Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION DU 14 NOVEMBRE 2003

La casse de l’Etat Social 1 / 2

Avec Michel Husson, chercheur à l’IRES..

 

Pascale Fourier : Notre invité aujourd'hui ? Michel Husson, qui est chercheur à l'IRES (Institut de recherches économiques et sociales) et qui a publié récemment un petit livre aux Editions de la découverte qui s'appelle « Les casseurs de l'état social », sous-titre : « Des retraites à la Sécu, la grande démolition ». Alors, visiblement, vous n'êtes pas peut-être pas complètement un économiste très sérieux, puisque que, d'après ce que j'ai lu dans le Monde, vous êtes un économiste engagé, et vous avez l'air d'être un peu partisan de la thèse du complot... enfin, pas très sérieux tout ça !


Michel Husson : Mais pour moi le terme « engagé » ne signifie pas qu'on n'est pas sérieux, rigoureux et ce petit bouquin essaye de l'être. Quant à la théorie du complot, c'est un truc à deux versants, c'est-à-dire qu'il y a effectivement un risque de voir partout une version machiavélique de l'histoire, donc je ne parlerai pas de théorie du complot, mais en même temps, ,je pense qu'il faut absolument prendre la mesure du côté très organisée, très coordonné, et assez cohérent du projet auquel on se trouve confronté sous l'étiquette de « réforme ». Et surtout, ce qui était frappant quand j’écrivais ce bouquin, c'était de voir à quel point, dans les différents secteurs qui apparemment n'avaient pas grand-chose à voir ( entre les retraites, la santé, l'indemnité-chômage..), on avait une véritable philosophie sociale qui s'appliquait de manière assez brutale et qui avait des recettes qui se ressemblaient beaucoup dans un domaine et l’autre, c'est-à-dire cette idée qu'il faut faire éclater le système de Sécurité sociale en l'attaquant à les deux bouts. À un bout, on met des filets de sécurité, c'est par exemple la couverture médicale universelle (CMU) ou le minimum retraite et puis, à l'autre bout, on fait rentrer la marchandise, c'est-à-dire les assurances privées, les fonds de pension etc. et on réduit au milieu ce qui était l' Etat Social, on le réduit autant qu'on peut, politiquement compte tenu des résistances.onc il y a un modèle qui s'applique dans plein de domaines et qui est un modèle de re-marchandisation de tous ces secteurs qui, jusqu'à un certain point, avaient échappé à la marchandise.

Pascale Fourier : Mais un modèle imposé par qui ?


Michel Husson : Alors, on pourrait dire, par les sociétés d'assurances, déjà, parce que ce sont elles qui vont être les principaux clients et ensuite, par, disons, ce qu'on appelle les gouvernements néolibéraux et avec une utilisation particulière des institutions européennes, en gros, une alliance entre le patronat, encore une fois (les assureurs étant le fer de lance parce qu'ils sont plus directement concernés), et puis les gouvernements d'orientation néolibérale, se servant, profitant ou nourrissant des institutions européennes qui ont vraiment un biais néolibéral tout à fait prononcé qui sert d'instrument de cohésion de tout ça.

Pascale Fourier : Mais un « biais néolibéral », c'est peut-être vous qui voyez les choses comme ça ! Est-ce que, réellement, il y a des éléments, dans le système européen, qui le montrent vraiment ? Parce que, là, c'est un peu la théorie du complot… oh les vilains dans l'Europe !


