Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION DU 21 FEVRIER 2006

Le CPE: une antidote au chômage des jeunes?

Avec Gérard Filoche, inspecteur du travail et membre du Parti Socialiste

 

Pascale Fourier : Il y a quelques temps, le gouvernement a mis en place un nouveau contrat qui s'appelle le Contrat Nouvelle Embauche: il est réservé à des entreprises de moins de 20 salariés et il peut sembler éventuellement une assez bonne chose parce qu'il permettrait à de petits entreprises d'embaucher peut-être plus facilement. Et puis là, une petite dernière nouveauté: le Contrat Première Embauche. Il est destiné aux jeunes de moins de 26 ans et concerne toutes les entreprises. C'est une bonne chose, tout ça non ? Ça va créer de l'emploi...

Gérard Filoche : On voit déjà qu'il y a une contradiction. L'argument donné était qu'on allait faire le Contrat Nouvelle Embauche pour les petites entreprises de moins de 20 parce qu'elles ont besoin de souplesse, et que les petits employeurs ont besoin de facilité et de sécurité pour pouvoir licencier les gens, car c'est cela qui les empêcheraient d'embaucher. Le CPE concerne aussi, lui, les entreprises de plus de vingt salariés. Ainsi Total, par exemple, Thalès, le GAN, Axa, le Crédit Lyonnais, toutes ces entreprises qui font des bénéfices énormes, - Total vient de faire 12 milliards d'euros de bénéfice en 2005 - vont pouvoir embaucher des petits jeunes qu'ils vont pouvoir licencier sans motif pendant deux ans, et en plus elles auront trois ans d'exonération de cotisations sociales. Vous pensez vraiment qu'elles ont besoin de ça ? Bien sûr que non !

Ce sont deux contrats iniques ! Ils vont contre tous les progrès faits en un siècle en matière de droit du travail. Un point crucial : on peut être licencié sans motif ! Or vous savez, toute l'histoire du mouvement social, ça a été qu' un salarié puisse être digne face à son l'employeur, c'est-à-dire qu'au moins, quand on le fout dehors, qu'on lui dise pourquoi, et qu'éventuellement il ait un recours ! Avec le CPE, ou CNE, ça ça saute. Plus de dignité. On revient là, dans germinal de Zola ou Lantier peut se faire virer du jour au lendemain de la mine. On revient aux journaliers, on revient au XIXe siècle. Il n'y a pas la moindre protection !Vous êtes obligé de plaire à votre patron ou il vous vire. La période d'essai dure deux ans, sans droits. C'est une zone de non-droit. Vous pouvez être viré le dernier jour de la période d'essai, et puis après vous allez en faire encore un autre, vous allez dans une autre boîte, vous recommencez, et puis encore un autre . Un jeune peut faire 3 CPE par exemple entre 20 et 26 ans, et après quand il a passé 26 ans, il pourra faire un CNE, n'est-ce pas... C'est une forme de précarité organisée odieuse.

Dans le monde entier, les gens se sont battus pour avoir du respect au moment où ils étaient mis à la porte d'une entreprise. A tel point que le l'OIT, l'Organisation Internationale du Travail, dit qu'on ne peut pas licencier sans motif. C'est une convention signée par 140 pays. Toutes les déclarations des Droits de l'Homme disent qu'on ne peut pas licencier sans motif. C'est le respect d'un humain qui travaille ! Et voilà ce sur quoi s'assied M. de Villepin, une fois par ordonnance l'été dernier, et maintenant par l'article 49-3, dans une procédure d'urgence, sans consultation des syndicats, ni des organisations de jeunesse. Il impose à toute vitesse une procédure de ce type. C'est odieux.

Pascale Fourier : Quand vous dites que les entreprises sont exonérées de cotisations sociales pendant trois ans, ça veut dire qu'ils ne vont pas payer la Sécu, les retraites etc...

