Pascale
Fourier : Deux
émissions déjà que Gustave Massiah nous parle de
la croissance. Il en a profité pour nous remettre en perspective
un petit peu l’ensemble de l’évolution économique,
mais cette fois-ci, j’avais enfin réussi à placer
une question, parce que si vous vous souvenez bien, Gustave Massiah
avait la “ fâcheuse ” tendance à parler, parler,
parler. Et moi qui d’ordinaire ne pose pas de question ne réussissais
même pas à en placer une. Là, j’ai quand même
réussi à lui dire mon interrogation concernant la croissance
et le lien qu’il pouvait y avoir avec le chômage ; je me
disais que, à chaque fois que je lisais les journaux, je voyais
qu’on faisait le lien entre les deux, qu’on attendait une
croissance plus importante pour ramener plus d’emplois et je me
demandais en même temps si cela ne pouvait pas avoir un effet
pervers dans le sens où ceux qui pouvaient, désiraient
consommer moins, (parce qu’ils voyaient le gaspillage et l’inanité
de cette consommation) ne pouvaient pas avoir quelques scrupules moraux,
finalement, à faire décroître leur consommation
parce qu’ils se disaient que, à ce moment-là, les
personnes qui normalement auraient dû travailler n’auraient
plus assez de possibilité de le faire.
Voilà ce qu’était mon interrogation, et voici sa
réponse.
Gustave Massiah
: Il y a quand même une double question :
1. Il y a l’idée que, actuellement, l’emploi est
déterminé par la croissance.
2. Il y a l'idée : qu’est-ce qu’on peut faire d’autre
?
Ce sont deux choses différentes.
Pourquoi ? Parce que les gens savent qu’on vit dans un système
; actuellement, dans ce système, il y a une corrélation
extrêmement forte entre l’emploi et la croissance. Et ça,
c’est vrai ! Les gens le savent très bien. Dans ce système,
à la limite, si l’objectif, c’est l’emploi
salarié (avec un revenu attaché à l’emploi
salarié et des droits liés au statut salarial : sécurité
sociale, éducation …), pour l’instant, tel que fonctionne
le système, c’est comme ça. S’interroger sur
la nature de la consommation, ça n’est pas du tout inintéressant,
mais ça n’a pas de conséquence directe.
Donc si on tombe sur des économistes intelligents, ils vous diront
: « Mais bien sûr, il vaut mieux faire des choses utiles
que des choses inutiles ». Mais ce n’est pas ça qui
va déterminer l’emploi. On étudie une corrélation,
c’est-à-dire un rapport entre deux grandeurs, la croissance
d’un côté et l’emploi de l’autre, et
on sait qu’il y a une corrélation très forte. C’est
à dire que quand la croissance augmente, l’emploi a tendance
à remonter ; et quand la croissance diminue, l’emploi à
tendance à baisser. C’est vrai, donc ce que disent les
gens, c’est que, le système actuel fonctionnant comme il
fonctionne, c’est vrai. C’est vrai.
Alors maintenant regardons les choses ed plus près. D’abord
c’est vrai dans certaines limites, parce qu’il faudrait
être capable d’avoir de la croissance tout le temps, ce
qui n’est pas le cas, comme on l’a vu pour différentes
raisons. Donc ça ne suffit pas à définir un système.
Et puis d’autre part, ce n’est vrai que sur une partie de
la planète, et pour un temps donné, et avec tout ce qu’on
a dit.
Pour les dirigeants, pour les “ responsables
”, qui savent que la croissance est corrélée à
l’emploi (je répète, n’est pas la cause de
l’emploi, elle est corrélée à l’emploi,
elle est la cause de l’emploi dans un certain système donné),
donc ils en tirent la conséquence qu’il faut de la croissance,
à tout prix, puisque c’est la seule manière. Plus
on est sensible à l’emploi, plus il faut de la croissance.
Ce qui fait que la gauche est plus sensible à la croissance que
la droite ! Puisque, la droite, à la limite, les entrepreneurs
disent qu’ils sont pour la croissance parce que ça permet
l’emploi. Mais en fait, ce n’est pas vrai, parce que quand
c’est la croissance et qu’ils font plus de profits, ils
n’embauchent pas plus, au contraire, ils continuent à licencier.