Michel Husson : Pour montrer que ce n'est pas inventé, dans ce travail d'élaboration, d'orientation, vous avez, par exemple, quelque chose qui s'appelle les « Grandes orientations de politique économique », les GOPE pour les initiés, qui est quelque chose qui était présenté comme un élément de l'Europe sociale, c'est-à-dire quelque chose qui ne s'intéressait pas seulement à la monnaie mais aussi à l'emploi, donc qui était une réponse à cette aspiration à faire que l'Europe ne soit pas seulement monétaire et financière. Par exemple, les GOPE, les dernières, celles qui concernent la période en cours 2003 - 2005, il faut traduire un peu le langage, mais on voit bien quand même que c’est un cadre qui recommande à chaque Etat-membre de veiller à ce que les hausses de salaires nominaux restent modérées, veiller aux réglementations trop rigides qui protègent les salariés en place mais découragent les entreprises de procéder à de nouvelles embauches ( ça, c'est surtout les obstacles au licenciement), promouvoir une organisation du travail plus souple et revoir la législation du travail notamment relative au contrat de travail (c'est le thème de la flexibilité) , favoriser un allongement de la vie professionnelle ( on retrouve le thème de la retraite), accroître la capitalisation ( c'est dit clairement) et adapter les régimes de retraite à la flexibilisation croissante de l'emploi. Donc on a des indications programmatiques et qui est ensuite se traduisent.. - ce ne sont pas seulement des indications-, mais qui ensuite se traduisent par des directives qui sont de véritables lois puisque que chaque État-membre, dans un second temps, est obligé de les transposer dans sa propre législation. Par exemple, il y a l'EDF (pour prendre un exemple qui n'est pas tout à fait l'Etat Social, mais quelque chose de parallèle), EDF va être libéralisé, enfin ouvert à la concurrence en fonction d'une directive qui a été adoptée au niveau européen.

Pascale Fourier : Donc, cela s'impose aux Etats.


Michel Husson : Oui, oui…. Donc, c'est pour cela que ce n'est pas un complot, c'est une espèce de dialectique subtile. Au fond, les institutions européennes, c'est le conseil des ministres, ce sont des représentants de l'Etat. Le Parlement européen ratifie en fin de course, mais les institutions qui mettent ça en place, c'est le Conseil des ministres, c'est la Commission ( mais ce sont des fonctionnaires désignés par les Etats-membres) qui mettent en musique le truc ( il faut que cela soit accepté, disons ratifié par le Parlement européen, et ça redescend). Et à ce moment, c'est vrai qu'il ne faut pas voir une pure théorie du complot, parce que, quand ça redescend, on peut dire : « Oui, c'est Bruxelles qui décide ! » et d'une certaine manière, c'est un prétexte, une manière de se dédouaner, mais ce n'est pas un complot de Bruxelles, c'est une espèce de mécanique où chaque Etat se protège, prend prétexte qu'il y a quelque chose qui s'est décidé au niveau européen pour faire passer des politiques qui sont peut-être difficiles à assumer directement frontalement en tant que telles, mais plus facile à présenter avec l'argument ; «C'est l'Europe, la compétitivité, la mondialisation, c'est inéluctable ! ».


Pascale Fourier : « Les casseurs de l’Etat Social », vous exagérez un peu parce qu'il y a peut-être une réelle nécessité de réforme, du moins c'est ce que j'entends dans les autres médias.


