Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION DU 3 OCTOBRE 2003

L’AGCS

Avec Raoul Marc Jennar

chercheur à l’URFIG, Unité de Recherche et de Formation et d’Information sur la globalisation .

 

Pascale Fourier : Alors là, j’avoue, Raoul Marc Jennar, c’est vraiment quelqu’un que j’avais repéré pour vous. Je cherchais quelqu’un qui pouvait faire de bonnes interventions sur l’AGCS, sur l’OMC et je crois que là, je ne me suis pas trompée. Alors j’ai réussi à le coincer entre son retour de Cancun et son départ pour le Vietnam, tout ça avec un détour par la Belgique où il habite… Raoul Marc Jennar, c’est quelqu’un qui est vraiment pointu sur le sujet qu’il connaît, c’est quelqu’un qui a eu des responsabilités dans les sphères gouvernementales belges…, enfin, un monsieur qui ne raconte pas n’importe quoi. Et donc là, mon intérêt se portait pour cette émission-ci, puisque la semaine prochaine on pourra écouter quelque chose sur l’OMC et l’après Cancun, là mon point d’intérêt, c’était l’accord général sur le commerce des services ou AGCS. J’avais bien entendu parler d’un système de demandes et d’offres, mais finalement je pataugeais encore un petit peu…, alors je le lui ai dit, et je lui ai demandé de ma re-préciser au départ ce que c’était que l’AGCS.

Raoul Marc Jennar : L’AGCS, c’est un accord qui a pour ambition de modifier les législations, les réglementations, les procédures administratives adoptées par les Etats et ce qu’on appelle les pouvoirs subordonnés, c’est-à-dire les régions, les départements, les communes, quand ça concerne les services. Et les services, c’est très vaste et c’est très important puisque c’est 62% de la population active en Europe. Ca va des services financiers ( la banque, l’assurance…) aux services publics ( la poste, les chemins de fer, la distribution de l’eau , de l’électricité, du gaz etc)… Donc c’est vaste, extraordinairement vaste. C’est un accord qui est extraordinairement ambitieux puisqu’il prétend infléchir les législations et les réglementations à tous les niveaux de pouvoir, quand ils concernent les services.
Comment ? Eh bien en forçant les pays à modifier leurs normes pour arriver à un objectif qui est celui qui porte un très beau nom qui est l’application du principe de non-discrimination. C’est un des paradoxes du langage des accords de l’organisation mondiale du commerce, c’est qu’on a des mots sympathiques mais qui ne veulent pas dire ce à quoi nous pensons immédiatement. Nous sommes tous contre toute forme de discrimination : entre femmes et hommes, entre personnes de couleurs, de religions, de convictions, d’origines différentes. Il ne s’agit pas de ça. Il s’agit de la non-discrimination par rapport à la concurrence commerciale. En fait, le rêve de l’AGCS, comme de tous les accords de l’OMC, je dirais plus que le rêve, le projet politique qui est derrière ces accords, c’est ce que les professeurs d’économie politique appellent la concurrence parfaite.
La concurrence parfaite, c’est quoi ? C’est quand il n’y a plus aucune espèce de règles qui viennent contrarier le jeu de la concurrence. Et c’est quoi, les règles qui sont susceptibles de contrarier le jeu de la concurrence ? Eh bien c’est par exemple des législations sociales ou des législations sur les salaires, ou des législations qui protègent l’environnement, ou bien tout simplement, les droits humains fondamentaux. Tout ça, ce sont des dispositions qui peuvent être considérées, du point de vue de l’AGCS, et d’une manière générale des règles de l’OMC, comme des entraves à la concurrence commerciale. Et c’est bien de cela qu’il s’agit puisque, dans l’AGCS, on a un certain nombre d’articles qui prévoient que, à l’OMC, on va établir ce qu’on appelle des « disciplines ». Le mot aussi a toute sa saveur, et en fait les « disciplines », ça va être des listes, par exemple de subventions qui vont être considérées comme des distorsions à la concurrence commerciale ou bien ça va être des listes de disciplines qu’on trouvent dans les lois et dans les règlements et qui seront considérés comme « plus rigoureux que nécessaires ». C’est la formule qui est utilisé dans l’AGCS. Et peuvent être considérés comme « plus rigoureux que nécessaires », on a déjà quelques exemples, des normes de qualification.
Les normes de qualification, c’est quoi ?. Eh bien ce sont les règles de sécurité sur les lieux de travail, ou bien c’est quels sont les critères pour déterminer ce qu’est de l’eau potable, ou bien quels sont les critères qui définissent la compétence pour exercer une profession. Tout ça, c’est déjà sur la table de la négociation pour la mise en œuvre de l’AGCS. La difficulté pour l’opinion publique de se rendre compte des dangers de l’AGCS, c’est que c’est un accord qui existe, qui a toute sa force juridique, mais dont il a été convenu qu’il n’entrerait, qu’il ne serait mis en œuvre, qu ‘au 1er janvier 2005. Et donc, il existe, il est là. On en négocie les modalités de la mise en œuvre, mais nous ne sommes pas encore capables d’en ressentir les effets pervers. D’où la difficulté de sensibiliser les opinions publiques à son existence et à ses dangers, puisqu’il est difficile de vous insurger contre un danger quand vous n’en connaissez pas les effets. Donc, il faut se renvoyer à des textes, ceux-là qui ont été ratifiés par le Parlement, qui ne sont pas encore mis en application, et qui en plus, ont cette particularité d’être écrits dans un langage très difficilement compréhensible aux communs des mortels.

