Pascale
Fourier : Et notre invité
aujourd’hui :
Jacques Cotta
: Jacques Cotta, journaliste
à France 2, documentariste, et un des investigateurs, un parmi d’autres,
de la pétition, avant le référendum : « Le non censuré dans
les médias, ça suffit ! »
[Ambiance : soirée élection à Aligre]
A la TV : « Il
est 21h… 59 min… et 55sec … voici maintenant notre estimation IPSOS
des résultats de ce référendum : les français rejettent… »
[Immenses cris de
joie…]
Pascale
Fourier : Ça c’était
le bruit qu’on a fait, un certain 29… avril … c’est mai ?
Jacques Cotta
: C’est 29 mai… Ce
n’est pas si lointain...
Pascale
Fourier : Oui, mais
on a l’impression justement que ça date de Mathusalem… parce que depuis,
c’est assez étonnant, on a l’impression qu’il ne s’est rien passé… rien
rien rien.
Jacques Cotta
: C’est souvent, en
effet, la réaction qu’on a pu avoir, c'est-à-dire que depuis on a même
le sentiment qu’il s’est passé le contraire de la réalité. Enfin, on
a eu ce sentiment à un certain moment et puis les choses se sont un
petit peu réajustées. C'est-à-dire qu’on a le sentiment, tous comptes
faits, que si le « oui » l’avait emporté le 29 mai, ça n’aurait
pas été très différent: le ton aurait été le même et les réactions auraient
été les mêmes, ce qui suscite, je dois dire, -ce qu'on peut voir à travers
notamment nous nos messages que l’on peut recevoir sur le site que l’on
a créé -, un certain nombre de réactions qui sont assez unanimes.
Ce n'est pas bien vécu, quoi ! Les gens ont le sentiment vraiment
qu’on leur vole quelque chose ; on voulait leur voler leur décision
au départ, et puis ils ont le sentiment qu’on leur vole leur résultat :
ça fait deux vols, ça fait beaucoup.
Pascale
Fourier : Et au lendemain,
le 30, quand même, on s’est fait traiter de populistes, de xénophobes…
Ça a été assez étonnant, non ?
Jacques Cotta
: C'est-à-dire, ce
qui est étonnant, c’est que ça a commencé avant le 30, bien sûr. Il
y a deux choses à mon avis. Il y a d’une part les arguments qui ont
été mis en avant - on peut les discuter, les uns et les autres en fonction
de nos positions. Et puis il y a la façon dont ces arguments ont été
relayés, c'est-à-dire le rôle que les médias ont joué. Et là on est
plus spécifiquement dans ce que l’on a pu constesté, dans les
responsabilités que l’on a pu prendre, en tant que journaliste, avec
des citoyens, et dans ce que l’on a crée dans notre appel, dans notre
association.
Sur les arguments
eux-mêmes, ça a commencé avant. Moi, je dois dire qu’il y en a un certain
nombre qui m’ont quand même terriblement surpris : cette utilisation
du « plombier polonais » ! L'explication est toute simple,
c'est qu'on crée une Europe, et ’on élargit, et il n’y a pas d’argent
supplémentaire, et on explique aux pays qui arrivent : " C’est
par le dumping social et fiscal que vous allez vous en sortir"...le
« plombier polonais », c’est ça que ça veut dire, c'est-à-dire
que tout est tiré vers le bas. Le fait d’avoir entendu dire à partir
de cette argumentation qui était simple que tout comptes faits les gens
qui l’utilisaient étaient des gens xénophobes, racistes… et puis alors
allons-y à partir de là, dans le superlatif, il n’y avait plus de limites !
Je dois dire que ça, ça m’a sidéré.
Ce qui m’a sidéré
aussi, c’est la façon dont ça a été relayé, notamment dans la presse
écrite plus qu’à la télé et la radio d’ailleurs. Il y a eu une série
de papiers qui a été absolument incroyables. Moi, j’ai en mémoire par
exemple à partir de l’histoire du « plombier polonais » un
article du Monde, qui attaquait Fabius -et alors à nouveau peu importe
ce qu’on pense des uns des autres, ce n’est pas le débat, c’est la façon
dont les arguments sont mis en avant- j’ai en mémoire un article, donc,
du quotidien du soir, qui attaquait Fabius et qui en gros expliquait
deux choses. Un, à l’époque Fabius avait dit : « Le Pen
peut poser de bonnes questions, mais apporte toujours les mauvaises
réponses ». Et deux paragraphes plus loin, la conclusion était :
« Ce n’est pas étonnant que Le Pen et Fabius soit sur la même position
aujourd’hui ». Là, je dois dire, que quand on en est là, il
n’y a plus de limites ! C’est très violent ! On dénature
tellement les positions des uns et des autres que c’est terrible.
