Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION DU 30 JANVIER 2004

Chômage : entre indemnisation et assistance 1/2

Avec Claire Villiers, Membre de la Fondation Copernic, militante à AC.

 

Pascale Fourier : Des Sous … et des Hommes, en compagnie de Claire Villiers, multi-casquettes, n’est-ce pas….

Claire Villiers : Je suis en effet à la fois militante à Agir ensemble contre le chômage (AC), je suis syndicaliste à l'ANPE, au SNU-ANPE, et je suis membre de la Fondation Copernic, et dans ce cadre que j'ai participé à l'écriture d'une note sur le sujet qui nous intéresse aujourd'hui à savoir UNEDIC, l'indemnisation du chômage.

Pascale Fourier : Eh bien justement, on ne fera pas comme dans un journal récent de France 2 qui évoquait le même jour la construction de villas à l'américaine en France et le défilé d'un grand couturier…effectivement, aujourd'hui, nous, on est là pour parler du chômage, - parce que je crains fort que ce ne soit un problème important-, de l'indemnisation des chômeurs, et puis surtout des atteintes récentes qui ont été portées à cette indemnisation. Alors pour paraphraser un journaliste qui était dans son temps bien connu : « L'indemnisation du chômage, comment ça marche ? ».

Claire Villiers : Eh bien on pourrait dire que ça marche mal ! Alors, je vais essayer d'abord de décrire peut-être un peu le système, parce que c'est vrai que, quand on n'y pas été confronté directement, on ne sait pas. Alors, « pas confronté », ça veut dire qu'on n'a jamais été au chômage. Tant mieux ! Cela veut dire qu'on a toujours eu un CDI ou qu'on est passé de contrat en contrat, tant mieux ! Ou ça veut dire qu'on a un statut public et que donc qu'on n'est pas confronté normalement, en tout cas pour le moment, à des possibilités de licenciement sauf si on est précaire de la fonction publique, et il y en a de plus en plus, et ils sont concernés par l'indemnisation du chômage : je pense qu'on aura l'occasion d'y revenir même si leur régime n'est pas celui des Assedic. Alors d'abord, pour faire une petite précision de mots peut-être, on dit des fois l'Unedic et les Assedic, en fait, c'est la même chose. L'Assedic, c'est la structure locale, l'antenne Assedic, et l'Unedic, c'est la direction générale, on pourrait dire, c'est l'union nationale, ce n'est pas plus compliqué que ça.

