Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION DU 16 OCTOBRE 2007

Pour un référendum sur le traité "simplifié".

Avec Patrick Trannoy,  animateur de Demain la Gauche

 

Pascale Fourier : Et notre invité aujourd'hui sera pPtrick Trannoy, animateur de Demain la Gauche qui rassemble des citoyens et des militants qui pensent que l'idée républicaine doit être mise au coeur de la gauche.

Le 5 octobre dernier, l'AFP l'annonçait : la présidence portugaise de l'Union Européenne publiait le nouveau traité modificatif qui devrait être adopté au sommet de Lisbonne de jeudi et vendredi prochain, c'est-à-dire les 18 et 19. Je ne sais pas, je dois être un peu sourdingue, un peu inattentive, ou que sais-je, mais je n'ai pas entendu les médias classiques faire leurs grands titres sur ce sujet. Pourtant, ce traité modificatif engagera, s'il est ratifié à terme, l'avenir de l'Europe sur de nombreuses années. Le texte ce traité, on peut trouver sur www.concilium.europa.org, ou le site www.traite-simplifie.org et vous verrez c'est un morceau d'anthologie ! Comme le souligne le communiqué même de l'AFP, « il se lit comme une liste de modifications », et je cite toujours l'AFP, « est donc incompréhensible sans les deux traités à portée de main ». On voudrait faire en sorte que les citoyens ne puissent pas comprendre ce dont il s'agit qu'on ne s'y prendrait pas autrement. Il faut dire que de toute les façons Nicolas Sarkozy n'a pas du tout l'intention de nous demander notre avis, puisqu'il compte faire ratifier ce texte par voie parlementaire. Alors moi, ce traité, ce que je voudrais, c'est qu'on en parle... Je cherche sur le Net tous les renseignements possibles et imaginables, et j'en a trouvé un, de texte, très tonique, très vif, et même drôle sous certains aspects: c'est Patrick Trannoy justement qui l'écrivait, l'animateur de Demain la Gauche. Vous verrez, même à l'oral, il est très tonique.

Il y a à peu près une dizaine de jours, la présidence portugaise de l'Union Européenne a enfin publié le traité dit simplifié. Etonnament, les médias n'en ont pas dit grand-chose...

Patrick Trannoy : Précisément, on n'a rien dit de ce traité simplifié.... On n'avait pas dit grand-chose non plus du conseil européen de Bruxelles en juin dernier, sauf que Nicolas Sarkozy avait remporté une grande victoire diplomatique, qu'il avait réussi à relancer l'Europe qui avait été gravement arrêtée, gravement menacée, gravement perturbée par l'épouvantable Non français et le non moins épouvantable Non néerlandais de 2005.. A part cette propagande élyséenne, on n'a effectivement pas eu de débat sur le conseil européen de Bruxelles, on n'a pas le débat sur la conférence intergouvernementale qui s'est achevée le 22 octobre dernier, et je parie qu'on n'aura pas grand débat non plus sur le conseil européen de Lisbonne des 18 et 19 octobre prochains. Et comme le président de la république en France a décidé qu'il n'y aurait pas non plus de référendum, eh bien vraisemblablement, le calcul que font un certain nombre de partisans du Oui, le grand parti des Ouiouistes qui rassemblent l'Élysée, Matignon, l'Assemblée Nationale, le Sénat, les états-majors des principaux partis et des grands médias etc., c'est qu'il n'y aurait pas de débat du tout. Donc, merci déjà de faire cette émission : c'est là aussi qu'on voit l'utilité des médias alternatifs par rapport à un certain nombre de grands médias...

Pourquoi ne veulent-ils pas faire de débat ? Parce qu'ils ont compris en mai 2005 que lorsque les citoyens français s'emparent du débat européen, ils le font d'abord en comprenant assez bien ce que le jargon juridique et le mensonge médiatique voudraient leur cacher. Les citoyens français s'emparent de ce débat avec des principes et des valeurs qui sont très profonds et qui sont très précis. On dit souvent que le peuple français est dépolitisé, désorienté, qu'il n'a plus d'idées etc.: ce n'est pas sûr... En réalité, il fait ses choix politiques par défaut depuis un certain nombre d'années et c'est pour ça qu'on ne voit pas toujours sa cohérence.