Pascale
Fourier : J’ai peut-être
une question un peu bête, mais : les journalistes, normalement,
ils ne doivent pas rendre compte de la réalité ?
Jacques Cotta
: Si, mais alors là,
c’est compliqué parce qu’en fait, la question que vous posez, c’est
celle du ressort de ce type de réactions, de ce type d’attitudes ou
de ce type d’activités professionnelles. Alors, moi je crois que ça,
c’est très compliqué : il y a une vision, qui -moi je vois de l’intérieur-
qui est fausse, cette vision selon laquelle une espèce de chape de plomb
existerait avec une censure , avec une discipline des consciences, avec
une espèce de fonctionnement dictatorial, avec une hiérarchie qui ….
Je pense que c’est beaucoup plus compliqué que ça.
Si c’est plus simple, si c’est plus compliqué, on n’en est plus là,
je veux dire. On en est au stade en réalité où l’autocensure
joue d’elle-même. Vous savez quand on a dit : « Ce vote du
29 mai, c’est un vote de classes », c’est aussi un vote de castes.
Eh bien, je crois que rien n’y échappe, les médias non plus. Et que,
assez vite, il y a une espèce de pensée généralisée qui a été une espèce
de pensée unique, qui s’est imposée et puis… et puis voilà, et puis
la machine s’est emballée elle-même. Et puis , - c’est pour l’ensemble
des médias, et puis vous avez un certain nombre de confrères
qui sont soit chroniqueurs, soit qu’ils font office -disent-ils- de
pédagogues dans ce type de moment, et dont on se rend compte que ce
qu’ils ont développé, ça n’avaient rien à voir avec le pluralisme que
l’on peut attendre, ni avec l’impartialité qui théoriquement doit être
celle du journaliste.
Pascale
Fourier : Mais justement :
« pluralisme », c’est presque un gros mot là que vous avez
sorti ?
Jacques Cotta
: Le pluralisme …
un gros mot … Disons qu’à l’image de ce qui s’est développé dans
les médias sur la question du référendum, oui, ça peut faire office,
sinon de gros mot, du moins de pensée incongrue. Mais pourtant qu’est-ce
qu’attend le public, si vous voulez ? Moi je ne reproche pas à
des gens d’avoir des positions. Ça me semble à peu près normal,
qu’il y ait des gens qui aient des positions et qui notamment aient
considéré qu’il fallait voter « oui » au référendum. Pourquoi
pas, je veux dire ?! C’est à peu près normal, c’est discutable ! Ce que je trouve
anormal, c’est que face à cette espèce de machine qui s’est emballée,
l’autre voix n’a pas eu droit de cité, ne s’est pas fait entendre.
Et alors, non seulement elle ne s’est pas fait entendre, mais dès que
des velléités existaient, en gros, tous les arguments ont été
mis en avant pour dévaloriser ce point de vue. Et ça c’est terrible,
c’est ça qui est très violent.
Alors les arguments c’est simple, on a fait ressortir tout ceux qui
devaient ressortir, jusqu’à Lionel Jospin qui est venu nous dire
que, si on était intelligent, il fallait comprendre, et que si on comprenait,
si on était intelligent, on ne pouvait voter que d’une seule façon.
En gros, ils nous ont dit, pendant des jours et des jours, qu’il y avait
deux possibilités : le « oui » ou le « non »,
et qu’en réalité, pour les êtres sensés il n’y en avait qu’une, c’était
le « oui ». Et ça c’est terrible ! Et
vous voyez, le cri que l’on a entendu en introduction de votre émission,
moi c’est comme ça que je le comprends entre autre, c'est-à-dire que
c’est le cri d’une gigantesque libération. On nous a dit, pendant des
mois, pendant des semaines : « Si vous êtes sensés, si
vous êtes intelligents, voilà ce qu’il faut voter ». Tout le
monde l’a dit. Personne n’a fait exception : dans les
grands partis, dans les grands médias, dans ceux que l’on appelle les
grands penseurs, bref, tout le monde. Eh bien malgré cela, vous avez
des gens qui sont en bas, des gens à qui on a tapé sur la tête –c’est
comme ça que ça a été ressenti- , à qui on a tapé sur la tête pendant
des semaines, qui ont décidé, eux, malgré cette campagne gigantesque,
de dire : « Voilà ce que nous nous pensons ». Ils l’ont
dit et ils ont gagné.