Pour faire un tout petit peu d'Histoire, la question de l'indemnisation du chômage se pose depuis la fin du XIXe siècle puisque, quand les gens n'ont pas de boulot, il faut bien les aider à survivre; ça a été beaucoup traité en termes d'assistance, c'est-à-dire que les municipalités, quelquefois mais rarement, les caisses syndicales, donnaient des petits subsides pour que les gens ne meurent pas trop de faim. Ce qu'il faut dire là, c'est très important, c'est que, dès cette époque, donc le début du XXe siècle, il y avait deux logiques, la logique des mairies, des départements, de l'Etat on pourrait dire avec des mots d'aujourd'hui, qui était effectivement de l'assistance, c'est-à-dire empêcher les gens de sombrer complètement dans la pauvreté, et puis une autre logique, qui était la logique syndicale de l'époque, qui était particulièrement mise en place par ce qu'on appelait les « bourses du travail », c'est-à-dire des lieux où on pouvait faire des revendications, où on faisait de l'information, de la culture, enfin bon, des endroits qui étaient très intéressants, qu'à mon avis il faudrait aujourd'hui réactualiser, où les gens pouvaient se rencontrer etc. Et donc, cette stratégie syndicale, c'était d'offrir une indemnisation du chômage qui disait deux choses, qui disait d'abord que le chômeur n'est jamais responsable du fait d'être au chômage, et ça c'est très important, parce qu'aujourd'hui, on y reviendra dans la deuxième partie de cette émission peut-être, toute la bataille idéologique ( enfin aujourd'hui, mais ça fait vingt ou trente ans que ça dure), c'est pour faire porter sur les chômeurs individuellement la responsabilité de leur situation, en disant : « Si vous ne trouvez pas de boulot, c'est de votre faute ! ». Et ça c'est catastrophique, parce que bien évidemment, quand on est licencié, en général, on ne l'a pas choisi ; quand on est enfin de contrat d'intérim, en général, on ne l'a pas choisi etc. etc. Donc la première chose, c'est de dire très clairement que si on donne une indemnité, c'est parce que les chômeurs ne sont pas responsables et qu’ on applique par là-même la Déclaration Universelle des Droits l'Homme qui d'ailleurs est reprise dans la Constitution de 58 ( je me suis pas une fanatique de la Constitution, mais gardons-en ce qui est bon, qui repose sur trois pieds de ce point de vue), qui dit que chacun a le devoir de travailler. Ca fait un peu bizarre de dire qu'on a le « devoir » de travailler, mais ça c'était une affirmation de la première Déclaration des Droits de l'Homme pendant la Révolution française et qui était en fait contre les nobles qui ne travaillaient pas, qui vivaient aux dépens de tout le monde. Moi je pense qu'il faudrait d'ailleurs appliquer ce devoir de travailler aux rentiers, parce qu'aujourd'hui, il y a deux catégories qui ne travaillent pas : il y a ceux qui ne l'ont pas choisi, ce sont les chômeurs, et puis, il y a ceux qui l'ont choisi, ce sont les rentiers et ceux qui s'engraissent sur toute la spéculation. Mais ceux-là, on n'en parle jamais ! Il faut rappeler que Keynes, qui n'était quand même pas un économiste particulièrement gauchiste, disait qu'il faudrait « euthanasier les rentiers »… Moi, je trouve que c'est plutôt une bonne chose... Donc, une stratégie syndicale qui visait à surtout dire "non". Et le deuxième élément de cette stratégie syndicale, c'était donner de quoi survivre de manière à ce que les chômeurs ne soient pas obligés d'accepter n'importe quel travail et ça, c'est totalement d'actualité parce que l'enjeu, autour de l'indemnisation du chômage, -et vraiment on le voit tous les jours, mais on n'y reviendra là aussi par la suite- , c'est donner le moins possible pour que les gens acceptent n'importe quoi. En gros, la philosophie du MEDEF, du gouvernement de droite et, hélas, des fois un peu de gauche aussi, c'est qu’un chômeur affamé est plus enclin à accepter n'importe quel salaire, n'importe quel contrat, n'importe quelles conditions de travail.

Et donc ce que je veux dire juste dans cette première intervention, c'est que la question de l'indemnisation du chômage, ça ne concerne pas que les chômeurs eux-mêmes, ça concerne tous les salariés parce que, s’il y avait une indemnisation du chômage correcte (c'est-à-dire que nous on pense que personne ne devrait avoir moins que le Smic, parce que si le Smic c'est le minimum pour vivre, c'est vraiment pour survivre d'ailleurs quand on a un boulot ; il n'y a aucune raison que ce ne soit pas la même chose quand on est au chômage - c'est-à-dire que nous on n'est pas pour dire qu'il faut que les gens bossent pour avoir de quoi survivre, nous on part des besoins : les gens, ils ont besoin de manger, de payer la cantine pour les mômes, etc) s'il n'y avait pas d'indemnisation en-dessous du Smic, qui accepterait d'être caissière à Carrefour pour moins de la moitié du Smic, qui accepterait de travailler chez Mac Do pour un salaire de misère, qui accepterait d'être chez Pizza Hut en se menaçant d'avoir des accidents de travail tous les jours etc. etc. etc ?? Et j'insiste là sur un premier point, c'est que les principales victimes de cette affaire, ce sont les femmes. C'est-à-dire que tout ce qui est aujourd'hui les contrats précaires, mais encore plus les contrats à temps partiel, qui peuvent être des CDI mais où on a, comment dire, … un revenu partiel et donc on a une précarité terrible - enfin je veux dire l'Insee, le Secours Catholique, tout le monde dit qu'aujourd'hui qu’un SDF sur trois est quelqu'un qui a un boulot, c'est-à-dire qu'on est revenu à la situation de 1954 quand l'Abbé Pierre avait lancé son appel et où c'était "il faut loger les gens", et c'était des gens qui avaient un boulot ! Aujourd'hui c'est pareil, et il y a des gens qui sont dans la rue. Moi je vais vous raconter une anecdote qu'on m'a racontée. Dans un aéroport, une syndicaliste discutait avec une hôtesse d'accueil, donc une nana a priori qui était trilingue dans une compagnie aérienne etc. Elle lui demande son adresse pour lui envoyer du matériel syndical ; la fille lui répond : « Je dors dans ma voiture, je mange à l'aéroport et je me douche à l'aéroport parce que j'ai un temps partiel et que je ne peux pas me payer un appartement ».

