Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION DU 4 OCTOBRE 2002

Qu'est-ce que le FMI et la banque mondiale ?

Avec Dominique Plihon, Professeur d'économie à l'Université Paris-Nord, Président du Conseil scientifique d'Attac

 

Pascale Fourier : J’ai été étonnée ces derniers temps en lisant les journaux et en écoutant la radio car un certain M.Stieglietz, ancien président de la Banque Mondiale, critiquait le Fond monétaire dans un livre qui a eu un grand succès et qui s’appelle la grande désillusion. Il y dénonce les politiques libérales. Je voulais y voir plus clair et je suis allée voir Dominique Plihon que l’on a déjà écouté plusieurs fois. Je voulais comprendre ce qu’étaient la Banque Mondiale et le FMI et pourquoi on pouvait éventuellement les critiquer. Voici ses explications.


Dominique Plihon : Le Fond monétaire et la Banque Mondiale sont deux institutions internationales créées au lendemain de la guerre en 1944 par les accords de Breton Woods, au moment où les alliés vainqueurs se sont réunis pour essayer de créer un nouvel ordre monétaire international. Il ne faut pas oublier l’entre-deux-guerres (1918 – 1939) est une période qui avait été très troublée par les crises monétaires, par une grande instabilité monétaire et financière, qui ne sont pas sans relation avec la Seconde guerre mondiale. Les alliés ont donc éprouvé le besoin au lendemain de la guerre de reconstruire cet ordre monétaire et de se doter d’institutions chargées de gouverner comme on dirait aujourd’hui ce nouvel ordre monétaire.
Le Fond monétaire a pour fonction principale de s’occuper de la stabilité du système monétaire internationale. Au lendemain de la guerre, on avait institué un système de change fixe. Il fallait donc que les taux de change soient stables. Les gouvernements devaient veiller à l’équilibre de leur balance des payements et contrôler aussi les capitaux. Il faut comprendre que, à l’époque, on était favorable au contrôle des capitaux.
La Banque Mondiale s’appelle en réalité la « Banque mondiale de la reconstruction et du développement » et était plutôt chargée, comme son nom l’indique, de la reconstruction de l’après-guerre puisque des pays avaient été dévastés, l’Europe et le Japon en particulier, ainsi que du développement des pays « en voie de développement ». Ces deux fonctions, l’une de stabilité est assurée par le FMI et la deuxième de développement des pays en voie de développement est assurée par la Banque Mondiale.


Pascale Fourier : Cela semble un peu étonnant alors que l’on fasse des reproches au FMI et à la Banque Mondiale puisqu’ils avaient au départ un pouvoir stabilisateur ?


Dominique Plihon : On peut dire qu’au départ, ces deux institutions ont joué assez bien leur rôle. Le Fond monétaire a contribué certainement, avec d’autres mécanismes, à la stabilité du système monétaire international. Mais le système, dit de Breton Woods, créé en 1944, a implosé dans les années 1970. On a abandonné, par exemple, les régimes de changes fixes, on est passé au flottement des monnaies et on a connu une grande instabilité des monnaies depuis cette période-là.


Pascale Fourier : Qu’est-ce que le flottement des monnaies ?


Dominique Plihon : Le flottement des monnaies est le fait que leur valeur les unes par rapport aux autres, ce que l’on appelle le taux de change, n’est plus stabilisée à un cours précis. On le laisse flotter en fonction de l’offre et de la demande sur le marché.


Pascale Fourier : Qui avait pris cette décision, c’était l’ensemble du FMI ?


Dominique Plihon : Non, justement, c’est une décision qui a été prise d’abord par les Etats-Unis, qui était le pays dominant au lendemain de la guerre et qui l’est toujours. Ils ont voulu laisser flotter le dollar parce qu’ils ne voulaient plus défendre leur monnaie contre d’autres monnaies comme le franc, le deutschemark ou le yen. On a donc considéré que c’était préférable de laisser flotter les monnaies. Une des raisons de tout cela, c’est qu’il y a d’abord une spéculation qui s’est développée contre le dollar, qui à une époque était une monnaie assez contestée. Cette spéculation s’est aussi développée parce qu’on a laissé se développer les mouvements internationaux de capitaux à une très grande échelle et les spéculateurs ont pris un poids qu’ils n’avaient absolument pas au lendemain de la guerre. Ils étaient du coup en mesure d’attaquer les monnaies et de les faire bouger, de les chahuter considérablement. C’est pour cela que l’on avait des variations très fortes des monnaies.