Faux éditoriaux écrits par des auditeurs le 29 avant
les résultats...
« Loin des angoisses
nationalistes qui le firent frissonner ces derniers jours, le peuple
français, une fois encore, a su dans les ultimes instants faire triompher
l’avenir. Un avenir plein de promesses, un avenir où, main dans la main
avec le plombier polonais, ils combattront pour un monde plus juste.
Un avenir, où, au côté des nouveaux entrants, notre pays se battra pour
la paix, la prospérité et, n’ayons pas peur, en ce jour historique,
de le souhaiter… pour l’amour. »
« Malgré l’effort
de pédagogie des journalistes, des explications acharnées et réitérées
des personnalités éminentes assénées dans les médias depuis plusieurs
mois, les français ont majoritairement rejeté ce projet de traité de
constitution européenne. Plusieurs explications peuvent être émises.
Je retiendrai celle qui me paraît la plus plausible : ce projet,
envoyé à chaque électeur, depuis déjà bientôt un mois, n’a pas été compris
et les français n’ont pas saisi les avancées sociales et démocratiques
qu'il contenait. Serait-ce à dire que les français sont des imbéciles,
des peureux ? Je crois surtout que cela traduit de façon criante
les manques de notre système éducatif. Le pourcentage d’élèves en difficulté
en lecture à l’entrée en sixième va croissant. Heureusement, la loi
Fillon a été adoptée et permettra un meilleur niveau de compétences.
En attendant, nous continuerons notre travail de pédagogie tout au long
des mois qui viennent, pour que ce texte soit compris par tous… lors
d’un nouveau référendum. »
« Ceux qui ont
eut confiance en la démocratie ont été récompensé ce soir. Le travail
d’explication de la constitution, inlassable, mené sur le terrain, pour
éclairer les français, a rencontré leur désir d’Europe, et a réussi
à faire taire leurs peurs. Pourtant, que de mensonges on aura entendu
durant cette campagne ? Combien de démagogues auront tenté de jouer
sur les angoisses des français, pour attiser leur génie de la guerre
civile ? Et quels étranges attelages aura-t-on vu se former pour
le « non », ravivant le souvenir des pestes brunes et rouges,
que le grand projet européen a su combattre ? Ce soir, l’Europe
regardait la France, et la France a été à la hauteur. Pour une fois,
elle a su oublier sa propension à la grogne, sa manie des querelles
hexagonales, et justifier la confiance des européens. De Madrid à Berlin,
de Rome à Copenhague, le « oui » de la France, c’est l’avenir
de l’Europe. »
« Il est 21h…
59 min… et 55sec … voici maintenant notre estimation IPSOS des résultats
de ce référendum : les français rejettent… » [Cris de joie…]
Pascale
Fourier : Les cris,
c’était pour la petite répétition, pour rappeler qu’effectivement c’est
bien le « non » qui a gagné. Et juste avant,
c’était trois auditeurs qui sont venus à la petite fête qui était organisée
à Aligre. C’était quelques instants avant les résultats. Ils ont pris
un bout de papier, ils ont fait des éditoriaux, des éditoriaux si le
« oui » gagnait ou des éditoriaux si le « non »
gagnait. On a été parfois très bon, très proche de la réalité. Et même
parfois un ton quand même en dessous, parce que ceux de Colombani
en particulier, puis de July, étaient quand même fascinants. Justement,
je n’arrive pas bien à comprendre exactement quel est la place d’un
éditorialiste ou d’un chroniqueur comme ceux que je peux entendre le
matin sur France Inter. Ils sont censés être quoi ? Des journalistes,
autre chose ?