La manière, à la demande d’ailleurs de la Commission Européenne mandatée par les 15 gouvernements, d’avancer dans ce processus de libéralisation des services, qui est voulue par l’AGCS, c’est de demander à chaque pays de faire des offres. Les offres c’est quoi ? Et bien, c’est l’annonce que chaque pays a été obligé de faire, le 31 mars 2003, des secteurs de service qu’il est disposé à libéraliser chez lui. Pour les pays qui font partie de l’Union Européenne, ce travail est exercé par la Commission Européenne et en l’occurrence par Monsieur Pascal Lamy, qui est commissaire européen, en charge de ces dossiers, et de ses collaborateurs. Ca, ce sont les offres, et donc, le 31 mars, en principe, tous les pays qui font partie de l’OMC, ils sont 146, devaient déposer des offres. Ce qu’on a constaté, après cette échéance, c’est qu’en fait il n’y a que 26 pays qui l’ont fait (si on considère l’Union Européenne comme un pays). Un grand nombre de pays en développement ont refusé d’entrer dans cette mécanique.

Un an plus tôt, en vertu encore d’une décision de l’OMC qui émanait d’une proposition européenne, on avait assigné à chacun des 146 pays de faire des demandes. Alors c’est quoi, les demandes ? Eh bien, c’est la démarche suivante : chaque pays de l’OMC adresse à tous les autres des listes de services qu’il leur demande de libéraliser chez eux. Donc il y a un double mécanisme. Un mécanisme de demandes : l’Europe demande aux autres pays de l’OMC :« Chez vous je veux voir tel ou tel service libéralisé » ; et par ailleurs, un mécanisme d’offres : chaque pays annonce la liste des services qu’il est prêt à libéraliser chez lui.

L’étape suivante, c’est quand il y a un pays qui a formulé des demandes. Il s’adresse au pays qui a formulé des offres, et on essaye de concilier offres et demandes, ce qui force, d’une certaine manière, des pays qui ne sont pas entrés dans cette mécanique, à y entrer, s’ils sont l’objet de demandes. Et l’Union Européenne qui est véritablement fer de lance dans la mise en œuvre de l’AGCS, même plus que les Etats-Unis, a voulu forcer un maximum de pays à entrer dans cette mécanique, puisqu’elle a adressé des demandes à 109 sur les 146 pays qui font partie de l’OMC. Si on retire les 15 qui feront partie de l’union européenne, presque tous les pays membres de l’OMC ont été l’objet de demandes de la part de l’Union Européenne. Ce qui maintenant force ces pays à entrer dans une négociation, même s’ils n’en avaient pas envie. Et les demandes de l’Union Européenne sont assez effrayantes puisque, alors que Monsieur Pascal Lamy déclare qu’on a pas voulu toucher aux services publics, on a adressé des demandes de libéralisation, notamment dans le secteur de la distribution de l’eau, à 72 pays. - La libéralisation de services publics – Monsieur Pascal Lamy avait dit avant que ces demandes ( parce qu’il faut savoir que ces documents sont officiellement secrets… et il y a eu des fuites… et c’est comme ça qu’on sait aujourd’hui le contenu de ces demandes ) et tant que c’était secret, Monsieur Pascal Lamy disait : « On n’a rien demandé aux pays les plus pauvres », (qu’on appelle aujourd’hui pudiquement les « pays les moins avancés », il y en a 49 dans le monde et 30 font partie de l’OMC). L’union Européenne a demandé à chacun des 30 pays de libéraliser un certain nombre de secteurs de services. Voilà, c’est ça la mécanique des offres et des demandes. Donc, c’est une mécanique pour forcer la négociation sur la libéralisation des services, tous azimuts, j’ai envie de dire. En se rappelant qu’il y a une disposition dans l’AGCS qui dit qu’ on ira, par une série de négociations successives, vers la libéralisation de tous les secteurs de tous les services. Donc, si c’est pas cette fois-ci, j’ai envie de dire, pour le dire simplement, ce sera la prochaine fois, puisque l’AGCS est un processus évolutif et qu’après cette série de négociations-ci, il y en aura d’autres.
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Pascale Fourier : On est toujours avec Raoul Marc Jennar de l’URFIG, et qui est aussi chercheur à l’OXFAM qui est une association qui s’intéresse au développement. Le système des offres et des demandes, j’avais bien compris, mais enfin, moi, j’aurais bien voulu des exemples concrets.


