Pascale
Fourier : Alors, Jean-Marie Harribey, je suis un
peu étonnée ces derniers temps, on entend de plus en plus
souvent parler de développement durable, est-ce que cela voudrait
dire qu’on a enfin trouvé une régulation possible
du mode de production capitaliste et de la société de
consommation ?
Jean-Marie Harribey
: La conférence qui s’est tenue fin août à
début septembre 2002 à Johannesburg sur le développement
durable a largement contribué à faire connaître
du grand public cette conception du développement économique
qui est née il y a deux ou trois décennies. Elle est maintenant
tellement ancrée dans les esprits qu’il n’y a plus
un seul dirigeant politique, un seul gouvernement, ni aucune institution
internationale qui s’aviserait de parler du développement
sans y faire référence. Et cette conversion atteint maintenant
jusqu’aux dirigeants des firmes multinationales qui ont fait littéralement
le siège de cette conférence de l’ONU pour afficher
leurs préoccupations éthiques, sociales, écologiques,
et donc peser sur le cours des décisions.
Alors, d’où vient cet engouement actuel pour le développement
durable ? En fait, je crois d’une triple prise de conscience.
Il y a d’abord eu le constat que les promesses du développement
économique n’ont pas été tenues : le développement
devait éliminer la misère, la famine, l’analphabétisme,
or ces maux n’ont pas régressé et surtout pas dans
l’Afrique subsaharienne. Le développement devait réduire
les inégalités et elles ont littéralement explosé
au cours des dernières décennies ; ce développement
devait être facilité par une aide que les pays riches devaient
apporter aux pays pauvres à hauteur de 0,7 % de leur PIB, les
pays riches s’étaient engagés à fournir cette
aide, or cette aide a reculé aujourd’hui à 0,24
%.
C’était la première prise de conscience. La seconde
prise de conscience est plus récente. Tous les organismes de
régulation internationale se sont alarmés des dégâts
écologiques causés par un développement dévastateur
qui pollue l’eau, l’air, les sols, les épuise, tout
comme il épuise les ressources naturelles à grande vitesse.
D’où l’idée qu’il fallait promouvoir
dorénavant un développement qui deviendrait « soutenable
» , durable, à la fois socialement et écologiquement,
c’est-à-dire un développement qui devait répondre
aux besoins du présent sans compromettre la capacité des
générations futures à satisfaire les leurs plus
tard. Ces deux premières prises de conscience se sont exprimées
d’abord à Stockholm lors de la première conférence
de l’ONU sur ce sujet en 1972, puis à Rio de Janeiro vingt
ans après en 1992, mais sans l’ampleur prise par la conférence
de Johannesburg en septembre 2002 parce qu’entre-temps est intervenue
la troisième prise de conscience qui a hâté la conversion
générale à ce fameux développement durable
et qui est la suivante: après le développement qui a montré
ses limites puisqu’il n’a pas tenu ses promesses, ce fut
autour de la mondialisation du capitalisme, de la libéralisation
financière et commerciale de montrer leurs limites. Ainsi la
loi des marchés, la spéculation financière, la
mise en concurrence des secteurs les plus traditionnels dans les pays
pauvres avec les secteurs ultramodernes des pays riches ont produit
des crises à répétition dans les pays dits «
émergents », notamment en Asie du Sud-est asiatique, en
Amérique latine, et fait ployer les plus pauvres sous le poids
d’un endettement croissant et les ont soumis aux diktats du FMI
(Fonds Monétaire International) et de la Banque mondiale qui
leur ont imposé des plans d’austérité que
l’on appelle au plan international des "plans d’ajustement
structurel". Cette mondialisation financière a donc produit
des dégâts qui ont hâté la conversion au développement
durable puisque même dans les pays riches, Etats-Unis en tête,
on constate la crise d’une économie qui n’avait de
"nouvelle" que sa propension à soumettre toutes les
activités humaines à la logique du profit et à
l’exigence de la rentabilité.