Gérard Filoche : Oui, c'est autant de moins pour nos retraites, c'est autant de moins pour notre Sécurité Sociale, c'est autant de moins pour toute la protection sociale. Ca va être compensé, quand ça le sera, - parce que ça ne l'est pas toujours - , par l'État, mais ca va être compensé avec les impôts que les salariés payent. C’est donc tout pour l'employeur; il n'y a rien pour les salariés.

On nous dit qu'on ne eut pas faire autrement parce qu' il y a déjà de la précarité... Ce n'est pas vrai ! On peut faire autrement ! Bien sûr qu'on peut faire autrement, surtout en ce moment. Parce qu’on est en 2005, 2006, 2007 et nous avons le départ en retraite de ceux qui sont nés en 1945, 1946, 1947. Les estimations ne sont peut-être pas tout à fait fiables mais, en gros 85 000 fonctionnaires devaient partir en fin de 2005, probablement 120 000 en 2006, disons probablement autant en 2007. Je parle bien de fonctionnaires en plus, ce n’est pas la rotation ordinaire. Comme c'est une vague démographique, cette vague arrive à 60 ans. Il y a 5 millions et demi de fonctionnaires, mais il y a 16 millions de gens qui travaillent dans le privé : vous avez donc trois fois plus de gens qui doivent également partir puisque le pourcentage de salariés qui arrivent à la retraite est le même dans le privé. En vérité, nous sommes dans une période où devraient s'ouvrir sur le marché du travail disons 200, 250, 300 000 postes, peut-être 400 000 postes, qui pourraient être de vrais postes pour les jeunes. Mais le gouvernement n'en a rien à faire qu' il y ait de vrais emplois pour les jeunes ! Pas des demi-contrats, non, pas des CES, Civis, Jeune truc muche etc... Non, de vrais contrats pourraient être possibles pour plusieurs centaines de milliers de jeunes.

Alors que fait M. de Villepin ? Il crée des emplois-vieux. C'est extraordinaire. Il pousse ceux qui doivent partir à rester. A ceux qui sont dans la tranche de 57 à 60 ans, dans la même loi que celle qui institue le CPE, il propose deux CDD de 18 mois consécutifs. Et pour être sûr qu'ils y aillent, la convention UNEDIC, qui est une très mauvaise convention signée en décembre dernier, a supprimer la cinquième filière, qui concernait les 57-60 ans et qui avant leur donnait 42 mois d'indemnités. Ils ont supprimé ses 42 mois d'indemnités pour que les gens qui n'ont pas de travail entre 57 et 60 ans soient obligés de rester. Et on leur propose deux CDD pour rester. Et selon la même théorie, pour qu'ils soient embauchés, il faut pouvoir les virer... Ils ont supprimé la contribution Delalande, qui était une contribution qui taxait un petit peu les employeurs qui viraient des gens vers 54, 55, 56, 57 ans, et qui les faisait maintenir. Ils ont supprimé ça. Donc en fait ils font tout pour que les gens restent entre 57 et 60 ans.

Ils ont fait plus ! Dans la même loi, - personne ne voit ça - , de Villepin fait entrer la possibilité du cumul emploi et retraite. Jusque-là, ça faisait bondir tout le monde, mais là ça semble passer comme une lettre à la poste. Il propose aussi un cumul retraite et travail à temps partiel. Il a allongé, pour les fonctionnaires, la date limite pour prendre sa retraite de 65 ans à 67 ans, pour qu'ils puissent rester jusqu'à 67. Par ailleurs, le système des décotes mis en place par la loi Fillon commence à s'appliquer aux fonctionnaires quand ils n’ont pas la totalité de leurs annuités. Et une immense majorité n'a pas la totalité de ses annuités! Et pour cause: la moyenne de travail d'un fonctionnaire est de 33 ans. Pas parce qu’ils seraient fainéants, mais parce que ce sont des cadres. La moitié des fonctionnaires sont cadres; ils sortent à 25, 26 ans des études Et donc pour arriver à 60 ans, on a 33 annuités, ou 34 ans . Ils ne les ont pas. Alors on leur met des décotes, et donc ils restent. Et donc ils vont continuer: 61, 62, 63, 64 ans. En fait, tous ces postes qui devaient être libérées mécaniquement, la politique de Villepin vise à empêcher qu'ils le soient. C'est extraordinaire ! En fait il freine le déclin du chômage ! Il freine la conjoncture qui voudrait qu'il y ait du boulot pour les jeunes ! Et il dit aux jeunes d'accepter des conditions draconiennes pour avoir du travail; il leur demande d'accepter, pendant deux ans, d'être traités comme des chiens, et d'accepter la possibilité d'être viré du jour au lendemain.

