Pascale
Fourier
: Notre invité aujourd'hui ? Michel Husson, qui est chercheur
à l'IRES (Institut de recherches économiques et sociales)
et qui a publié récemment un petit livre aux Editions
de la découverte qui s'appelle « Les casseurs de l'état
social », sous-titre : « Des retraites à la Sécu,
la grande démolition ». Alors, visiblement, vous n'êtes
pas peut-être pas complètement un économiste très
sérieux, puisque que, d'après ce que j'ai lu dans le Monde,
vous êtes un économiste engagé, et vous avez l'air
d'être un peu partisan de la thèse du complot... enfin,
pas très sérieux tout ça !
Michel Husson :
Mais pour moi le terme « engagé » ne signifie pas
qu'on n'est pas sérieux, rigoureux et ce petit bouquin essaye
de l'être. Quant à la théorie du complot, c'est
un truc à deux versants, c'est-à-dire qu'il y a effectivement
un risque de voir partout une version machiavélique de l'histoire,
donc je ne parlerai pas de théorie du complot, mais en même
temps, ,je pense qu'il faut absolument prendre la mesure du côté
très organisée, très coordonné, et assez
cohérent du projet auquel on se trouve confronté sous
l'étiquette de « réforme ». Et surtout, ce
qui était frappant quand j’écrivais ce bouquin,
c'était de voir à quel point, dans les différents
secteurs qui apparemment n'avaient pas grand-chose à voir ( entre
les retraites, la santé, l'indemnité-chômage..),
on avait une véritable philosophie sociale qui s'appliquait de
manière assez brutale et qui avait des recettes qui se ressemblaient
beaucoup dans un domaine et l’autre, c'est-à-dire cette
idée qu'il faut faire éclater le système de Sécurité
sociale en l'attaquant à les deux bouts. À un bout, on
met des filets de sécurité, c'est par exemple la couverture
médicale universelle (CMU) ou le minimum retraite et puis, à
l'autre bout, on fait rentrer la marchandise, c'est-à-dire les
assurances privées, les fonds de pension etc. et on réduit
au milieu ce qui était l' Etat Social, on le réduit autant
qu'on peut, politiquement compte tenu des résistances.onc il
y a un modèle qui s'applique dans plein de domaines et qui est
un modèle de re-marchandisation de tous ces secteurs qui, jusqu'à
un certain point, avaient échappé à la marchandise.
Pascale
Fourier : Mais
un modèle imposé par qui ?
Michel Husson :
Alors, on pourrait dire, par les sociétés d'assurances,
déjà, parce que ce sont elles qui vont être les
principaux clients et ensuite, par, disons, ce qu'on appelle les gouvernements
néolibéraux et avec une utilisation particulière
des institutions européennes, en gros, une alliance entre le
patronat, encore une fois (les assureurs étant le fer de lance
parce qu'ils sont plus directement concernés), et puis les gouvernements
d'orientation néolibérale, se servant, profitant ou nourrissant
des institutions européennes qui ont vraiment un biais néolibéral
tout à fait prononcé qui sert d'instrument de cohésion
de tout ça.
Pascale
Fourier : Mais
un « biais néolibéral », c'est peut-être
vous qui voyez les choses comme ça ! Est-ce que, réellement,
il y a des éléments, dans le système européen,
qui le montrent vraiment ? Parce que, là, c'est un peu la théorie
du complot… oh les vilains dans l'Europe !
Michel Husson :
Pour montrer que ce n'est pas inventé, dans ce travail d'élaboration,
d'orientation, vous avez, par exemple, quelque chose qui s'appelle les
« Grandes orientations de politique économique »,
les GOPE pour les initiés, qui est quelque chose qui était
présenté comme un élément de l'Europe sociale,
c'est-à-dire quelque chose qui ne s'intéressait pas seulement
à la monnaie mais aussi à l'emploi, donc qui était
une réponse à cette aspiration à faire que l'Europe
ne soit pas seulement monétaire et financière. Par exemple,
les GOPE, les dernières, celles qui concernent la période
en cours 2003 - 2005, il faut traduire un peu le langage, mais on voit
bien quand même que c’est un cadre qui recommande à
chaque Etat-membre de veiller à ce que les hausses de salaires
nominaux restent modérées, veiller aux réglementations
trop rigides qui protègent les salariés en place mais
découragent les entreprises de procéder à de nouvelles
embauches ( ça, c'est surtout les obstacles au licenciement),
promouvoir une organisation du travail plus souple et revoir la législation
du travail notamment relative au contrat de travail (c'est le thème
de la flexibilité) , favoriser un allongement de la vie professionnelle
( on retrouve le thème de la retraite), accroître la capitalisation
( c'est dit clairement) et adapter les régimes de retraite à
la flexibilisation croissante de l'emploi. Donc on a des indications
programmatiques et qui est ensuite se traduisent.. - ce ne sont pas
seulement des indications-, mais qui ensuite se traduisent par des directives
qui sont de véritables lois puisque que chaque État-membre,
dans un second temps, est obligé de les transposer dans sa propre
législation. Par exemple, il y a l'EDF (pour prendre un exemple
qui n'est pas tout à fait l'Etat Social, mais quelque chose de
parallèle), EDF va être libéralisé, enfin
ouvert à la concurrence en fonction d'une directive qui a été
adoptée au niveau européen.
