à-dire qu' il y a plus un positionnement plutôt opposé à celui de la personne que tu viens de citer?.

Pascale Fourier : Oui, un positionnement on pourrait dire "antilibéral". Mais qui dit "antilibéral" ne dit pas forcément "extrême-gauchiste", mais éventuellement quelqu'un de gauche... On peut être keynésien , c'est peut-être assez modéré... Il y a des keynésiens qui viennent chez moi, il y a des marxistes qui viennent chez moi, il y a des gens qui sont altermondialiste d'une façon générale. Mais je revendique le fait que cette émission n'est pas une émission "extrême-gauchiste": ça, c'est clair pour moi.

Patrick Léon-Emile : Est-ce qu'il y a des thèmes qui sont beaucoup plus difficiles à aborder que d'autres en économie ? Est-ce que par exemple il y a des thèmes que tu voulais aborder et que tu as du mal parce que c'est très technique, parce que tu ne trouves pas les bons interlocuteurs ?

Pascale Fourier : Ce n'est pas que je ne trouve pas les bons interlocuteurs, c'est que je suis un peu mal-comprennante sur un sujet... c'est le sujet de la monnaie.

Patrick Léon-Emile : La monnaie...

Pascale Fourier : Oui, la monnaie, comment se créee la monnaie... Ça, décidément, je reste un peu obtuse...

Patrick Léon-Emile : Tu disais que dans la vie tu es donc enseignante, dans une matière qui n'a rien à voir avec l'économie. Mais le point commun entre les deux activités, c'est qu'il y a quand même un souci pédagogique très fort: tu essaies ainsi de faire très simple, de façon à faire comprendre l'économie par des termes très simples, par des mécanismes simplifiés. C'est ça, le souci?

Pascale Fourier : Le plus possible. Alors, il est vrai que au tout début de mes prestations je faisais préciser chaque mot, du type " Qu'est-ce que la croissance ? C'est quoi, le PIB ?", etc. etc. Et puis, je peux des fois quand même difficilement cacher que j'ai fini quand même par comprendre quelques petites choses et je ne pense plus forcément à poser ce type de questions: ça peut donc peut-être devenir un petit peu plus compliqué. Mais, pour ceux qui seraient vraiment des néophytes totaux, ils peuvent reprendre 175 émissions de 20 minutes chacune sur le site www.des-sous-et-des-hommes.org, en version son et en version transcription...

Philippe Vannini : Et d'ailleurs si un éditeur est intéressé... parce qu' existent toutesles transcriptions de ces entretiens, et ça pourrait faire l'objet d'un beau livre. Mais, il faut trouver les éditeurs et ce n'est pas facile facile...

Pascale Fourier : Oui... En fait il y a carrément un livre qui était tout prêt, qui pouvait être le premier d'une série, et là par exemple je pourrais en faire encore un nouvel épisode sur tout ce qui tourne autour du protectionnisme qui me semble un des thèmes les plus essentiels actuellement au point de vue économique et politique... Je pense avoir les meilleurs intervenants; il m'en manque encore un, mais je pourrais le décider si ça se mettait en place. Le problème, c'est de trouver un éditeur qui veut faire quelque chose qui est pédagogique. Et c'était ça, la difficulté, puisque j'ai eu effectivement une réponse qui me disait : " Mais ces personnes se sont déjà exprimées en écrivant des livres". Je suis bien d'accord, mais pas forcément très accessibles.... Et moi, je pense rendre les choses plus ou moins accessibles...

Patrick Léon-Emile : Et tu as des retours de tes auditeurs ? C'est vrai que l'on parle d'économies sur d'autres radios, mais, sans doute y a-t-il des sujets plus spécifiques qu'on n'aborde pas, et que tu arrives toi à traiter. Est-ce que tu as des retours de tes auditeurs qui t'apportent une satisfaction, en justifiant le choix que tu as fait de tel ou tel thème?

