Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION DU 2 AOUT 2001

Qu'est-ce que la mondialisation ?

Avec Dominique Plihon, professeur d'économie à l'Université Paris-Nord, membre du Conseil scientifique d'Attac

 

Pascale Fourier : Eh oui, Dominique Plihon, nous nous connaissons depuis un certain temps et vous savez que je m'intéresse à l'économie: je lis les journaux, j'écoute la radio, je regarde la télévision, mais parfois je ne comprends pas tout. Il faut dire que le langage des économistes est parfois un peu obscur et les incidences des décisions économiques quelque peu hermétiques. Alors vous avez accepté de venir répondre à mes questions, des questions la plupart du temps candides et je vous remercie par avance de vouloir y répondre. Vous êtes professeur d’économie à Paris-Nord, et vous allez publier en Octobre un livre qui s'appellera Le nouveau Capitalisme, et vous avez également participé à de nombreux livres sur la finance mondiale. Alors la première question, le premier point qui m'interroge plus que tout, ça concerne la mondialisation. Moi, ce que j'ai lu, ce que j'ai écouté, c'est que c'était finalement un point d'aboutissement inéluctable de l'évolution économique. Dès lors, je comprends difficilement, parfois, pourquoi un certain nombre de personnes s'y oppose.


Dominique Plihon : Il faudrait peut-être revenir quelques instants sur le terme "mondialisation". Quand on parle de mondialisation, on fait allusion à trois phénomènes :
-la mondialisation des échanges commerciaux (les échanges de biens et de services à travers le monde),
-la mondialisation des capitaux (c'est-à-dire le fait que l'argent peut circuler avec une grande facilité aujourd'hui à travers le monde, dans tous les pays),
-et enfin le développement mondial croissant des grandes firmes, celles que l'on appelle les multinationales.


Pascale Fourier : Oui, on a certes une définition, mais est-ce que c'est comme je l'entends dire le point d'aboutissement inéluctable de l'évolution économique.


Dominique Plihon : Non, cette évolution n’est pas naturelle. En fait, la mondialisation – quand je dis mondialisation, je parle de la mondialisation actuelle qui est la mondialisation libérale, je m’en expliquerai plus tard – et bien cette mondialisation là est le fruit de décisions politiques, de choix idéologiques mus par des interêts économiques bien précis.


Pascale Fourier : Oui, c’est-à-dire … ?


Dominique Plihon : La mondialisation libérale, on peut la dater de la fin des années 70, au moment où le capitalisme était en crise. Le capitalisme était en crise parce que :
- il y avait une chûte des taux de profit des entreprises,
- il y avait de l’inflation, qui a été exacerbé par les chocs pétroliers de 1974 et de 1979,
- et il y avait un partage des richesses dans l’économie qui était relativement favorable aux salariés qui, à l’époque, étaient dans une position de rapport de force relativement en leur faveur.
Tout ceci, évidemment, ne plaisait pas vraiment aux grandes entreprises.


Pascale Fourier : Mais quand vous dites que la mondialisation est la suite d’un choix politique qui répondait à des difficultés, à la limite c’est bien que cela ce soit passé comme cela. C’est une nécessité, disons, effectivement.


Dominique Plihon : Il y avait besoin d’assainir l’Economie qui, effectivement, connaissait des problèmes graves en terme de croissance ralentie, d’inflation. Mais, en fait, ce qui c’est passé c’est que ce sont les détenteurs de capitaux qui voyaient la rentabilité de leurs investissements baisser qui ont fait pression pour redresser la situation.


Pascale Fourier : En bref, ils ont fait comment ?


Dominique Plihon : Au tournant des années 70, il y a eu un sommet de ce que l’on appelle le G7, groupe des 7 principaux pays industrialisés, dominé par les Etats-Unis de Reagan et la Grande Bretagne de Thatcher. L’idée était de briser le rapport de force qui avait été favorable aux salariés jusqu’ici, pour restaurer l’avantage aux détenteurs de capitaux. Et en fait derrière tout cela , il y a une approche idéologique que nous appelons le néo-libéralisme. C’est-à-dire qu’il faut faire reculer absolument l’emprise de l’état, des syndicats également, des salariés en général, parce que du point de vue des entrepreneurs, des grandes entreprises en particulier, tout ces intérêts sociaux, économiques de l’état et des salariés brisaient la liberté des entreprises.
Et donc, on a décider de prendre des mesures :
- Il fallait restaurer la concurrence,
- Il fallait libéraliser les mouvements de capitaux, donc supprimer le contrôle des capitaux,
- Il fallait libéraliser le commerce, supprimer les barrières douanières, par exemple,
- Il fallait de manière générale faire reculer l’emprise des Etats, par exemple en faisant baisser les impôts, moins d’impôt, moins de prélèvements obligatoires, privatiser les entreprises - rendre les entreprises donc au privé - , d’une manière générale réduire l’ensemble des services publics …


Pascale Fourier : C’est quoi les bienfaits qui sont attendus de cela ?


