Pascale
Fourier : J’ai été étonnée
ces derniers temps en lisant les journaux et en écoutant la radio
car un certain M.Stieglietz, ancien président de la Banque Mondiale,
critiquait le Fond monétaire dans un livre qui a eu un grand
succès et qui s’appelle la grande désillusion. Il
y dénonce les politiques libérales. Je voulais y voir
plus clair et je suis allée voir Dominique Plihon que l’on
a déjà écouté plusieurs fois. Je voulais
comprendre ce qu’étaient la Banque Mondiale et le FMI et
pourquoi on pouvait éventuellement les critiquer. Voici ses explications.
Dominique Plihon
: Le Fond monétaire et la Banque Mondiale sont deux institutions
internationales créées au lendemain de la guerre en 1944
par les accords de Breton Woods, au moment où les alliés
vainqueurs se sont réunis pour essayer de créer un nouvel
ordre monétaire international. Il ne faut pas oublier l’entre-deux-guerres
(1918 – 1939) est une période qui avait été
très troublée par les crises monétaires, par une
grande instabilité monétaire et financière, qui
ne sont pas sans relation avec la Seconde guerre mondiale. Les alliés
ont donc éprouvé le besoin au lendemain de la guerre de
reconstruire cet ordre monétaire et de se doter d’institutions
chargées de gouverner comme on dirait aujourd’hui ce nouvel
ordre monétaire.
Le Fond monétaire a pour fonction principale de s’occuper
de la stabilité du système monétaire internationale.
Au lendemain de la guerre, on avait institué un système
de change fixe. Il fallait donc que les taux de change soient stables.
Les gouvernements devaient veiller à l’équilibre
de leur balance des payements et contrôler aussi les capitaux.
Il faut comprendre que, à l’époque, on était
favorable au contrôle des capitaux.
La Banque Mondiale s’appelle en réalité la «
Banque mondiale de la reconstruction et du développement »
et était plutôt chargée, comme son nom l’indique,
de la reconstruction de l’après-guerre puisque des pays
avaient été dévastés, l’Europe et
le Japon en particulier, ainsi que du développement des pays
« en voie de développement ». Ces deux fonctions,
l’une de stabilité est assurée par le FMI et la
deuxième de développement des pays en voie de développement
est assurée par la Banque Mondiale.
Pascale Fourier
: Cela semble un peu étonnant alors que l’on fasse des
reproches au FMI et à la Banque Mondiale puisqu’ils avaient
au départ un pouvoir stabilisateur ?
Dominique Plihon
: On peut dire qu’au départ, ces deux institutions ont
joué assez bien leur rôle. Le Fond monétaire a contribué
certainement, avec d’autres mécanismes, à la stabilité
du système monétaire international. Mais le système,
dit de Breton Woods, créé en 1944, a implosé dans
les années 1970. On a abandonné, par exemple, les régimes
de changes fixes, on est passé au flottement des monnaies et
on a connu une grande instabilité des monnaies depuis cette période-là.
Pascale Fourier
: Qu’est-ce que le flottement des monnaies ?
Dominique Plihon
: Le flottement des monnaies est le fait que leur valeur les unes par
rapport aux autres, ce que l’on appelle le taux de change, n’est
plus stabilisée à un cours précis. On le laisse
flotter en fonction de l’offre et de la demande sur le marché.
Pascale Fourier
: Qui avait pris cette décision, c’était l’ensemble
du FMI ?
Dominique Plihon
: Non, justement, c’est une décision qui a été
prise d’abord par les Etats-Unis, qui était le pays dominant
au lendemain de la guerre et qui l’est toujours. Ils ont voulu
laisser flotter le dollar parce qu’ils ne voulaient plus défendre
leur monnaie contre d’autres monnaies comme le franc, le deutschemark
ou le yen. On a donc considéré que c’était
préférable de laisser flotter les monnaies. Une des raisons
de tout cela, c’est qu’il y a d’abord une spéculation
qui s’est développée contre le dollar, qui à
une époque était une monnaie assez contestée. Cette
spéculation s’est aussi développée parce
qu’on a laissé se développer les mouvements internationaux
de capitaux à une très grande échelle et les spéculateurs
ont pris un poids qu’ils n’avaient absolument pas au lendemain
de la guerre. Ils étaient du coup en mesure d’attaquer
les monnaies et de les faire bouger, de les chahuter considérablement.
C’est pour cela que l’on avait des variations très
fortes des monnaies.
Pascale Fourier
: A partir de quel moment ces deux institutions sont-elles devenus critiquables
?
