Pascale
Fourier : Eh oui, Dominique Plihon, nous nous connaissons
depuis un certain temps et vous savez que je m'intéresse à
l'économie: je lis les journaux, j'écoute la radio, je
regarde la télévision, mais parfois je ne comprends pas
tout. Il faut dire que le langage des économistes est parfois
un peu obscur et les incidences des décisions économiques
quelque peu hermétiques. Alors vous avez accepté de venir
répondre à mes questions, des questions la plupart du
temps candides et je vous remercie par avance de vouloir y répondre.
Vous êtes professeur d’économie à Paris-Nord,
et vous allez publier en Octobre un livre qui s'appellera Le nouveau
Capitalisme, et vous avez également participé à
de nombreux livres sur la finance mondiale. Alors la première
question, le premier point qui m'interroge plus que tout, ça
concerne la mondialisation. Moi, ce que j'ai lu, ce que j'ai écouté,
c'est que c'était finalement un point d'aboutissement inéluctable
de l'évolution économique. Dès lors, je comprends
difficilement, parfois, pourquoi un certain nombre de personnes s'y
oppose.
Dominique Plihon :
Il faudrait peut-être revenir quelques instants sur le terme "mondialisation".
Quand on parle de mondialisation, on fait allusion à trois phénomènes
:
-la mondialisation des échanges commerciaux (les échanges
de biens et de services à travers le monde),
-la mondialisation des capitaux (c'est-à-dire le fait que l'argent
peut circuler avec une grande facilité aujourd'hui à travers
le monde, dans tous les pays),
-et enfin le développement mondial croissant des grandes firmes,
celles que l'on appelle les multinationales.
Pascale Fourier :
Oui, on a certes une définition, mais est-ce que c'est comme
je l'entends dire le point d'aboutissement inéluctable de l'évolution
économique.
Dominique Plihon
: Non, cette évolution n’est pas naturelle. En fait, la
mondialisation – quand je dis mondialisation, je parle de la mondialisation
actuelle qui est la mondialisation libérale, je m’en expliquerai
plus tard – et bien cette mondialisation là est le fruit
de décisions politiques, de choix idéologiques mus par
des interêts économiques bien précis.
Pascale Fourier
: Oui, c’est-à-dire … ?
Dominique Plihon
: La mondialisation libérale, on peut la dater de la fin des
années 70, au moment où le capitalisme était en
crise. Le capitalisme était en crise parce que :
- il y avait une chûte des taux de profit des entreprises,
- il y avait de l’inflation, qui a été exacerbé
par les chocs pétroliers de 1974 et de 1979,
- et il y avait un partage des richesses dans l’économie
qui était relativement favorable aux salariés qui, à
l’époque, étaient dans une position de rapport de
force relativement en leur faveur.
Tout ceci, évidemment, ne plaisait pas vraiment aux grandes entreprises.
Pascale Fourier
: Mais quand vous dites que la mondialisation est la suite d’un
choix politique qui répondait à des difficultés,
à la limite c’est bien que cela ce soit passé comme
cela. C’est une nécessité, disons, effectivement.
Dominique Plihon
: Il y avait besoin d’assainir l’Economie qui, effectivement,
connaissait des problèmes graves en terme de croissance ralentie,
d’inflation. Mais, en fait, ce qui c’est passé c’est
que ce sont les détenteurs de capitaux qui voyaient la rentabilité
de leurs investissements baisser qui ont fait pression pour redresser
la situation.
Pascale Fourier
: En bref, ils ont fait comment ?
Dominique Plihon
: Au tournant des années 70, il y a eu un sommet de ce que l’on
appelle le G7, groupe des 7 principaux pays industrialisés, dominé
par les Etats-Unis de Reagan et la Grande Bretagne de Thatcher. L’idée
était de briser le rapport de force qui avait été
favorable aux salariés jusqu’ici, pour restaurer l’avantage
aux détenteurs de capitaux. Et en fait derrière tout cela
, il y a une approche idéologique que nous appelons le néo-libéralisme.
C’est-à-dire qu’il faut faire reculer absolument
l’emprise de l’état, des syndicats également,
des salariés en général, parce que du point de
vue des entrepreneurs, des grandes entreprises en particulier, tout
ces intérêts sociaux, économiques de l’état
et des salariés brisaient la liberté des entreprises.