Pascale
Fourier : Donc,
cela s'impose aux Etats.
Michel Husson :
Oui, oui…. Donc, c'est pour cela que ce n'est pas un complot,
c'est une espèce de dialectique subtile. Au fond, les institutions
européennes, c'est le conseil des ministres, ce sont des représentants
de l'Etat. Le Parlement européen ratifie en fin de course, mais
les institutions qui mettent ça en place, c'est le Conseil des
ministres, c'est la Commission ( mais ce sont des fonctionnaires désignés
par les Etats-membres) qui mettent en musique le truc ( il faut que
cela soit accepté, disons ratifié par le Parlement européen,
et ça redescend). Et à ce moment, c'est vrai qu'il ne
faut pas voir une pure théorie du complot, parce que, quand ça
redescend, on peut dire : « Oui, c'est Bruxelles qui décide
! » et d'une certaine manière, c'est un prétexte,
une manière de se dédouaner, mais ce n'est pas un complot
de Bruxelles, c'est une espèce de mécanique où
chaque Etat se protège, prend prétexte qu'il y a quelque
chose qui s'est décidé au niveau européen pour
faire passer des politiques qui sont peut-être difficiles à
assumer directement frontalement en tant que telles, mais plus facile
à présenter avec l'argument ; «C'est l'Europe, la
compétitivité, la mondialisation, c'est inéluctable
! ».
Pascale Fourier
: « Les casseurs de l’Etat Social », vous exagérez
un peu parce qu'il y a peut-être une réelle nécessité
de réforme, du moins c'est ce que j'entends dans les autres médias.
Michel Husson :
Ce qui est étonnant, c'est la manière dont le terme de
« réforme », qui était plutôt supposé
être progressiste, enfin être un terme de gauche disons,
-ça a été la gauche qui faisait la réforme-,
a été, depuis un certain temps, récupéré
par la Droite, sur le thème : « Ca ne peut pas continuer
comme ça, donc il faut faire des réformes ! ». Comme
disait Coluche, à propos des bavures : « I(l faut voir
la gueule de la réforme ! ». Parce que, en fait, ce sont
des contre-réformes ! C'est un discours que j'essaye de décortiquer
; au moment de la Lettre ouverte Raffarin aux Français, il y
a un discours qui est assez compliqué et qui ne tient pas la
route, quand on essaye de réfléchir un peu. : il dit «
si on ne fait rien, les retraites vont être divisées par
deux » (il y avait cet argument qui était gonflé,
faux). « Bon, et donc, nous on va faire une réforme et
finalement, grâce à cette réforme, on aura garantie,
sauvegardée - c'est le terme qu'on retrouve à propos des
intermittents, on va sauvegarder leur statut ; eux n'ont pas tellement
l'impression que l'on sauvegarde de leur statut ; et sur la santé,
on va sauvegarder la santé publique… Il y a toujours cette
même idée de sauvegarde). Et donc, il y a une contradiction
: si c'est une situation catastrophique, les retraites divisées
par deux en perspective, ce n'est pas le plan Fillon qui est complètement
sous-dimensionné qui va « sauver » les retraites…
Si on veut vraiment les sauvegarder, il faudrait faire quelque chose
de très important ! Et donc, ce thème en fait, ce que
ça dissimule, c'est que, sous prétexte de réformer,
on réduit, on régresse ! Et c'est cela qui est troublant,
c'est-à-dire que la réforme correspond à l'affirmation
qu'il est nécessaire de mettre en place une régression
sociale, un recul, parce qu'on va travailler plus longtemps pour des
retraites plus basses, la santé sera moins remboursée,
il faudra avoir de la santé complémentaire, ce qui est
déjà le cas pour les lunettes et les dents, en pratique.