Dominique Plihon
: On peut dire que depuis le début, il y a eu une sorte de dérive
progressive. Elles ont dévié progressivement de leur objectif
initial, surtout le Fond monétaire qui n’a pas été
en mesure de respecter ce qui était, à mon avis, le pacte
initial : la mise en place d’instruments pour contrôler
les mouvements de capitaux et stabiliser les monnaies. Ces objectifs-là
ont été progressivement abandonnés.
Ces institutions sont devenues de plus en plus le bras armé,
l’instrument aux mains des pays riches pour imposer aux pays en
voie de développement des règles de plus en plus strictes.
Quelles sont ces règles ? D’abord la libéralisation,
donc ouverture de ces économies aux mouvements internationaux
de capitaux et d’autre part, leur imposer des réformes
très dures, ce que l’on appelle des plans d’ajustement
structurel du FMI. C’est-à-dire des politiques de rigueur
et d’austérité budgétaires très fortes
pour les obliger à retrouver une plus grande stabilité.
Pascale Fourier
: Cela veut dire moins d’écoles, moins de santé
?
Dominique Plihon
: C’est là qu’il y a une contradiction fondamentale
qui est au cœur du problème. D’un coté, le
FMI imposait des politiques qui aboutissaient à réduire
en particulier les dépenses publiques pour équilibrer
les budgets. Moins de dépenses publiques dans un pays en voie
de développement, c’est moins de dépenses d’éducation,
moins de dépenses de santé, moins de dépenses pour
irriguer des infrastructures pour l’agriculture. C’est s’opposer
au développement. Ces deux grands objectifs valables de l’après-guerre,
la stabilité et le développement, assez bien gérés
conjointement au début, sont devenus antinomiques. Le FMI, en
imposant ces politiques de stabilité a imposé en fait
aux pays des politiques qui ont nui à leur développement.
Aujourd’hui, si l’on fait un grand bon en avant et que l’on
regarde des pays qui sont en crise comme l’Argentine, c’est
cela qui se passe. Ces pays ont été en grande partie victimes
de ces politiques de libéralisation et de rigueur imposées
par le FMI à travers les plans d’ajustement structurel
qui les ont déstabilisés et qui ont fait d’eux des
pays aujourd’hui malades.
Pascale Fourier
: On peut dire alors comme Stieglitz que le FMI est critiquable mais
est-ce que la Banque Mondiale est exempt de critiques ?
Dominique Plihon
: Non, pas du tout. On peut faire deux critiques majeures à ces
institutions que Stieglitz fait également dans son livre. La
première est qu’elles sont devenues inefficaces, elles
ne remplissent pas leur rôle parce qu’elles s’appuient
sur une doctrine économique complètement inadaptée
et perverse : le libéralisme. C’est-à-dire le laisser-faire,
le pouvoir des marchés qui est sans limite et le recul des autorités
publiques et donc de la régulation publique. Du coup, cette espèce
de dogmatisme du FMI et de la Banque Mondiale explique l’inefficacité
de leur politique. Stieglitz le dit lui-même également,
si le FMI et la Banque Mondiale défendent le libéralisme,
c’est parce qu’ils sont au service des multinationales.
Le libéralisme, c’est la doctrine qui est la plus favorable
aux intérêts des multinationales, c’est le laisser-faire.
C’est le libre change, on ouvre les frontières à
ces multinationales qui ne demandent que cela.
La deuxième critique que l’on peut faire au FMI et à
la Banque Mondiale, c’est de dire que se sont des institutions
non démocratiques parce qu’elles sont dominées par
les pays riches. Une règle majeure de ces deux institutions est
1 dollar = 1 voix. C’est l’expression que l’on emploie.
C’est-à-dire que ce sont les principaux actionnaires de
ces institutions qui sont les grands pays industrialisés, les
Etats-Unis mais également les pays européens comme la
France, l’Allemagne, l’Italie et aussi le Japon sont les
maîtres, en quelque sorte, de ces institutions. Mais ce sont surtout
les Etats-Unis qui ont la mainmise sur ces organisations. Par exemple,
les droits de vote se font en fonction du poids du pays dans le capital
de l’institution, c’est pour cela que je disais 1 dollar
= 1 voix. Or, les Etats-Unis ont 17% des voies, et lorsque l’on
a plus de 15% des voies, on a un droit de veto. Les Etats-Unis sont
donc en mesure de bloquer toute décision qui ne leur plairait
pas. Ils ont un contrôle de facto sur ces institutions et les
dominent totalement.
Pascale Fourier
: Quelles sont les propositions que fait Attac pour changer, réguler,
réformer la Banque Mondiale et le FMI, considérés
par l’association comme le fer de lance de la mondialisation libérale
?