Donc il y a eu au cours des quelques
dernières années que nous venons de vivre un début
de perte de légitimité de ce « bonheur » que
devait nous assurer le marché libéral. Il fallait donc
mettre bon ordre à cette perte de légitimité et
le concept de développement durable est venu à point nommé
pour permettre aux élites du monde, aux classes dirigeantes de
retrouver cette légitimité mise à mal. Du coup
on assiste en ce moment à un renversement complet, c’est-à-dire
que le concept de développement durable, qui était censé
renouveler le développement pour aider à surmonter les
difficultés évoquées, est récupéré
par les plus grands naufrageurs de la planète, que ce soit les
naufrageurs sociaux ou les naufrageurs écologiques. Et ce renversement
tout à fait étonnant ( on peut d’ailleurs admirer
la facilité de récupération de ce mot d’ordre
de "développement durable"), il a été
possible parce que ce concept repose sur une ambiguïté fondamentale,
voire une contradiction insurmontable. Voilà quelques mots pour
préciser dans quel contexte cette notion est apparue et pour
introduire la difficulté qui nous attend pour débroussailler
la question du développement durable.
Pascale Fourier
: Difficulté, en effet, parce que j’étais tout de
même un peu étonnée, je me disais: "Mais c’est
absolument fabuleux, subitement les plus grands dirigeants, les personnes
qui détiennent toutes les manettes ont un grand souci de l’humain,
un grand souci de l’éthique dans l’économie"
?
Jean-Marie Harribey
: Dans l’esprit de ses promoteurs, le développement durable
doit concilier trois impératifs : un impératif économique,
celui de la croissance ; un impératif social, celui d’éradiquer
la pauvreté ; et un impératif écologique, celui
de préserver les écosystèmes. Or la présentation
de ces trois impératifs n’est pas neutre, c’est-à-dire
que la croissance économique est censée commander les
deux autres : si l’on atteint l’objectif de croissance économique
considéré comme une condition sine qua non, nécessaire
et absolument indispensable de la réussite des deux autres, implicitement,
on accepte l’idée qui prévaut largement parmi les
économistes selon laquelle le bonheur de l’humanité,
son bien-être ne peuvent être assurés que par une
croissance économique éternelle, indépendamment
des possibilités que nous offre la planète Terre pour
satisfaire nos besoins, et indépendamment des coûts sociaux
que cette croissance entraîne.
***
Pascale Fourier
: Aujourd’hui, c’est vraiment le jour des grands étonnements
, tout à l’heure j’étais un peu étonnée
que les grands dirigeants aient tant de souci de l’humain, et
puis là je suis très très étonnée
qu’on puisse en même temps vouloir préserver la croissance
telle qu’elle existe actuellement ou qu’elle tente d’exister
peut-être même, et en même temps essayer de préserver
l’écosystème. On se rappellera que Bush a refusé
de signer le protocole de Kyoto justement pour préserver la croissance
de son pays: normalement, il y a antinomie entre continuation de la
croissance telle qu’elle est, notamment qui s’appuie sur
l’utilisation des énergies fossiles, et préservation
de l’écosystème.
Jean-Marie Harribey
: Alors, effectivement, vous posez la question la plus difficile à
débroussailler, parce que derrière la défense de
la croissance économique, il y a implicitement la défense
du système économique qui profite de cette croissance
économique, le système économique capitaliste,
qui ne peut accroître ses champs d’activité que sur
une croissance qui serait toujours renouvelée. Alors, le problème
est de savoir si, et cette question fait débat parmi les économistes
du développement, le problème est donc de savoir si l’on
peut établir une distinction suffisamment solide entre la croissance
économique et le développement. Traditionnellement, il
est dit par la plupart des économistes qui s’occupent des
questions du développement et du sous-développement, traditionnellement
il disent que la "croissance économique" désigne
une augmentation des quantités produites et que le "développement
économique" englobe celle-ci, cette augmentation des quantités
produites, mais la dépasse par les aspects qualitatifs que le
développement apporte, c’est-à-dire une amélioration
de l’état de santé de la population, une augmentation
de l’espérance de vie, une augmentation des taux d’alphabétisation,
etc. Le problème est de savoir si l’on peut dissocier ces
deux notions ou pas.