C'est quand même assez grave de voir, à la fois la manipulation que ça représente, et le fond de la question. Parce que le fond de la question, c'est donc que M. Villepin ne lutte pas contre le chômage. Il le laisse baisser un peu, parce que quand même, il peut faire un peu d'affichage : 0.5 % l'année dernière de baisse du chômage, sans création de postes. Il a quand même radié 168 000 personnes des listes ANPE en plus d'avoir retardé les départs en retraite. Il y a quand même une baisse, qui prouve qu’elle serait tellement plus ample !! Il laisse baisser un petit peu le chômage, mais il se sert surtout de tout cela pour baisser le coût du travail. Le fond de la politique, c’est baisser le coût du travail pour les jeunes. Parce que sinon, vous auriez 300, 400 000 jeunes qui rentreraient triomphants sur le marché de l'emploi ! En ce moment, ce serait une conjoncture extraordinaire pour le travail, pour le recul du chômage ! Tous ces jeunes arriveraient et diraient : « Moi, je veux avoir un boulot; je veux un bon salaire, etc. ». Ils discuteraient à leur patron le niveau de ce salaire, ils seraient dans une période où ils ne seraient pas obligés de se défendre... Et donc le jeu de de Villepin est clair : c'est de faire plaisir aux MEDEF, de se servir de la précarité pour faire baisser les salaires, et d'empêcher un vrai recul du chômage.

Pascale Fourier  : Je suis un petit peu étonné de ce que vous me dites... Je me dis: «  Bon, c’est Filoche, il exagère... «  Parce que moi, ce que j'ai entendu dans les autres médias, et en particulier sur France 2, c'est que quelqu'un qui rentre dans l'emploi actuellement doit attendre huit ans avant de décrocher un CDI, et que finalement, le Contrat Première Embauche, c'est mieux que le CDD, l'intérim et autres contrats précaires. C'est mieux, c'est vraiment mieux: c'est ce qu’ils me disent sur France 2.

Gérard Filoche : Mais moi je suis un modéré. Je n'exagère pas. Par le genre d'arguments que vous me répercutez, c'est eux qui exagèrent. Ils sont gonflés de prétendre des choses pareilles. Il faut ne pas connaître le droit du travail, ou alors il faut mentir, pour dire des choses pareilles ! Évidemment le CDD est mille fois mieux qu'un CPE ou un CNE, et mille fois moins bien qu’un CDI par ailleurs. Je vais vous faire juste les comparaisons.

Les CDD, le patron ne peut pas les choisir dans n'importe quelles conditions: il doit motiver leur utilisation. Il ne peut pas utiliser un CDD, un Contrat à Durée Déterminée, sur un poste permanent. Donc un CDD est lié soit à un surcroît exceptionnel de travail, soit au remplacement d'un salarié absent. Si ces deux motifs pour utiliser un CDD ne sont pas vérifiables, alors le contrat est requalifiable en CDI. Donc la loi restreint l'usage du CDD, bien qu'il y ait des infractions, bien entendu. Mais la loi elle-même limite, cantonne le CDD.