Dominique Plihon
: Nous visons en effet très particulièrement ces deux
institutions ainsi que l’OMC, l’Organisation mondiale du
commerce. Ce n’est pas le sujet aujourd’hui mais Ce sont
les trois grandes institutions qui dominent le monde au niveau international.
Des institutions qui sont intergouvernementales. Elles ne sont pas supranationales
au sens où elles n’ont pas une autonomie, une force supérieure
à celle des Etats. Elles sont très largement le fruit
d’accords internationaux et ce sont les principales puissances
qui les dominent, c'est-à-dire les Etats-Unis, l’Europe
et le Japon, que l’on appelle la Triade.
On fait souvent la critique à Attac de démolir et de critiquer
mais jamais de proposer. Je vais montrer là que nous avons des
propositions très précises en ce qui concerne ces institutions
financières internationales comme on en a d’ailleurs pour
l’OMC. Nos propositions sont de deux ordres. D’abord, des
propositions concernant les politiques du FMI et de la Banque Mondiale
puis, un deuxième niveau de propositions concernant le fonctionnement.
La première proposition concernant la politique est l’annulation
de la dette. Nous pensons qu’il est prioritaire dans les politiques
des institutions financières internationales d’annuler
la dette des pays, en particulier des pays les plus pauvres. Ces pays
sont étranglés aujourd’hui par la dette et c’est
un frein à leur propre développement. C’est même
un facteur de sous-développement car les charges du remboursement
de cette dette, les intérêts sont tellement lourds qu’ils
empêchent les pays d’investir dans des domaines prioritaires
pour le développement comme l’éducation ou la santé
par exemple. Il y a donc la quelque chose de choquant et de prioritaire.
C’est choquant parce que cette dette pèse sur ces pays-là
alors que les populations n’en sont absolument pas responsables.
En effet, d’un coté, les banques des pays riches imposent
des conditions d’endettement au départ très avantageuses
pour les pays, qui rapportent en fait beaucoup d’argent à
ces banques. Et d’autre part, c’est fait dans des pays pas
toujours très démocratiques malheureusement, qui, quelques
fois, détournent ces fonds, ou les utilisent de manière
tout à fait inefficace. Nos propositions concernant l’annulation
de la dette ne sont pas propre à Attac. Il y a un grand nombre
d’institutions notamment dans le mouvement « jubilé
2000 » qui a porté ces propositions-là, que nous
reprenons totalement à notre compte.
Le premier point est d’organiser une conférence internationale
où les pays créanciers et les pays débiteurs se
réuniraient, négocieraient. Un certain nombre de principes,
comme la co-responsabilité, serait proposé car il n’y
a pas que les pays débiteurs qui sont responsables, il y a aussi
les pays créanciers qui ont poussé ces pays à s’endetter.
La co-responsabilité est également d’aller les vrais
responsables de l’accumulation de la dette. Par exemple, les dictateurs.
Certains pays se sont enrichis sur le dos de leur population. Voila
pour le premier point sur l’annulation de la dette.
Parmi les autres mesures que nous proposons, il y a l’abandon
des plans d’ajustement structurel. On a vu tout à l’heure
que ces plans d’ajustement structurel, qui mettent l’accent
sur la stabilité, conduisent à des mesures qui sont un
frein au développement. Ils empêchent que les pays continuent
d’investir dans les infrastructures, dans des dépenses
d’infrastructures publiques de santé, d’éducation.
L’idée est d’arrêter ce type de politique qui
est un frein au développement, de renoncer à ces doctrines
d’ajustement structurel.
Ensuite, l’autre idée est de trouver des formes de financement
(car ces pays ont biens sur besoin de financements) qui leur sont adaptées.
Il y en a plusieurs que nous mettons en avant : d’abord le financement
par les taxes, nous sommes partisans de la Taxe Tobin qui est une taxe
sur les transactions de changes, cela pour abonder un Fond mondiale
de développement qui serait distinct de la Banque mondiale, qui
serait plutôt rattaché dans notre esprit aux Nations Unies,
régi par des règles comme 1 Etat = 1 voix, et non pas
1 dollar = 1 voix comme à la Banque mondiale. Cela nous paraît
un peu plus démocratique.
Notre idée est donc d’avoir des formes de financement nouvelles.
Il y a donc les taxes, mais aussi le développement de l’Aide
publique au développement, l’APD. Il y a des engagements
qui ont été pris par les pays les plus riches qui n’ont
pas été respectés, engagement qui était
d’augmenter leur investissement jusqu’à 0,7% de leur
Produit intérieur brut. On est aux environs de 0,3% maximum actuellement.
Il y a donc là un manque de respect des engagements.