Ce qui est très difficile
à comprendre, c’est que vous avez aujourd’hui à
peu près, et je schématise un petit peu, bien sûr,
au moins 4 positions sur cette question là. Vous avez les adaptes
du développement capitaliste éternel qui nous disent que
la croissance est dans tous les cas bénéfique et qu’il
faut donc la poursuivre le plus possible, et comme argument ils invoquent
l’idée que le progrès technique sera toujours capable
de nous donner des solutions aux problèmes que la croissance
éternelle engendrerait: par exemple certaines ressources naturelles
sont en voie d’épuisement; le progrès technique
sera à l’avenir capable de remplacer les ressources épuisées
par des ressources de remplacement - au même titre qu’on
a remplacé par exemple le caoutchouc naturel par du caoutchouc
synthétique, et on pourrait multiplier ce type d’exemples.
Donc, le pari est que, je répète le progrès technique
sera toujours capable de satisfaire nos besoins. Et donc, si c’est
vrai, il n’y a pas de raison d’arrêter cette croissance
économique. Ça c’est la première position.
La seconde consiste à dire que la croissance a des effets pervers
qu’il ne faut pas négliger, qu'il ne faut pas ignorer,
la pollution entre autres, la pauvreté qui subsiste, mais qu’il
faut corriger ces effets pervers, et c’est là qu’entre
en action cette idée de développement qui deviendrait
durable si on arrive à corriger ses effets pervers. La troisième
position qui consiste à dire que le développement jusqu’à
présent a été dévastateur. Il faut donc
en finir et cesser définitivement, pour les riches comme pour
les pauvres, de courir après cette chimère. Et il y a
une dernière position, que personnellement je défends,
mais qui est peut-être la plus inconfortable de toutes et que
je résume ains: le développement jusqu’ici a été
dévastateur, mais on ne peut tirer un trait dessus, car aujourd’hui
il y a de tels besoins de développement urgents qui sont insatisfaits
à l’échelle de la planète puisqu’il
y a il y a un milliard et demi pratiquement de personnes qui n’ont
pas accès à l’eau potable, parce qu’il y en
a autant qui ont moins de 1 dollar par jour pour vivre, il y a donc
des besoins urgents à satisfaire. Et à ce niveau de dénuement,
on ne peut pas opposer la quantité et la qualité, parce
que pour alphabétiser, il faut construire des écoles,
et construire des écoles signifie promouvoir une certaine croissance.
Si je veux acheminer de l’eau potable, il faut que je construise
des réseaux d’acheminement et de distribution de cette
eau. Si je veux assurer la santé pour tous, il faut construire
des hôpitaux, des centres de soins décentralisés,
mais il faut toujours une forme de croissance économique. Donc
l’idée serait dans ce cas-là d’amorcer une
décélération de la croissance inséparable
du développement à mon sens dans les pays les plus riches
pour s’orienter vers la qualité et pour s’orienter
vers d’autres formes d’épanouissement qu’une
consommation toujours éternellement croissante, mais pour permettre
dans le même temps, aux pays les plus pauvres de la planète
d’accéder à la satisfaction des besoins les plus
essentiels que sont une nourriture équilibrée, l’éducation,
la santé et l’accès aux ressources fondamentales
comme l’eau qui, aujourd’hui, va devenir un enjeu, pendant
le XXIe siècle, colossal sur la planète.
Pascale Fourier
: Mais est-ce que cela ne remettrait pas en cause radicalement toute
l’économie des pays occidentaux?
Jean-Marie Harribey
: Alors, bien évidemment, les dirigeants des pays développés
aujourd’hui ont très bien pris conscience que le changement
de mode de développement complet à l’échelle
de la planète implique des revirements, des remises en cause
radicales. Et c’est ainsi, je crois, que l’on peut s’expliquer
la manière dont s’arc-boutent les Etats-Unis pour refuser
le protocole de Kyoto dont vous parliez tout à l’heure.
Si les USA ont refusé jusqu’ici de ratifier le protocole
de Kyoto qui prévoit de limiter les émissions de gaz à
effet de serre d’abord dans les pays les plus riches, puis progressivement
on espère dans la plupart des autres pays, si les Etats-Unis
ont refusé, c’est parce qu’ils ont très bien
compris que cela remettait, même à la marge, en cause leur
mode de consommation qui est la plus énergétivore du monde
à l’heure actuellement, car à eux seuls, ils émettent
à peu près 25% des gaz dits "à effet de serre"
de la planète. Donc, à Rio de Janeiro, le président
Bush, déjà le premier de ce nom-là, déclarait
: « Notre mode de vie n’est pas négociable ».