Pascale Fourier : A partir de quel moment ces deux institutions sont-elles devenus critiquables ?


Dominique Plihon : On peut dire que depuis le début, il y a eu une sorte de dérive progressive. Elles ont dévié progressivement de leur objectif initial, surtout le Fond monétaire qui n’a pas été en mesure de respecter ce qui était, à mon avis, le pacte initial : la mise en place d’instruments pour contrôler les mouvements de capitaux et stabiliser les monnaies. Ces objectifs-là ont été progressivement abandonnés.
Ces institutions sont devenues de plus en plus le bras armé, l’instrument aux mains des pays riches pour imposer aux pays en voie de développement des règles de plus en plus strictes. Quelles sont ces règles ? D’abord la libéralisation, donc ouverture de ces économies aux mouvements internationaux de capitaux et d’autre part, leur imposer des réformes très dures, ce que l’on appelle des plans d’ajustement structurel du FMI. C’est-à-dire des politiques de rigueur et d’austérité budgétaires très fortes pour les obliger à retrouver une plus grande stabilité.


Pascale Fourier : Cela veut dire moins d’écoles, moins de santé ?


Dominique Plihon : C’est là qu’il y a une contradiction fondamentale qui est au cœur du problème. D’un coté, le FMI imposait des politiques qui aboutissaient à réduire en particulier les dépenses publiques pour équilibrer les budgets. Moins de dépenses publiques dans un pays en voie de développement, c’est moins de dépenses d’éducation, moins de dépenses de santé, moins de dépenses pour irriguer des infrastructures pour l’agriculture. C’est s’opposer au développement. Ces deux grands objectifs valables de l’après-guerre, la stabilité et le développement, assez bien gérés conjointement au début, sont devenus antinomiques. Le FMI, en imposant ces politiques de stabilité a imposé en fait aux pays des politiques qui ont nui à leur développement. Aujourd’hui, si l’on fait un grand bon en avant et que l’on regarde des pays qui sont en crise comme l’Argentine, c’est cela qui se passe. Ces pays ont été en grande partie victimes de ces politiques de libéralisation et de rigueur imposées par le FMI à travers les plans d’ajustement structurel qui les ont déstabilisés et qui ont fait d’eux des pays aujourd’hui malades.


Pascale Fourier : On peut dire alors comme Stieglitz que le FMI est critiquable mais est-ce que la Banque Mondiale est exempt de critiques ?


Dominique Plihon : Non, pas du tout. On peut faire deux critiques majeures à ces institutions que Stieglitz fait également dans son livre. La première est qu’elles sont devenues inefficaces, elles ne remplissent pas leur rôle parce qu’elles s’appuient sur une doctrine économique complètement inadaptée et perverse : le libéralisme. C’est-à-dire le laisser-faire, le pouvoir des marchés qui est sans limite et le recul des autorités publiques et donc de la régulation publique. Du coup, cette espèce de dogmatisme du FMI et de la Banque Mondiale explique l’inefficacité de leur politique. Stieglitz le dit lui-même également, si le FMI et la Banque Mondiale défendent le libéralisme, c’est parce qu’ils sont au service des multinationales. Le libéralisme, c’est la doctrine qui est la plus favorable aux intérêts des multinationales, c’est le laisser-faire. C’est le libre change, on ouvre les frontières à ces multinationales qui ne demandent que cela.
La deuxième critique que l’on peut faire au FMI et à la Banque Mondiale, c’est de dire que se sont des institutions non démocratiques parce qu’elles sont dominées par les pays riches. Une règle majeure de ces deux institutions est 1 dollar = 1 voix. C’est l’expression que l’on emploie. C’est-à-dire que ce sont les principaux actionnaires de ces institutions qui sont les grands pays industrialisés, les Etats-Unis mais également les pays européens comme la France, l’Allemagne, l’Italie et aussi le Japon sont les maîtres, en quelque sorte, de ces institutions. Mais ce sont surtout les Etats-Unis qui ont la mainmise sur ces organisations. Par exemple, les droits de vote se font en fonction du poids du pays dans le capital de l’institution, c’est pour cela que je disais 1 dollar = 1 voix. Or, les Etats-Unis ont 17% des voies, et lorsque l’on a plus de 15% des voies, on a un droit de veto. Les Etats-Unis sont donc en mesure de bloquer toute décision qui ne leur plairait pas. Ils ont un contrôle de facto sur ces institutions et les dominent totalement.


