Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION DU 15 Octobre 2004

L'Europe: Le Traité Constitutionnel et les traités précédents 2/3

Avec Bernard Cassen, directeur général du Monde Diplomatique, professeur émérite à l’Institut d’Etudes Européennes à Paris VIII.

 

Pascale Fourier : Notre invité aujourd’hui pour la deuxième fois : Bernard Cassen, directeur général du Monde Diplomatique, professeur émérite à l’Institut des Etudes Européennes à Paris VIII. La raison pour laquelle on parle de l’Europe ces derniers temps, c’est le fait qu’on va être appelés, nous Français, à statuer sur le Traité Constitutionnel… Il y a un petit truc que je n’ai pas compris dans cette histoire, c’est qu’on nous dit que finalement ça a très, très peu d’importance, ce Traité Constitutionnel d’une certaine façon puisque il ne fait que reprendre des traités précédents, traité de Maastricht, si j’ai bien compris, mais il y en a eu d’autres derrière, Amsterdam, Nice, et puis la Charte des droits fondamentaux. Qu’avaient apporté ces traités précédents après celui de Maastricht, et puis, est-ce qu' effectivement le Traité Constitutionnel ne fait que reprendre ce qui avait déjà été entériné précédemment ?

Bernard Cassen : A l’époque de Maastricht, il y avait douze membres de la communauté européenne, qui est devenue après Maastricht, l’Union Européenne. Elle a changé de nom ; depuis novembre 1993, on parle de l’Union Européenne. Parce que le traité de Maastricht élargissait les compétences de l’Union, à d’autres domaines que l’économie et en particulier aux affaires judiciaires et policières et à la politique étrangère et de sécurité commune, en théorie, tout ça. Mais, c’est l’élargissement tout court de l’Union qui entraînait une révision de ses méthodes de fonctionnement. En 1995, il y a eu trois nouveaux pays qui ont adhéré, la Finlande, l’Autriche et la Suède, et des institutions qui avaient été à l’origine conçues pour six pays fonctionnaient mal à douze et encore plus mal à quinze, et donc il a été décidé d’actualiser, de rénover les institutions pour que cela marche mieux. Mais les deux traités suivants, aussi bien celui d’Amsterdam en 1997 que celui de Nice en l’an 2000, n’ont finalement pas abouti à ce résultat. Et leur contenu n’a pas un très grand intérêt. D’ailleurs ils n’ont pas été soumis à référendum en France ou dans d’autres pays.

Alors pourquoi le traité constitutionnel qui s’appelle abusivement, qui s’auto-proclame une « Constitution » ? S’il ne servait vraiment à rien, ce n’est pas la peine d’en parler à ce point, ni de le soumettre à un référendum, comme Jacques Chirac a décidé le 14 juillet dernier. Non, ce traité est extrêmement important! D’une part, il reprend en son sein tous les traités précédents, et je dirais que les autres n’ont plus d’existence puisqu’il y avait un empilement de traités; là il n'y a plus qu’un seul traité qui reprend les dispositions de tous les autres traités. Les reprend ou parfois les actualise, mais il n' y a plus que celui-là. Ce traité-là, il visait, selon les désirs du Conseil Européen, qui est le sommet des chefs d’Etats ou de gouvernements qui s’est réuni en décembre 2001 à Bruxelles, à rendre les institutions plus lisibles, plus claires, et à, théoriquement, rapprocher l’Europe du citoyen. Il le fallait d’ailleurs parce qu’on a vu qu’en 1992, lors du référendum du traité de Maastricht, le « oui » ne l’a emporté que d’1%, avec 6% de blancs et de nuls, c’était un record ! C’est-à-dire que les citoyens ont d’un seul coup découvert que l’Europe existait et qu’ils étaient dedans. Je ne suis pas sûr qu’on en ait encore pleinement conscience et j’ai dit la semaine dernière que 70% des lois qui nous régissent sont des lois d’origine européennes. Donc la dimension européenne, elle est plus importante même que la dimension nationale ou la dimension locale ou régionale. En terme de contenu, donc, tout citoyen français, et j’en dirais autant pour les autres évidemment, doit s’intéresser prioritairement à cette dimension-là, parce que c’est la plus influente, la plus importante. Donc, le petit oui de Maastricht montrait une désaffection ou une surprise, enfin, une sorte de désaffection face non pas à l’idée de l’Europe, mais aux politiques européennes qui ont été menées et qui ont été en permanence des politiques nous incitant à la rigueur, à la déréglementation, à la privatisation, à la flexibilité, etc, etc. C’est ça, pour le citoyen lambda, l’Europe, c’est aujourd’hui ça ! Et, je continue d’ailleurs là-dessus: lors des élections européennes du 13 juin de cette année, l’abstention a atteint des niveaux records ; plus de 50% en moyenne, 56% je crois sur l’ensemble de l’Union et avec des records absolus dans les nouveaux entrants, dans les nouveaux pays ! Ils n'ont même pas voté ! Ils ont voté à 20% ! En France, seuls 20% des jeunes ont voté, seuls 20% des ouvriers ont voté ! Ceci traduit une méconnaissance, une indifférence, voire une hostilité aux politiques européennes qui sont menées. Et il est ahurissant que le soir des élections tout le monde dit: « Oui c’est très grave, etc » et puis deux jours après on a oublié, c’est reparti comme avant, comme s’il n’y avait pas eu ce test en grandeur nature.

