Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne
EMISSION DU 12 AVRIL
2005
Non au Traité Constitutionnel 2/2 …
Avec Yves Salesse
, Co-président de la fondation Copernic |
Pascale Fourier : Et notre invité aujourd’hui : Yves Salesse : : Yves Salesse.. Pascale Fourier : Qui est coprésident de la Fondation Copernic qui est à l’initiative de l’appel des 200 pour un non de gauche à la constitution européenne. Donc après Jacques Généreux et avant Jacques Nikonoff, nous recevons donc Yves Salesse, qui est aussi l’auteur du Manifeste pour une autre Europe aux Editions du Félin. Alors, en réalité moi ces derniers temps, j’ai mes amis qui me disent : « Ce que je voudrais, c’est pas que tu me donnes des argumentaires pour le non, ou pour le oui, mais que tu me parles de la Constitution de façon neutre ». Est-ce que c’est possible, cette affaire-là ? Yves Salesse : A un premier niveau, c’est sans doute possible. Moi, je suis juriste... C’est mon métier de lire des textes constitutionnels, ou de lois, et même de les écrire. Donc il y a effectivement, il devrait il y avoir la possibilité de discuter sur ce qui est effectivement écrit dans ce texte. Le problème, c’est que c’est impossible avec les partisans du Oui, parce que ce qui est tout à fait remarquable chaque fois que je les écoute, c’est qu’il ne parlent pas du texte. Ils sont à un niveau de généralité, sur l’Europe, l’Europe de la solidarité, l’Europe du modèle social européen, l’Europe de la paix…, mais ils refusent de rentrer précisément dans la rédaction du texte. C’est pour une raison à mon avis simple, c’est qu'il y a un détournement de l’idéal européen: cette construction européenne, telle qu’elle est conduite aujourd’hui, ne correspond absolument pas à ce qu' on peut espérer de la construction de l’Europe.
Je pense que nous reviendrons sur l’ensemble de ces points, mais ils apparaissent de façon très limpide à la lecture du texte du traité constitutionnel et c’est pourquoi les partisans du Oui ne veulent pas avoir ce débat. Et d’ailleurs, je profite de l’occasion pour dire qu’il est devenu quasiment impossible d’avoir un débat contradictoire. J’ai proposé à toutes sortes de responsables du Oui d’avoir de tels débats et ils se trouvent empêchés, ils se défilent systématiquement Pascale Fourier : Justement si on rentre plus dans le détail, les partisans du traité constitutionnel disent : « Mais c’est très bien, ce traité permet plus de démocratie!! ». Alors qu’en est-il quand on regarde vraiment dans le texte ? Yves Salesse : Non seulement je crois qu’il ne permet pas plus de démocratie, mais je crois qu' il sanctionne, s’il est adopté, un affaissement de la démocratie. Quand ils parlent de plus de démocratie, ils ne font référence qu’au fonctionnement des institutions. Nous en reparlerons.
Pascale Fourier : : Là, il y a un petit quelque chose que je ne comprends pas, puisque quand je parle avec les gens autour de moi, ils me disent : « Oui, mais tu comprends, il faut voter oui parce qu' il faut aller de l’avant.... Ca, c’est une nécessité absolue! Et puis d’un autre coté, l’Europe sociale, -c’est du moins ce que disent les socialistes-, on pourra la faire après, il n'y a aucun problème ».... Yves Salesse : Alors c’est effectivement ce qu’on entend assez souvent : « Il faut aller de l’avant »... Mais aller de l’avant, ça ne veut rien dire! On veut aller de l’avant vers quoi ? C’est ça la question! Les partisans du Oui, et c’est un vieux piège qui commence à être usé jusqu‘à la corde, ont toujours voulu nous enfermer dans un débat : pour ou contre l’Europe. Alors évidemment ils se trouvent gênés quand ils ont affaire à des opposants et des partisans du Non, qui disent Non au nom de la construction d’une autre Europe. Non pas au nom du repli national, mais au nom de la construction d’une autre europe. Ils ne veulent pas du débat, qui est le seul vrai débat, qui n’est pas : pour ou contre l’Europe, mais : l’Europe pour faire quoi ? L’Europe dans quel sens ? Avancer, avancer dans quelle direction ?