Deuxièmement, le CDD, s'il est pris pour six mois, il est pris pour six mois. Le patron on ne peut pas vous virer avant : vous êtes sûrs d'avoir six mois. Et s'il y a une interruption, ça doit être pour un cas de force majeure, et on doit vous payer jusqu'au terme de vos six mois. Ensuite les CDD ne peuvent pas se succéder. Je sais qu'il y a beaucoup d’infractions aussi et que beaucoup de CDD se succèdent. Mais dans la loi, il est prévu qu'un CDD ne peut être renouvelé qu'une fois, si c'est prévu dès le premier contrat. Deuxième chose qui est prévue, c'est que s'il y a un troisième CDD qui doit arriver, il doit s'écouler, écoutez-moi bien, le tiers du temps du premier CDD entre la fin de celui-ci et le début du suivant, c'est-à-dire qu'il y a un délai de carence pour empêcher l'enchaînement d'un CDD sur le même poste. Parce que le CDD, ne pouvant pas pourvoir un poste permanent, il doit être soumis à ce genre de règles. Et quand vous avez fait trois CDD de suite, il est automatiquement requalifiable en CDI. Il est prévu par le Code du travail que le syndicat peut aller en justice à la place du salarié pour requalifier ces CDD en CDI de façon à ce que ce ne soit même pas attaquable par son employeur. Par ailleurs, il y a encore autre chose sur les limites et l'encadrement des CDD: on ne peut pas embaucher en CDD sur un poste où on a fait un licenciement économique précédemment. Ce ne sera pas le cas du CPE; ce ne sera pas le cas du CNE, bien entendu. Ensuite le CDD, c’est 10 % d'indemnité de précarité. Il n'y a pas de petits profits : le CPE, c’est 8 % seulement.

Le CDD est limité, même si on vous fait un CDD long, à 18 mois. Le CPE, ce sera 24 mois. On nous dit qu'on va donner des préavis. Mais ça existe déjà ! Même pour le CDD, il y a des préavis, au prorata de la durée du CDD, et de façon générale, même pour un CDI, on vous disait au bout de six mois : «  Vous avait droit à 15 jours de préavis; au bout d'un an, vous avez un mois ». Ca, c’est les conventions si le prévoyaient la plupart du temps. Et au bout de deux ans, vous aviez le droit à deux mois de préavis, avec des indemnités. Pas très élevées... 2/10eme depuis mai 2002. Vous aviez une petite somme, une petite protection, pas très forte, mais elle existait. Elle est moindre pour le CPE , puisque avec le CPE, le jeune, s'il est viré au bout de quatre mois, aura 18,60 € par jour, soit 470 € par mois, seulement pendant deux mois. Comparez donc avec la dernière convention UNEDIC de décembre 2005, qui, bien qu'elle soit très mauvaise pour les salariés, prévoit que quand vous avez travaillé six mois, vous avez le droit à sept mois d’indemnités.

Alors tout ce qui est dit sur le fait que le CPE est mieux que le CDD, c'est pur mensonge. Ca joue sur la méconnaissance du droit par les gens. Ca joue sur le fait que c'est un petit peu compliqué à comprendre. Mais il n'y a pas photo: quand Villepin vous dit, les yeux dans les yeux, devant une caméra, que le CPE est mieux que le CDD, il ment. Il trompe. Il triche. Il méprend tous les gens sur le droit du travail.

Pascale Fourier : Mais il me semble avoir entendu dire que les CDD étaient en réalité de très courte durée, que finalement la moyenne du temps passé dans un CDD, c'était 2, 3 mois, quelque chose de très court.