Jacques Cotta
:
Ce sont des spécialistes de la question, c'est-à-dire qui
ont travaillé, qui ont soit une chronique, soit qui ont en charge de
créer des éditoriaux sur le problème donc d’avoir réfléchi, et d’apporter
une réflexion. La question qui à mon avis a terriblement heurté et choqué,
c’est que ces éditorialistes, - ce qui n’est pas anormal d’ailleurs-
, sont éditorialistes engagés, c'est-à-dire qu’ils ont un point de vue
et ils le donnent. Ça, ce n’est pas anormal. Ce qui a été considéré
comme terriblement choquant, c’est qu’à l’inverse, il n’y avait pas
d’éditorialistes qui donnaient un autre point de vue. Donc, c’est le
pluralisme qui n’a pas existé dans cette affaire.
Et c’est ça la véritable question. Moi, si vous voulez, je ne pense
pas que la réponse à tout cela soit en gros la réponse de 81, vous savez
la vieille formule … chez Elkabach, : « Ça suffit,
etc. ». Non, ce n’est pas ça le problème. Le problème, ce
n’est pas de jeter l’anathème sur x, y ou z. Le problème il n’est pas
là. Le problème, c’est de comprendre qu’en temps de fonctionnement,
les médias n’ont pas respecté la règle du pluralisme élémentaire: en
gros, 55% des français ont considéré qu’ils étaient exclus de l’expression
démocratique de ce pays. C’est ça le problème !
Nous, lorsqu’on a
réagi, c’est exactement la question qu’on a posée, non pas à travers
les médias, mais à travers le Service Public –tout le monde paye sa
redevance. Et nous, nous disions dès le départ : « C’est notre
outil de travail que nous défendons en réagissant. Si nous acceptons
une situation dans laquelle, si le « non » gagne, 55% des
français vont considérer qu’ils ont gagné contre les médias et
contre les services publics, c’est une catastrophe. » Si
on veut tuer le service public, on ne fait pas mieux. Il y a la bourse
d’un côté, et il y a la ligne éditoriale de l’autre. Et puis il y a
le pluralisme qui est indispensable dans les médias.
Et, en gros, je pense que la question du référendum, c’est ça que ça
pose. Ce n’est pas la première fois. Mais c’est la première fois que
c’est aussi visible. Sans doute parce que la réponse était simple, elle
était binaire : c’était « oui » ou « non »,
et que lorsque dans le « oui » ou le « non », le
pluralisme n’existe pas, on est dans la propagande immédiatement, et
ça se voit. Je pense que c’est ce qui s’est passé le 29 mai.
Pascale
Fourier : Mais est-ce
les journalistes marquent eux-mêmes un mécontentement, au-delà du cercle
qui a pu s’engager auprès de vous ? Est-ce que vous sentez vraiment
quelque chose ?
Jacques Cotta
: Si vous voulez, je
sens… Je sens que c’est compliqué d’abord. Parce que sur nos lieux de
travail, ce que l’on ressent, c’est que, oui, il y a des confrères qui
viennent nous voir, qui sont assez contents de voir les responsabilités
que l’on a pu prendre dans cette affaire, en s’exposant, en se mettant
en avant. Pas par souci de notoriété ou quoi que ce soit, mais uniquement
parce qu’à un moment donné, soit on dit les choses, soit on se tait,
et on baisse la tête. Donc nous, nous étions un certain nombre à dire :
« A cette occasion, on va les dire ». Donc nous les avons
dites, nous avons fait cet appel. Et il y a des confrères qui viennent
nous voir. Alors, qui nous disent soit qu’ils ne sont pas d’accord,
pour une raison x, y, ou z, soit qu’ils sont d’accord, soit qu’ils sont
d’accord mais qu’ils ne peuvent pas signer, enfin, vous voyez toutes
les situations existent. Ceci dit, il y a un début de discussion qui
s’engage. Et je crois que c’est ça qui est important parce que, pour
nous, le début de la discussion, c’est le début d’un retour sur soi-même,
et donc c’est le début d’une réflexion pour que ça ne se reproduise
pas.
Et ça je crois que c’est important. Parce que ce qu’on a vu le 29 mai,
c’est liée à une situation qui est celle du référendum. Mais nous savons
très bien que nous allons vers des échéances, dans lesquels les médias
vont entrer dans une nouvelle tourmente. Il va y avoir les présidentielles.