Donc eux, ils veulent la croissance pour des profits. C’est la
gauche qui en général, parce qu’elle pense qu’elle
ne peut pas changer le système, en tout cas “ c’est
comme ça ”, “ il faut être réaliste
”, c’est le principe de la dictature de la réalité
et de l’urgence, dit “ on ne peut pas faire ”. En
tout cas, si on veut résoudre cette question de l’emploi,
il faut qu’on accepte la croissance. Et comme aujourd’hui,
dans une économie mondialisée, néolibérale,
la croissance, c’est l’ouverture aux exportations, c’est
les exportations qui tirent la croissance et c’est le marché
mondial qui tire la croissance, ils sont pour la croissance du marché
mondial, et pour la croissance des exportations. C’est quelque
chose de très fort et donc on ne peut pas dire, on ne peut pas
répondre à ça “ il n’y a qu’à
”.
Pour prendre un exemple assez fort, par exemple, la première
déclaration de Lula arrivant comme président du Brésil,
c’est de dire : « Pour rembourser notre dette et pour éliminer
la pauvreté, il nous faut augmenter les exportations de 10 %
». Ce qui fait d’ailleurs qu’il est applaudi à
Davos. Il a raison. Je veux dire ; c’est comme ça. Evidemment,
s’il ne fait que ça, c’est une conversion au libéralisme.
Mais s’il utilise ce temps-là pour faire autre chose, c’est
une transition.
La question, c’est, un, dans le court
terme, dans une situation donnée, c’est ce qu’on
voit et ça conduit à la contrainte dite du réalisme,
du principe de réalité. Donc à ce moment-là,
quand quelqu’un dit : “ Ah oui, je pourrais peut-être
consommer moins de voitures ”…Oui, pourquoi pas ? Mais on
va lui dire : ça dépend de ce que tu vas faire de l’argent
que tu as économisé, à la limite. Si c’est
pour le mettre de côté et que ça ne serve à
rien, évidemment, tu es contre l’emploi. La thésaurisation
est contre l’emploi. Si par contre tu l’utilises pour acheter
autre chose, à ce moment-là c’est neutre. Donc le
système, théoriquement, n’interdit pas de lutter
contre le gaspillage, contre certaines formes de surconsommation …
et ne dit pas “ il faut consommer trois portables plutôt
que deux ”. Il dit, non, il faut consommer. C’est ça
qui est important. Donc trouvons autre chose. Mais évidemment,
comme c’est plus rentable de vendre des portables, parce qu’on
s’adresse aux gens qui ont déjà beaucoup d’argent
et dont les besoins sont en partie couverts, ça entraîne
ça, ça entraîne ce gaspillage comme conséquence.
La question était double. On va aborder
maintenant le deuxième point : qu’est-ce qu’on pourrait
faire d’autre, et pourquoi il faut faire autrement ? Parce que
finalement, ce que j’ai dit tout à l’heure sur les
limites, c’est quelque chose de plus en plus réel. Et d’ailleurs,
à mon avis, c’est une des explications de la crise du capitalisme
aujourd’hui.
Alors, il faut revenir sur cette crise et sur la nature de la croissance
pour expliquer comment on pourrait essayer de construire d’autres
moyens, d’autres méthodes. Il ne peut pas y avoir une croissance
infinie, comme on l’a dit, donc en tout état de cause se
pose la nécessité de voir comment ça peut se faire
autrement. D’autre part, la croissance que nous connaissons actuellement
et qui rencontre ses limites, c’est le modèle de croissance
que l’on voit se développer à partir des années
80 (75, 77 …on peut discuter sur la date, entre 75 et 80) qui
est effectivement une croissance fondée sur la phase néolibérale
de la mondialisation.
Qu’est-ce que c’est que cette
phase néolibérale ? C’est justement la rupture du
compromis social de la période précédente :
• c’est la rupture du keynésianisme, du modèle
keynésien, c’est-à-dire l’idée que
l’Etat doit intervenir pour la régulation et pour garantir
le statut salarial,
• c’est la rupture de la décolonisation, c’est-à-dire
il faut intervenir directement (d’ailleurs évidemment après
les deux chocs pétroliers de 73 et 77-78) : maintenant, il faut
qu’on intervienne directement, en recolonisant s’il le faut
pour maîtriser complètement le prix des matières
premières (on voit ce qui se passe avec la guerre du pétrole
à l’heure actuelle). Et c’est quelque chose qui devient
à peu près évident à partir du moment où
on a éliminé l’alternative soviétique, le
soviétisme disons.