Et Bush junior suit les pas de son prédécesseur de père
puisqu’il a refusé de ratifier ce protocole ; ce protocole,
ne nous leurrons pas, qui est extrêmement timide, parce qu’il
prévoit de limiter les émissions de gaz à effet
de serre, de les réduire de 5,2% par rapport à 1990 d’ici
2012. Jamais on n'atteindra cet objectif, parce que pour l’instant
il n’est pas en application et puis parce que les modalités
de son application prévoient de confier la régulation
des émissions de gaz à effet de serre à un nouveau
marché qui serait un marché où l’on échangerait
des permis … de polluer. Les autorités internationales
émettraient une certaine quantité de droits de polluer
pour l’année en cours en fonction des normes de pollution
que l’on aurait retenues comme acceptables, et ensuite les pays
ou les grandes entreprises échangeraient sur cette Bourse qui
fonctionnerait comme une Bourse spéculative où on échange
des titres financiers, sur ce marché s’échangeraient
ces permis d’émission. Objectifs timides qui ne seront
pas atteints parce l’évolution de la pollution n’a
pas été inversée -la courbe d’augmentation
de la pollution est toujours extrêmement croissante- , et le moyen
qui est prévu pour réguler cette affaire a déjà
apporté une preuve de son échec dans d’autres domaines:
les marchés ne sont pas en mesure d’assurer à eux
seuls une régulation satisfaisante de la planète.
Pascale Fourier
: Je ne comprends toujours pas très très bien, parce que
je ne vois pas comment on pourrait prôner en même temps
un développement durable qui serait soucieux de l’environnement
et ne pas accepter une remise en compte des modes de consommation...
Jean-Marie Harribey
: La conférence de Johannesburg avait officiellement pour tâche
de faire le point 10 ans après Rio. D’ailleurs un surnom
avait été donné à Johannesburg : "Rio
+ 10". A Rio de Janeiro, il y avait eu trois conventions importantes
d’adopté : une convention pour éviter le réchauffement
climatique -le protocole de Kyoto était censé y faire
suite- , une convention pour protéger la biodiversité
et une convention pour ralentir la déforestation. A Johannesburg,
rien, pratiquement rien n’a été décidé.
Il y a eu un blocage sur deux ou trois questions importantes, notamment
est-ce que il fallait adopter une disposition prévoyant de réduire
la part des énergies non-renouvelables dans la production et
la consommation d’énergie totale ou est-ce qu’il
fallait fixer, ce qui revient au même, une norme minimale d’énergies
renouvelables cette fois-ci dans l’énergie totale; ça
a été refusé. Il y a eut un second point d’accrochage
autour de la question de l’aide et des subventions agricoles.
Les pays du Tiers-Monde demandaient à ce que les pays riches
réduisent les subventions accordées à leurs agriculteurs
qui pratiquent une agriculture très intensive, polluante et qui
envoient leur production sur le marché mondial où elle
ruine complètement les agricultures traditionnelles des pays
pauvres. Il y a à l’heure actuelle environ 360 à
370 milliards de dollars chaque année versée chaque année
aux agriculteurs des pays riches, à comparer avec la minuscule
aide publique au développement des pays pauvres qui n’est
que de 50 milliards de dollars. Donc les pays riches versent 7 fois
plus d’argent à leurs agriculteurs qu’à l’ensemble
des pays pauvres. Il n’a pas été possible de se
mettre d’accord sur cette question-là, ce qui fait que,
de l’avis de tous les participants, de tous les observateurs,
le bilan de Johannesburg est encore plus mince que celui de Rio qui
n’était déjà pas très important.
Donc, voilà où on en est. Il ne fait pas de doute qu’en
l’absence de prise de décisions nettes et fermes sur ces
questions qui sont aujourd’hui débattues dans le monde,
il ne sera pas possible de déboucher sur quelque chose de positif.
Les subventions agricoles, l’aide au développement sont
sans doute les pierres d’achoppement les plus importantes pour
intégrer progressivement la communauté des pays pauvres
dans l’ensemble des discussions internationales.
