Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

RESUME

ATTENTION : Le résumé n'engage en aucune façon l'invité de l'émission : seul le texte de la retranscription de ses propos mot pour mot fait foi.


EMISSION DU 16 AVRIL 2002

Y a-t-il vraiment un problème des retraites?

avec Jean-Marie Harribey, professeur d’économie à l’université de Bordeaux et membre du conseil scientifique d'ATTAC.

 

Le problème : La situation des retraites va être catastrophique à très brève échéance, dit-on: il ne va pas y avoir assez d'actifs pour financer les retraites...

 

Une transformation démographique indéniable due :

  1. à l'arrivée en âge de la retraite de la génération du baby-boom née après la guerre.
  2. à un ralentissement de la fécondité dans la plupart des pays anciennement industrialisés dont la France fait partie.
  3. à l'allongement de l'espérance de vie.

Il va donc y avoir une question à se poser sur le financement des futures retraites.

Mais, il faut comparer l’évolution de la démographie avec l’évolution prévisible de l’économie ,et en particulier avec l'évolution de la productivité, pour savoir si nous souffrirons d’une insuffisance de ressources ou pas.

 

Le problème démographique :

Prévisions : d’ici 2040, dans 40 ans environ, la proportion d’actifs pour inactifs,

  1. c’est-à-dire les gens qui travaillent ou qui sont en capacité de travailler,
  2. par rapport au nombre d’inactifs, que ce soient les jeunes ou les personnes âgées, c’est-à-dire les inactifs aux deux bouts de la pyramide des âges,

passerait de 1 actif pour 1,6 inactifs aujourd’hui à 1 actif pour 2 inactifs en 2040.

Il va dons y avoir un accroissement du nombre d’inactifs par rapport aux actifs.
Le passage de 1.6 à 2 représente une augmentation de 25%, qui va s’étaler sur 40 ans. Donc, dans 40 ans, il y aura 25% de plus d’inactifs par rapport aux actifs qu’il n’y en a aujourd’hui. Lorsque l’on calcule la moyenne annuelle que représente cette augmentation de 25% de plus sur 40 ans, on obtient un résultat de l’ordre de 0.56% d’inactifs de plus par rapport au nombre d’actifs, cela chaque année en moyenne pendant 40 ans.

Pour ne pas souffrir d’insuffisance de richesses dans l’avenir, il faudra donc que les actifs produisent toujours un petit peu plus pour compenser cette augmentation de la proportion d’inactifs. Car ce sont toujours les actifs qui font vivre par leur activité, par définition, les inactifs, que se soient les jeunes enfants, les personnes en formation ou les personnes âgées. Ce sont toujours les actifs qui font vivre les inactifs par leur travail productif, et ceci quel que soit le système. En effet, le système dit de répartition, qui fonctionne aujourd'hui, est financé par prélèvements sous forme de cotisations sociales le plus souvent assises sur les salaires; un système par capitalisation ne changerait rien, puisque chaque salarié devrait se payer directement sa propre retraite sur ces propores deniers, si tant est qu'il puisse le faire.

L'enjeu donc est de savoir si, dans le même temps, la productivité des actifs sera suffisante pour compenser cet alourdissement démographique.

 

La productivité des actifs :

Or la productivité progresse toujours beaucoup plus que 0.56% par an. Il n’y a pas d’exemple historique dans le dernier demi-siècle où la productivité n’ait pas augmenté d’au moins 1.5%, parfois 2% et même beaucoup plus à certaines époques. Dans la phase actuelle, l’augmentation de la productivité du travail n’excède pas 1.5 à 2%.

Il n'y a donc pas de "problème des retraites" en soi, mais bien un problème de répartition des gains de productivité.

 

Pourquoi omettre la question du lien entre financement des retraites et gains de productivité dans le débat public ?

Depuis 25 ans, une répartition inégale des gains de productivité a prévalu parce que l’on a eu des politiques d’austérité salariale extrêmement fortes, parce que le chômage a laminé la masse salariale proportionnellement à l’augmentation du PIB.
Ceux qui évoquent le problème des retraites sans faire le lien avec l'évolution des gains de productivité font le pari que ces gains de productivité qui sont la clé de la solution du problème de financement des futures retraites vont, comme pendant les 25 dernières années, continuer d’être accaparés par les détenteurs de capitaux, que cette détérioration de la répartition au détriment du travail et en faveur des détenteurs de capitaux perdurera. Autrement dit , ils font le pari que les gains de productivité passeront sous le nez des salariés et des anciens salariés que sont les retraités.
Si tous ou la quasi-totalité des gains de productivité sont appropriés par les revenus financiers, c’est-à-dire par les détenteurs de capitaux, il aura bien alors un problème de financement du système des retraites, tout comme on va avoir un problème pour financer toutes les dépenses sociales et toute la protection sociale. Mais ce n’est qu’à cette condition que le problème de la protection sociale va se poser.

 

Solutions ?

L' allongement de la durée de cotisation: 40 ans, puis 42.5 ans, 45 ans ?
Dans cette vision des choses, la masse salariale est vue comme intangible, autrement dit les salaires n'augmenteraient pas en proportion des gains de productivité réalisés pourtant par les salariés.
Ce projet-là vise à reporter sur une masse salariale considérée donc comme intangible dans le temps, en dépit des gains de productivité, l’alourdissement démographique. Comme il y aurait plus de personnes inactives à prendre en compte pour la même masse salariale, cela poserait donc problème et nécessiterait un allongement de la durée de cotisation..

Faire progresser la masse salariale au rythme des gains de productivité ?
puisque les cotisations sociales sont assises sur cette masse salariale...



Pour compléter cette analyse, lire :
Marché de dupes pour les retraites
, par Martine Bulard dans le Monde Diplomatique de Janvier 2003. http://www.monde-diplomatique.fr

 

Rappel : Le résumé du propos de l'invité n'engage... que celui qui a fait le résumé...
Vous pouvez retrouver les propos de Jean-Marie Harribey dans la transcription mot à mot de son interview.