Peut-être d’ailleurs qu’avant les présidentielles, vu le train des événements,
il peut y avoir des échéances que l’on ne peut pas prévoir aujourd’hui,
mais qui risquent de se produire et de se développer. Nous ne savons
pas. Nous ne sommes pas dans n’importe quelle situation. Par exemple,
le nouveau gouvernement : Nicolas Sarkozy a déclaré qu’il venait
au ministère de l’intérieur pour un an, histoire de nettoyer, histoire
de régler un certain nombre de problèmes, d’en finir avec les officines
secrètes qui l’ont critiqué et qui l’ont mis en cause. Et puis dans
un an, il se retirera, et il sera candidat pour les présidentielles.
Globalement, à mots couverts ou à mots directs, c’est ce qu’il dit.
Si vous voulez, quand on en est là, ça veut dire que les médias vont
à nouveau être un enjeu. Si les médias sont de nouveau un enjeu, manifestement
il va falloir qu’à l’intérieur des médias, et à l’extérieur,
il y ait une espèce de réseau, une espèce de capacité de réaction et
de vigilance pour qu’à nouveau la démocratie et le pluralisme
soient des données qui ne soient pas défaites, mais qui puissent s’imposer.
Pascale
Fourier : Mais, en même
temps, quand on parle de vigilance, quand les simples auditeurs, lecteurs,
téléspectateurs veulent réagir comme ils l’ont fait d’ailleurs grandement
à propos de ce référendum, immédiatement, il y a des réactions des rédactions…
comme celle de France Inter « Mais c’est la liberté du journalisme …».
Parfois ça peut aller justement jusqu’à dire qu’il y a une forme de
populisme jusque dans le fait de vouloir critiquer les médias. Alors,
qu’est-ce qu’on fait dans ce genre de situation ?
Jacques Cotta
: La liberté du journalisme,
il ne s’agit pas de la remettre en question, il ne s’agit pas de la
remettre en cause. A aucun moment. Ça c’est clair. Moi, je suis journaliste,
documentariste: je verrais assez mal qu’on vienne dans ma salle de montage
m’expliquer quelle est la bonne pensée ou la mauvaise. Ça ne peut pas
se faire comme ça. Il ne s’agit surtout pas d’essayer de reproduire
vis-à-vis d’autres, quelles que soient leurs positions, ce qu’on ne
pourrait pas tolérer pour soi-même. Ce n’est pas le problème. La question,
c’est: " En gros, le journalisme, c’est quoi ?". C’est
constater une situation, essayer de la relater, respecter les faits
et leur donner un sens. Mais, donc, il faut aller jusqu’au bout de la
chose. Il ne faut pas se cacher derrière des grandes notions idéologiques
et abstraites qui sont à mon avis un leurre. Par exemple l’objectivité
est une chose, très entre nous, qui n’existe pas : nous ne faisons
que retranscrire ce que nous voyons et ce que nous pensons d’événements.
Le problème est de savoir si on respecte les événements ou si on les
dénature, ça c’est la première chose. Par exemple, lorsque l’on juxtapose
la position de Le Pen et la position de Fabius, on ne respecte rien
du tout. Certes, il y a des positions données, mais on construit une
espèce d’édification idéologique qui a un but propagandiste. On n’est
plus dans le journalisme, là. Vous voyez ? Mais si on respecte
les événements, et ensuite on leur donne un sens, il n’y a pas de problèmes.
La seule question, c’est qu’il faut que le sens qu’on donne prête à
discussion, et il faut que cette discussion puisse être menée. C’est
cela, ceà quoi nous n’avons pas assisté, c’est cela
qui a posé problème.
Journaliste: « …Dominique
Strauss-Kahn, c’est le message du « non », effectivement ?
DSK: - Les conséquences
pour le parti socialiste, on les verra un peu plus tard. Il faudrait
commencer à s’intéresser peut-être aux conséquences pour l’Europe, aux
conséquences pour la France. Pour l’Europe, je crois que tout le monde
peut en être d’accord, c’est quand même un coup d’arrêt et non rentrons
dans une période d’hiver. Combien de temps ça va durer, je n’en sais
rien, mais il y a un coup d’arrêt. »
Emmanuelli :« Il
faut que le peuple de gauche, par sa force, nous permette de surmonter
la sclérose… des appareils.»
Cavada:
« … de grandes choses nous sont venus par l’Europe, et qu’il y
a un hiatus énorme entre ce qui se fait, à Strasbourg, à Bruxelles,
et la façon dont le ressens la population. Ce hiatus
aigu est dû à deux choses. D’abord, c’est vrai que les responsables
politiques ont été, de tous temps, modérément européens dans leurs expressions.