Et donc, on a décider de prendre des mesures :
- Il fallait restaurer la concurrence,
- Il fallait libéraliser les mouvements de capitaux, donc supprimer
le contrôle des capitaux,
- Il fallait libéraliser le commerce, supprimer les barrières
douanières, par exemple,
- Il fallait de manière générale faire reculer
l’emprise des Etats, par exemple en faisant baisser les impôts,
moins d’impôt, moins de prélèvements obligatoires,
privatiser les entreprises - rendre les entreprises donc au privé
- , d’une manière générale réduire
l’ensemble des services publics …
Pascale Fourier
: C’est quoi les bienfaits qui sont attendus de cela ?
Dominique Plihon
: L’idéologie libérale nous dit que, à partir
du moment où le marché règne en maître dans
l’économie, à partir du moment où les intérêts
individuels sont ceux qui priment sur les intérêts collectifs,
on aboutit à un ordre dans lequel la somme des intérêts
individuels permet – j’emploie un mot d’économie
– de maximiser l’intérêt collectif. Ca c’est
l’idéologie libérale.
Pascale Fourier
: Et donc vous êtes en train de dire que les politiques –
y compris les politiques de gauche – ont fait le choix d’une
idéologie libérale.
Dominique Plihon
: Tout-à-fait, c’est un gouvernement de gauche, au cour
des années 80, qui a été le champion de ce tournant.
Pascale Fourier
: Peut-être pouvez-vous donner une date plus précise ?
Dominique Plihon
: La gauche est arrivée au pouvoir en France en 1981. A partir
de 1983, il y a eu un tournant qu’on a appelé le tournant
Mauroy 2 de la rigueur. Et, en suite, le gouvernement français,
pris dans les accords internationaux, notamment au niveau européen
avec la mise en place du marché unique des capitaux à
partir de 1990, a pris un certain nombre de mesures de libéralisation
pour continuer la politique qui était menée par nos voisins.
Pascale Fourier
: Des hommes de gauche qui font une politique libérale …
Dominique Plihon
: Oui, je crois que le capitalisme est extrêmement intelligent,
et en fait les capitalistes sont très contents de trouver des
hommes de gauche qui sont en mesure de faire passer des idées
qui sont typiquement des idées libérales, et, quelque
soit la couleur politique des différents gouvernements qui se
sont succédés depuis les années 80, il n’y
a pas eu de changement notable de politique dans ce domaine. Donc la
couleur de politique des gouvernements a peu d’importance, ce
qui veut dire qu’il y a des forces économiques et financières
supérieures au pouvoir politique des gouvernements.
Pascale Fourier
: Dominique Plihon, finalement, je n’ai pas très bien compris
en quoi la mondialisation permettait une restauration des profits des
entreprises.
Dominique Plihon
: Je dirai qu’il y a deux idées à retenir à
ce sujet-là qui me semblent importantes. C’est premièrement
que la mondialisation, c’est le recul de l’Etat, donc le
fait de donner aux entreprises plus d’importance, plus de libertés
pour faire ce qu’elles veulent, en quelque sorte, et donc ce qu’elles
veulent, par exemple, dans les politiques salariales. On organise une
situation dans laquelle le rapport de force devient nettement plus favorable
aux patrons, par rapport aux salariés et aux organisations syndicales,
donc la maîtrise des coûts salariaux, principale charge
pour les entreprises, est rendue beaucoup plus facile. L’Etat
recule dans son rôle de régulateur et laisse le champ libre
aux entreprises.
Pascale Fourier
: Est-ce que vous pouvez préciser en quoi le rapport de forces
s’est inversé à cause de la mondialisation ?
Dominique Plihon
: Le rapport de forces s’est inversé pour plusieurs raisons.
Peut-être faut-il revenir dans la période antérieure.
Dans la période antérieure, il y avait trois grands partenaires
dans l’économie :
- il y avait l’Etat,
- il y avait les salariés et les organisations syndicales qui
les représentent,
- et il y avait les entreprises .
L’Etat était là pour réguler, pour créer
une situation d’équilibre, soit par la loi, soit par des
interventions directes entre les salariés et les entreprises
- notamment réguler ce qu’on appelle le rapport capital/travail.
L’Etat reculant et décidant de laisser la main aux entreprises,
celles-ci ont occupé le terrain et ont pris désormais
un ascendant plus grand sur les salariés, les organisations syndicales
qui n’avaient plus en quelque sorte la protection ou l’aide
de l’Etat pour créer un rapport de forces à peu
près équilibré.
Pascale Fourier
: Ca se manifeste comment ? Par la mise en concurrence internationale
des salariés entre eux par exemple ?