Pascale Fourier : Oui. Par le site, j'ai pas mal d'auditeurs qui m'écrivent. Et je sais aussi que mes émissions circulent par des CD que je peux envoyer et qui ensuite peuvent être copiés. Tout est libre de droits, tout est pompable sur le site... D'ailleurs, grâce aussi à Aligre, puisque Aligre ne m'a jamais mis le moindre bâton dans les roues, ni dans les sujets que je traitais, ni sur la thématique, ni sur le fait de mettre mes émissions sur un site, libres de droits. C'est la liberté absolue, et j'en sais gré à Aligre.

Philippe Vannini : Pourquoi le ferions-nous ? Je dois, Patrick, faire une petite incise... On doit reconnaissance à Pascale d'avoir fédéré énormément d'auditeurs autour de son émission. Il y a vraiment un réseau autour de cette émission et je crois que elle a une reconnaissance ses auditeurs parce qu' ils se reconnaissent à travers ces problématiques. Ce n'est pas du tout un discours militant vos émissions, c'est ça qu'il faut bien préciser. C'est-à-dire, ça permet d'avoir comme ça une appréhension du politique, une connaissance, et après, c'est un peu le principe d'Aligre, c'est-à-dire de dire : "Nous devons faire en sorte que les auditeurs se posent des questions et s'interrogent dans un monde où l'on consomme". Et c'est ça.

Pascale Fourier : En tous les cas, pas plus militant que Jean-Marc Sylvestre tous les matins. Et c'était un peu ça aussi l'idée. Il y a un discours unilatéral et si je m'en tiens encore une fois à France Inter, une fois par semaine, on daigne inviter un économiste, Bernard maris, qui n'est pas libéral... Mais il y a que les choses qui ne va pas là-dedans ! A un moment, je m'étais dit qu'on allait me reprocher de n'inviter effectivement que des gens qui ne sont des libéraux. Eh bien visiblement sur les autres radios ça ne pose aucun problème d'inviter systématiquement des gens qui soutiennent le discours libéral. Du coup, je me dis que ce n'est pas bien grave, effectivement dans l'optique que tu dis, Phillippe, c'est-à-dire: " Je vais proposer une autre façon de voir les choses", et puis ensuite on peut réfléchir, réellement, mais avec les deux termes du débat et pas seul.

Patrick Léon-Emile : Cela dit, tu peux très bien tomber sur un économiste libéral qui a des choses intéressantes à dire, et présente les choses, même s'il est libéral, sous un jour un peu intéressant ?

Pascale Fourier : Libéral, je ne sais pas.... En revanche, j'ai effectivement invité des gens qui étaient des gens de droite. Plusieurs.

Patrick Léon-Emile : Alors pour toi il y a une nuance; tu fais la nuance entre être de droite et être libéral.

Pascale Fourier : Oui. Henri Guaino, la plume de Sarkozy, a été un de mes premiers invités il y a quelques années. Hakim El Karaoui qui a été la plume de Raffarin est venu se faire interviewer ici.

Patrick Léon-Emile : Toutes ces interviews et ces sujets économique, c'est quand même des rencontres intéressantes... Tu as rencontré José Bové, Serge Halimi, Frédéric Lordon, Francis Wurtz, Anne-Cécile Robert, par exemple... Est ce qu'il y a parmi ces personnes des personnalités qui t'ont marqué plus que d'autres ? De vraies rencontres humaines qui se sont faites?

Pascale Fourier : Oui ! Mon émission-pépite, c'est Maurice Kriegel-Valrimont .

Patrick Léon-Emile : Rappelle-nous qui c'est ?