Alors, donc, le Traité Constitutionnel européen, ou la Constitution européenne, puisqu’elle veut s’appeler comme ça, donc récapitule tout ce qui a été déjà décidé en matière de politique sectorielle, mais ajoute des choses nouvelles. Effectivement, en matière institutionnelle, il y a une certaine rationalisation qui est proposée, une stabilisation ; c’est ainsi, par exemple que le Conseil européen, c’était cette réunion des chefs d’Etats et de gouvernements qui se réunit 4, 5 ou 6 fois par an, sous la présidence du pays qui préside l’Union aura désormais un président permanent pour deux ans et demi. Il sera le Président du Conseil Européen. Mais, évidemment son poids sera très faible par rapport à celui des Présidents ou des Premiers ministres de chaque pays. Mais enfin il y a quelqu’un qui représentera l’Europe, théoriquement. Deuxièmement, il y aura un ministre des affaires étrangères. Mais il y en avait déjà un, il ne s’appelait pas comme ça, il s’appelait « haut représentant pour la politique extérieure ». En plus, le Traité Constitutionnel augmente les pouvoirs du Parlement Européen ; il double le nombre de domaines qui sont régis par le système, que j’évoquais la semaine dernière, de co-décisions, et le Parlement et le Conseil co-décideront, s’il est ratifié, dans un nombre croissant de domaines. Il y a donc une partie institutionnelle qui a tout à fait sa place dans ce qu’on peut appeler une « constitution ».
Vous avez parlé tout à l’heure de la Charte des droits sociaux fondamentaux. Cette charte a été élaborée en l’an 2000, et lors du Conseil européen, du sommet européen de Nice en décembre 2000, elle a été proclamé. Mais elle n'avait pas de statut. Là, elle est incorporée dans le traité, dans la constitution, c’est la deuxième partie du traité. Alors, si vous voulez, on va dire un mot du contenu de cette charte, dont certains nous rebattent les oreilles. Et puis il y a une troisième partie, qui elle n’a strictement rien à voir avec une Constitution, qui est la compilation de toutes les politiques menées depuis le début de la construction européenne. Et toutes ces politiques, ou quasiment toutes, sont des politiques libérales qui ont été décidées par les mécanismes que je décrivais la semaine dernière, en l’absence totale de contrôle parlementaire et encore moins de contrôle des citoyens. Et il s’en prend tous les jours des décisions, et c’est cet empilement-là qui figure dans le traité. Alors on se dit : « Mais pourquoi diable, mettre ça dans le traité, dans une constitution » ? Parce qu’une constitution, normalement, partout dans le monde c’est un texte qui fixe une organisation des pouvoirs publics, les pouvoirs des uns par rapport au pouvoir des autres, mais il n’y a pas dans la Constitution française le code des impôts! L’ensemble des lois françaises ne sont pas dans la Constitution française! Alors, l’intention de mettre ça, et l’insistance à mettre cette partie, qui est la plus grosse de toutes, et de très loin en longueur d’articles, eh bien elle est suspecte... Elle s’apparente à un véritable coup d’Etat idéologique. Il s’agit de donner une valeur « constitutionnelle », - je mets des guillemets parce que ce traité n’est pas une constitution au sens propre du terme, c’est un traité exactement comme les précédents- , il vise donc à donner une valeur emblématique, constitutionnelle à des politiques qui, elles, sont des politiques conjoncturelles, qui relèvent de choix politiques. C’est-à-dire que la Constitution ne nous permet pas de choisir autre chose que ce qui a été décidé. Voter ne sert plus à rien puisque les grandes décisions, non seulement ont déjà été prises, mais sont dans la constitution ! Le libéralisme, en quelque sorte, est sanctuarisé et institué comme doctrine, dogme, catéchisme ou religion d’Etat de l’Union européenne. Et rend vaines les alternances puisque même si un pays, très majoritairement, veut par exemple considérer que ce n’est pas la concurrence qui doit être la valeur suprême mais, je sais pas, la coopération, il ne peut pas le faire.