Ce nouveau modèle de croissance repose
sur cette idée justement qu’ il faut développer
le marché mondial pour développer la croissance et que,
donc, il faut obliger chacune des sociétés à s’ajuster
au marché mondial. Et pour ça, on va mettre en place des
politiques de libéralisation. Ces politiques de libéralisation
reposent sur l’idée qu’il faut déconstruire
l’Etat keynésien, la régulation publique, pour permettre
une régulation par le marché mondial plus forte. Et, comment
on va faire ça ? Eh bien par la libéralisation, c’est-à-dire
laisser les entreprises multinationales, considérées comme
les opérateurs de progrès, porteuses de la croissance
:
• d’une part investir où elles veulent,
• deuxièmement retirer leurs bénéfices comme
ils veulent, pour les reporter où ils veulent
• troisièmement, privatiser quand il y a des entreprises
publiques, parce que elles pourraient ne pas jouer le même rôle
que les entreprises privées et en tout cas parce que ça
limite les profits du privé,
• quatrièmement, limiter les dépenses de l’Etat
considérées comme improductives (la santé, l’éducation
…) pour alléger le salaire, la charge. Donc on attaque
en quelque sorte le salaire par le chômage d’un côté
et par la réduction de la consommation collective de l’autre.
Donc, dans le partage de la valeur ajoutée, quand on diminue
la part des salaires, ça permet d’augmenter la part des
profits ; c’est assez simple, ça paraît même
caricatural, mais malheureusement, c’est comme ça.
Et donc on va faire ce que l’on appelle d’ailleurs l’ajustement
structurel, c’est-à-dire que pays par pays, on va obliger
les pays à s’ajuster au marché mondial pour augmenter
le marché mondial, et pour permettre à ceux qui jouent
un rôle d’opérateur principal du marché mondial
d’avoir des profits supérieurs.
Alors, qu’est-ce qui se passe à
partir de 95 ? C’est que, après quand même 15 ans
de fonctionnement de ce système (ou 20 ans …), on se rend
compte de ses conséquences.
D’abord, premièrement, il y a eu de la croissance, il y
a eu une croissance dingue ! Il y a eu une croissance mondiale, quand
on regarde les chiffres justement, et il y a eu une croissance dans
les pays du Nord très très importante ! Quand on regarde
par exemple la France, en 30 ans, elle est 2,5 à 3 fois plus
riche. Donc la crise que nous connaissons, le chômage …
ce n’est pas parce qu’on est moins riches, c’est parce
qu’on est plus riches. Donc il y a un problème, là.
C’est-à-dire qu’effectivement, il y a croissance,
donc les choses devraient aller mieux, or les choses ne vont pas mieux
!
Donc on se rend compte que cette croissance-là, elle a pour conséquence
non pas la réduction des inégalités, mais l’accroissement
des inégalités :
• inégalités sociales, entre le Nord et le Sud et
dans chaque pays au niveau mondial
• inégalités géopolitiques, en matière
de domination, comme on peut le voir avec la guerre…
• inégalités écologiques
• et inégalités politiques, c’est-à-dire
le fait que l’accès au droit n’est pas le même
pour tous : sur la question des migrants, sur la question de la sécurité,
de l’insécurité - puisqu’on ne parle pas de
« l’insécurité sociale », mais de «
l’insécurité »…, avec une stigmatisation
des pauvres : ce n’est pas pour dire qu’il n’y a pas
de problème d’insécurité, mais quand même,
la stigmatisation des pauvres et des faibles n’apparaît
pas comme la réponse réelle à cette insécurité.
Donc cette croissance, qui aurait dû faire en sorte que tout aille
mieux, elle se traduit au contraire par ces 4 grandes inégalités.
Donc, à partir de 95, cette prise
de conscience de la nature de la croissance, de la nature du modèle
dans lequel nous vivons, conduit effectivement à la naissance
du mouvement altermondialisation, qui monte parallèlement à
la crise interne du système que l’on peut lire à
travers des crises financières qui se développent les
unes après les autres : notamment la Corée, le Mexique,
l’Argentine … il y en a tout le temps.