Michel Husson : Ce qui est étonnant, c'est la manière dont le terme de « réforme », qui était plutôt supposé être progressiste, enfin être un terme de gauche disons, -ça a été la gauche qui faisait la réforme-, a été, depuis un certain temps, récupéré par la Droite, sur le thème : « Ca ne peut pas continuer comme ça, donc il faut faire des réformes ! ». Comme disait Coluche, à propos des bavures : « I(l faut voir la gueule de la réforme ! ». Parce que, en fait, ce sont des contre-réformes ! C'est un discours que j'essaye de décortiquer ; au moment de la Lettre ouverte Raffarin aux Français, il y a un discours qui est assez compliqué et qui ne tient pas la route, quand on essaye de réfléchir un peu. : il dit « si on ne fait rien, les retraites vont être divisées par deux » (il y avait cet argument qui était gonflé, faux). « Bon, et donc, nous on va faire une réforme et finalement, grâce à cette réforme, on aura garantie, sauvegardée - c'est le terme qu'on retrouve à propos des intermittents, on va sauvegarder leur statut ; eux n'ont pas tellement l'impression que l'on sauvegarde de leur statut ; et sur la santé, on va sauvegarder la santé publique… Il y a toujours cette même idée de sauvegarde). Et donc, il y a une contradiction : si c'est une situation catastrophique, les retraites divisées par deux en perspective, ce n'est pas le plan Fillon qui est complètement sous-dimensionné qui va « sauver » les retraites… Si on veut vraiment les sauvegarder, il faudrait faire quelque chose de très important ! Et donc, ce thème en fait, ce que ça dissimule, c'est que, sous prétexte de réformer, on réduit, on régresse ! Et c'est cela qui est troublant, c'est-à-dire que la réforme correspond à l'affirmation qu'il est nécessaire de mettre en place une régression sociale, un recul, parce qu'on va travailler plus longtemps pour des retraites plus basses, la santé sera moins remboursée, il faudra avoir de la santé complémentaire, ce qui est déjà le cas pour les lunettes et les dents, en pratique. C'est un recul et on présente ça comme une réforme et au fond, ça s'appuie sur autre chose qui est le côté inéluctable, c'est-à-dire l'idée que, il y a quelque part dans l'économie ou dans la démographie, dans le cas des retraites, des lois qui font qu'une règle intangible ne pourra plus être respectée à cause de processus qui font que cela va devenir trop cher. Donc, en gros, n'y aura trop de vieux pour les retraites, et puis, pour la santé, on dépense trop (cela augmente en proportion du revenu national). On peut tout à fait prendre le truc à l'envers et dire, par exemple, le fait que la part de la santé augmente dans les dépenses, ça correspond à une évolution sociale qui fait que les autres choses sont satisfaites. Par exemple, c'est une loi en économie, la part qui va à l'alimentation décroît constamment parce que, quand votre revenu augmenter de 10 %, vous n'allez pas manger 10 % en plus – il y aura des effets qualité, vous mangerez mieux. Sur le long terme, cette part baisse. La part destinée à tout ce qui est les besoins fondamentaux vraiment élémentaires baisse et donc, ce qui augmente, ce sont d'autres budgets de consommation. Par exemple, « culture-loisirs » augmente. Personne n'a dit « culture-loisirs augmente», c'est terrible ! Ce qui change et qui devient insupportable, c'est que la part de ce qui est socialisé dans l'économie va augmenter, en somme, porté par l'évolution de la demande sociale. Et ça, ça ne va pas, c'est ça qui est insupportable. Mais ce n'est pas une loi économique, c'est une évolution du modèle social qui devient de plus en plus socialisé au sens qu’une grande partie de ces dépenses sont prises par les cotisations, des impôts, c'est-à-dire ne sont pas une marchandise élémentaire, et que ça, ça navre ceux qui ont des intérêts ou autre de voir que le champ du domaine de la marchandise où on peut faire des profits se trouve ainsi rétréci et, qu'en même temps, le coût du travail se trouve augmenté à proportion. Donc, cela fait beaucoup de raisons pour dire « cela est insupportable ! ».

Pascale Fourier : Je n'arrive pas très bien à comprendre en quoi c'est gênant qu'il y ait une part des dépenses qui soit socialisée. Peut-être qu'il faudrait expliquer ce que veut dire "socialisé".


Michel Husson :"Socialisé", en gros, cela correspond vaguement à leur concept de « prélèvements obligatoires », c'est-à-dire que c'est la somme de ce qui est financé à travers des impôts, par exemple l’éducation, la santé publique, et ce qui est financé à travers les cotisations, c'est-à-dire les retraites, une partie de l'assurance-maladie (c'est en train de changer), le chômage, les allocations familiales. Bon, tout ça, ce sont des dépenses qui ont un coût. Pour l'entreprise, cela entre dans le coût du travail ou via l'impôt, c'est quelque chose qu'il faut payer, donc cela représente un coût et c'est quelque chose qui ne revient pas sous forme de débouchés en fait. C'est en grande partie des transferts de revenus ou des biens et des services qui sont offerts, mis à la disposition par l'État ou les collectivités locales, quelque chose qui échappe donc à ce truc marchand.

Pascale Fourier : On ne peut pas faire de profits dessus, vous voulez dire.


Michel Husson : Non, on ne peut pas faire de profit, et cela pèse sur les profits parce que cela fait augmenter le coût du travail, donc, cela a tous les désavantages. Et donc, le modèle, c’est de dire que le taux de prélèvements obligatoires est devenu trop important : il faut le faire baisser ou au moins le stabiliser - si possible le faire baisser-, et par conséquent, si les gens veulent absolument dépenser dans ces domaines, alors que ce soit sous forme privée !

Pascale Fourier : Et là, on fera des bénéfices !