Raoul Marc Jennar : Quand on dit « libéraliser les services », ça peut vouloir dire, puisque je rappelais que l’AGCS s’adresse aux lois et règlements, demander de modifier des lois et des règlements. Eh bien, par exemple, l’Union Européenne a demandé au Cameroun de supprimer la loi qui oblige un investisseur étranger de créer un emploi à chaque fois qu’il investit au moins 10 000 euros. Par exemple, l’Union Européenne a demandé à Taïwan de supprimer une loi qui interdit à un étranger de posséder à un morceau de terre s’il y a une source d’eau potable sur cette terre. Par exemple, au Chili, il y a une loi qui oblige un investisseur étranger d’engager 85% de personnels chiliens : l’Union Européenne a demandé de supprimer cette loi… C’est tout ce qui peut contrarier l’investisseur européen qui est prêt à investir dans le secteur des services, lorsqu’il va dans l’un ou l’autre de ces pays. Ce sont des lois que par ailleurs ces pays ont adoptées, justement pour éviter l’investissement spéculatif, pour que l’investissement soit réellement porteur de valeur ajoutée et créateur d’emplois. Un certain nombre de pays ont pris des législations pour réaliser cet objectif. Eh bien ce sont ces législations que l’Union Européenne demande de supprimer. Comme elle demande, par exemple à l’Egypte, où ce sont des régies publiques qui s’occupent de la distribution de l’eau et de la distribution de l’électricité, que ce soit privatisé. C’est une demande de l’Union Européenne. Voilà quelques exemples de demandes.


Pascale Fourier : Mais est-ce que les pays à qui on a fait des demandes seront obligés de les accepter ? Je n’arrive pas bien à comprendre comment cela fonctionne...

Raoul Marc Jennar : Il va y avoir une négociation ; puisqu’une demande leur est adressée, ces pays vont devoir répondre. Si eux-mêmes ont fait des demandes à l’Europe, il y a là les éléments d’une négociation, c’est-à- dire d’un marchandage. S’il n’en ont pas fait, aujourd’hui on n’a pas de réponse. Est-ce qu’ils seront obligés de rentrer dans une négociation alors qu’eux-mêmes n’ont rien demandé ? S’ils ont fait des offres, par ailleurs, de libéralisation, là ils sont entrés dans le mécanisme et ils seront obligés de négocier. S’ils n’ont fait ni offre ni demande, on n’a pas encore, de la part de l’Organisation Mondiale du Commerce, une réponse sur : êtes-vous obligés de négocier alors que vous n’avez pas voulu entrer dans ce mécanisme ?. C’est encore un point qui doit être réglé et on peut penser que les pays en développement qui n’ont pas voulu entrer dans le mécanisme continueront à le refuser puisqu’ils ont des craintes pour leur souveraineté et les choix de politique économique qu’ils veulent pouvoir adopter.