C'est un recul et on présente ça comme une réforme
et au fond, ça s'appuie sur autre chose qui est le côté
inéluctable, c'est-à-dire l'idée que, il y a quelque
part dans l'économie ou dans la démographie, dans le cas
des retraites, des lois qui font qu'une règle intangible ne pourra
plus être respectée à cause de processus qui font
que cela va devenir trop cher. Donc, en gros, n'y aura trop de vieux
pour les retraites, et puis, pour la santé, on dépense
trop (cela augmente en proportion du revenu national). On peut tout
à fait prendre le truc à l'envers et dire, par exemple,
le fait que la part de la santé augmente dans les dépenses,
ça correspond à une évolution sociale qui fait
que les autres choses sont satisfaites. Par exemple, c'est une loi en
économie, la part qui va à l'alimentation décroît
constamment parce que, quand votre revenu augmenter de 10 %, vous n'allez
pas manger 10 % en plus – il y aura des effets qualité,
vous mangerez mieux. Sur le long terme, cette part baisse. La part destinée
à tout ce qui est les besoins fondamentaux vraiment élémentaires
baisse et donc, ce qui augmente, ce sont d'autres budgets de consommation.
Par exemple, « culture-loisirs » augmente. Personne n'a
dit « culture-loisirs augmente», c'est terrible ! Ce qui
change et qui devient insupportable, c'est que la part de ce qui est
socialisé dans l'économie va augmenter, en somme, porté
par l'évolution de la demande sociale. Et ça, ça
ne va pas, c'est ça qui est insupportable. Mais ce n'est pas
une loi économique, c'est une évolution du modèle
social qui devient de plus en plus socialisé au sens qu’une
grande partie de ces dépenses sont prises par les cotisations,
des impôts, c'est-à-dire ne sont pas une marchandise élémentaire,
et que ça, ça navre ceux qui ont des intérêts
ou autre de voir que le champ du domaine de la marchandise où
on peut faire des profits se trouve ainsi rétréci et,
qu'en même temps, le coût du travail se trouve augmenté
à proportion. Donc, cela fait beaucoup de raisons pour dire «
cela est insupportable ! ».
Pascale
Fourier : Je
n'arrive pas très bien à comprendre en quoi c'est gênant
qu'il y ait une part des dépenses qui soit socialisée.
Peut-être qu'il faudrait expliquer ce que veut dire "socialisé".
Michel Husson :"Socialisé",
en gros, cela correspond vaguement à leur concept de «
prélèvements obligatoires », c'est-à-dire
que c'est la somme de ce qui est financé à travers des
impôts, par exemple l’éducation, la santé
publique, et ce qui est financé à travers les cotisations,
c'est-à-dire les retraites, une partie de l'assurance-maladie
(c'est en train de changer), le chômage, les allocations familiales.
Bon, tout ça, ce sont des dépenses qui ont un coût.
Pour l'entreprise, cela entre dans le coût du travail ou via l'impôt,
c'est quelque chose qu'il faut payer, donc cela représente un
coût et c'est quelque chose qui ne revient pas sous forme de débouchés
en fait. C'est en grande partie des transferts de revenus ou des biens
et des services qui sont offerts, mis à la disposition par l'État
ou les collectivités locales, quelque chose qui échappe
donc à ce truc marchand.
Pascale
Fourier : On
ne peut pas faire de profits dessus, vous voulez dire.
Michel Husson :
Non, on ne peut pas faire de profit, et cela pèse sur les profits
parce que cela fait augmenter le coût du travail, donc, cela a
tous les désavantages. Et donc, le modèle, c’est
de dire que le taux de prélèvements obligatoires est devenu
trop important : il faut le faire baisser ou au moins le stabiliser
- si possible le faire baisser-, et par conséquent, si les gens
veulent absolument dépenser dans ces domaines, alors que ce soit
sous forme privée !
Pascale
Fourier : Et
là, on fera des bénéfices !
Michel Husson :
Et là, il y aura un champ rentable, parce que la question, ce
n'est pas tellement que les gens dépensent moins pour leur retraite,
ou moins pour leur santé au fond, mais c'est qu'ils dépensent
à travers des assurances privées ou des fonds de pension.