Et puis, il n’y a pas que ça, la pédagogie d’un système qui fabrique
pratiquement 70% de nos lois n’est toujours pas faite. Par conséquent,
c’est une interpellation très grave : un, de ce qui se passe à
Bruxelles, et de la façon dont c’est reçu dans nos différents pays :
on ne peut pas le nier ça, on ne peut pas le nier !
Journaliste: - Mais
est-ce qu’on peut évoquer en permanence la pédagogie, Jean Marie Cavada ?
Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose, là, sur le fond, je veux di … ?
Cavada: - Ecoutez,
si vous ne trouver que ça n’est pas …» etc.
Montebourg: « Je
crois que le parti socialiste, comme d’ailleurs un certains nombre d’autres
partis de gauche, on fait fausse route après le 21 avril 2002 …»
Sarkozy :« Rompre,
oui, rompre, avec la pensée unique, et les recettes du passé, qui n’offrent
plus ni solutions, ni perspectives. Retrouver en France le goût du débat,
et sans doute de la politique. Pour redonner confiance à tous ceux qui
l’ont perdue. Voilà, en fait, la première urgence. »
Journaliste: « Alors
l’intervention du président de la république est annoncée d’un instant
à l’autre. En attendant, Arnaud Montebourg, on ne vous a pas entendu,
quel est votre sentiment, qu’est-ce que vous allez faire de ce « non »,
maintenant ?
Montebourg: - Il faut
d’abord l’analyser. C’est quand même une gigantesque motion de censure
populaire contre l’absence de démocratie en Europe. Est arrivé un nouvel
acteur ce soir, en Europe, pas seulement en France, ce sont les citoyens.
Ils ont mis un pied dans la porte, ils ont dit : « Nous sommes
propriétaires de l’Europe, co-propriétaire de l’Europe. Ils viennent
de le dire d’une façon saisissante : participation importante,
partout, dans tous les quartiers, dans les endroits où l’on disait :
« Ces gens là ne votent plus, ce n’est plus la peine de faire de
la politique pour eux. » On l’entendait, ça. Et y compris dans
certains de nos partis. Donc nous avons, là, un événement politique
majeur : où les citoyens viennent de faire irruption dans le processus
de construction européenne… qui ont décidé d’en être les copropriétaires. ..»
« Il est 21h…
59 min… et 55sec … voici maintenant notre estimation IPSOS des résultats
de ce référendum : les français rejettent… » [Cris de joie…]
Jacques Cotta
: Moi, je trouve que
c’est une boucle assez sympa, votre cri…
Pascale
Fourier : Là, en l’occurrence,
le montage est particulièrement monstrueux. On n’est pas chez Daniel
Mermet, on n’a aucun moyen… -c’est un montage ordinateur de Pascale, qui laisse largement
à désirer… Mais on ne voulait pas vous priver de tous ces petits mots
de Dominique Strauss-Kahn, d’Emmanuelli, Cavada, Montebourg et Sarkozy,
que vous avez reconnus, puis le fameux cri de joie effectivement…
Jacques Cotta
: Oui, c’est pas mal
de le faire revenir comme ça… Absolument… La joie collective, c’est
toujours agréable.
Pascale
Fourier : On en a été
peut-être un peu spoliée justement ces derniers temps. Alors, non seulement
on a été spolié de notre victoire, en tous les cas de l’expression de
la victoire du « non », mais en plus de ça, vraiment, j’ai
l’impression… Parce que les médias ont quand même senti qu’il y avait
une pression qui montait contre eux juste avant le référendum -mais
décidément, tout à l’heure, vous n’avez pas vraiment répondu à ma petite
question- vraiment, j’ai l’impression qu’ils me disent : « Ma
petite chérie, tu n’as absolument pas le droit de nous critiquer »,
vraiment pas le droit.