Pascale Fourier : Il y a une des craintes pour nous les européens, c’est que finalement l’AGCS porte atteinte aux Services Publics. Alors, Pascal Lamy, si j’ai bien compris monte sur se grands chevaux en disant : « Que nenni que nenni ». Mais qu’est-ce qu’il en est finalement ?


Raoul Marc Jennar : En fait, il y a un mécanisme, qui est assez compliqué, qui se trouve dans l’AGCS, qui permet de mettre le signe = entre libéraliser et privatiser. Je ne veux pas rentrer dans le détail de ce mécanisme. C’est l’application d’un certain nombre de principes, qui sont des principes que l'on retrouve dans tous les accords de l’OMC, qu’on appelle « traitement de la nation la plus favorisée » et « traitement national ». Mais quand ces deux traitements sont conjugués, comme c’est le cas de l’AGCS, on peut sans difficulté faire un signe = entre libéralisation et privatisation. Et à partir du moment où on parle de privatisation, on porte atteinte au statut public d’un certain nombres de services. Cela ne fait l’ombre d’aucun doute. Et là je dois bien dire que Monsieur Pascal Lamy dit la chose qui n’est pas en disant que les services publics ne sont pas menacés par la mise en œuvre de l’AGCS. Effectivement, quand on pense, pour nous européens qui dans un certain nombre de pays en tout cas vont essayer de mettre en place un certain modèle social, là on peut le dire « l’AGCS menace directement la santé, l’éducation et la culture ». C’est vrai qu’il y a une possibilité, pour tous les pays d’ailleurs et pour tous les secteurs de services, de les protéger en prenant ce qu’on appelle des « exemptions ». Et en 1994, au moment donc où on négocie à l’AGCS, au moment où avait lieu cette première série de négociations sur sa mise en œuvre, effectivement, l’Union Européenne, au nom des pays européens, a pris des exemptions sur le service public de la santé et le service public de l’éducation et le rôle des acteurs publics en matière culturelle. Ce que Pascal Lamy se garde bien de dire c’est qu’il y a une annexe à l’AGCS qui prévoit dans son point 6 que, en principe, je cite : « les exemptions ne devraient pas durer plus de 10 ans ». Et donc, pour nous européens, en matière de culture, en matière d’éducation et en matière de santé, 10 ans c’est l’an prochain. C’est 2004.

Pascale Fourier : Mais est-ce que ça veut dire que …je ne sais pas, quand j’écoute les journalistes, ils ont l’air complètement d’ignorer ça. Pas forcement seulement les journalistes mais aussi des hommes politiques. Alors qu’est-ce qui se passe ?

Raoul Marc Jennar : Eh bien, je pense que d’abord il y a une volonté de la Commission Européenne, qui est vraiment le bras politique des grands lobbies d’affaire en la matière, d’utiliser la complexité des textes, l’extrême complexité des textes, et de miser sur l’indifférence ou l’ignorance et des acteurs politiques et des journalistes par rapport à ces dossiers qui sont très compliqués, pour faire croire la chose qui n’est pas. Il y a véritablement, de la part de ceux qui sont à la manœuvre, une volonté ( on entend tout le temps d’ailleurs dans leurs discours, dans leurs interviews, dans leurs déclarations) de faire passer le message : « Il est minuit ; dormez bonnes gens, ne vous en faites pas, on s’occupe de votre sécurité ». Et c’est à peu près la même chose ; on nous dit tout le temps : « Ne vous en faites pas, les services publics ne sont pas menacés, tout ça est insipide, indolore et incolore ». C’était d’ailleurs le discours que tenait le ministre de l’Economie et des finances, Monsieur Strauss Kahn, pendant qu’on négociait dans le secret du château, bien nommé, de La Muette, au siège de l’OCDE, le fameux accord multilatéral sur l’investissement (AMI) . C‘était la pire des agressions qu’on ait jamais inventé contre les peuples. Monsieur Strauss Kahn, à l’Assemblée Nationale, disait : « Ne vous en faites pas, il n’y a rien de bien grave dans cette négociation » ( qui était par ailleurs secrète). Si elle était innocente, pourquoi était-elle secrète ? Eh bien on est dans le même scénario. D’ailleurs il y a beaucoup de similitudes entre l’AGCS et ce fameux projet d’A.M.I.

Pascale Fourier : Il y a quand même quelque chose qui m’interroge. Les gouvernants ne peuvent vouloir le mal de leurs peuples. C’est que ça doit être bon quelque part ces histoires d’AGCS ? En tout cas, qu’est-ce qu’ils cherchent derrière ? Ca m’échappe un peu.