Et par exemple, la comparaison avec les États-Unis, on dit qu’
en France, en chiffres arrondis, la santé, tout ce qui est assigné
aux dépenses de santé, c'est environ 10 % du produit national.
Aux États-Unis, en fait, qui est pris comme modèle par
les néolibéraux, c'est 13-13,5 % : c'est plus, c'est un
tiers de plus en proportion, et en plus le système américain,
dans les enquêtes de l'Organisation mondiale de la santé
(OMS) n'est pas parmi les meilleurs, les plus performants, les plus
justes, les mieux répartis. Dans tous ces critères, la
France arrive en tête ! La France arrive en tête avec 10
% du PIB, les États-Unis arrivent assez loin derrière,
en 34e position ( il me semble que les chiffres doivent être de
cet ordre-là) avec 13,5 %. Il n'y a pas de barre à 10
% en réalité : si les gens veulent s’acheter tout
ce qu'ils veulent, veulent changer de lunettes tous les jours, peu importe,
si c'est marchand, si ce n'est pas pris en charge par la Sécurité
sociale !
Pascale
Fourier : Là,
je pourrais encore augmenter mes dépenses de santé si
c'est marchand.
Michel Husson :
Oui, mais eux n'ont jamais de limites, aucun capitaliste n'a dit : «On
consomme trop, on gaspille quand on achète des gadgets qui sont
des marchandises ». Vous n'avez jamais entendu dire ça
! La part de l'industrie automobile a augmenté de manière
considérable à partir des années 60, personne n'a
dit « C'est trop ! ». Ah, les écologistes, oui, les
gens critiques ! Et pourquoi on dit : « La santé c'est
trop ! » ? C'est parce qu'elle prend des formes de socialisation,
- c'est un mot un peu pédant-, mais le mode de satisfaction de
ses besoins-là est en grande partie hors marchand, pas complètement,
parce que l'industrie pharmaceutique vend des produits pharmaceutiques,
mais en grande partie, et pèse directement sur le coût
du travail, et donc crée une espèce de répartition
des revenus qui n'est pas optimale du point de vue du système
tel qu'il fonctionne.
Pascale
Fourier : Vous
défendez un modèle, je reprends un de vos propos d'il
y a quelques instants, « qui pèsent sur le coût du
travail »… Non mais, vous voulez faire couler la France
du coup !!!
Michel Husson :
Oui ... (rire)... Parce que c'est ça au fond, l'argument ! Et
on le retrouve là aussi : les Français vivent au-dessus
de leurs moyens etc. et il faut être compétitif, donc on
ne peut pas se permettre .. et même cet aspect-là, il a
un aspect fallacieux : si c'est vrai, alors comment on peut sauvegarder
les retraites ? Si on paye autant finalement, si on conserve ça,
quelle est l'astuce qui permet que cela ne pèse pas sur le coût
du travail ? Il y a un truc qui est assez mystérieux quand on
y réfléchit parce que, en fin de compte, les retraites,
elles retombent finalement directement ou indirectement sur le coût
du travail. Maintenant, il faut raisonner au niveau européen
pour le coût ; on va faire une espèce de petite devinette:
en Europe aujourd'hui, c'est la récession à peu près
partout ; en 1997 et 2001, il y a eu une période plutôt
de croissance, il y a eu 10 millions d'emplois créés en
Europe, donc c'était plutôt bon. Question : pendant qu'elle
période est-ce qu'il y a eu le plus grand blocage des salaires
? Pour la théorie néolibérale, ce devait être
pendant la période d'embellie, parce que le blocage des salaires
était la condition, pour eux, pour que l'économie soit
plus saine.
Pascale
Fourier : C'est
parce qu'on donnera pas beaucoup de salaire qu’on créera
de l'emploi.