Jacques Cotta
: Si… Tout le problème
est de savoir comment les questions sont formulées, à mon avis. Je ne
crois pas que les médias soient opposés à la critique. En tout les cas
je parle de ce qui fait les médias : je parle des journalistes,
je parle des gens qui travaillent, je parle des gens qui essaient de
donner un contenu aux choses. Je crois qu’ils sont ouverts, il n’y a
aucun problème, qu’ils sont prêts à s’entendre critiqués, et ils sont
prêts y compris à en discuter, et à y répondre. Je parle de ceux-là
parce que les médias, c’est aussi une oligarchie financière, politique,
qui en a la main-mise. Ça a été pendant le référendum l’expression politique
d’un clan, et c’est vrai que pour ceux-là la critique est à mon avis
plus compliquée. Mais, encore on va y revenir à travers la presse écrite,
je voudrais vous en dire un mot.
Avant de dire un mot là-dessus, je crois… Prenez par exemple le Service
Public. Il y a des émissions qui existent, il y a des gens qui sont
nommés pour ça, qui sont les médiateurs. Alors, ça peut faire sourire.
Mais, non, moi, je connais des gens qui bossent là- dedans. Ce sont
des gens qui travaillent très sérieusement. Ce sont des gens qui reçoivent
un certain nombre de récriminations, un certain nombre de questions,
qui les étudient, qui essaient de les travailler, qui essaient d’y apporter
des réponses. Vous me direz : « C’est limité. » Oui,
mais ça existe. C’est déjà le premier point. Et la deuxième chose, vous
me direz : « Qu’est-ce que ça change ? » Alors,
là, c’est une autre question. C’est sans doute la question peut-être
la plus importante. C’est que, effectivement, on a eu le sentiment que
les médiateurs ont fait leur boulott, des choses ont été dites à l’antenne,
et on a eu le sentiment que ça n’a pas changé grand-chose. Ce qui veut
donc dire que la question est sans doutes plus profonde ; elle
est plus ancrée. Et la question, je pense, est qu’on est maintenant
dans le cadre de la restructuration médiatique, c'est-à-dire que c’est
vrai qu’il y a des interactions entre les groupes financiers, qui ont
des intérêts particuliers, et qui ont des intérêts très précis, très
importants. L’organisation des médias eux-mêmes, leur structuration,
là c’est beaucoup plus difficile à faire bouger. D’ailleurs d’un certain
point de vue, les journalistes peuvent avoir envie de discuter d’un
certain nombre de questions et de se remettre en cause. C’est vrai que
la chape, le poids financier qui existe peut, à certains moments, leur
interdire, ou les freiner dans ce type de velléités.
Cela étant, j’ai entendu tout à l’heure vos réactions : il y a
Montebourg qui dit une chose, et bon, ce n’est pas faux, mais à la fois,
je pense que c’est, si vous voulez une vision assez politique des choses,
qui à mon avis les prend à la surface. Quand il dit : « Les
français, le 29 mai, ont fait irruption dans le processus de la construction
européenne ». Bien sûr, c’est vrai, le vote n’est pas indifférent :
il change la donne sur le terrain de la construction européenne.
Il me semble que les français, ce n’est pas là-dessus qu’ils ont fait
irruption d’abord. Ils ont fait irruption dans les processus de développement
démocratique, d’expression dans notre propre pays. Ç’est ça qui me semble
important ! Moi j’en reviens à cela, cela me semble absolument
fondamental ! C'est-à-dire qu’il y avait un vote légitime, il y
avait un vote possible, il y avait un vote intelligent, et les français,
comme nous le savons, qui sont obtus, qui sont fermés, qui ne comprennent
pas, ils ont dit, après avoir terriblement étudié ce dont il s’agissait,
ils ont dit: « Eh bien non, pour nous, c’est « non ».
» Ça c’est très important. Ça, c’est une réappropriation démocratique
de leur propre vie et de leur propre expression. Pour moi, c’est ça
une des grandes leçons de ce référendum : ça a été cette capacité
collective à résister à un rouleau compresseur considérable. Parce qu’on
parle des médias, mais je ne sais pas, rappelez-vous....:ça a été des
affiches 4 par 3, ça a été les livrets propagande dans les lycées, ça
a été… on a tout eu. On a tout eu. Ils nous ont tout dit.
Ils sont tous montés au créneau. Et les français, eux, ils ont
dit, sans effet d’annonce, sans expressionà la hauteur des moyens financiers
qui étaient en face, ils ont dit : « C’est non. » Et
ils ont été sur le « non » jusqu’au bout. Et ça, ça me semble,
vraiment, très important, du point de vue des processus démocratiques,
et de ce qui s’est joué le 29 mai.