Michel Husson : Et là, il y aura un champ rentable, parce que la question, ce n'est pas tellement que les gens dépensent moins pour leur retraite, ou moins pour leur santé au fond, mais c'est qu'ils dépensent à travers des assurances privées ou des fonds de pension. Et par exemple, la comparaison avec les États-Unis, on dit qu’ en France, en chiffres arrondis, la santé, tout ce qui est assigné aux dépenses de santé, c'est environ 10 % du produit national. Aux États-Unis, en fait, qui est pris comme modèle par les néolibéraux, c'est 13-13,5 % : c'est plus, c'est un tiers de plus en proportion, et en plus le système américain, dans les enquêtes de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) n'est pas parmi les meilleurs, les plus performants, les plus justes, les mieux répartis. Dans tous ces critères, la France arrive en tête ! La France arrive en tête avec 10 % du PIB, les États-Unis arrivent assez loin derrière, en 34e position ( il me semble que les chiffres doivent être de cet ordre-là) avec 13,5 %. Il n'y a pas de barre à 10 % en réalité : si les gens veulent s’acheter tout ce qu'ils veulent, veulent changer de lunettes tous les jours, peu importe, si c'est marchand, si ce n'est pas pris en charge par la Sécurité sociale !

Pascale Fourier : Là, je pourrais encore augmenter mes dépenses de santé si c'est marchand.


Michel Husson : Oui, mais eux n'ont jamais de limites, aucun capitaliste n'a dit : «On consomme trop, on gaspille quand on achète des gadgets qui sont des marchandises ». Vous n'avez jamais entendu dire ça ! La part de l'industrie automobile a augmenté de manière considérable à partir des années 60, personne n'a dit « C'est trop ! ». Ah, les écologistes, oui, les gens critiques ! Et pourquoi on dit : « La santé c'est trop ! » ? C'est parce qu'elle prend des formes de socialisation, - c'est un mot un peu pédant-, mais le mode de satisfaction de ses besoins-là est en grande partie hors marchand, pas complètement, parce que l'industrie pharmaceutique vend des produits pharmaceutiques, mais en grande partie, et pèse directement sur le coût du travail, et donc crée une espèce de répartition des revenus qui n'est pas optimale du point de vue du système tel qu'il fonctionne.

Pascale Fourier : Vous défendez un modèle, je reprends un de vos propos d'il y a quelques instants, « qui pèsent sur le coût du travail »… Non mais, vous voulez faire couler la France du coup !!!


Michel Husson : Oui ... (rire)... Parce que c'est ça au fond, l'argument ! Et on le retrouve là aussi : les Français vivent au-dessus de leurs moyens etc. et il faut être compétitif, donc on ne peut pas se permettre .. et même cet aspect-là, il a un aspect fallacieux : si c'est vrai, alors comment on peut sauvegarder les retraites ? Si on paye autant finalement, si on conserve ça, quelle est l'astuce qui permet que cela ne pèse pas sur le coût du travail ? Il y a un truc qui est assez mystérieux quand on y réfléchit parce que, en fin de compte, les retraites, elles retombent finalement directement ou indirectement sur le coût du travail. Maintenant, il faut raisonner au niveau européen pour le coût ; on va faire une espèce de petite devinette: en Europe aujourd'hui, c'est la récession à peu près partout ; en 1997 et 2001, il y a eu une période plutôt de croissance, il y a eu 10 millions d'emplois créés en Europe, donc c'était plutôt bon. Question : pendant qu'elle période est-ce qu'il y a eu le plus grand blocage des salaires ? Pour la théorie néolibérale, ce devait être pendant la période d'embellie, parce que le blocage des salaires était la condition, pour eux, pour que l'économie soit plus saine.

Pascale Fourier : C'est parce qu'on donnera pas beaucoup de salaire qu’on créera de l'emploi.