Pascale Fourier : C'était un Grand Résistant. Iil était signataire de l'appel pour la célébration du 60e anniversaire du Programme National de la Résistance, qu'a oublié de citer Nicolas Sarkozy sur le plateau des Glières , et c'était un monsieur qui avait 91 ans quand je l'ai interviewé. Il est mort l'été dernièr en juillet, et pour moi, c'est la plus belle rencontre que j'ai faite. Un type de 91 ans qui était capable de porter comme ça «  les jeunes » entre guillemets, parce que je ne le suis peut-être plus vraiment vraiment , mais en tous les cas l'ensemble de tous les jeunes vers l'espoir social. C'était une rencontre absolument fabuleuse. Vraiment.

Actuellement, par exemple, un des types intellectuellement qui me semble le plus intéressant à suivre, c'est Jacques Sapir, qui est chercheur à l'EHESS, l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.

Mais, ma pépite, c'est Kriegel-Valrimont, et aussi peut-être, bizarrement, Philippe Dechartre, qui est un gaulliste, et qui a tenu des propos... d'une bonté je crois, d'une simplicité, même dans sa façon de me recevoir. Il m'a reçue au Conseil Economique et Social, une haute institution de la République ... et sa façon humaine, gentille de m'accueillir..., c'était aussi quelque chose d'assez fabuleux.

Philippe Vannini : Alors, Patrick, Pascale renie sa jeunesse alors qu'elle est quand même très jeune, et elle est fascinée par la Résistance.

Patrick Léon-Emile : Oui, le terme est sorti plusieurs fois ... C'est vrai. Etonnant...

Pascale Fourier : Oui, parce que, par exemple effectivement, l'appel pour la commémoration du 60e anniversaire du Programme National de la Résistance, a été signé par Lucie et Raymond Aubrac, par Hessel... enfin des gens absolument fabuleux, qui tenaient à défendre les acquis qu'avait apporté le fruit justement de la Résistance, parce que ce programme a été fait vraiment au fin fond de l'Histoire la plus sombre, parce que ce programme a commencé à être réfléchi en 1943 sous l'égide de Jean Moulin, et dès le début la Résistance, l'objectif était d'une part de chasser les Allemands, et d'autre part de proposer un modèle social qui apportait du mieux-être. Et actuellement, on est loin de se dire qu'on va aller vers du mieux-être. Chacun d'entre nous -- et on entend ça dans tous les médias - pense que la génération qui va nous suivre va avoir des conditions pires. Et c'est pour cela que je suis infiniment gré à Kriegel-Valrimont d'avoir dit ce qu'il a dit dans l'émission de 103 sur mon site. Il disait: "Mais comment c'est possible qu'actuellement... Alors qu'on sortait de la guerre, qu'il n'y avait plus rien et plus d'argent dans les caisses, on a réussi à mettre en place ça, la Sécurité Sociale, etc . Maintenant on veut détruire ça? Il y a quelque chose qui ne va pas. Il y a quelque chose ne va pas". Et actuellement, on est quand même effectivement la quatrième puissance mondiale, ou la 5 ou la 6, on va pas chipoter, et on continue à essayer de nous dire quand même qu'il faut mettre à bas tout ce qui assurait le bien-être des simples travailleurs, puisque c'est ça quand même ce qui est derrière... La Sécurité Sociale, eh bien c'est ça ! Et quand j'apprends que Nicolas Sarkozy - parfois, il arrive quand même à me mettre en colère - risque de mettre en place une franchise au niveau de la Sécurité Sociale ( on a entendu parfois parler de 100 €), mais il ne se rend pas compte de ce que c'est 100 €, pour des pauvres ! Et c'est absolument insupportable!

Alors "résistance"... Je le répète: moi, je ne suis pas extrême-gauchiste, et je ne vais pas monter systématiquement au créneau sur tous les sujets. Mais il faut absolument que le débat politique se recentre sur un certain nombre de notions, et je pense qu'il n'est pas possible de faire l'impasse sur le protectionnisme. André Bellon avait écrit un livre qui s'appelait " Pourquoi je ne suis pas altermondialiste".... Je pense que le vrai questionnement politique est là. Par exemple mon émission qui au départ était simplement économique est de moins en moins économique et de plus en plus politique, de plus en plus sociologique...