Gérard Filoche : C'est vrai, mais le CPE ça va être pareil. Déjà les gens qui sont embauchés en CNE sont virées assez tôt. Il y a des patrons qui pourront attendre jusqu'au dernier jour, puisque les patrons un peu pervers sauront faire ça... Mais le problème, c'est que, dans le CDD, je le répète, on ne peut pas vous virer sans motif. Dans le CPE, ou le CNE, on va le faire. Donc si votre patron vous demande un café, servez-lui le café. S’il vous fait faire des heures supplémentaires le soir, faites-les. S’il ne vous les paye pas à la fin du mois, ne dites rien. Si vous êtes une femme et que vous êtes enceinte, vous pouvez être virée. J'ai entendu Jean-François Copé avoir le culot de dire que ce n’est pas vrai parce que le droit du travail ordinaire s'applique. Nouvelle preuve de l'ignorance d'un porte-parole du gouvernement! Parce que le droit ordinaire permet qu'on licencie une femme enceinte pour un motif économique, ou bien en cas de force majeure. Sauf qu'il faut le motiver. Or là, il n'y aura pas le besoin de motiver. Si une femme est enceinte et que le patron la vire, si elle se plaint en disant qu'elle a été licenciée parce qu'elle était enceinte, il dira : « Non ». Elle lui demandera alors : « Mais pourquoi?? ». Et lui pourra répondre : « Je n'ai pas de motif à donner ». Et l'affaire sera close. Imaginez un homosexuel qui est embauché... Vous avez un patron homophobe... Ca ne se saura pas dès le début , mais le patron le virera parce qu'il sait qu'il est homosexuel. Il sera viré. Le salarié dira : « Mais il m'a viré parce que je suis homosexuel, c'est une discrimination ». Il ne pourra jamais le prouver, parce que l'autre dira : « Moi je n'ai rien à dire, je n'ai pas besoin de mettre un motif ». D'où le fait que pendant des décennies les gens se sont battus pour qu'on ne soit pas viré sans motif . Ce n’est pas une petite chose, c'est une chose cardinale, essentielle.

Le CPE, c'est une période d'essai prolongé avec une zone de non-droit. Jamais ça ne se passe comme ça dans le CDD. Donc la différence est absolument fondamentale entre les deux types de contrats. Et je ne vous défend pas le CDD, je préfère le CDI évidemment !

L'attaque qui est en train de se faire tue le CDI par les deux bouts. De Villepin fait des emplois- vieux, et mine la fin de carrière; il fait des les emplois-jeunes sans protection, hyper-précaires, et il mine le début de carrière. Donc après il ne reste plus qu'à miner le reste du CDI. Et c'est ce qu'il propose de faire puisqu'il propose de réécrire le Code du travail en entier. C'est une chose dont on ne parle pas, qui est totalement lié à notre sujet. Le CPE et le CNE sont deux arbres qui cachent une immense forêt de contre-révolution blanches contre le Code du travail. Le Code du travail fait 3151 articles et 9 livres. Ils sont en train de le réécrire par la plume de l’UMP sous la direction du MEDEF. Et ils veuillent nous faire passer ça par ordonnances. Ils avaient envisagé mai-juin; ils parlent maintenant d'octobre. Mais ils ont bien l'intention de le faire dans les mois qui viennent, de dynamiter des décennies de luttes pour le droit.

Ils viennent dans la même loi, sur l'égalité des chances et sur le CPE, d'autoriser le travail de nuit pour les enfants de 15 ans. Je n’invente à rien ! Le débat parlementaire l'a mis en évidence. Non seulement on a l'apprentissage à 14 ans, mais le travail de nuit pour les enfants de 15 ans. Moi, je sonne l'alerte auprès de tous Français quand même respectueux de ce qu’est notre Histoire. Nous avons mis des années pour progresser dans le droit social, nous avons maintenant des assassins du droit social au pouvoir. Rétablir le travail de nuit pour des enfants de 15 ans, l'apprentissage à 14, le CPE où on ne peut vous virer pendant deux ans sans motif.... Quand je dis que c'est le XIXe siècle et les loueurs de bras, je n'exagère pas.