Et j’arrive à la deuxième question.... Dans le domaine social un encadrement extrêmement strict. Je note au passage que « allons-y et puis on fera l’Europe sociale après », c’est déjà ce qu’on nous a dit, ce que Delors avait dit de l’Acte Unique, qui a été le grand moment d’accélération de libéralisation européenne; c’est ce qui a été dit au moment de Maastricht. Ca ne se fait pas, ça ne se fait pas et ça se fera encore moins cette fois-ci!! Pour deux raisons. La première, c’est qu’il y a dans ce texte comme je l’ai dit, un encadrement extrêmement strict qui n’empêche pas toute mesure sociale, heureusement, mais qui les limite et qui les encadre de façon extrêmement sourcilleuse. Je prenais l’exemple tout à l’heure de la politique de l’emploi, parce que c’est certainement le premier sujet pour l’ensemble des peuples européens. Est-ce que cette Europe est capable de lutter contre le chômage ? Quand on lit le chapitre sur l’emploi, qu’est ce qu’il est dit ? Le chapitre de la politique de l’emploi, dont on ne sait pas très bien comment elle se décide d’ailleurs, doit respecter les grandes orientations économiques... Or les grandes orientations économiques doivent respecter le principe de l’économie ouverte de marché où la concurrence est libre. Donc on a déjà un encadrement très clair en amont. Et puis en aval, il est dit que la politique de l’emploi a pour objectifs notamment le fait que le marché du travail soit capable de réagir rapidement aux évolutions économiques. Si on décode, on sait très bien ce que ça veut dire: c’est la revendication patronale de la flexibilité du marché du travail, et de désosser le code du travail, faciliter les licenciements etc etc. Donc y compris lorsqu’on nous présente comme une grande victoire le fait d’avoir écrit « plein emploi », -ce qui aussi d’ailleurs disparaît dans le reste du texte-...On dit : « tend vers une amélioration de »... Peu importe... même « plein emploi »... Seillière prétend défendre le plein emploi; il prétend défendre le plein emploi en disant que l’essentiel des chômeurs sont des gens qui ne veulent pas travailler, et lui il a sa logique, il a sa stratégie pour l’emploi, c’est justement casser le code du travail, permettre les licenciements… Et on retrouve ça. On retrouve ça, c’est inscrit, c’est ça les objectifs. Quand on prend la politique sociale... La politique sociale doit se faire majoritairement par l’évolution du marché... C’est le marché lui-même qui va réaliser l’harmonisation sociale. Ensuite on a le fait que la politique sociale ne doit pas gêner la création et le développement des petites et moyennes entreprises, c’est-à-dire on retrouve là aussi une vieille revendication patronale : pas de réglementations gênantes.... Et puis ensuite du point de vue de la prise de décisions, on voit qu’en ce qui concerne la politique sociale, pour une part il est explicitement dit qu’il ne peux pas y avoir d’harmonisation des règles, donc il n’y a pas de rapprochement, et pour ce qui est de l’énoncé d’un certain nombre de minima sociaux, pour la plupart d’entre eux, ils doivent être pris à l’unanimité, et ça, nous avons l’expérience: depuis 50 ans, il y a toujours un gouvernement qui s’y oppose. Donc ça, c’est ce qui est dans le texte. Et puis, j’ai dit, en second lieu, il y a le
contexte.
Pascale Fourier : Justement, est-ce que ce traité à terme est révisable ? Il y a des foires d’empoigne là-dessus... Yves
Salesse :
Il est révisable. Il est révisable, mais comme dans sa
forme ça n’est pas une constitution. Ca n’est pas
une constitution dans sa forme: j’ai dit que ça aura la
force d’une constitution par son contenu, par ce qui est prévu
à l’article 6 de la première partie, c’est-à-dire
qu' il prédominera sur l’ensemble des droits nationaux
et évidemment il s’imposera aux institutions européennes.
Mais dans la forme, c’est un traité international, cela
veut dire qu’il n’est révisable qu’à
l’unanimité des Etats; donc on retrouve cette question
de l’unanimité. Evidement l’unanimité à
25, c’est beaucoup plus difficile que l’unanimité
à 15, qui était beaucoup plus difficile que l’unanimité
à 6. Donc il y aura des révisions, ça je n’en
ai aucun doute, mais il n’y aura pas des révisions sur
ces questions essentielles pour nous qui sont sortir tout le corpus
libéral qui est inscrit dans ce texte, et sortir les Services
Publics de l’emprise des règles de la concurrence et au
contraire donner les moyens d’un développement des services
publics, y compris de services publics européens, et troisièmement
faire de la politique sociale un pilier de la construction européenne.
Pascale Fourier : Et est-ce que finalement on peut penser que ce 29 mai pourrait être une date historique... Est-ce que c’est un vote historique ? Yves
Salesse :
Moi, je crois que c’est le vote le plus important de toute la
période à venir, plus important que les prochaines présidentielles
et les prochaines européennes, parce que le poids de l’encadrement
européen sur y compris les politiques nationales est tel que
c’est absolument décisif! Pascale Fourier :Eh oui c’était donc des Sous et des Hommes avec Yves Salesse, que je remercie vivement d’être venu. Je vous rappelle qu’il a publié un livre qui s’appelle : Manifeste pour une autre Europe, aux éditions le Félin, et qui a l’avantage d’être à un prix modique, puisqu’il ne coûte que 10.5 euros. Avant, il avait publié un libre que j’avais beaucoup beaucoup apprécié, qui s’appelle : Réforme et révolution, c’était aux éditions Agone. A la semaine prochaine!
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Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 12 Avril 2005 sur AligreFM. Merci d'avance. |