Pascale Fourier : « Traité constitutionnel », c’est un terme juridique réel??

Bernard Cassen : C’est une appellation qu’ont trouvée. Au début il s’appelait « traité constitutionnel », il s’appelle « constitution ». Ils disent que c’est un « traité instituant la constitution européenne ». Il s’appelle constitution, mais une constitution, c’est pas comme ça qu’on la fabrique ! Il y a une assemblée constituante qui est élue ; elle élabore un projet de constitution ; elle a un mandat du souverain : le souverain, c’est le peuple, et elle élabore un texte qui ensuite est ratifié par le parlement ou par référendum. Là, ça ne s’est pas du tout fait comme ça. C’est un rassemblement de personnes, de 105 personnes issues du Parlement Européen, des parlements nationaux mais ne représentant qu’elles-mêmes, qui ont élaboré ce texte, sous leur responsabilité; et ensuite ce texte a été revu et corrigé par les gouvernements. Mais c’est un abus de langage que de l’appeler « constitution ». Mais si on tient tant à l’appeler constitution alors que ce n’en est pas une parce qu’il n’y a pas de peuple européen, - il n'y a pas de peuple souverain européen, il y a juste une juxtaposition de peuples européens, l’intention est suspecte- c'’est pour faire, je dirais, rendre irréversible le caractère libéral des politiques européennes!

Pascale Fourier : Bernard Cassen, vous avez l’air de dire, finalement, ce qu’on entend dire par certains que finalement la Constitution va « graver dans le marbre », puisque c’est devenu la formule type, le libéralisme. Mais on pourrait vous dire que mais non, pas du tout!! Les autres traités qui existaient avant n'ont jamais empêché de faire des mesures sociales ! Enfin, moi j’ai entendu ça sur les autres radios…