Raoul Marc Jennar : On pourrait dire trois facteurs. Un premier, c’est l’idéologie. Je pense qu’il y a un certain nombre d’acteurs politiques qui sont sincèrement convaincus que, plus c’est libéralisé, plus c’est privé, mieux c’est en terme de prix, en terme de qualité. Et il y a un discours dominant qui tente de faire croire aux gens que, quand c’est privé, c’est meilleur, c’est moins cher, ça va plus vite, c’est plus efficace. Ce qui est vrai dans un certain nombre de cas. Mais ce qui n’est pas vrai dans tous les cas. Et la privatisation des Chemins de fer britanniques nous donne un contre exemple assez spectaculaire, et d’ailleurs assez tragique aussi. Mais il y a donc des gens qui sont convaincus de cela et qui sont porteurs d’une idéologie. Et on ne les retrouve pas nécessairement d’ailleurs dans les partis de droite. On peut dire qu’il y a une certaine gauche qui partage cette conviction.
A côté de cela, il y a une série d’acteurs politiques qui font confiance aux techniciens, aux experts, qui s’en remettent à leur appréciation parce que ce sont des dossiers trop compliqués. Et donc les acteurs politiques ne veulent pas rentrer là-dedans. Il s’en remettent aux conseils et aux avis de leurs collaborateurs, qui sont il faut bien le dire, aujourd’hui, à peu près dans le monde entier. C’est assez spectaculaire en France puisqu’il y a une école unique qui les formate tous de la même manière, c’est l’ENA. Mais on constate le même phénomène ailleurs. Il y a un large consensus aujourd’hui chez les experts pour pousser à cette vague libérale, pensant à tort ou à raison que c’est pour le bien des peuples.
Et puis il y a aussi un autre acteur. Ce sont les milieux d’affaires qui sont, bien plus que n’importe quel autre secteur de la société, structurés, organisés, non seulement au niveau national mais au niveau européen et au niveau international. Il y a des organisations patronales à tous les niveaux, avec un grand degré d’expertise et un grande capacité d’agir sur les décideurs politiques. La Commission Européenne est particulièrement poreuse à ces pressions-là. A telle enseigne que l’on retrouve dans des documents officiels de la Commission Européenne, à la virgule près, des paragraphes entiers qui viennent des publications des grandes organisations patronales. Au niveau de l’Europe, c’est l’équivalent du MEDEF, ça s’appelle l’UNICE. Et l’UNICE qui réunit des milliers d’hommes d’affaires européens produit beaucoup de documents, dispose de chercheurs, de centres d’étude qui sortent des documents. Et parfois on retrouve des phrases entières, et parfois même plus que des phrases, des paragraphes, à la virgule près, des documents qui sont alors des documents de l’Union Européenne et qui ont été recopiés à partir des documents de l’UNICE.

Pascale Fourier : J’avais une dernière petite question. D’accord, la Commission écoute les patrons et les grandes entreprises. Mais où est le problème ? Certes une entreprise privée n’a pas pour objectif de défendre l’intérêt général, mais, quand je lis les journaux, j’ai cru comprendre qu’un service universel serait imposé par les gouvernements aux entreprises qui prendraient les services publics en France par exemple.


Raoul Marc Jennar : Oui, si l’AGCS n’existait pas, alors les gouvernements auraient le droit d’imposer le service universel à un acteur privé, à une fournisseur privé de services. Le problème, c’est que le service universel est considéré, parmi ces disciplines qu’on élabore pour le moment à l’OMC, comme une « mesure plus rigoureuse que nécessaire », donc comme une distorsion à la concurrence commerciale. Donc, le service universel, dans la logique de l’AGCS, doit disparaître. A telle enseigne que, quand l’Union Européenne, la Commission Européenne, préparait ses listes de demandes adressées à un certain nombre de pays, et qu’elle consultait Vivendi Environnement en l’occurrence, à côté d’autres firmes que la Commission a consultées, elle a demandé à Vivendi Environnement (et on dispose d’une copie du courrier) d’indiquer les pays où le service Universel est imposé, afin de pouvoir demander sa suppression…

 

 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 3 Octobre 2003 Novembre 2002 sur AligreFM. Merci d'avance.