Dominique Plihon
: La mondialisation, c’est effectivement aussi une autre chose,
c’est l’ouverture des frontières. Et, à partir
du moment où l’on ouvre les frontières, il y a un
impératif qui devient majeur, c’est la compétitivité
- c’est-à-dire de produire moins cher et de meilleure qualité
que les concurrents. Cette compétitivité, imposée
par la mondialisation, a été utilisée par les entreprises
comme un argument pour peser sur les coûts salariaux, pour remettre
en cause un certain nombre d’avantages sociaux qui coûtaient
aux entreprises, et donc la mondialisation, de ce point de vue-là
est un instrument extraordinaire, un argument tout à fait puissant
aux mains des entreprises face aux salariés.
Alors … l’autre raison. Je veux répondre aussi à
la question de tout à l’heure. J’avais dit qu’il
y avait deux raisons pour lesquelles la mondialisation et les nouvelles
politiques mises en place par les pouvoirs publics favorisent l’entreprise.
Il y a une autre raison qui est la suivante : dans la mesure où
l’Etat recule, il va donner un espace plus grand aux entreprises
qui vont désormais coloniser d’autres espaces de l’économie,
de la société ... et c’est notamment les privatisations.
Donnons un exemple : l’eau, par exemple, qui avant était
essentiellement un bien produit par des régies municipales, gérées
et contrôlées par des autorités publiques, est désormais
privatisée. Vivendi a fait et fait toujours aujourd’hui
une grande partie de sa fortune sur le commerce de l’eau, dont
le prix, soit dit en passant, a augmenté dans des proportions
vertigineuses. Or l’eau - et ça sera d’ailleurs un
débat je pense de ce vingt et unième siècle qui
commence – peut être considérée comme un bien
public. Et donc on peut se poser la question de savoir pourquoi est-ce
qu’on a laissé des groupes privés, dont le seul
objectif est de faire du profit, s’approprier ce qui est un bien
public international.
Pascale Fourier
: Je suis toujours un peu monomaniaque. Tout à l’heure,
on parlait de restauration des profits - c’est bien dans ce but-là
au départ que la mondialisation s’est mise en place. Donc
est-ce qu’effectivement la mondialisation n’était
pas une nécessité ?
Dominique Plihon
: La mondialisation n’était absolument pas une nécessité
de ce point de vue-là, c’est-à-dire que les profits
baissaient, mais ils n’étaient absolument pas catastrophiques.
Simplement, les détenteurs de capital financier se sont dit,
à un moment donné : “ il faut que ces profits arrêtent
de baisser ; nous sommes dans un rapport de forces, international notamment,
qui ne nous est pas très favorable ; il faut inverser la machine
(et c’est ce qui s’est passé…) et créer
un rapport de forces beaucoup plus favorable aux grands groupes multinationaux,
notamment pour qu’ils restaurent leur compétitivité
”. Et aujourd’hui nous sommes dans une situation où
tous les grands groupes - je parlais de Vivendi, mais on peut en citer
bien d’autres - sont des groupes qui réalisent des niveaux
de profits jamais vus ou très peu vus dans l’histoire.
Donc ils ont complètement gagné leur pari. Et aujourd’hui
on peut même dire qu’il y a des surprofits, c’est-à-dire
que les profits vont bien au-delà de ce qui serait, dans un régime
capitaliste, jugé normal pour la rémunération du
capital.
Pascale Fourier
: Quand tout à l’heure vous disiez que la chute des profits
n’était pas catastrophique, je suis un peu étonnée
parce que, au tournant des années … je ne saurais trop
dire … quand j’étais un peu plus jeune disons, on
avait l’air de dire que toutes les entreprises allaient se casser
la figure incessamment sous peu et qu’il fallait absolument tous
bien courber la tête pour essayer d’aider les entreprises
à relever leur taux de profit … enfin … à
aller mieux.
Dominique Plihon
: Il fallait mener des réformes, c’est clair, et en particulier
réfléchir à une nouvelle organisation des entreprises.
Il y avait des raisons à cela, notamment les nouvelles technologies
qui est un élément, je crois, tout à fait important
pour comprendre le nouveau capitalisme et la mondialisation. Avec les
nouvelles technologies dans le domaine de l’informatique, de la
communication, du traitement de l’information, il y avait là
un potentiel, en terme d’organisation des entreprises, tout à
fait intéressant à exploiter, et il était donc
souhaitable de mettre en œuvre ces technologies. Et on sait que
ces nouvelles technologies ne portent leurs fruits que si elles vont
de paire avec une nouvelle organisation des entreprises. Donc il y avait
là un potentiel, comme disent les économistes, un “
gisement ” de productivité important à exploiter.