Bernard Cassen : Ah oui, on entend évidemment sur beaucoup de radios d’énormes erreurs, d’énormes contrevérités, et proférées par des personnes qui ont de hautes fonctions dans certains partis. Ou bien ils n’ont pas lu le traité, ou bien, ce qui me paraît beaucoup plus grave, ils se moquent carrément de l’auditeur. Alors, oui, je disais que ce traité vise à graver dans le marbre les politiques libérales, sinon pourquoi avoir mis cette partie III ? Les gens qui disent ça, il faudrait leur demander: « Mais pourquoi est-ce que vous avez tenu à mettre des politiques dans une Constitution alors qu’elles ne doivent pas y figurer ? » Une Constitution permet des alternances ; on peut avoir une politique « a », une politique « b » ou une politique « c ». Là on ne peut pas avoir une politique a, b ou c, on ne peut avoir que la même politique pour les domaines essentiels. Par exemple la monnaie, qui est quand même un outil majeur de la politique, elle n’est plus entre les mains des gouvernements, donc des citoyens, elle est entre les mains d’une banque centrale qui est responsable ; le budget est contrôlé par ce qu’on appelle le « pacte de stabilité de croissance », encore qu’il est en chute libre en ce moment, et par ailleurs, la fiscalité, elle, est soumise au moins-disant par la concurrence des systèmes fiscaux. On est donc toujours tirés vers le bas. Alors d’aucuns disent: «  Mais oui, mais regardez à quel point ce traité est social puisqu’il y a même la Charte des droits sociaux fondamentaux ! ». Hé bien, parlons-en un tout petit peu de cette Charte des droits sociaux fondamentaux ! Cette charte, je l’ai dit tout à l’heure, qui a été proclamée à Nice, ne comporte strictement aucune avancée sociale!! Elle comporte même beaucoup de reculs sociaux par rapport aux législations françaises, mais également au texte de l’ONU ou du Conseil de l’Europe. Le droit de grève y figure, mais il a fallu six semaines de bagarres terribles à l’époque pour que le droit de grève y figure. Mais il y figure: « droit de grève pour les salariés et pour les employeurs » ! C’est une nouveauté, enfin, une novation! Le droit au travail, qui est dans la Constitution française, - évidemment il n’est pas appliqué- , mais il n’existe pas dans le Traité, on parle du « droit de travailler », c’est-à-dire qu’on n’a pas le droit de vous empêcher de travailler! C’est un « droit de travailler », mais on ne se donne pas le droit à avoir un travail, etc ! C’est donc une accumulation de choses très, très justes, mais qui ont déjà été dites vingt fois, cent fois, donc ce n’est pas la peine de les rappeler. Et tous les pays membres ont d’ailleurs adhéré à des conventions internationales qui les rappellent, donc cette charte nouvelle n’apporte strictement rien ! D’autre part, elle n’a aucune valeur contraignante, elle n’a de valeur contraignante que pour les actes qui sont issus des décisions de l’union européenne, pas pour les autres. Et les Anglais se sont arrangés pour la vider de tout sens ! Donc on peut difficilement se prévaloir de cette charte pour dire qu’il y a une avancée sociale colossale. Il n’y a strictement aucune avancée sociale dans ce texte. C’est simplement vingt ou trente pages de plus dans le traité.

Pascale Fourier : Il y a un autre argument qui est utilisé puisqu’on dit qu’elle est donc gravée dans le marbre, ce qui suppose quelque chose ensuite d’intangible et beaucoup disent : « Mais pas du tout, en vérité on pourra quand même changer, il suffit qu’il y ait une majorité… etc, etc.

Bernard Cassen : Non, il ne faut pas qu’il y ait une majorité, il faut qu’il y ait une unanimité ! Si vous voulez changer une virgule, une virgule seulement , un mot, que vous en changiez un ou mille, c’est une modification, il faudra pour cela obtenir l’unanimité des Etats signataires, 25 ! Faute de quoi, ce n’est pas possible ! Donc, les Etats signataires obéissent chacun à des calendriers électoraux nationaux différents, vous n’aurez jamais une coïncidence des décisions politiques prises dans chacun des pays. Alors, vous aurez un gouvernement de la gauche, un autre de la droite, il sera impossible de bouger une virgule à ce traité sans l’accord unanime, ce qui veut dire que c’est le moins disant qui aura toujours le dernier mot. Il suffit d’un pays, pour bloquer ! Le Luxembourg s’opposera toujours, évidemment, à une législation qui lèverait le secret bancaire ou les paradis fiscaux ; le Royaume Uni se battra jusqu’à la dernière livre sterling pour empêcher toute avancée sociale, le Royaume Uni de Monsieur Blair, le travailliste, le membre de l’Internationales socialiste... Donc la règle de l’unanimité pour la révision du traité empêche effectivement la révision ! Donc vous avez deux choses : vous avez un corpus libéral qui est injecté dans le texte, et puis après y a un verrou qui est mis là-dessus, et on passe à la suite. Alors on peut discuter de tout, après, sauf de ce qui est dans le traité puisqu’on pourra pas le modifier. D’ailleurs Giscard d’Estaing a dit que ce traité était là pour cinquante ans ! Donc nous risquons d’être condamnés à environ 50 ans de peine incompressible de néolibéralisme !