Pascale Fourier : Quelles sont les propositions que fait Attac pour changer, réguler, réformer la Banque Mondiale et le FMI, considérés par l’association comme le fer de lance de la mondialisation libérale ?


Dominique Plihon : Nous visons en effet très particulièrement ces deux institutions ainsi que l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce. Ce n’est pas le sujet aujourd’hui mais Ce sont les trois grandes institutions qui dominent le monde au niveau international. Des institutions qui sont intergouvernementales. Elles ne sont pas supranationales au sens où elles n’ont pas une autonomie, une force supérieure à celle des Etats. Elles sont très largement le fruit d’accords internationaux et ce sont les principales puissances qui les dominent, c'est-à-dire les Etats-Unis, l’Europe et le Japon, que l’on appelle la Triade.
On fait souvent la critique à Attac de démolir et de critiquer mais jamais de proposer. Je vais montrer là que nous avons des propositions très précises en ce qui concerne ces institutions financières internationales comme on en a d’ailleurs pour l’OMC. Nos propositions sont de deux ordres. D’abord, des propositions concernant les politiques du FMI et de la Banque Mondiale puis, un deuxième niveau de propositions concernant le fonctionnement.
La première proposition concernant la politique est l’annulation de la dette. Nous pensons qu’il est prioritaire dans les politiques des institutions financières internationales d’annuler la dette des pays, en particulier des pays les plus pauvres. Ces pays sont étranglés aujourd’hui par la dette et c’est un frein à leur propre développement. C’est même un facteur de sous-développement car les charges du remboursement de cette dette, les intérêts sont tellement lourds qu’ils empêchent les pays d’investir dans des domaines prioritaires pour le développement comme l’éducation ou la santé par exemple. Il y a donc la quelque chose de choquant et de prioritaire.
C’est choquant parce que cette dette pèse sur ces pays-là alors que les populations n’en sont absolument pas responsables. En effet, d’un coté, les banques des pays riches imposent des conditions d’endettement au départ très avantageuses pour les pays, qui rapportent en fait beaucoup d’argent à ces banques. Et d’autre part, c’est fait dans des pays pas toujours très démocratiques malheureusement, qui, quelques fois, détournent ces fonds, ou les utilisent de manière tout à fait inefficace. Nos propositions concernant l’annulation de la dette ne sont pas propre à Attac. Il y a un grand nombre d’institutions notamment dans le mouvement « jubilé 2000 » qui a porté ces propositions-là, que nous reprenons totalement à notre compte.
Le premier point est d’organiser une conférence internationale où les pays créanciers et les pays débiteurs se réuniraient, négocieraient. Un certain nombre de principes, comme la co-responsabilité, serait proposé car il n’y a pas que les pays débiteurs qui sont responsables, il y a aussi les pays créanciers qui ont poussé ces pays à s’endetter. La co-responsabilité est également d’aller les vrais responsables de l’accumulation de la dette. Par exemple, les dictateurs. Certains pays se sont enrichis sur le dos de leur population. Voila pour le premier point sur l’annulation de la dette.
Parmi les autres mesures que nous proposons, il y a l’abandon des plans d’ajustement structurel. On a vu tout à l’heure que ces plans d’ajustement structurel, qui mettent l’accent sur la stabilité, conduisent à des mesures qui sont un frein au développement. Ils empêchent que les pays continuent d’investir dans les infrastructures, dans des dépenses d’infrastructures publiques de santé, d’éducation. L’idée est d’arrêter ce type de politique qui est un frein au développement, de renoncer à ces doctrines d’ajustement structurel.
Ensuite, l’autre idée est de trouver des formes de financement (car ces pays ont biens sur besoin de financements) qui leur sont adaptées. Il y en a plusieurs que nous mettons en avant : d’abord le financement par les taxes, nous sommes partisans de la Taxe Tobin qui est une taxe sur les transactions de changes, cela pour abonder un Fond mondiale de développement qui serait distinct de la Banque mondiale, qui serait plutôt rattaché dans notre esprit aux Nations Unies, régi par des règles comme 1 Etat = 1 voix, et non pas 1 dollar = 1 voix comme à la Banque mondiale. Cela nous paraît un peu plus démocratique.
Notre idée est donc d’avoir des formes de financement nouvelles. Il y a donc les taxes, mais aussi le développement de l’Aide publique au développement, l’APD. Il y a des engagements qui ont été pris par les pays les plus riches qui n’ont pas été respectés, engagement qui était d’augmenter leur investissement jusqu’à 0,7% de leur Produit intérieur brut. On est aux environs de 0,3% maximum actuellement. Il y a donc là un manque de respect des engagements.
Enfin, inventer des formes de prêts qui soient adaptés aux pays en voie de développement ce qui n’est pas difficile. Par exemple des prêts à taux très réduit, voir des taux 0% et avec les conditions suivantes : si un pays s’endette dans le cadre de ses prêts et qu’il n’arrive pas à rembourser parce que le projet de développement et d’investissement qu’il a mené à bien n’a pas eu la rentabilité attendue, ce pays serait à ce moment-là exonéré totalement ou partiellement du remboursement de ces dettes, de manière à ce qu’il ne soit pas étranglé par ces dettes.
Voila donc un autre axe de politique que nous préconisons pour faciliter le développement des pays. Et puis, dernière série de mesures qui peuvent être mettre en avant, qui seraient un changement radical par rapport aux politiques qui ont été menées par le FMI et la Banque mondiale : redonner aux pays qui le souhaitent la possibilité de réintroduire un contrôle des capitaux, de se protéger contre les mouvements internationaux de capitaux de nature spéculative, et donc de redevenir maître chez eux de leurs finances en quelques sorte, ce qui n’est absolument pas le cas aujourd’hui.
Ce n’est pas le cas aujourd’hui parce que le FMI comme la communauté financière internationale (le FMI étant un peu le bras séculier de cette communauté financière, c'est-à-dire des investisseurs, des Etats les plus riches etc.) imposent au contraire aux pays de se libéraliser et de s’ouvrir en permanence. Nous pensons qu’il faut faire le contraire, leur donner la possibilité de se protéger. Toutes ces mesures-là seraient un changement radical par rapport aux pratiques antérieures.