Dominique Plihon : L’idéologie libérale nous dit que, à partir du moment où le marché règne en maître dans l’économie, à partir du moment où les intérêts individuels sont ceux qui priment sur les intérêts collectifs, on aboutit à un ordre dans lequel la somme des intérêts individuels permet – j’emploie un mot d’économie – de maximiser l’intérêt collectif. Ca c’est l’idéologie libérale.


Pascale Fourier : Et donc vous êtes en train de dire que les politiques – y compris les politiques de gauche – ont fait le choix d’une idéologie libérale.


Dominique Plihon : Tout-à-fait, c’est un gouvernement de gauche, au cour des années 80, qui a été le champion de ce tournant.


Pascale Fourier : Peut-être pouvez-vous donner une date plus précise ?


Dominique Plihon : La gauche est arrivée au pouvoir en France en 1981. A partir de 1983, il y a eu un tournant qu’on a appelé le tournant Mauroy 2 de la rigueur. Et, en suite, le gouvernement français, pris dans les accords internationaux, notamment au niveau européen avec la mise en place du marché unique des capitaux à partir de 1990, a pris un certain nombre de mesures de libéralisation pour continuer la politique qui était menée par nos voisins.


Pascale Fourier : Des hommes de gauche qui font une politique libérale …


Dominique Plihon : Oui, je crois que le capitalisme est extrêmement intelligent, et en fait les capitalistes sont très contents de trouver des hommes de gauche qui sont en mesure de faire passer des idées qui sont typiquement des idées libérales, et, quelque soit la couleur politique des différents gouvernements qui se sont succédés depuis les années 80, il n’y a pas eu de changement notable de politique dans ce domaine. Donc la couleur de politique des gouvernements a peu d’importance, ce qui veut dire qu’il y a des forces économiques et financières supérieures au pouvoir politique des gouvernements.


Pascale Fourier : Dominique Plihon, finalement, je n’ai pas très bien compris en quoi la mondialisation permettait une restauration des profits des entreprises.


Dominique Plihon : Je dirai qu’il y a deux idées à retenir à ce sujet-là qui me semblent importantes. C’est premièrement que la mondialisation, c’est le recul de l’Etat, donc le fait de donner aux entreprises plus d’importance, plus de libertés pour faire ce qu’elles veulent, en quelque sorte, et donc ce qu’elles veulent, par exemple, dans les politiques salariales. On organise une situation dans laquelle le rapport de force devient nettement plus favorable aux patrons, par rapport aux salariés et aux organisations syndicales, donc la maîtrise des coûts salariaux, principale charge pour les entreprises, est rendue beaucoup plus facile. L’Etat recule dans son rôle de régulateur et laisse le champ libre aux entreprises.


Pascale Fourier : Est-ce que vous pouvez préciser en quoi le rapport de forces s’est inversé à cause de la mondialisation ?


Dominique Plihon : Le rapport de forces s’est inversé pour plusieurs raisons. Peut-être faut-il revenir dans la période antérieure. Dans la période antérieure, il y avait trois grands partenaires dans l’économie :
- il y avait l’Etat,
- il y avait les salariés et les organisations syndicales qui les représentent,
- et il y avait les entreprises .
L’Etat était là pour réguler, pour créer une situation d’équilibre, soit par la loi, soit par des interventions directes entre les salariés et les entreprises - notamment réguler ce qu’on appelle le rapport capital/travail. L’Etat reculant et décidant de laisser la main aux entreprises, celles-ci ont occupé le terrain et ont pris désormais un ascendant plus grand sur les salariés, les organisations syndicales qui n’avaient plus en quelque sorte la protection ou l’aide de l’Etat pour créer un rapport de forces à peu près équilibré.