Enfin, inventer des formes de prêts qui soient adaptés
aux pays en voie de développement ce qui n’est pas difficile.
Par exemple des prêts à taux très réduit,
voir des taux 0% et avec les conditions suivantes : si un pays s’endette
dans le cadre de ses prêts et qu’il n’arrive pas à
rembourser parce que le projet de développement et d’investissement
qu’il a mené à bien n’a pas eu la rentabilité
attendue, ce pays serait à ce moment-là exonéré
totalement ou partiellement du remboursement de ces dettes, de manière
à ce qu’il ne soit pas étranglé par ces dettes.
Voila donc un autre axe de politique que nous préconisons pour
faciliter le développement des pays. Et puis, dernière
série de mesures qui peuvent être mettre en avant, qui
seraient un changement radical par rapport aux politiques qui ont été
menées par le FMI et la Banque mondiale : redonner aux pays qui
le souhaitent la possibilité de réintroduire un contrôle
des capitaux, de se protéger contre les mouvements internationaux
de capitaux de nature spéculative, et donc de redevenir maître
chez eux de leurs finances en quelques sorte, ce qui n’est absolument
pas le cas aujourd’hui.
Ce n’est pas le cas aujourd’hui parce que le FMI comme la
communauté financière internationale (le FMI étant
un peu le bras séculier de cette communauté financière,
c'est-à-dire des investisseurs, des Etats les plus riches etc.)
imposent au contraire aux pays de se libéraliser et de s’ouvrir
en permanence. Nous pensons qu’il faut faire le contraire, leur
donner la possibilité de se protéger. Toutes ces mesures-là
seraient un changement radical par rapport aux pratiques antérieures.
Pascale Fourier
: Mais sur la dernière mesure, on pourrait vous rétorquer
que vous êtes des sortes de diplodocus qui datent de Mathusalem
en voulant réimposer des barrières ?
Dominique Plihon
: Nous ne pensons pas que ce soit une régression. Au contraire,
on pense que la régression a été la libéralisation
sauvage imposée aux pays qui n’étaient absolument
pas préparés à s’ouvrir. Nous pensons que
ce n’est pas revenir à Mathusalem que de réintroduire
des instruments qui ont fait leur preuve. On a vu des pays comme le
Chili, la Malaisie taxer les mouvements de capitaux, introduire la réglementation
des changes et se protéger ainsi contre la spéculation
internationale. Nous pensons donc que se sont des mesures qui sont techniquement
faisable et tout à fait efficace comme on l’a montré.
Pour nous, ce n’est pas du tout revenir à l’archaïsme
mais au contraire, revenir à des formes de financement qui ont
fait leurs preuves dans un certain nombre de pays. La France a été
financé en partie après la guerre par des prêts
aux taux d’intérêt bas. Eh bien pourquoi ne pas permettre
à ces pays-là, aujourd’hui en voie de développement,
de se financer dans les conditions que nous avons connues ? Nous avons
bénéficié du plan Marshall au lendemain de la guerre
pour nous reconstruire. Pourquoi ne pas avoir une aide publique massive
qui aiderait ces pays à décoller, à se développer
selon leur propre volonté, leurs propres objectifs.
Parce que là aussi se pose une question philosophique : chaque
pays doit choisir son modèle de développement. Aujourd’hui
nous imposons, nous pays riches, pays du Nord, un modèle de développement
productiviste avec une accumulation de richesses incroyable alors que
les pays africains, par exemple, ont des valeurs sociales, culturelles,
éthiques complètement différentes. Laissons-les
se développer selon leurs propres normes, selon leurs propres
objectifs et ne leur imposons pas notre modèle. On ne peut pas
atteindre un changement politique de ces institutions, avec les objectifs
que j’indiquais à l’instant, sans qu’elles
ne soient réformées elles-mêmes dans leur fonctionnement.
Il y a deux ou trois pistes pour les réformer que nous avons
avancé : la première réforme et peut-être
la plus importante est de démocratiser ces institutions. Cela
signifie avoir un équilibre qui n’existe pas aujourd’hui
entre les pays du Nord et du Sud, entre les pays créanciers et
les pays débiteurs, entre les pays riches et les pays pauvres,
de manière à ce que, dans les instances dirigeantes, les
voix des différents pays, des différentes régions
du monde, puissent exprimer, et éventuellement, s’opposer
à des mesures qui seraient contraire à leurs intérêts.
Ce n’est absolument pas le cas aujourd’hui puisque ce sont
les Etats-Unis, l’Europe et le Japon qui décident. La démocratie,
cela veut dire également que les populations locales doivent
pouvoir avoir un contrôle sur les mesures qui sont prisent par
ces organisations localement.