Pascale
Fourier : Justement,
ce « non », normalement, portait justement un sens. Du moins
était porteur d’interrogations : sur l’Europe qu’on veut construire,
mais aussi éventuellement sur la place de la nation, de l’Etat, sur
le libéralisme… Est-ce que le fait que les médias actuellement –peut-être
que ça va changer, on ne sait jamais, on peut toujours espérer...- est-ce
que le fait que les médias actuellement.... moi, j’ai l’impression d’une
espèce de chape de plomb sur ce « non » qui disparaît peu
ou prou. Vous disiez tout à l’heure que le rôle du journaliste, c’était
justement d’analyser une situation. Or justement, en passant sous le
tapis l’analyse de cette situation, le sens de ce « non »,
est-ce que ce n’est pas aussi une spoliation de la démocratie -c’est
peut-être un peu fort, mais- est-ce que ce n’est pas mettre en cause,
prendre un risque avec la démocratie, alors même que, justement, c’est
le reproche qui était fait aux partisans du « non » ?
Jacques Cotta
: Moi, je crois que
la question même de démocratie, ça a d’abord été la question centrale
du problème européen… si on veut revenir sur l’analyse du vote. Les
partisans du non, se sont raconté une histoire un peu. Parce que rappelez
vous, beaucoup on dit : « Si on vire la partie III du
traité constitutionnel, la I et la II pourquoi pas ?». Il me semble
que non, justement. Il me semble que le contenu du vote, ça a était
de dire, la I et la II, ça ne marche pas. Pourquoi ça ne marche pas ?
Tout le monde l’a compris, et je pense que ça était un des éléments
les plus forts : moi j’ai vu un petit peu en travaillant, dans
mon boulot, ou bien alors en me baladant, en discutant, bon, comme vous,
comme tout le monde, en allant boire un café, dans un troquet, en discutant
avec les gens, en faisant, en fait ce que nous faisons dans notre métier,
et en le faisant en plus de façon passionnée comme citoyen, dans la
période exceptionnelle qu’on a vécu : les gens qu’est-ce qu’ils
disaient ? Je pense qu’ils avaient bien compris, ça. Ils disaient qu’en
fait l’édifice, la construction européenne qu’on était en train de mettre
en place, bafouait un principe élémentaire : c’était leur souveraineté,
leur droit à leur pouvoir, leur capacité à décider de leurs propres
affaires. Ils avaient compris qu’en fait, c’était une espèce de monstre
tentaculaire, qui déniait leurs principes élémentaires démocratiques
d’expression et de décision. Et le gros moteur du non, il est là, il
n’est pas ailleurs. Alors, c’est intéressant parce que je pense que
c’est lié à cette réaction, et à la façon dont les citoyens ont pu ressentir
le traitement médiatique de l’affaire. Il y avait une correspondance
quasi absolue, quasi parfaite, entre un des aspects qui justifiait le
rejet de ce projet constitutionnel du 29 mai, et la façon dont c’était
relaté : le traitement dans notre propre pays par nos propres médias.
Et je pense que la question de la démocratie a été centrale. Ça a été
une question de fond, dans cette histoire. Alors, je pense qu’on l’a
retrouvé et c’est dans doute une des questions auxquelles nos concitoyens
sont le plus attachés. Et à juste titre, parce que quand même ce n’est
pas n’importe quoi, la démocratie, c’est quand même une des valeurs
qui nous permet de vivre ensemble. Qui n’est pas secondaire, qui est
quand même fondamentale. Et c’est vrai que quand on sent que certains
s’amusent et jouent avec… ça ne va pas !Il y a une voix qui s’élève,
et ce n’est pas mal : il y a eu 55% des français qui ont dit ce
qu’ils en pensaient.
Pascale
Fourier : C’était donc
« Des sous… et des Hommes » en compagnie de Jacques Cotta,
qui est journaliste, et qui anime... il va me le dire :
Jacques Cotta
: Alors c’est un site.
C’est tout simple, vous allez sur Internet, vous tapez les www traditionnels
: http://www.info-impartial.net/
… Et puis là-dessus, vous trouvez toutes les infos que vous voulez,
vous pouvez y écrire, vous pouvez même rejoindre ce réseau qui est en
train de se constituer, et en cherchant –il y a un petit formulaire
dans un coin, vous le trouverez- Enfin, bref, en avant!!…
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