***


Pascale Fourier : Des sous et des hommes, toujours en compagnie de Claire Villiers. Il y a un petit truc que je ne comprends pas bien en réalité par rapport à l'indemnisation du chômage : c'est lié à la durée pendant laquelle on a cotisé quand on travaillait et ensuite c'est dégressif, c'est plus dégressif, je patauge complètement. Simplement, ça marche comment ? Vraiment pratiquement, qui donne quoi comme sous ?

Claire Villiers : Le régime qu'on a aujourd'hui, c'est un régime qui date de 1958 et qui donc est basé sur des cotisations, c'est-à-dire c'est un peu comme la Sécu avec juste quelques petites différences. Je rappelle juste, par rapport à ça, quand la Sécurité Sociale a été mise en place en 1945, le Programme du Conseil National de la Résistance, c'était un plan général de Sécurité Sociale assurant à tous les salariés et à leurs familles des revenus lorsqu'ils sont incapables de se les procurer par leur travail, et donc normalement, il y a donc la Sécu pour la maladie, il y a les accidents de travail, il y a la retraite, toutes choses dont on voit aujourd'hui qu'il faut les défendre, bref, il y a les allocations familiales et puis il y aurait dû y avoir une branche chômage dans ce régime de la Sécurité Sociale, ce qui évidemment aurait été bien meilleur parce que le rapport de force de 1945 était un rapport de force bien meilleur que celui de 1958. Toujours est-il que cela n'a pas été mis en place - et donc on pourra en rediscuter, peut-être surtout pourquoi.

Mais aujourd'hui, le système fonctionne comment ? Quand vous êtes salarié dans le secteur privé, vous cotisez à un régime d'assurance-chômage, et donc il y a une partie patronale et une partie salariale. Au départ des cotisations, il y avait une petite partie salariale et une grosse partie patronale qui actait justement du fait que c'était l'entreprise qui avait la responsabilité du chômage. Il faut savoir que il y a une vraie discrimination parce que là ça rend compte de cette inégalité du contrat de travail, c'est-à-dire qu'on ne touche le chômage que si on est licencié ou en fin de contrat. Si on démissionne, on n'y a pas droit, en tout cas on peut y avoir droit aujourd'hui au bout de quatre-six mois, mais si on a été un chômeur soumis qui vient chercher du travail etc. Mais ce que ça veut dire, c'est que ce « droit à la mobilité », l'entreprise peut faire ce qu'elle veut : elle peut rendre mobile les salariés en les licenciant, par contre le salarié qui, lui, aurait envie d'aller travailler ailleurs, de se former etc, lui, il n'a pas le droit de démissionner; ça, c'est une vraie discrimination ! Quand on se retrouve au chômage, on touche une allocation chômage qui est en général, parce qu'on ne va pas rentrer dans les détails, de 57 % de son ancien salaire. En général, c'est hors primes; ça peut être plus si on avait un petit salaire. Mais enfin bon, c'est autour de ça. Et on le touche pendant une durée déterminée qui est liée au temps pendant lequel on a cotisé, et ça, c'est quelque chose qui n'existait pas avant 1982. Avant 1982, c'était comme pour la Sécurité Sociale, c'est-à-dire qu'on avait cotisé, on ouvrait des droits et la durée était la même pour tout le monde. Elle n'était pas très importante, mais bon, pour prendre une image qui parlera peut-être plus à nos auditeurs, aujourd'hui l'Assedic, c'est comme si, quand on tombe malade, on regardait combien d'années on a cotisé à la Sécurité Sociale et on vous disait : « Vous avez droit à tant de temps d'indemnités journalières ». Aujourd'hui ce n'est pas comme ça se passe, c'est-à-dire qu'on a le droit jusqu'à ce que le médecin dise : « Vous êtes consolidé, vous pouvez reprendre le boulot. » Bon, imaginez, si on disait : « Si vous avez un cancer, vous avez droit à six mois d'indemnités journalières et après, vous vous démerdez, vous reprenez le boulot, ou vous crevez ». Le chômage, c'est ça ! Et donc, tout le jeu consiste à indemniser le moins longtemps possible, surtout si on a eu des boulots précaires. Depuis maintenant plusieurs années, à chaque fois qu'il y a une négociation, c'est « quel est le seuil qui va déterminer ce qu'on appelle l'ouverture des droits ». Aujourd'hui par exemple, pour pouvoir ouvrir des droits, il faut avoir travaillé six mois dans les 22 derniers mois. Avant, il fallait avoir travaillé quatre mois dans les dix-huit derniers mois. C'est très important parce que ça concerne particulièrement les jeunes, les jeunes dont on sait aujourd'hui que le mode d'entrée sur le monde de travail se fait quasiment exclusivement par la précarité jusqu'à vers 26, 27, trente ans et qui donc, pour un certain nombre d'entre eux, cotisent, - parce qu'on cotise-, mais on n’ouvre jamais de droits, donc on n'est jamais indemnisé.