Pascale Fourier : Peut-être qu’on pourrait que ce traité ne va pas forcément être, comment on pourrait dire, contraignant...On pourrait dire: « Mais, d’accord bon, le traité sera un peu libéral, mais si on veut quand même suivre des politiques de gauche, prôner une relance… »...

Bernard Cassen :On ne peut pas, impossible, vous ne pouvez pas ! Un traité a une valeur supérieure à une loi nationale. Il s’impose aux législations nationales, il s’impose même aux constitutions nationales. En France, avant que le traité ne soit soumis à ratification, il y aura une révision constitutionnelle. On adaptera la Constitution au traité. C’est valable pour tous les traités, pas seulement pour celui-là. Un traité est une norme supérieure à celle de la loi nationale. Alors, supposons qu’on veuille, par exemple, pratiquer une politique de relance, pourquoi pas ? Ça s’imposerait, vu le contexte actuel d’augmentation du chômage et de la précarité. Pour un petit déficit budgétaire, il faut investir de l’argent en espérant que ça créé de l’emploi et que les rentrées fiscales permettront de se refaire. C’est impossible ! Le pacte de stabilité l’interdit, même s’il a été violé par la France et l’Allemagne et encore plus grossièrement par les Grecs qui ont carrément truqué, - et d’ailleurs personne ne s’en est aperçu et ça n’a rien changé, ce qui montre un peu que ce fameux critère n’est pas très sérieux - , mais on n’aura pas le droit de le faire parce que vous savez que si vous dépassez les normes fixées par le pacte de stabilité, vous pouvez être astreint à une amende, à des sanctions financières. Le pacte le prévoit ! Donc il sera impossible de faire des politiques autres que celles qui sont encadrées par les normes du traité. Et par exemple, la Banque Centrale Européenne s’opposera mordicus à toute relance dans un pays donné. Donc il est mensonger de prétendre que ce traité peut être utilisé par des gouvernements de gauche ou de droite. Non ! D’ailleurs, soyons sérieux, on n’a pas vu depuis un quart de siècle de politique de gauche, que je sache, conduites en Europe ! Aujourd’hui, il y a une continuité absolue des politiques menées depuis 25 ans, que ce soit sous Mitterrand ou sous Chirac ! Ce sont les mêmes politiques à de menues variantes près. Mais, prenez le cas des retraites: l’augmentation des niveaux de cotisation s’est décidée en France l’an dernier, malgré des mobilisations très importantes, mais ça avait été décidé en fait par Chirac et Jospin lors du sommet européen de Barcelone ! Ils avaient prévu d’augmenter de cinq ans la durée du travail ! Et après, on l’applique en France, Schröder fait la même chose en Allemagne ! Il y a une politique unique qui est conduite partout, il n'y a aucune variante ! Et tant qu’on reste dans les normes du traité, on ne peut pas faire autre chose. Donc il pourra y avoir des alternances, mais pas des alternatives.

Pascale Fourier : Je n'arrive pas à très bien comprendre pourquoi la gauche ne se lève pas en masse contre ce traité. Certes Fabius a pris un petit peu ses distances, il y en a d’autres aussi qui prennent leur distance , mais bon....