Donc ça montre bien :
• que la croissance n’a pas non plus réussi non plus
à résoudre la question interne au système. Donc
le système est en crise.
• et d’autre part, qu’il ne répond pas à
la question des inégalités, de la pauvreté …
Pascale Fourier
: Le système a amené énormément de problèmes,
d’inégalités notamment ; alors la question qu’on
se pose est : est-ce qu’il faut encore de la croissance ?
Gustave Massiah
: Qu’est-ce qui se passe par rapport à ça ? Certains
continuent à dire : « Oui, mais il faut encore plus de
croissance parce que justement, on est dans un mauvais moment, mais
après ça ira mieux ». C’est ce que nous disent
les patrons tout le temps ; les patrons sont encore plus cyniques, ils
ne disent pas : « Il faut plus de croissance », ils disent
: « Il faut plus de profits pour que ça aille mieux ».
Mais on leur dit : « Peut-être qu’on pourrait licencier
moins ? ». Ils disent : « Ah bah non, parce que si on licencie
moins, on n’aura plus de profits et on ne pourra pas faire face
à la concurrence ». « Et si vous avez plus de profits,
qu’est-ce que vous allez faire ? ». « Eh bien plus
tard, on embauchera ». Alors c’est toujours : « Plus
tard, on embauchera » ; « pour l’instant on licencie,
mais plus tard on embauchera »...
Donc finalement la croissance ne résout rien, surtout avec une
accentuation de la concurrence telle qu’on la connaît. Donc
commence dans le mouvement une réflexion sur : qu’est-ce
que l’on peut proposer par rapport à la croissance ?
Certains courants disent : il faut appeler
à la décroissance. Par exemple Serge Latouche et toute
une série d’autres économistes disent : «
Eh bien écoutez, soyons clairs ! Osons dire que, puisque c’est
comme ça, on est pour la décroissance et comme ça,
ça obligera à montrer autre chose. En tout cas, ça
n’est pas supportable, cette croissance n’est pas soutenable,
donc il faut être clairement pour la décroissance ».
Ce qui évidemment choque beaucoup d’autres qui disent :
« Oui, mais il y a quand même des besoins inassouvis énormes
: quand on regarde l’inégalité d’accès
à l’eau, l’inégalité d’accès
à l’énergie, l’inégalité d’accès
aux soins de base, l’inégalité d’accès
à l’éducation, aller préconiser la décroissance
aujourd’hui est quand même une provoc’ ». D’ailleurs,
c’est une provoc’ (comme toutes les provocs, elle n’est
pas inintéressante, mais c’est une provoc). Mais en fait,
c’est une provoc’ qui n’est pas une proposition alternative,
mais qui peut jouer un rôle idéologique.
Dans le mouvement que l’on voit se
développer à travers les forums sociaux(locaux, européens,
des grandes régions, mondial à Porto Alegre …),
il y a quelques idées qui commencent à émerger.
Il y en a deux principales, disons, sur lesquelles je voudrais mettre
l’accent qui interrogent directement la nature de la croissance.
Mais qui ne posent pas la question croissance ou pas croissance ? Qui
disent : « Bon, ne soyons pas hypnotisés par la question
de la croissance. Effectivement, s’il faut plus de croissance
pour qu’il y ait plus d’emploi, eh bien qu’il y ait
plus de croissance, à la limite. Mais interrogeons-nous sur quelle
croissance, de quelle croissance il s’agit ».
Quelles sont les idées ? Il y a une idée générale,
c’est de dire : « Il faut un développement durable
», qui est une bonne idée d’ailleurs, puisque c’est
une idée en plus qui a été lancée par le
mouvement, il ne faut pas l’oublier, mais qui est récupérée
très largement. Donc sur cette idée du développement
durable, c’est l’idée des trois piliers, c’est-à-dire
d’accord pour la croissance, mais la croissance doit être
:
1. économiquement efficace : le développement doit être
économiquement efficace, donc même s’il y a une croissance,
il faut réfléchir à quelle type de croissance …
2. socialement équitable
3. écologiquement soutenable.