Pascale Fourier : Mais il faut que ce soit six mois continus ?

Claire Villiers : Non, six mois dans les 22 mois. C'est-à-dire que quand vous allez vous inscrire au chômage, l'agent ASSEDIC qui vous reçoit, regarde ce que vous avez fait dans les vingt-deux derniers mois en mois, et si vous totalisez six mois de cotisations, il vous ouvre le droit à une certaine durée de chômage. Il faut avoir six mois dans les 22 derniers mois : c'est absolument indispensable. Après il y a des problèmes par rapport à l'âge, c'est-à-dire qu'on prend en compte le fait que c'est plus difficile de retrouver un travail quand on n'a plus de cinquante ans, plus de cinquante-cinq ans : donc la vous allez avoir des durées d'indemnisation de chômage qui vont être plus longues… Mais c'est ce qu'on va voir dans la situation actuelle, c'est que le gouvernement comme le patronat voulant que les gens travaillent plus longtemps (alors c'est bien de le dire, mais les entreprises, elles s'en foutent !), eh bien ils ont décidé d'indemniser moins longtemps les gens qui sont âgés, et on va se retrouver avec des gens qui n'auront absolument plus d'indemnités.

Donc on vous ouvre un droit, et ce droit est soumis au fait que vous soyez actifs dans votre recherche d'emploi, c'est-à-dire qu'il y a une articulation entre l'Assedic qui vous ouvre ce droit et l'ANPE, surtout depuis la signature de cette convention qui s'appelait le PARE (Plan d'aide au retour à l'emploi) où, dans le cadre de ce PARE, vous êtes soumis à tout un tas d’obligations de recherche d'emploi. Alors en fait, ce PARE reprend des obligations qui avaient déjà été mises en place depuis 1991 dans le cadre d'une loi qui était une loi signée, à mon avis hélas d'ailleurs, par Martine Aubry, qui est une loi assez sévère, qui dit qu' on n'a pas le droit de refuser un emploi à temps partiel même si on cherche un emploi à temps plein ; on n'a pas le droit de refuser un emploi si la baisse de salaire par rapport à son ancien contrat est de moins de 30 %, c'est-à-dire que l'on est obligé de prendre un salaire à 30 %, on n'a pas le droit de refuser des formations, on n'a pas le droit de refuser le traitement que l'Anpe vous propose. Enfin, il y a toute une série comme ça de choses qui font que cette indemnisation du chômage non seulement est limitée dans le temps, non seulement n'est que à peu près la moitié du salaire, mais, en plus, elle est soumise à tout un tas de conditions, et ces conditions, c'est évidemment pour vous faire accepter des emplois dans la norme que les entreprises ont décidée.

Pascale Fourier : Mais maintenant tout le monde est sous le régime du PARE ou c'est un choix de rentrer dans le système du PARE, ou de ne pas y entrer ?