Bernard Cassen : Ben oui, c’est une question, ça… je dirais que la gauche, enfin les partis se réclamant de la gauche, -mais même le mot ,je ne suis pas sûr que ça leur plaise beaucoup, à certains, le mot « gauche ».. Ils parlent de « réformisme »… je pense que les élites des partis de gouvernement de gauche sont ralliés au libéralisme dans leur tête. Le libéralisme est dans leur tête ! Et ils n’ont aucune volonté de rompre avec cela ! Il faut dire que pour rompre, il faut du courage politique, ce sont des risques politiques. Ils ne sont pas prêts à les prendre, ils sont dans un conformisme total, ils acceptent de n’avoir que des marges de manœuvres de 0,0001% par rapport à des gouvernements dit de droite. Parce que les gouvernements de droite, eux, ne se gênent pas. On voit le gouvernement Raffarin qui est injustement accusé de mauvais gouvernement ; c’est un formidable gouvernement pour le libéralisme!! Il avance sur tous les fronts, et très fort, très très bien ! On a tort de dire que Raffarin n’a pas de projet ! Il a un projet néolibéral, il le met en avant avec beaucoup de cohérence. Mais dans le cas de ce traité, on aurait du Raffarin légèrement amélioré, très légèrement amélioré. On attend de la part de ces fameux responsables de gauche dont vous parlez qu’ils nous disent exactement est-ce qu’ils vont re-nationaliser EDF, par exemple ; est-ce qu’ils vont revenir sur la prétendue réforme des retraites ; est-ce qu’ils vont re-nationaliser France télécom ? Etc, etc… Là vous verrez qui est de gauche, et qui ne l’est pas, qui est libéral et qui ne l’est pas ! Donc c’est vrai qu’il y a une pensée conformiste d’une partie de la gauche, ce qu’on appelle les « sociaux-libéraux », qui finalement se satisfait très bien de tout ça. Le problème, c’est le peuple ! Ah, s’il n’y avait pas de peuple, ça marcherait tellement mieux ! Ce peuple qui ou s’abstient ou vote Front National! Et ça, pareil, on gémit au lendemain des élections, régionale, cantonales, présidentielles: « Oui, regardez  le Front National, Mégret- à l’époque- etc, etc »… Mais pourquoi il y a 20% des gens qui votent à l’extrême droite ? Est-ce que c’est parce qu’ils sont à l’extrême-droite? Ce sont des fascistes ? Evidemment non ! Ce sont très souvent des gens qui votaient à gauche, qui lancent un cri, ce n’est pas une adhésion aux thèses racistes ou fascisantes des chefs du Front National ! Mais ça on n’en parle qu’au soir des élections, quelques jours après, et puis on revient comme si de rien ne s’était passé. Et donc il y a un divorce qui se creuse entre les politiques, les politiques menées et les catégories populaires qui ne se sentent pas représentées, qui ne sentent pas que les décisions prises leur conviennent. Et le vote aux élections européennes est à cet égard un témoignage éloquent.

Pascale Fourier : C’était des Sous... et des Hommes pour la deuxième émission avec Bernard Cassen. Je voudrais vous redonner les sites officiels qui nous parlent de l’Europe : http://europa.ei.int

Bernard Cassen : C’est un site officiel ! C’est le site de la Commission européenne, donc c’est l’Europe vue au travers de la Commission européenne. C’est très précieux, j’y vais massivement comme tout le monde mais disons que c’est une officine gouvernementale, c’est comme un site gouvernemental français, sauf qu’il est européen.

Pascale Fourier : C’était bien dans cette optique-là, c’est bien pour avoir effectivement la vulgate classique, on pourrait dire, que je voulias donner cette adresse. Je voudrais vous signaler aussi un autre site qui pourrait être intéressant de visiter : ça s’appelle www.gauche-en-europe.org où on trouve un club de réflexion qui est cofondé par Dominique Strauss-Kahn et Michel Rocard. Il y a un groupe de travail sur l’euro-scepticisme qui est présidé par Pascal Lamy...ça doit être assez intéressant.

Bernard Cassen : Alors si vous y allez il y a des dizaines de sites partisans. Celui dont vous parlez, c’est le site social-libéral, il faut l’appeler comme ça. Mais y a d’autres site, ne serait-ce que les sites des autres fractions du parti socialiste, que ce soit le nouveau parti socialiste ou le nouveau monde. Il y a beaucoup, beaucoup de sites actuellement…

Pascale Fourier :Dont je donnerai les références, la semaine prochaine ! Au revoir !

 


 

 

 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 15 Octobre 2004 sur AligreFM. Merci d'avance.