Pascale Fourier : Mais sur la dernière mesure, on pourrait vous rétorquer que vous êtes des sortes de diplodocus qui datent de Mathusalem en voulant réimposer des barrières ?


Dominique Plihon : Nous ne pensons pas que ce soit une régression. Au contraire, on pense que la régression a été la libéralisation sauvage imposée aux pays qui n’étaient absolument pas préparés à s’ouvrir. Nous pensons que ce n’est pas revenir à Mathusalem que de réintroduire des instruments qui ont fait leur preuve. On a vu des pays comme le Chili, la Malaisie taxer les mouvements de capitaux, introduire la réglementation des changes et se protéger ainsi contre la spéculation internationale. Nous pensons donc que se sont des mesures qui sont techniquement faisable et tout à fait efficace comme on l’a montré.
Pour nous, ce n’est pas du tout revenir à l’archaïsme mais au contraire, revenir à des formes de financement qui ont fait leurs preuves dans un certain nombre de pays. La France a été financé en partie après la guerre par des prêts aux taux d’intérêt bas. Eh bien pourquoi ne pas permettre à ces pays-là, aujourd’hui en voie de développement, de se financer dans les conditions que nous avons connues ? Nous avons bénéficié du plan Marshall au lendemain de la guerre pour nous reconstruire. Pourquoi ne pas avoir une aide publique massive qui aiderait ces pays à décoller, à se développer selon leur propre volonté, leurs propres objectifs.
Parce que là aussi se pose une question philosophique : chaque pays doit choisir son modèle de développement. Aujourd’hui nous imposons, nous pays riches, pays du Nord, un modèle de développement productiviste avec une accumulation de richesses incroyable alors que les pays africains, par exemple, ont des valeurs sociales, culturelles, éthiques complètement différentes. Laissons-les se développer selon leurs propres normes, selon leurs propres objectifs et ne leur imposons pas notre modèle. On ne peut pas atteindre un changement politique de ces institutions, avec les objectifs que j’indiquais à l’instant, sans qu’elles ne soient réformées elles-mêmes dans leur fonctionnement.
Il y a deux ou trois pistes pour les réformer que nous avons avancé : la première réforme et peut-être la plus importante est de démocratiser ces institutions. Cela signifie avoir un équilibre qui n’existe pas aujourd’hui entre les pays du Nord et du Sud, entre les pays créanciers et les pays débiteurs, entre les pays riches et les pays pauvres, de manière à ce que, dans les instances dirigeantes, les voix des différents pays, des différentes régions du monde, puissent exprimer, et éventuellement, s’opposer à des mesures qui seraient contraire à leurs intérêts. Ce n’est absolument pas le cas aujourd’hui puisque ce sont les Etats-Unis, l’Europe et le Japon qui décident. La démocratie, cela veut dire également que les populations locales doivent pouvoir avoir un contrôle sur les mesures qui sont prisent par ces organisations localement.
Par exemple, si le FMI impose un plan, il faut que les populations aient la possibilité, par voie de référendum par exemple, de s’exprimer et de dire, par exemple, qu’elles ne sont pas d’accord. Elles peuvent éventuellement faire des contre-propositions pour aider un pays à sortir d’une crise quand c’est le cas. On peut imaginer ce genre de chose dans le cas de l’Argentine. Cela fait donc partie du mode de fonctionnement.
On a aussi une autre idée : rattacher le FMI et la Banque Mondiale aux Nations Unies. Cela s’inscrit dans une réflexion plus large que nous avons sur l’ensemble des organisations internationales. Nous pensons qu’il doit y avoir une hiérarchie dans ces organisations. Aujourd’hui, ce sont le FMI et la Banque Mondiale qui sont au sommet de la pyramide. Nous pensons au contraire qu’elles devraient être en bas de la pyramide. Au-dessus de la pyramide devraient être des organisations comme l’OIT qui s’occupe du travail, du droit des travailleurs, comme l’Unesco qui s’occupe de la culture, comme la FAO qui s’occupe de l’agriculture. Nous pensons que, dans ce domaines-là, il a une priorité et une supériorité de ces organisations au regard des valeurs qu’elles défendent. Nous pensons que le droit au travail, par exemple, mais aussi le droit à la culture défendu par l’Unesco sont des valeurs fondamentales et sont au-dessus du droit à échanger des marchandises défendu par l’OMC ou du droit à se financer qui est le droit des investisseurs défendu par le FMI. Nous pensons donc qu’en mettant le FMI et la Banque Mondiale sous la coupe des Nations Unies, on arriverait à rétablir un équilibre dans le fonctionnement de l’économie mondiale.