Claire Villiers : Ah, vous avez un choix total !! Si vous n'entrez pas dans le système du PARE, vous n'avez pas d'allocations. Donc c'est très clair, parce qu'en fait le PARE est, comment dire, un encart ... Il a eu une bataille très difficile pendant cette négociation sur le PARE où en fait on a en partie gagné. Ce n'est pas un vrai contrat, mais en même temps vous êtes obligé de signer ce PARE parce qu'il est sur la même feuille que votre demande d'allocations. Donc si vous ne signez pas le PARE, vous ne signez pas la demande d'allocations, donc vous n'avez pas d'indemnités.

Pascale Fourier : Je suis complètement intoxiquée par les autres médias parce que j'avais cru comprendre que le PARE, c'était une super affaire parce que cela permettait que les indemnités ne soient plus dégressives.. donc c'était vraiment tout bénéfice là, non ? Ce n’est pas ça?

Claire Villiers : D'abord, elles n'ont pas toujours été dégressives : elles ne l'ont été que depuis 1992, ce qui était déjà une vraie régression. Et je rappelle, hélas, que cette dégressivité a été mise en place par la CFDT, enfin le patronat bien sûr. C'est en échange de cette dégressivité que la CFDT (qui est une grande centrale syndicale, donc c'est tout à fait catastrophique qu'elle prête sa main à ce genre de choses) a eu la présidence de l'UNEDIC. Donc cela n'a pas toujours été dégressif. Effectivement ce qui a été passé comme accord en 2000, c'est « on supprime la dégressivité, donc les allocations garderont la même durée, mais en échange ont fait le PARE ». Le PARE, on nous l'a vendu dans les médias classiques comme le droit pour tous les chômeurs d'avoir enfin la capacité de faire un projet individuel et d'être accompagné dans leurs projets etc. Alors deux remarques par rapport à ça. La première, c'est que ça, normalement, c'est le rôle du service public et de l'emploi, de l'Anpe, de l'Afpa, de faire ça tout le temps, c'est-à-dire que tout le monde devrait avoir un droit à cet accompagnement et au projet individuel. Et puis la deuxième remarque, c'est que c'est un « plan d'aide au retour à l'emploi », mais pour un retour rapide à l'emploi ! Et ce qu'on voit avec le PARE, c'est que maintenant par exemple, pour tous ceux qui veulent faire des formations, les Assedic ne paient plus aucune formation au-delà de six mois. Si vous voulez faire une formation d'infirmière, d'aide-soignante, des choses dont on a absolument besoin, si vous voulez préparer un concours administratif, reprendre des études etc. tout cela est devenu totalement impossible, c'est-à-dire que, sous prétexte d'organiser le suivi, le projet…. c'est donc de la foutaise totale ! Il n'y a pas projet ! Il n'y a uniquement que de l'adaptation : apprendre un nouveau logiciel pour les nanas qui sont secrétaires, apprendre comment fonctionne une machine dans un atelier etc : c'est de l'adaptation stricte au processus de travail. Le patronat a décidé de se désengager complètement de la qualification de la main-d'œuvre, et le drame c'est qu’un certain nombre de conseils régionaux qui ont la compétence de la formation professionnelle sont en train de faire la même chose ! Donc j'attire l'attention des auditeurs qui sont aussi des électeurs. Cette question de la formation professionnelle est essentielle dans les compétences des régions. Donc ce PARE c'est une catastrophe ! C'est une catastrophe aussi parce que, en échange de cette non-dégressivité, eh bien, on fait croire aux chômeurs qu'ils auront un suivi individualisé : donc l'agence les convoque (l'agence, c'est l'Anpe) dans le cadre d'un PAP (Plan d'aide, d'action personnalisé) où on propose des choses, mais en même temps on voudrait bien (ce n'est pas la faute des salariés de l'Anpe, cela n'a rien à voir avec ça bien évidemment), mais on voudrait bien que les gens prennent en particulier.. les Fillon et consorts en ce moment n'arrêtent pas de s'exprimer là-dessus quand il dit qu'il y a 300 000 offres d'emplois qui ne sont pas pourvues…mais c'est lesquelles ? C'est simple, c'est toujours les mêmes ! C'est le commerce, c'est le bâtiment, c'est la restauration c'est-à-dire tous les endroits où, par exemple, ils ont décidé qu'on n’appliquerait pas les 35 heures. Ils sont revenus sur des accords qui avaient été signés ! C'est là où il y a des équivalences horaires, où quand vous travaillez cinquante heures, vous êtes payé même pas le Smic ; c'est là où on est épuisé en faisant des amplitudes absolument incroyables, les endroits où les gens ne veulent pas aller !! Ils ont bien raison de ne pas vouloir y aller ! Si on diminue l'indemnisation du chômage, si on soumet les chômeurs à un contrôle extrêmement important, eh bien ça empêche dans ces secteurs-là d'avoir une quelconque résistance sur ces conditions d'emploi dégradé ! En fait, ce qu'on voit, c'est que l'indemnisation du chômage, ça sert à faire accepter aux salariés et ceux qui sont au chômage, mais aussi à ce qui sont dans les entreprises, une norme d'emploi totalement dégradée !! Et donc, je me répète, mais ça concerne vraiment tout le monde ! C'est-à-dire que, dans les boîtes, combien de fois on n'a pas entendu : « Si vous n'êtes pas content, la portée grande ouverte, il y en a 10 000 qui sont dehors ». Si ces 10 000 ils avaient le SMIC comme indemnisation du chômage pour une durée beaucoup plus longue qu'aujourd'hui, eh bien les gens à l'intérieur des entreprises pourraient dire : « La porte est peut-être ouverte mais les gens ne viendront pas ».