Mais au fond, quand on l'interroge sur des questions essentielles il répond avec les principes et les valeurs que lui lègue son passé et son histoire politique. Et si on regarde la question du débat du traité simplifié européen à travers ces principes et ces valeurs, le principe d'égalité, le principe de souveraineté populaire, le principe de citoyenneté etc., effectivement ce traité n'est pas acceptable.

Et je pense que les différents partisans du Oui se doutent qu'en cas de référendum et qu'en cas de débat, ce traité simplifié, qui est - on en parlera tout à l'heure je l'espère- le copié-collé du traité constitutionnel européen, les mêmes causes engendrant les mêmes effets, serait donc rejeté à nouveau par le peuple français.

Donc on a décidé d'escamoter le débat. On a décidé qu'on n'en parlerait pas. Peut-être que certains journalistes comme Madame Ockrent organiseront un débat contradictoire entre Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État, et puis je ne sais pas moi... par exemple Bertrand Badie ou je ne sais quel éditorialiste bien-pensant de France Inter... Il y aura peut-être un ou deux débats factices, mais au fond on ne veut pas débattre avec le peuple.

Pour autant, ce plan, ce projet diabolique du parti des oui-ouistes n'est pas forcément le scénario qui va se produire. Il appartient aussi aux citoyens français d'imposer un référendum. On peut y parvenir, et on peut en particulier interpeller les députés de l'opposition et les sénateurs de l'opposition, parce que s'il n'y a pas de majorité des 3/5 au Parlement, c'est-à-dire au congrès, Sénat et l'Assemblée Nationale réunis pour voter la réforme constitutionnelle et la ratification du traité, Nicolas Sarkozy ne pourra pas passer par la voie parlementaire.

Si donc les députés et sénateurs en particulier socialistes n'offrent pas une collaboration active au projet du président de la République, alors le référendum devient obligatoire. C'est quand même intéressant. Il y a parmi ces sénateurs et députés de gauche des gens qui sont pour le Oui, mais ils pourraient quand même voter Non à une question qui leur serait posée par la voie parlementaire de sorte de laisser les citoyens français trancher par référendum. Et s'ils sont sûrs de leurs options et s'ils sont sûrs de leur bonne foi, eh bien qu'ils fassent en sorte que la question soit posée au peuple, et qu'ils défendent le Oui devant les citoyennes et les citoyens.

Donc moi, ce que j'invite les gens à faire, c'est à interpeller leurs parlementaires, et en particulier les parlementaires socialistes en leur disant : « Allez-vous mêler vos voix à celles de l'UMP et allez-vous donner une majorité à Nicolas Sarkozy sur un enjeu aussi essentiel, ou allez-vous appeler le peuple à trancher une question qui le regarde au premier chef et qui est celle de l'avenir de l'Union Européenne et de la question du traité simplifié?


Pascale Fourier
 : Oui, mais d'un certain côté peut-être Nicolas Sarkozy a-t-il raison: à partir du moment où les Français l'ont élu alors qu'ils savaient qu'il ne soumettrait pas au référendum le traité simplifier, c'est qu'ils sont donc d'accord avec le fait que ça se passe comme ca.

Patrick Trannoy : Ecoutez la meilleure façon de savoir ce que pensent les Français, c'est quand même de leur poser la question plutôt que de se perdre en conjectures. D'autre part, ma conviction profonde, c'est que les Français ont élu Nicolas Sarkozy parce que il n'y avait pas grand-chose de crédible en face. Voilà. On peut en tout cas interpréter de X. ou Y façon l'élection de Nicolas Sarkozy, il ne saurait s'arroger le droit de revenir sur un vote clair, net et précis du peuple français émis le 29 mai 2005. L'élection ne le lave pas de toute obligation démocratique. Il faut quand même respecter un minimum la souveraineté populaire !

Le premier effet «kiss cool» antidémocratique du parti des oui-ouistes, c'est qu'il y aura pas de débat. En tout cas, c'est leur souhait.

Le deuxième effet « kiss cool », c'est que si on adopte le traité constitutionnel, pardon le traité simplifié - pour moi, c'est le même, je n'ai pas beaucoup vu la différence- , on aura non seulement été privé de débat, mais on sera encore un peu plus privé de souveraineté populaire quand on l'aura adopté. Pourquoi ? Parce que même si ce traité ne prétend plus être une constitution, il consacre en revanche la primauté du droit européen sur le droit national, y compris le droit postérieur au traité, et y compris d'ailleurs quand le droit européen est dérivé: c'est-à-dire que n'importe quelle décision technocratique de l'Union Européenne va primer sur la loi que votent les parlementaires français. On se demande pourquoi on est allé voter pour 577 députés au mois de juin dernier, puisque de toute façon ce ne sont pas eux, mais les instances technocratiques de l'Union Européenne, en particulier la Commission et la Cour de Justice qui auront le dernier mot.