Pascale Fourier
: Il y a encore un petit point qui me chiffonne, c’est que de
toute façon je ne vois absolument pas comment les déclarations
des pays riches pourraient autre chose que de l’hypocrisie, dans
la mesure où, du moins si j’en crois les médias,
si on décide de faire "décélérer la
croissance", il y aurait des millions de chômeurs en plus.
Jean-Marie Harribey
: Là, c’est une question extrêmement délicate,
parce qu’elle rencontre, pour le coup, une des préoccupations
centrales de la population. Au sein des pays riches, nous avons passé
une période, et nous continuons de traverser une période
où le chômage est extrêmement important, et où
le ralentissement de la croissance actuelle montre que cette menace-là
était loin d’avoir disparu. Alors comment peut-on à
la fois concilier une amélioration du bien-être humain,
cette fois-ci au sein des pays riches qui ne placeraient pas tous les
espoirs dans une croissance infinie. Je crois que le patronat, le Medef
l’a compris à l’envers, mais il l’a bien compris.
Pourquoi a-t-il renâclé tant contre la réduction
du temps de travail et pourquoi a-t-il tout fait pour que le nouveau
gouvernement remette en cause la timide loi des 35 heures. Eh bien parce
que qu’ils ont très bien compris que la réduction
du temps de travail était une manière de répartir
les gains de productivité, -la productivité a atteint
des niveaux très élevés, elle continue de progresser
dans les pays riches, et la réduction du temps de travail est
une façon de les répartir pour une autre finalité
qu’une augmentation perpétuelle de la production et donc
par conséquent de la consommation. Et je crois, personnellement,
que la réduction du temps de travail ; d’abord c’est
une des plus vieilles revendications du salariat, depuis deux siècles,
elle a toujours été au centre des combats ouvriers les
plus importants de toute l’Histoire ouvrière et elle continuera
à être un enjeu essentiel parce que par le biais de la
réduction du temps de travail on peut amorcer, je crois, une
véritable réorientation des finalités de l’appareil
productif et donc des finalités du travail humain. Est-ce qu’il
faut travailler toujours plus pour produire toujours plus et consommer
toujours plus, donc renouveler une voiture tous les deux ou trois ans,
voire plus, ou bien au contraire faut-il utiliser ces gains de productivité
pour améliorer la qualité de vie, avoir du temps pour
soi, avoir du temps pour vivre. Et ça, le patronat l’a
très bien compris, parce que lorsque vous distribuez une partie
des gains de productivité sous forme de réduction du temps
de travail, vous êtes obligée de remettre en cause la répartition
des revenus. Et ça, mettre en relation la réduction de
temps de travail et la répartition des revenus, c’est s’attaquer
au cœur du système.
Pascale Fourier
: Là on s’est un peu éloigné du développement
durable, alors, on y revient ?
Jean-Marie Harribey
: On était parti de l’idée que le développement
durable était empreint d’une ambiguïté fondamentale.
Pour la lever, je crois qu’il faut miser sur la qualité
: la qualité de la vie, la qualité de la production, la
qualité du travail et donc faire en sorte que l’augmentation
de la productivité qui est permise par le savoir-faire humain
et qui est permise par l’amélioration des techniques que
ce savoir-faire humain amène soit utilisée essentiellement
pour assurer la promotion des êtres humains et pour assurer la
préservation de l’avenir de la vie et des conditions de
vie sur la planète, et à ce moment-là on pourra
parler de "durabilité". Mais si la durabilité
devait se résumer à faire durer ce qui a existé
depuis deux siècles, alors là, je crois que nous serions
face à une mystification gigantesque.
Pascale
Fourier : Eh bien merci Jean-Marie Harribey d'être
venu cette semaine et en plus de revenir la semaine prochaine pour nous
parler des notions de "libéralisme et capitalisme"...
Pour les auditeurs qui seraient très impatients d'entendre ce
que vous avez à dire, je leur rappelle qu'ils peuvent vous lire
dans un petit livre extraordinaire qui s'appelle "La démence
sénile du capital": c'est aux Editions du Passant et c'est
un livre brillant de rigueur et d'intelligence... Sinon, on peut aussi
trouver vos textes sur votre site http://harribey.montesquieu.u-bordeaux.fr.
A la semaine prochaine!
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