Nous sommes sous l'emprise de Mme Parisot et du MEDEF. Mme Parisot a dit : « La vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail ne le serait-il pas ? ». Cette petite phrase a été insuffisamment commentée. En fait, c'est de la barbarie, un peu perverse, mais de la barbarie. Parce que depuis l’aube de l'humanité, depuis l'origine des temps, nous nous battons contre la précarité. Nous avons inventé l'élevage pour nous protéger de la précarité de la chasse. Nous avons inventé l'agriculture pour nous protéger de la précarité de la cueillette. On a toujours lutté contre la précarité de la faim, du froid, de la souffrance, et même contre la précarité de nos amours. Or, cette femme arrive là, et elle nous dit : « Tout doit être précaire ». S'il y avait un message clair, ce sont des gens de Cro-Magnon, ce sont des gens prè-néolithiques. C'est un choix de civilisation. Il faut se battre pour les chasser maintenant et empêcher ce qu'ils sont en train de faire. Ou alors, c'est un retour en arrière d'un siècle et demi, et peut-être plus, quand on les écoute bien.

Pascale Fourier : Admettons que, moi, je sois jeune et que je n'ai pas d'emploi actuellement: je me dirai que c'est bien, le CPE, c'est bien quand même, je ne sais pas pourquoi vraiment complètement, mais c'est bien. Il ne faut pas que je me révolte, c'est bien.

Gérard Filoche : Non. On ne peut être lèche-botte, cire-godasses en disant que c'est toujours mieux que de ne rien faire !! Tout jeune a le droit à un métier décent, un emploi décent, et un salaire décent ! On peut toujours dire que puisque je n'ai ni un ni l'autre, je vais me contenter d'1/10 de salaire... Mais enfin... que la jeunesse se révolte quand même ! La France n'a jamais été aussi riche, les entreprises multinationales n’ont jamais eu autant bénéfices. Et il peut y avoir de vrais emplois, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, aujourd'hui par centaines de milliers ! Qui sont disponibles si on laisse partir les gens à la retraite au lieu de reculer leur départ. Donc pourquoi accepterait-on des solutions médiocres, précaires, et défensives, alors qu'on peut avoir un vrai projet de vie, une vraie ambition, et qu'on peut redistribuer les richesses au lieu de les laisser être accaparées par les mains de quelques-uns ? Je rappelle : Total en 2005, c’est 12 milliards d'euros de bénéfices, et on va leur donner des emplois-jeunes licenciables sans motif et avec des exonérations pendant trois ans !!!

On ne va pas se laisser faire! Il faut dire ça aux jeunes. D'ailleurs les jeunes se mobilisent, et ils ont raison, mais tous les salariés sont concernés par l'histoire du CPE et du CNE. Pas seulement les jeunes, tous: c'est une attaque fondamentale contre le CDI et contre le Code du travail. En fait, le 7 mars, tout le monde devrait se mettre en grève, pas seulement les jeunes, mais tout le monde, tous les syndicats, et on devrait mettre dehors ce gouvernement. Je dis bien dehors! Il est minoritaire déjà dans le pays, et il se permet, par-dessus les députés, sans concertation, sans débat, avec des procédures d'urgence, des 49-3 etc. d'imposer ce genre de choses ??. Il veut vraiment tout casser avant de partir ! On n'a pas de raison d'attendre 2007. Moi, je demande des élections anticipées, qu'on arrête cela, et qu'on rediscute tout de suite devant le peuple : oui ou non veut-on ce genre de choix de civilisation ou de barbarie ?

Pascale Fourier : C'était donc Des Sous... et des Hommes, en compagnie de Gérard Filoche, inspecteur du travail donc et membre du parti socialiste. Il y a quand même un petit quelque chose qui me titille... Il y a 3, 4 ans, les médias classiques se faisaient l'écho du fait que le chômage allait décroître mécaniquement grâce aux départs en retraite des baby-boomers dès 2006. 2006, on y est. Silence radio. Pourquoi les médias classiques ne s'étonnent-ils pas du fait qu’ au moment même où justement on devait avoir cette décroissance du chômage - qui devait permettre l'entrée des jeunes sur le marché de l'emploi – on nous sorte cette histoire de CPE... Moi, je suis étonnée....
En tous les cas, la semaine prochaine, nous écouterons encore Gérard Filoche qui nous parlera du Code du Travail. A la semaine prochaine !

 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 21 Février 2006 sur AligreFM. Merci d'avance.