Pascale Fourier : Ca se manifeste comment ? Par la mise en concurrence internationale des salariés entre eux par exemple ?


Dominique Plihon : La mondialisation, c’est effectivement aussi une autre chose, c’est l’ouverture des frontières. Et, à partir du moment où l’on ouvre les frontières, il y a un impératif qui devient majeur, c’est la compétitivité - c’est-à-dire de produire moins cher et de meilleure qualité que les concurrents. Cette compétitivité, imposée par la mondialisation, a été utilisée par les entreprises comme un argument pour peser sur les coûts salariaux, pour remettre en cause un certain nombre d’avantages sociaux qui coûtaient aux entreprises, et donc la mondialisation, de ce point de vue-là est un instrument extraordinaire, un argument tout à fait puissant aux mains des entreprises face aux salariés.
Alors … l’autre raison. Je veux répondre aussi à la question de tout à l’heure. J’avais dit qu’il y avait deux raisons pour lesquelles la mondialisation et les nouvelles politiques mises en place par les pouvoirs publics favorisent l’entreprise. Il y a une autre raison qui est la suivante : dans la mesure où l’Etat recule, il va donner un espace plus grand aux entreprises qui vont désormais coloniser d’autres espaces de l’économie, de la société ... et c’est notamment les privatisations. Donnons un exemple : l’eau, par exemple, qui avant était essentiellement un bien produit par des régies municipales, gérées et contrôlées par des autorités publiques, est désormais privatisée. Vivendi a fait et fait toujours aujourd’hui une grande partie de sa fortune sur le commerce de l’eau, dont le prix, soit dit en passant, a augmenté dans des proportions vertigineuses. Or l’eau - et ça sera d’ailleurs un débat je pense de ce vingt et unième siècle qui commence – peut être considérée comme un bien public. Et donc on peut se poser la question de savoir pourquoi est-ce qu’on a laissé des groupes privés, dont le seul objectif est de faire du profit, s’approprier ce qui est un bien public international.


Pascale Fourier : Je suis toujours un peu monomaniaque. Tout à l’heure, on parlait de restauration des profits - c’est bien dans ce but-là au départ que la mondialisation s’est mise en place. Donc est-ce qu’effectivement la mondialisation n’était pas une nécessité ?


Dominique Plihon : La mondialisation n’était absolument pas une nécessité de ce point de vue-là, c’est-à-dire que les profits baissaient, mais ils n’étaient absolument pas catastrophiques. Simplement, les détenteurs de capital financier se sont dit, à un moment donné : “ il faut que ces profits arrêtent de baisser ; nous sommes dans un rapport de forces, international notamment, qui ne nous est pas très favorable ; il faut inverser la machine (et c’est ce qui s’est passé…) et créer un rapport de forces beaucoup plus favorable aux grands groupes multinationaux, notamment pour qu’ils restaurent leur compétitivité ”. Et aujourd’hui nous sommes dans une situation où tous les grands groupes - je parlais de Vivendi, mais on peut en citer bien d’autres - sont des groupes qui réalisent des niveaux de profits jamais vus ou très peu vus dans l’histoire. Donc ils ont complètement gagné leur pari. Et aujourd’hui on peut même dire qu’il y a des surprofits, c’est-à-dire que les profits vont bien au-delà de ce qui serait, dans un régime capitaliste, jugé normal pour la rémunération du capital.


Pascale Fourier : Quand tout à l’heure vous disiez que la chute des profits n’était pas catastrophique, je suis un peu étonnée parce que, au tournant des années … je ne saurais trop dire … quand j’étais un peu plus jeune disons, on avait l’air de dire que toutes les entreprises allaient se casser la figure incessamment sous peu et qu’il fallait absolument tous bien courber la tête pour essayer d’aider les entreprises à relever leur taux de profit … enfin … à aller mieux.