Donc ceci est tout à fait possible et ça aurait été
possible de le faire sans avoir une mondialisation aussi poussée,
et sans organiser le règne du tout marché dans l’économie,
c’est-à-dire en maintenant une régulation publique
relativement importante.
Ce que je veux dire, c’est que ni la mondialisation, ni d’ailleurs
les nouvelles technologies, ne sont des choses mauvaises en soi. La
question, c’est : qu’est-ce qu’on en fait et au profit
de qui. Et clairement aujourd’hui nous sommes dans un univers
où on a basculé dans une situation où c’est
tout pour le profit, tout pour le marché, tout pour les actionnaires.
Et là, visiblement, on est passé dans un monde qui est
tout à fait inacceptable pour la grande majorité de la
population : 80% de la population mondiale est relativement exclue de
ce nouveau partage des richesses.
Pascale Fourier
: On parlait tout à l’heure de la mondialisation, mais
ce qui m’intéresse toujours dans cette émission,
c’est de voir les incidences sur la vie quasiment pratique des
gens, la vie de tous les jours. Quelles sont les incidences de cette
mondialisation sur la vie quotidienne des gens ?
Dominique Plihon
: Je crois que l’incidence la plus importante est que, désormais,
l’entreprise a pris le pouvoir. C’est l’entreprise
qui régule l’économie, mais bien au-delà,
la société. Ou pour dire les choses un peu différemment,
mais cela revient au même, c’est l’économique
qui a pris le pas sur le politique et qui a pris le pas sur le social.
C’est-à-dire que tout est subordonné aujourd’hui
à la réussite de l’entreprise, à sa capacité
à accumuler des profits ; et tout en découle. Notre vie
de salarié, mais aussi de consommateur, mais aussi de citoyen,
est complètement subordonné aux intérêts
supérieurs de l’entreprise multinationale en particulier.
Pascale Fourier
: Est-ce qu’on peut préciser de façon presque pratique
là aussi qu’est-ce que ça peut … ?
Dominique Plihon
: Eh bien, ce qui concerne tout le monde, c’est la vie de consommateur,
par exemple. On voit bien que tous les produits qui nous sont proposés
sont des produits relativement performants d’ailleurs, sur le
plan technologique - par exemple, les nouveaux produits -, mais tout
est fait pour que nous soyons captifs des entreprises quand nous achetons
un téléphone portable, quand nous prenons un abonnement,
par exemple, pour une chaîne de télévision, etc…
Et une fois que nous sommes captifs, l'entreprise cherche à nous
extorquer le maximum de paiements par l'intermédiaire de cotisations
diverses, etc… , sans d'ailleurs que nous nous en apercevions
tout le temps. Tout est fait pour que le consommateur soit pieds et
poings liés face à l’entreprise.
Pascale Fourier
: C’est même rigolo parce qu’il est un temps où
les personnes qui voyageaient avec la SNCF étaient des usagers,
ce sont devenus des clients – et même chose pour EDF-GDF.
Enfin le citoyen est vu maintenant plutôt comme un consommateur.
On parle d’ailleurs de consommateur-citoyen si je ne me trompe
pas.
Dominique Plihon
: En fait, il y a deux choses qui entrent en ligne de compte. Le client,
ça fait intervenir la notion de “ commercial ”, et
de guerre commerciale que se livrent les entreprises, par exemple la
SNCF par rapport aux compagnies aériennes... Et puis le client,
c’est aussi quelqu’un que l’on voit uniquement comme
un objet de profit. On voit chaque individu comme un objet de profit
sur l’ensemble de sa vie d’ailleurs (on fait des études
de marché dans ce sens) et beaucoup moins comme quelqu’un
qui est un être complexe, qui a un certain nombre de besoins,
pas tous marchands. En quelque sorte “ le client ”, c’est
nous ramener à un objet marchand.
Pascale Fourier
: Si on évoquait les groupes qui s’opposent à la
mondialisation ?
Dominique Plihon
: Je voudrais rectifier les choses ; je crois qu’il ne faut pas
dire que les gens que l’on montre du doigt sont opposés
à la mondialisation ; souvent ce sont des gens qui sont opposés
à la mondialisation actuelle, la mondialisation libérale
qui en fait abouti à la domination des grandes entreprises et
des intérêts financiers. D’autres formes de mondialisation
sont envisageables, mais bien sûr, il faut les construire : c’est
une mondialisation par exemple fondée non pas temps sur la concurrence,
mais fondée davantage sur la solidarité dans laquelle
l’individu est vu comme un tout et on cherche à assurer
son épanouissement plutôt que de le voir comme un objet
de profit.