Pascale Fourier : Est-ce inscrit dans le droit que le FMI et la Banque Mondiale sont au-dessus des autres grandes institutions internationales ?


Dominique Plihon : Il n’y a pas de règle écrite qui indiquerait que le FMI et la Banque Mondiale sont au-dessus de l’OIT. Mais dans la pratique et la réalité, les choses se passent ainsi. Parce que nous sommes rentrés dans un monde dans lequel la finance, le commerce international sont devenus les vecteurs de la globalisation, le moteur de la globalisation.
Pour être plus précis, ce sont les multinationales qui vendent des services et des biens à travers le monde, comme l’industrie pharmaceutique, les nouvelles technologies, l’informatique, etc. Ce sont aussi les banquiers et les investisseurs qui sont vraiment les acteurs dominant de la globalisation actuelle. Comme le FMI et la Banque Mondiale défendent les intérêts de ces acteurs privés, ces institutions ont donc un poids tout à fait considérable. C’est la même chose pour l’OMC. L’OMC a pris un poids tout à fait considérable parce qu’elle défend les intérêts des vendeurs de canons, des vendeurs de marchandises, de services, etc.
Alors comment faire pour renverser cette pyramide, pour faire en sorte que ces institutions se retrouvent en bas de la pyramide et qu’elles n’aient plus cette prééminence qu’elles ont actuellement ? L’une des voies que nous proposons avec d’autres est de réfléchir à un ordre internationale où on donnerait beaucoup plus de poids au respect du droit international, aux traités internationaux. Il faut savoir que la charte des Nations Unies a été signée par la quasi-totalité des Etats. Cette charte reprend elle-même la déclaration des droit de l’Homme. Donc ces traités, qui sont supérieurs, qui ont une valeur universelle, devraient être appliqués. Ils serviraient à des instances juridictionnelles internationales de recours, pour pouvoir attaquer en justice les multinationales, les banques, voire le FMI et la Banque Mondiale qui, dans leur politique, ne respectent pas la hiérarchie des normes et notamment les droits fondamentaux des travailleurs. Quand on voit que les plans d’ajustement structurel du FMI jettent à la rue les travailleurs qui sont licenciés ou bien ferment des écoles, nous avons là un motif pour attaquer le FMI et la Banque Mondiale en disant : vous menez des politiques qui sont contraire aux droits fondamentaux.
A partir du moment où l’on aurait ces moyens de recours au niveau international, on aurait un levier très intéressant pour obliger ces organisations à se soumettre au droit international. Elles retomberaient à ce moment-là au niveau qui doit être le leur, c'est-à-dire à un niveau subalterne par rapport aux organisations qui défendent les droits fondamentaux.

 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 4 Octobre 2002 sur AligreFM. Merci d'avance.