Pascale Fourier : Mais ça, ça n'existait pas avant ?

Patrick Trannoy : Ca existait avant parce que la Cour de justice européenne avait fait un hold-up sur ce pouvoir, sur cette primauté du droit; mais c'était jusqu'à présent un état de fait en quelque sorte, ou en tout cas ce n'était une situation de droit que parce que la Cour de justice c'était arrogée ce droit. Là, ça va être écrit dans les traités. Donc on va nous demander d'accepter en quelque sorte le dessaisissement dont jusqu'à présent on était victime sans y avoir consenti.

Et puis, deuxième problème démocratique profond dans ce traité dit « simplifié », c'est que les institutions dont le pouvoir est renforcé sont les institutions les plus oligarchiques, en particulier la Commission européenne qui conserve le monopole de l'initiative des textes - c'est l'article 9D du traité simplifié. On écrit noir sur blanc qu'effectivement c'est la Commission qui va prendre l'initiative. Or on sait très bien que c'est celui qui a l'initiative qui façonne et qui formate en réalité tout le contenu juridique. Il y a un petit théâtre d'ombres qui s'appellent le Parlement européen, mais en réalité ça se passe à la Commission. Et la Cour de justice va encore pouvoir laisser libre cours davantage à sa débordante créativité judiciaire, puisqu'elle pourra maintenant invoquer les principes de la Charte pour créer à nouveau du droit. Les juristes de cette Cour vont avoir encore plus de pouvoirs pour nous dire dans les différents Etats comment nous devons nous comporter, et y compris pour d'édicter des jurisprudences que les juges pourront invoquer pour écarter l'application du Droit national. Donc nos juges seront tenus d'obéir à la jurisprudence communautaire et non pas à la loi nationale.

Voyez comment la combinaison de ces deux déficits démocratique 1) la primauté du droit européen sur le droit national et 2) la création d'un droit technocratique et notamment jurisprudentiel,
les deux combinés amènent purement et simplement à ce que le pouvoir politique des citoyens - en ce qui nous concerne les citoyens français - soit écarté au profit de l'application de normes européennes technocratiques.


Pascale Fourier
  : Mais certains pourraient dire : «  Ce n'est pas grave ça, la souveraineté populaire des Français, ce qui important, c'est de créer l'Europe. Tout à l'heure, vous m'avez un peu surprise en disant que dans les principes, dans les valeurs qu'avaient les citoyens, le principe de la souveraineté populaire avait une bonne place.... Parce que moi j'entends plein de gens dire qu'ils sont européens....

Patrick Trannoy : D'abord il faut peut-être frequenter un petit peu moins les élites parisiennes et un petit peu plus citoyens français: on n'entend pas forcément le même son de cloche sur cette question-là. Mais en tout cas, on peut concilier les deux. Pourquoi est ce que vous les opposez?. Moi je suis parfaitement favorable à la construction européenne, ce n'est pas pour ça qu'on doit, au profit d'un objectif certes noble mais assez flou et assez lointain, la construction d'une Europe politique, sacrifier les conquêtes démocratiques qu'on a acquises au fil des années et des siècles. On ne va quand même pas lâcher la proie pour l'ombre et dire: « Ecoutez, demain, ce sera magnifique, demain il fera beau, donc aujourd'hui, eh bien on va rendre notre tablier, on va remettre les clés à on ne sait pas trop qui parce qu'on nous promet des châteaux en Espagne ». Il faut arrêter!

(Musique : le mouton noir de la compagnie Jolie Môme)

Pascale Fourier : La musique devrait rappeler pas mal de choses aux partisans du Non au traité constitutionnel de 2005. Mais là, ce n'est pas une question de Oui ou Non : on ne nous demande même pas notre avis. C'est ça qu'il faut comprendre ! En tous les cas, on est toujours avec Patrick Trannoy, animateur du club Demain la Gauche.