Donc ça montre bien quand même qu’ il y a un débat
de remise en cause de la croissance de fait. C’est-à-dire
que l’idée qui était dominante auparavant (“
Ne nous interrogeons pas sur la croissance, c’est le moteur, c’est
la boîte noire : il faut qu’il y ait croissance pour qu’on
puisse résoudre nos problèmes ”), actuellement ne
résiste plus à l’analyse et il y a de plus en plus
de gens qui s’en éloignent. Maintenant, il faut interpeller
la croissance et interroger la croissance. Et donc le débat sur
le développement durable, c’est une des manières
de le faire. Pas inintéressante, mais très récupérable,
comme on a pu le voir.
Mais enfin moi, par rapport à la récupération,
je n’ai pas peur de la récupération, pour ma part
; c’est-à-dire que, effectivement, comme je dis souvent
aux ONG :
• le premier risque, c’est d’être récupéré
(parce qu’on peut vous faire faire le contraire de ce que vous
voulez)
• mais le deuxième risque, c’est de ne pas être
récupérés, parce ce que ça veut dire : ce
que vous dites n’intéresse personne.
Donc qu’on essaye de nous récupérer, ça ne
m’inquiète pas. Le problème, c’est comment
nous sommes capables de résister en allant plus loin.
Donc comment est-ce qu’on peut aller
plus loin ? On peut poser la question, effectivement, de :
• la limite écologique interpelle la nature de la croissance
; ça, c’est un point
• deuxièmement, les modes de production, les formes de
la production interpellent l’entreprise (avec la question de la
responsabilité sociale des entreprises, de la démocratie
dans l’entreprise…).
Donc il est urgent de s’interroger à la nature de la croissance,
à la nature de la production plus fondamentalement.
1. Croissance ou pas, ce qui nous intéresse est : qu’est-ce
qu’on produit et comment on produit ? Ca, c’est la première
chose.
2. Deuxièmement, élément à mon avis tout
à fait déterminant, c’est que, quand on analyse
un peu en profondeur la croissance actuelle, on se rend compte que les
inégalités, liées à la croissance (le fait
que la croissance n’arrive pas à résoudre la question
des inégalités), on s’aperçoit que les inégalités
sont fondées non pas sur l’exclusion de la croissance,
mais sur la discrimination : il n’y a pas d’inégalités
sans discrimination. Ca peut être discrimination entre les gens,
discrimination par rapport aux migrants, discrimination par rapport
aux ethnies …, en tout cas, quand on regarde bien les inégalités,
on n’est jamais pauvre par hasard, même si globalement il
peut y avoir une explication. En tout cas, la question des inégalités
est une question réellement de discrimination. Donc nous, nous
disons : la lutte, le développement économique passe par
la lutte contre les discriminations. Donc ce n’est pas la croissance
qui est l’objectif principal, c’est la lutte contre les
discriminations qui doit permettre de réduire les inégalités
et de construire une autre croissance et de construire un autre modèle
de développement.
3. Troisièmement (donc, il y a cette question de la lutte contre
les discriminations qui doit permettre de réfléchir un
peu autrement à la nature de la société, à
la nature de la production), par rapport à tout ça commence
à émerger une idée de fonctionnement alternatif
de l’économie, consistant à dire : nous pensons
que la régulation de l’économie n’est pas
la régulation par les marchés. En tout état de
cause, il faut de la régulation publique, évidemment,
mais pourquoi ? Parce que l’objectif de l’économie
n’est pas la croissance et la consommation. L’objectif des
sociétés, doit être l’égal accès
aux droits, l’égalité d’accès aux droits.
Ca change le curseur et ça change la manière de voir ;
c’est-à-dire, on dit : « Bon, si vous voulez avoir
une meilleure économie, organisez-vous pour que la société
et que l’économie permettent de répondre aux droits
et d’avoir l’égalité d’accès
aux droits ». Ca, c’est alternatif par rapport au marché
et parce que, justement, le marché ne se pose pas cette question-là.
Et donc évidemment, ça implique la question de la redistribution.
Ca implique la question des formes de redistribution et notamment, ça
implique la question de la redistribution mondiale : puisque justement
l’économie est mondiale aujourd’hui et donc la redistribution
ne peut être que mondiale.
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