Par exemple, si le FMI impose un plan, il faut que les populations aient
la possibilité, par voie de référendum par exemple,
de s’exprimer et de dire, par exemple, qu’elles ne sont
pas d’accord. Elles peuvent éventuellement faire des contre-propositions
pour aider un pays à sortir d’une crise quand c’est
le cas. On peut imaginer ce genre de chose dans le cas de l’Argentine.
Cela fait donc partie du mode de fonctionnement.
On a aussi une autre idée : rattacher le FMI et la Banque Mondiale
aux Nations Unies. Cela s’inscrit dans une réflexion plus
large que nous avons sur l’ensemble des organisations internationales.
Nous pensons qu’il doit y avoir une hiérarchie dans ces
organisations. Aujourd’hui, ce sont le FMI et la Banque Mondiale
qui sont au sommet de la pyramide. Nous pensons au contraire qu’elles
devraient être en bas de la pyramide. Au-dessus de la pyramide
devraient être des organisations comme l’OIT qui s’occupe
du travail, du droit des travailleurs, comme l’Unesco qui s’occupe
de la culture, comme la FAO qui s’occupe de l’agriculture.
Nous pensons que, dans ce domaines-là, il a une priorité
et une supériorité de ces organisations au regard des
valeurs qu’elles défendent. Nous pensons que le droit au
travail, par exemple, mais aussi le droit à la culture défendu
par l’Unesco sont des valeurs fondamentales et sont au-dessus
du droit à échanger des marchandises défendu par
l’OMC ou du droit à se financer qui est le droit des investisseurs
défendu par le FMI. Nous pensons donc qu’en mettant le
FMI et la Banque Mondiale sous la coupe des Nations Unies, on arriverait
à rétablir un équilibre dans le fonctionnement
de l’économie mondiale.
Pascale Fourier
: Est-ce inscrit dans le droit que le FMI et la Banque Mondiale sont
au-dessus des autres grandes institutions internationales ?
Dominique Plihon
: Il n’y a pas de règle écrite qui indiquerait que
le FMI et la Banque Mondiale sont au-dessus de l’OIT. Mais dans
la pratique et la réalité, les choses se passent ainsi.
Parce que nous sommes rentrés dans un monde dans lequel la finance,
le commerce international sont devenus les vecteurs de la globalisation,
le moteur de la globalisation.
Pour être plus précis, ce sont les multinationales qui
vendent des services et des biens à travers le monde, comme l’industrie
pharmaceutique, les nouvelles technologies, l’informatique, etc.
Ce sont aussi les banquiers et les investisseurs qui sont vraiment les
acteurs dominant de la globalisation actuelle. Comme le FMI et la Banque
Mondiale défendent les intérêts de ces acteurs privés,
ces institutions ont donc un poids tout à fait considérable.
C’est la même chose pour l’OMC. L’OMC a pris
un poids tout à fait considérable parce qu’elle
défend les intérêts des vendeurs de canons, des
vendeurs de marchandises, de services, etc.
Alors comment faire pour renverser cette pyramide, pour faire en sorte
que ces institutions se retrouvent en bas de la pyramide et qu’elles
n’aient plus cette prééminence qu’elles ont
actuellement ? L’une des voies que nous proposons avec d’autres
est de réfléchir à un ordre internationale où
on donnerait beaucoup plus de poids au respect du droit international,
aux traités internationaux. Il faut savoir que la charte des
Nations Unies a été signée par la quasi-totalité
des Etats. Cette charte reprend elle-même la déclaration
des droit de l’Homme. Donc ces traités, qui sont supérieurs,
qui ont une valeur universelle, devraient être appliqués.
Ils serviraient à des instances juridictionnelles internationales
de recours, pour pouvoir attaquer en justice les multinationales, les
banques, voire le FMI et la Banque Mondiale qui, dans leur politique,
ne respectent pas la hiérarchie des normes et notamment les droits
fondamentaux des travailleurs. Quand on voit que les plans d’ajustement
structurel du FMI jettent à la rue les travailleurs qui sont
licenciés ou bien ferment des écoles, nous avons là
un motif pour attaquer le FMI et la Banque Mondiale en disant : vous
menez des politiques qui sont contraire aux droits fondamentaux.
A partir du moment où l’on aurait ces moyens de recours
au niveau international, on aurait un levier très intéressant
pour obliger ces organisations à se soumettre au droit international.
Elles retomberaient à ce moment-là au niveau qui doit
être le leur, c'est-à-dire à un niveau subalterne
par rapport aux organisations qui défendent les droits fondamentaux.
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