Pascale Fourier : Quel était l'intérêt du patronat dans l'affaire, de proposer le PARE ?

Claire Villiers : Ah bien, c'est très simple ! Je veux dire que c'est très simple aujourd'hui parce que nous avons été long à décoder. C'est que, il faut se rappeler qu'en 2000, il y avait une petite reprise et donc, moi je l'ai entendu de la bouche de responsables de grandes entreprises où ils disaient dans les entretiens d'embauche : « Les chômeurs, enfin ceux qui veulent des boulots, posent des exigences, des questions sur des choses qu'on avait plus du tout l'habitude d'entendre parler, à savoir :« Est-ce qu'il y a une mutuelle, combien on fait d'heures, est-ce que les temps de transport sont pris en compte, quelles sont les conditions de travail etc. ? » » Et ça, c'est quelque chose sur lequel ils ont voulu absolument mettre le holà immédiatement et donc évidemment, dans ces cas-là, on s'en prend au plus petit de la classe ! Le plus petit de la classe, dans ce cas-là, c'est le chômeur et donc ils se sont dit de manière, je crois, extrêmement perverse : « Si on arrive à mettre des conditions d'indemnisation du chômage suffisamment restrictives, avec suffisamment de contrôle pour que les gens soient obligés d'avoir un retour rapide à l'emploi, on a peut-être une petite chance que ces exigences diminuent ». Le problème, c'est que, entre-temps, puisque ces gens-là sont totalement incapables de gérer dans la durée, c'est « après moi le déluge », et donc, en même temps qu'ils faisaient le PARE, ils ont diminué les cotisations parce qu'à l'époque on avait un peu d'excédent, enfin « on », le régime avait un peu d'excédent, donc ils ont diminué les cotisations patronales et salariales. Bilan de l'opération, deux ans après, on s'est retrouvé dans une situation catastrophique parce qu'il y a eu un retournement de conjoncture, ce qui fait qu'aujourd'hui le PARE, c'est le contrôle, l'impossibilité de poser des exigences et la baisse de l'indemnisation du chômage.

Pascale Fourier : C'était donc des Sous … et des hommes avec Claire Villiers, mais elle a tellement de punch qu'on va la garder pour la semaine prochaine !! Krasucki en son temps, si je me souviens bien, disait : «Il n'y a pas d'arme de coercition contre les travailleurs plus forte que le chômage ». Apparemment ça a bien l'air d'être le cas. Donc à la semaine prochaine pour voir comment on s'attaque encore de plus en plus aux indemnités. Je pense que tout le monde est au courant, enfin du moins je l'espère, de la situation depuis le 1er janvier. J'en profite d'ailleurs pour dire que j'ai reçu une petite lettre de l'association de Coluche, des Restos du Coeur, qui dit que, depuis janvier bizarrement ( comme c'est bizarre, les choses), il y a de plus en plus de gens qui se présentent là-bas, notamment des familles, et notamment dans ce qu'ils peuvent proposer pour les bébés et les enfants… Voilà… A la semaine prochaine.

 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 30 Janvier 2004 sur AligreFM. Merci d'avance.