Michel Husson :
Mais oui, ils écrivent : « On est pour la modération
salariale ». Leur argument, c'est que les salaires trop élevés
sont un obstacle aux créations d'emplois parce que c'est trop
cher, donc on n’achète pas cette marchandise particulière
qui s'appelle le travail. On ne comprend pas comment ont été
créés ces 10 millions d'emplois, parce qu'on constate
que, justement, ils ont été créés à
une période où la modération salariale, pour des
raisons compliquées, s'est relâchée. Par exemple,
la part des salaires dans le revenu national qui n'arrêtait pas
de dégringoler, ne s'est pas mise à monter, mais s'est
à peu près stabilisée - elle a un peu monté
en France etc. Et ce n'est pas seulement l'histoire des 35 heures en
France, c'est dans tous les pays voisins : cette reprise s'est accompagnée
d'une stabilisation de la part salariale. Et à partir du moment
où la part salariale recommençait à baisser, on
est en récession. Donc, je veux dire, c'est vraiment une leçon
de choses, ce n'est pas une question d'engagement. Prodi, le président
de la Commission européenne, a dit que le pacte de stabilité
était stupide, mais cette stupidité ne concerne pas que
le pacte de stabilité. La stupidité est la suivante :
vous êtes un ensemble que, en plus, vous êtes censé
construire comme un ensemble unifié, c'est-à-dire l'Union
européenne. 80 %, -ça dépend des pays-, du commerce
se fait à l'intérieur de cette zone. Donc la grande bonne
idée, c'est-à-dire : «Je vais baisser mes salaires
et je vais vendre plus aux autres », c'est ça l'idée,
«Je vais être compétitif », mais par rapport
à qui ? Par rapport aux gens avec lesquels je fais le gros de
mon commerce, c'est-à-dire les pays européens ou des pays
riches qui sont aussi dans l'OCDE, pour aller vite. C'est une superbe
bonne idée si, à côté, les gens ne font pas
la même chose. Mais si tout le monde fait la même chose,
comme, ce que vous vendez, est acheté en partie par les salariés
qui sont quand même la majorité de la population dans les
pays développés, si leurs débouchés eux-mêmes
sont coupés, il y a une espèce d'effet de neige qui se
retrouvent périodiquement, et c'est une stupidité au carré
quand on raisonne au niveau européen, c'est-à-dire préconiser
pour tous les pays d'Europe une modération salariale, c'est préconiser
la stagnation de la demande. Et donc, c’est des politiques imbéciles
quoi ! Presque contre-productives par rapport aux propres intérêts
des firmes parce que, après tout, les patrons sont plutôt
mieux quand l'économie va bien, quand la croissance est, pas
forcément extravagante, mais soutenue, que dans les périodes
où ça plonge, où on sombre dans la récession.
Pascale
Fourier : Mais
justement, ils sont complètement fous, alors, puisqu'on a l'impression
qu'il y a une espèce de tendance à vouloir scier la branche
sur laquelle on est assis. C'est complètement aberrant de brider
comme ça les choses, de brider l'économie.
Michel Husson :
Mais je crois qu'il y a le sentiment de manière plus générale,
par rapport à la mondialisation , à la manière
dont s’est organisé, que cela dépasse un fonctionnement
rationnel et qu'il faudrait revenir en arrière, mais d'une certaine
manière, on n'a plus les leviers de commandes pour le faire…
Et au niveau européen, l'Europe s'est construite d'une manière
assez durcie autour de certaines politiques, et y compris, on pourrait
presque dire, dans le projet constitutionnel, elles sont inscrites comme
une espèce de règle de vie économique et sociale
en Europe. Et c'est très difficile de changer. Mais il y a effectivement
une contradiction qui est la contradiction entre le fait que vous étouffez
de manière permanente la croissance parce que vous privilégiez
des critères qui sont la rentabilité, un partage du revenu
favorable au capital, disons, pour aller vite, sur toute autre considération,
et vous durcissez tellement ça, vous avez un rapport de force
qui vous est plutôt favorable, qu'à la fin, vous fabriquez
périodiquement des récessions et des difficultés
pour l'ensemble économique dans lequel vous êtes, et en
plus, cerise sur le gâteau, vous n'avez pas réfléchi
à la manière dont cet ensemble se positionne par rapport
aux Etats-Unis !
Pascale
Fourier : Oh
la la, la situation me semble terrible, terrible ! Pour qu'on puisse
approfondir ce sujet, on se retrouve la semaine prochaine?
Michel Husson :
Bien volontiers !
Pascale
Fourier : On
pourra, comme ça, continuer de parler du livre qui s'appelle
« Les casseurs de l'état social », c'est aux éditions
La découverte, c'est écrit par Michel Husson, cela coûte
seulement 6,40 €, donc c'est à la portée de beaucoup
de gens, j'espère du moins, et on y apprend beaucoup beaucoup
de choses ; ça donne aussi presque un peu d'espoir, d’un
certain côté, à ceux qui étaient dans les
rues en mai dernier. À la semaine prochaine !
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