Dominique Plihon : Il fallait mener des réformes, c’est clair, et en particulier réfléchir à une nouvelle organisation des entreprises. Il y avait des raisons à cela, notamment les nouvelles technologies qui est un élément, je crois, tout à fait important pour comprendre le nouveau capitalisme et la mondialisation. Avec les nouvelles technologies dans le domaine de l’informatique, de la communication, du traitement de l’information, il y avait là un potentiel, en terme d’organisation des entreprises, tout à fait intéressant à exploiter, et il était donc souhaitable de mettre en œuvre ces technologies. Et on sait que ces nouvelles technologies ne portent leurs fruits que si elles vont de paire avec une nouvelle organisation des entreprises. Donc il y avait là un potentiel, comme disent les économistes, un “ gisement ” de productivité important à exploiter. Donc ceci est tout à fait possible et ça aurait été possible de le faire sans avoir une mondialisation aussi poussée, et sans organiser le règne du tout marché dans l’économie, c’est-à-dire en maintenant une régulation publique relativement importante.
Ce que je veux dire, c’est que ni la mondialisation, ni d’ailleurs les nouvelles technologies, ne sont des choses mauvaises en soi. La question, c’est : qu’est-ce qu’on en fait et au profit de qui. Et clairement aujourd’hui nous sommes dans un univers où on a basculé dans une situation où c’est tout pour le profit, tout pour le marché, tout pour les actionnaires. Et là, visiblement, on est passé dans un monde qui est tout à fait inacceptable pour la grande majorité de la population : 80% de la population mondiale est relativement exclue de ce nouveau partage des richesses.


Pascale Fourier : On parlait tout à l’heure de la mondialisation, mais ce qui m’intéresse toujours dans cette émission, c’est de voir les incidences sur la vie quasiment pratique des gens, la vie de tous les jours. Quelles sont les incidences de cette mondialisation sur la vie quotidienne des gens ?


Dominique Plihon : Je crois que l’incidence la plus importante est que, désormais, l’entreprise a pris le pouvoir. C’est l’entreprise qui régule l’économie, mais bien au-delà, la société. Ou pour dire les choses un peu différemment, mais cela revient au même, c’est l’économique qui a pris le pas sur le politique et qui a pris le pas sur le social. C’est-à-dire que tout est subordonné aujourd’hui à la réussite de l’entreprise, à sa capacité à accumuler des profits ; et tout en découle. Notre vie de salarié, mais aussi de consommateur, mais aussi de citoyen, est complètement subordonné aux intérêts supérieurs de l’entreprise multinationale en particulier.


Pascale Fourier : Est-ce qu’on peut préciser de façon presque pratique là aussi qu’est-ce que ça peut … ?


Dominique Plihon : Eh bien, ce qui concerne tout le monde, c’est la vie de consommateur, par exemple. On voit bien que tous les produits qui nous sont proposés sont des produits relativement performants d’ailleurs, sur le plan technologique - par exemple, les nouveaux produits -, mais tout est fait pour que nous soyons captifs des entreprises quand nous achetons un téléphone portable, quand nous prenons un abonnement, par exemple, pour une chaîne de télévision, etc… Et une fois que nous sommes captifs, l'entreprise cherche à nous extorquer le maximum de paiements par l'intermédiaire de cotisations diverses, etc… , sans d'ailleurs que nous nous en apercevions tout le temps. Tout est fait pour que le consommateur soit pieds et poings liés face à l’entreprise.


Pascale Fourier : C’est même rigolo parce qu’il est un temps où les personnes qui voyageaient avec la SNCF étaient des usagers, ce sont devenus des clients – et même chose pour EDF-GDF. Enfin le citoyen est vu maintenant plutôt comme un consommateur. On parle d’ailleurs de consommateur-citoyen si je ne me trompe pas.


Dominique Plihon : En fait, il y a deux choses qui entrent en ligne de compte. Le client, ça fait intervenir la notion de “ commercial ”, et de guerre commerciale que se livrent les entreprises, par exemple la SNCF par rapport aux compagnies aériennes... Et puis le client, c’est aussi quelqu’un que l’on voit uniquement comme un objet de profit. On voit chaque individu comme un objet de profit sur l’ensemble de sa vie d’ailleurs (on fait des études de marché dans ce sens) et beaucoup moins comme quelqu’un qui est un être complexe, qui a un certain nombre de besoins, pas tous marchands. En quelque sorte “ le client ”, c’est nous ramener à un objet marchand.


Pascale Fourier : Si on évoquait les groupes qui s’opposent à la mondialisation ?