Au tout début de l'émission, vous disiez que finalement il y avait fort peu de bruit autour du traité simplifié. Mais j'entends déjà par avance ce qu'on me dira. On va me dire à terme, si on réussit à engager le débat en tous les cas dans les médias, que ce traité simplifié, ce n'est pas du tout la même chose que l'ancien traité dit « constitutionnel ». Donc il n'y a pas de problème: ce n'est pas la même chose.

Patrick Trannoy: Ecoutez, de deux choses l'une : soit ce n'est pas la même chose, c'est quelque chose de tout à fait nouveau, et dans ce cas-là, il faut interroger le peuple français pour savoir s'il en veut ou s'il en veut pas. Soit c'est la même chose, et dans ces cas-là, on a déjà dit qu'on n'en voulait pas. Donc en tout cas, rien ne justifie qu'on n'interroge pas les citoyennes et les citoyens. Moi, ma conviction, c'est que c'est la même chose: c'est un copié-collé du traité constitutionnel européen.

J'en veux pour preuve le fait que, même si on a essayé de le camoufler, les grandes options économiques et sociales qui étaient au coeur du traité constitutionnel européen se retrouvent dans le traité simplifié. La « concurrence libre et non faussée », on l'a enlevée, ce n'est plus marqué noir sur blanc parce qu'on s'est dit : « Des fois qu'ils le lisent quand même, les citoyens, on va quand même leur cacher la vérité.... » Sauf que l'essentiel y est encore ! La « concurrence libre et non faussée » est citée à nouveau dans ce traité: elle n'est plus un objectif de l'Union Européenne, mais les politiques qui y concourent sont maintenues. Donc, les problèmes de dumpings, de dislocation du service public, d'absence de politique industrielle vont perdurer.

Le problème de la politique monétaire... Là aussi l'indépendance de la Banque Centrale Européenne est confortée dans ce traité. Donc les grands problèmes économiques et sociaux qui étaient posés par le conseil constitutionnel européen sont maintenus avec des artifices de forme dans le traité simplifié.


Pascale Fourier
  : Est-ce que ça veut dire pour autant la gauche va se lever tel un seul homme pour s'y opposer... enfin l'ancien « clan du Non », si l'on peut dire. Parce que moi j'ai l'impression surtout que ça ne bouge pas beaucoup...

Patrick Trannoy : La question qu'on peut se poser, c'est : « Est-ce que le camp du Non, et en particulier le camp du Non de gauche était véritablement sinon déjà uni, en tout cas bâti sur les prémices d'une recomposition possible à terme? ». J'espère qu'un jour on verra cette recomposition s'opérer. Aujourd'hui, j'ai comme vous le sentiment que, y compris au sein du camp du Non de gauche, chacun défend avant tout ses intérêts de chapelle, ses problèmes internes. Henri Emmanuelli par exemple a courageusement dénoncé le traité simplifié. En même temps, je n'ai pas l'impression qu'il réussisse sans en faire un enjeu du prochain congrès du Parti Socialiste. Les fabiusiens ont pour certains d'entre eux courageusement lancé une pétition en faveur du référendum: je pense à l'initiative Marie-Noëlle Lienemann par exemple. Pour autant, je n'ai pas l'impression qu'ils arrivent en faire un véritable enjeu de débat à l'intérieur du Parti Socialiste. Je pense que les communistes vont faire leur travail, les Chevènementistes, le Mouvement Républicain et Citoyen. Mais en même temps, il faut retrouver la dynamique qu'on a connue fin de 2004 - début 2005. Si le Non de gauche reste aussi atone, alors que Nicolas Sarkozy a un boulevard devant lui.


Pascale Fourier
 : Peut-être les socialistes ne veulent-ils pas bouger actuellement parce qu'il y a des enjeux à terme justement dans leur parti...