Michel Husson : Mais oui, ils écrivent : « On est pour la modération salariale ». Leur argument, c'est que les salaires trop élevés sont un obstacle aux créations d'emplois parce que c'est trop cher, donc on n’achète pas cette marchandise particulière qui s'appelle le travail. On ne comprend pas comment ont été créés ces 10 millions d'emplois, parce qu'on constate que, justement, ils ont été créés à une période où la modération salariale, pour des raisons compliquées, s'est relâchée. Par exemple, la part des salaires dans le revenu national qui n'arrêtait pas de dégringoler, ne s'est pas mise à monter, mais s'est à peu près stabilisée - elle a un peu monté en France etc. Et ce n'est pas seulement l'histoire des 35 heures en France, c'est dans tous les pays voisins : cette reprise s'est accompagnée d'une stabilisation de la part salariale. Et à partir du moment où la part salariale recommençait à baisser, on est en récession. Donc, je veux dire, c'est vraiment une leçon de choses, ce n'est pas une question d'engagement. Prodi, le président de la Commission européenne, a dit que le pacte de stabilité était stupide, mais cette stupidité ne concerne pas que le pacte de stabilité. La stupidité est la suivante : vous êtes un ensemble que, en plus, vous êtes censé construire comme un ensemble unifié, c'est-à-dire l'Union européenne. 80 %, -ça dépend des pays-, du commerce se fait à l'intérieur de cette zone. Donc la grande bonne idée, c'est-à-dire : «Je vais baisser mes salaires et je vais vendre plus aux autres », c'est ça l'idée, «Je vais être compétitif », mais par rapport à qui ? Par rapport aux gens avec lesquels je fais le gros de mon commerce, c'est-à-dire les pays européens ou des pays riches qui sont aussi dans l'OCDE, pour aller vite. C'est une superbe bonne idée si, à côté, les gens ne font pas la même chose. Mais si tout le monde fait la même chose, comme, ce que vous vendez, est acheté en partie par les salariés qui sont quand même la majorité de la population dans les pays développés, si leurs débouchés eux-mêmes sont coupés, il y a une espèce d'effet de neige qui se retrouvent périodiquement, et c'est une stupidité au carré quand on raisonne au niveau européen, c'est-à-dire préconiser pour tous les pays d'Europe une modération salariale, c'est préconiser la stagnation de la demande. Et donc, c’est des politiques imbéciles quoi ! Presque contre-productives par rapport aux propres intérêts des firmes parce que, après tout, les patrons sont plutôt mieux quand l'économie va bien, quand la croissance est, pas forcément extravagante, mais soutenue, que dans les périodes où ça plonge, où on sombre dans la récession.

Pascale Fourier : Mais justement, ils sont complètement fous, alors, puisqu'on a l'impression qu'il y a une espèce de tendance à vouloir scier la branche sur laquelle on est assis. C'est complètement aberrant de brider comme ça les choses, de brider l'économie.


Michel Husson : Mais je crois qu'il y a le sentiment de manière plus générale, par rapport à la mondialisation , à la manière dont s’est organisé, que cela dépasse un fonctionnement rationnel et qu'il faudrait revenir en arrière, mais d'une certaine manière, on n'a plus les leviers de commandes pour le faire… Et au niveau européen, l'Europe s'est construite d'une manière assez durcie autour de certaines politiques, et y compris, on pourrait presque dire, dans le projet constitutionnel, elles sont inscrites comme une espèce de règle de vie économique et sociale en Europe. Et c'est très difficile de changer. Mais il y a effectivement une contradiction qui est la contradiction entre le fait que vous étouffez de manière permanente la croissance parce que vous privilégiez des critères qui sont la rentabilité, un partage du revenu favorable au capital, disons, pour aller vite, sur toute autre considération, et vous durcissez tellement ça, vous avez un rapport de force qui vous est plutôt favorable, qu'à la fin, vous fabriquez périodiquement des récessions et des difficultés pour l'ensemble économique dans lequel vous êtes, et en plus, cerise sur le gâteau, vous n'avez pas réfléchi à la manière dont cet ensemble se positionne par rapport aux Etats-Unis !

Pascale Fourier : Oh la la, la situation me semble terrible, terrible ! Pour qu'on puisse approfondir ce sujet, on se retrouve la semaine prochaine?


Michel Husson : Bien volontiers !

Pascale Fourier : On pourra, comme ça, continuer de parler du livre qui s'appelle « Les casseurs de l'état social », c'est aux éditions La découverte, c'est écrit par Michel Husson, cela coûte seulement 6,40 €, donc c'est à la portée de beaucoup de gens, j'espère du moins, et on y apprend beaucoup beaucoup de choses ; ça donne aussi presque un peu d'espoir, d’un certain côté, à ceux qui étaient dans les rues en mai dernier. À la semaine prochaine !

 

 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 14 Novembre 2003 sur AligreFM. Merci d'avance.