Dominique Plihon : Je voudrais rectifier les choses ; je crois qu’il ne faut pas dire que les gens que l’on montre du doigt sont opposés à la mondialisation ; souvent ce sont des gens qui sont opposés à la mondialisation actuelle, la mondialisation libérale qui en fait abouti à la domination des grandes entreprises et des intérêts financiers. D’autres formes de mondialisation sont envisageables, mais bien sûr, il faut les construire : c’est une mondialisation par exemple fondée non pas temps sur la concurrence, mais fondée davantage sur la solidarité dans laquelle l’individu est vu comme un tout et on cherche à assurer son épanouissement plutôt que de le voir comme un objet de profit.
Et à ce sujet, je crois que le grand danger de la mondialisation actuelle contre laquelle un certain nombre de groupes, au premier rang desquels des associations comme Attac - mais bien d’autres dans le monde -, se battent, c’est la marchandisation. Qu’est-ce qu’on entend par là ? On entend par là le fait que, aujourd’hui, tous les espaces de notre vie - que ce soit les espaces économiques, sociaux, culturels - sont colonisés par les entreprises qui cherchent à pénétrer tous ces domaines de notre vie, parfois notre vie personnelle, pour essayer d’en tirer un profit maximum. Et donc on le voit par exemple - c’est là où c’est peut-être le plus choquant, et ça sera vraiment un problème grave pour l’avenir - pour la marchandisation du vivant, du domaine des biotechnologies. Et donc là, il y a un danger. Et je pense que nos luttes futures, à tous en tant que citoyens, devront s’orienter contre ce danger, ce fléau qui est probablement le fléau le plus grave de ce début de vingt et unième siècle, c’est la marchandisation qui est une conséquence directe de la mondialisation, c’est-à-dire du pouvoir sans partage donné aux grandes entreprises multinationales.


Pascale Fourier : Est-ce qu’en France, il y a d’autres organisations qu’Attac qui luttent contre cette forme de mondialisation ?


Dominique Plihon : Oui, il y a beaucoup d’associations - qui ont existé d’ailleurs bien avant Attac -, notamment tournées vers le développement, car le gros problème dans le monde d’aujourd’hui, c’est les inégalités dans le monde et la question du développement. Je disais tout à l’heure que 80% de la population mondiale est très largement exclue des richesses qui s’accumulent aujourd’hui. Et donc il y a des associations comme Agir Ici, le CRDTM, … Aux Etats-Unis aussi il y a des associations qui critiquent le système actuel, de même il y en a en Grande Bretagne, en Belgique, en Suisse. Donc je dirai qu’il y a une pléiade d’associations, Attac étant l’une des plus récentes.


Pascale Fourier : Si on veut lutter contre la mondialisation, c’est possible ?


Dominique Plihon : Pour ma part, je suis relativement optimiste, je l’étais peut-être moins il y a quelques années. Je crois qu’il y a une prise de conscience de l’opinion internationale et que se met en place ce qu’on appelle, peut-être un peu pompeusement, une société civile internationale. Dans les différents pays, au Nord comme au Sud, à l’Est comme à l’Ouest d’ailleurs, des citoyens qui ont pris conscience des problèmes, s’organisant, réfléchissent ensemble, font des contre-propositions et s’organisent en contre-pouvoirs, ce dont on a besoin aujourd’hui - la démocratie est fondée sur l’équilibre des pouvoirs et c’est ce qu’on a perdu à cause de la montée en puissance des entreprises et du capitalisme en général, et de la mondialisation. Il faut organiser des contre-pouvoirs, les ONG étant un des éléments de ce contre-pouvoir nécessaire.


Pascale Fourier : Est-ce qu’il y a actuellement une alternative construite à la mondialisation libérale ou est-ce qu’on en est encore à des pistes de recherche … ?


Dominique Plihon : C’est entre les deux. Il y a un modèle pour employer un mot un peu abstrait qui porte un nom, qui s’appelle le modèle du développement durable ou de l’éco-développement, qui est quelque chose qui a été élaboré progressivement depuis les années 80 dans le cadre des Nations-Unies. Les Nations-Unies, donc organisation internationale, cherchent à promouvoir un certain nombre d’objectifs à la fois sociaux et écologiques, et ont construit un modèle, c’est-à-dire une conception du monde, dans laquelle on cherche à rétablir les équilibres écologiques - parce que si les choses continuent dans le domaine écologique comme maintenant, eh bien le monde va à sa perte, les générations futures n’auront plus d’écosystème (viable) -, et également dans le domaine social, les deux étant liés, pour supprimer les inégalités qui se sont gravement aggravés ces dernières années.

 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 2 Août 2001 sur AligreFM. Merci d'avance.