Et à ce sujet, je crois que le grand danger de la mondialisation
actuelle contre laquelle un certain nombre de groupes, au premier rang
desquels des associations comme Attac - mais bien d’autres dans
le monde -, se battent, c’est la marchandisation. Qu’est-ce
qu’on entend par là ? On entend par là le fait que,
aujourd’hui, tous les espaces de notre vie - que ce soit les espaces
économiques, sociaux, culturels - sont colonisés par les
entreprises qui cherchent à pénétrer tous ces domaines
de notre vie, parfois notre vie personnelle, pour essayer d’en
tirer un profit maximum. Et donc on le voit par exemple - c’est
là où c’est peut-être le plus choquant, et
ça sera vraiment un problème grave pour l’avenir
- pour la marchandisation du vivant, du domaine des biotechnologies.
Et donc là, il y a un danger. Et je pense que nos luttes futures,
à tous en tant que citoyens, devront s’orienter contre
ce danger, ce fléau qui est probablement le fléau le plus
grave de ce début de vingt et unième siècle, c’est
la marchandisation qui est une conséquence directe de la mondialisation,
c’est-à-dire du pouvoir sans partage donné aux grandes
entreprises multinationales.
Pascale Fourier
: Est-ce qu’en France, il y a d’autres organisations qu’Attac
qui luttent contre cette forme de mondialisation ?
Dominique Plihon
: Oui, il y a beaucoup d’associations - qui ont existé
d’ailleurs bien avant Attac -, notamment tournées vers
le développement, car le gros problème dans le monde d’aujourd’hui,
c’est les inégalités dans le monde et la question
du développement. Je disais tout à l’heure que 80%
de la population mondiale est très largement exclue des richesses
qui s’accumulent aujourd’hui. Et donc il y a des associations
comme Agir Ici, le CRDTM, … Aux Etats-Unis aussi il y a des associations
qui critiquent le système actuel, de même il y en a en
Grande Bretagne, en Belgique, en Suisse. Donc je dirai qu’il y
a une pléiade d’associations, Attac étant l’une
des plus récentes.
Pascale Fourier
: Si on veut lutter contre la mondialisation, c’est possible ?
Dominique Plihon
: Pour ma part, je suis relativement optimiste, je l’étais
peut-être moins il y a quelques années. Je crois qu’il
y a une prise de conscience de l’opinion internationale et que
se met en place ce qu’on appelle, peut-être un peu pompeusement,
une société civile internationale. Dans les différents
pays, au Nord comme au Sud, à l’Est comme à l’Ouest
d’ailleurs, des citoyens qui ont pris conscience des problèmes,
s’organisant, réfléchissent ensemble, font des contre-propositions
et s’organisent en contre-pouvoirs, ce dont on a besoin aujourd’hui
- la démocratie est fondée sur l’équilibre
des pouvoirs et c’est ce qu’on a perdu à cause de
la montée en puissance des entreprises et du capitalisme en général,
et de la mondialisation. Il faut organiser des contre-pouvoirs, les
ONG étant un des éléments de ce contre-pouvoir
nécessaire.
Pascale Fourier
: Est-ce qu’il y a actuellement une alternative construite à
la mondialisation libérale ou est-ce qu’on en est encore
à des pistes de recherche … ?
Dominique Plihon
: C’est entre les deux. Il y a un modèle pour employer
un mot un peu abstrait qui porte un nom, qui s’appelle le modèle
du développement durable ou de l’éco-développement,
qui est quelque chose qui a été élaboré
progressivement depuis les années 80 dans le cadre des Nations-Unies.
Les Nations-Unies, donc organisation internationale, cherchent à
promouvoir un certain nombre d’objectifs à la fois sociaux
et écologiques, et ont construit un modèle, c’est-à-dire
une conception du monde, dans laquelle on cherche à rétablir
les équilibres écologiques - parce que si les choses continuent
dans le domaine écologique comme maintenant, eh bien le monde
va à sa perte, les générations futures n’auront
plus d’écosystème (viable) -, et également
dans le domaine social, les deux étant liés, pour supprimer
les inégalités qui se sont gravement aggravés ces
dernières années.
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