Patrick Trannoy : Ca, c'est tout le problème à terme à la fois de la construction européenne et à la fois du Parti Socialiste. Finalement ils souffrent un peu du même mal... Est-ce qu'on privilégie l'outil au détriment du contenu ou bien est-ce qu'on accepte l'outil que quand on est satisfait par le contenu ? Est-ce qu'on accepte l'Europe par principe et on n'est pas trop regardant pour savoir si elle est antidémocratique et libérale, ou est-ce qu'on veut d'abord le progrès social et le progrès démocratique, et qu'on en fait une condition pour l'Europe ? Ça, c'est le problème européen, et puis le problème du PS... c'est un peu la même chose. Est-ce qu'on veut absolument l'unité du Parti Socialiste, est-ce qu'on veut absolument tout sacrifier à cet outil de conquête électorale, ou est-ce qu'a un moment donné on dit « trop, c'est trop, l'orientation et la dérive centriste et européenniste du parti socialiste n'est pas acceptable ». Moi je n'en sais rien, je ne peux pas vous répondre, je ne suis pas au Parti Socialiste. Mais il faut poser cette question à ceux qui en 2004 2005 se sont opposés au traité constitutionnel européen: est-ce qu'ils peuvent continuer à faire voiture commune avec des gens qui malheureusement sont installés au volant et qui emmènent le PS vers le centre?...


Pascale Fourier : Si on réussissait à faire en sorte qu'il y ait référendum, est-ce que ce serait enfin la possibilité de réellement « parler d'Europe » on pourrait dire ?

Patrick Trannoy : Déjà ce serait certainement, comme on l'a vu en 2004 2005, l'occasion de poser la question : quelle Europe voulons-nous ? Et pas de poser pour principe qu'on fait l'Europe coûte que coûte. Et c'est le meilleur bien qu'on puisse faire à l'Europe que d'essayer de lui donner un contenu, au lieu de la confier aveuglément à des technocrates et à une espèce de consensus oligarchique de nos différents leaders politiques. Et puis ça ferait du bien aussi à la Gauche. Car enfin, les Français aujourd'hui ne voient pas la différence ne voient pas suffisamment la différence entre la droite sarkoziste et l'opposition socialiste, ou l'opposition de gauche en général. Voilà un sujet structurant sur lequel on pourrait montrer cette opposition, sur laquelle on pourrait montrer cette différence. Pierre Mendès France avait dit quand il s'était opposé en 1957 au traité de Rome qu'il y a deux manières de construire une dictature, soit en confiant le pouvoir à un seul homme, soit en confiant le pouvoir à une oligarchie au nom de la technique. Et il avait dénoncé par avance l'Union Européenne en disant : «  Attention, on est en pleine dérive oligarchique ! ». Il avait vu juste.

Aujourd'hui si la gauche à travers cet enjeu européen arrive à retrouver une orientation structurante en disant: « Contre le libéralisme, nous voulons la reconquête de la souveraineté populaire, et donc nous voulons relever la citoyenneté, et donc par parenthèse nous acceptons le cadre national », on aurait peut-être un substrat cohérent, solide qui redonnerait un peu des couleurs à la gauche et qui la poserait en alternative réelle à la politique actuelle.


Pascale Fourier
 : Là vous avez dit une horreur absolue : « on accepte le cadre national ». Normalement, là, vous vous faites pendre haut et court...

Patrick Trannoy: Mais ça dépend de quelle nation on parle. Jusqu'à preuve du contraire, et les vagues successives d'immigration le prouvent, la France est une nation ouverte, c'est une nation citoyenne, c'est une nation bâtie sur un projet, sur un vouloir-vivre ensemble. Il n'y a rien de plus progressiste que cette notion-là par opposition à la fermeture ethnique que peuvent avoir certains certaines définitions de la nation.Et puis cette volonté d'accepter, de conforter le cadre national n'est pas du tout exclusif bien au contraire de l'internationalisme. Jaurès disait: « Un peu d'un cas d'internationalisme éloigne de la nation, mais beaucoup y ramène ». Parce que, pour faire l'internationalisme, et pour lutter contre la mondialisation libérale, il faut des outils. La nation, c'est un outil. C'est un outil qu'on utilise pour s'ouvrir. Pas nécessairement pour se fermer.


Pascale Fourier : C'était donc Des Sous... et des Hommes, en compagnie de Patrick Trannoy, animateur du club Demain la Gauche. Vous l'avez compris,du moins je l'espère, ce traité, mérite qu'on s'y intéresse: vous pouvez le trouver sur www.consilum.europa.eu. Je le répète, c'est une succession de modifications. D'ailleurs, ça s'appelle un « traité modificatif » et pas un « mini-traité »...Mais vous pouvez trouver une version des traités modifiés, avec donc les modifications insérées dans le texte sur www.traite-simplifie.org ainsi de nombreuses autres contributions.

Voilà, à la semaine prochaine!


 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 16 Octobre 2007 sur AligreFM. Merci d'avance.