Patrick Léon-Emile : De toutes façons, la frontière est quand même fine entre les deux...

Pascale Fourier : Oui. Mais au départ, j'essayais d'être très claire dans ce que je faisais, donc économie économie... Mais ce n'est pas possible effectivement de ne pas aller au-delà. Et si on ne se pose pas ce questionnement sur le protectionnisme, je ne vois pas comment on peut lutter contre le libéralisme ou la mondialisation. Et en particulier, quand on dit actuellement que la gauche et la droite c'est la même chose, qu'il faut revisiter les frontières patati patata, non ! Il y a une frontière qui devrait être claire entre une gauche et une droite, des gens qui sont OK avec le libéralisme, avec la mondialisation qui ne peut être autre chose que libérale. Et c'est bien ça, le problème! "Mondialisation", c'est mignon.... On a l'impression qu'on va être tous frères... Mais ce n'est pas ça ! C'est une mondialisation qui cherche à mettre à bas les frontieres pour "faciliter" les échanges economiques. Mais si ça doit faire en sorte qu'on va préférer faire des productions dans des pays dans lesquels il n'y a pas de protection sociale...

Et c'est là aussi qu'il y a lien avec Kriegel-Varimont. Nous sommes un pays dans lequel nous avons choisi un modèle social dans lequel nous avons des valeurs, et nous avons mis en place un certain nombre de choses pour protéger ses valeurs, notament des valeurs de solidarité. Actuellement, la seule chose qu'on nous propose, c'est de mettre à bas tout cela sous prétexte qu'il faudrait être compétitif. Et, effectivement, actuellement, le parti de Sarkozy d'une part, et y compris le Parti Socialiste dans sa branche qui n'est pas clairement à gauche, parlent "d'adaptation à la mondialisation", et "d'adaptation à la compétitivité". A partir de ce moment-là, à partir du moment où on parle "compétitivité", il faut avoir les oreilles dressées. Parce que ça veut dire qu'on va mettre à bas les protections sociales. Ca ne peut pas être autrement. Et d'ailleurs le vote pour Nicolas Sarkozy est parfaitement cohérent. Si effectivement on pense que la mondialisation est une bonne chose, d'une part, et d'autre part qu'il faut être compétitif, oui, il fallait voter Sarkozy !

Patrick Léon-Emile : Justement, ce vote, il émane de gens qui sont généralement de classes populaires, qui sont principalement touchés par ce type de mesures. Et là, c'est l'importance des émissions comme la vôtre, c'est-à-dire d'arriver à expliquer aux gens, vraiment pour quoi ils votent, et quelles sont véritablement les politiques qui sont en jeu, et les aider à sortir de la peoplelisation de la politique qu'on est en train de voir.

Pascale Fourier : Et c'est la limite, ou pourrait dire, des émissions faites sur des radios associatives, si je puis me permettre. Il est vrai que je grouillotte dans les millieux altermondialiste, et souvent on me dit que finalement la solution, pour passer nos messages, etc etc, ce serait effectivement des radios alternatives, des médias alternatifs divers et variés, que ce soit papier, télévision comme Zalea par exemple... Je crois que non. Je crois que le fond de l'affaire est bien là, c'est-à-dire qu'il y a un discours unilatéral ou quasi-unilatéral sur l'ensemble des médias classiques, des grands médias, et que ce sont ces grands médias-là qui touchent le grand public, et les travailleurs, si je dois prendre une terminologie qui fait un peu coco sur les bords. Et c'est un réel probleme : comment faire en sorte qu'un disours alternatif puisse passer? Et ce n'est pas simplement un discours alternatif... Comment une vraie forme de démocratie est-elle possible? Parce que si on ne réfléchit pas sur un certain nombre de thématiques, il n'y a plus de démocratie. Et pour moi, je pense qu'actuellement la démocratie est gravement en danger.

 

 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 2 Juin 2007 sur AligreFM. Merci d'avance.