Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne

 

EMISSION DU 6 FEVRIER 2004

Chômeurs : entre indemnisation et assistance 2/2

Avec Avec Claire VILLIERS, syndicaliste à l’ANPE militante à Agir contre le Chômage, membre de la fondation Copernic.

 

Pascale Fourier : Et notre invitée pour la deuxième semaine :

Claire Villiers : Claire Villiers. Je suis syndicaliste à l’ANPE, militante à Agir ensemble contre le chômage, et membre de la fondation Copernic où nous avons écrit une note sur l’indemnisation du chômage qui s’appelle : « Pour un Grenelle de l’Unedic »

Pascale Fourierr :
Alors la semaine dernière, on a vu comment fonctionnait l’indemnisation du chômage. Mais là, j’ai lu les journaux comme d’habitude, et j’ai cru comprendre qu’au 1° janvier 2004 il y avait quelque chose qui était tombé sur la tête des chômeurs. Vous pourriez nous expliquer ça ?

Claire Villiers : En fait, c’est tombé sur la tête des chômeurs au 1° janvier 2003, mais personne ne s’en est rendu compte. Il y a eu un accord qui a été signé en Décembre 2002. C’est ce que j’expliquais la semaine dernière, c’est-à-dire que, comme le patronat a joué à l’apprenti sorcier, ils n'ont pas fait de réserves, ils ont baissé les cotisations, et donc, retournement de conjoncture économique, le régime UNEDIC s’est retrouvé en déficit. Donc évidemment dans ces cas-là, plutôt que d’augmenter considérablement les cotisations des entreprises, enfin les cotisations des entreprises qui dirait une part de leur responsabilité, eh bien qu’est ce qu’ils font? Ils tapent sur le plus petit de la classe et s’en prennent aux chômeurs.

Qu'ont-ils décidé de faire ? Ils ont décidé de réduire la durée de l’indemnisation du chômage. Réduire la durée, à la fois parce que ça a un intérêt financier, évidemment, mais aussi parce que, ce qu’on disait la semaine dernière, ça oblige les gens à prendre un peu n’importe quoi, en tout ça pas ce qu’ils souhaiteraient, et en tous cas accepter de l’emploi dégradé. Alors, ils la réduisent de manière très considérable. Maintenant les plus précaires n’ont plus le droit à rien du tout, puisque maintenant si on a moins de 6 mois de travail dans les 22 mois, on n'a plus droit à rien du tout! Dans ces catégories-là, il y a des gens qui perdent 14 mois par rapport à ce qu’ils auraient pu avoir avant. Dans une autre catégorie qui est la catégorie principale, où on ouvrait le droit à 30 mois d’allocation chômage, ( c’est ceux qui avaient un boulot, qui était licenciés d’un emploi un peu stable) ,ceux- là, au lieu de 30 mois, ils n'auront plus le droit qu’à 23, c’est-à-dire qu’ils perdent 7 mois. Et puis, pour les plus âgés, il y avait une catégorie, pour les plus de 57 ans, qui avaient un certain nombre d’années de cotisation etc, ils avaient le droit jusqu'à 60 mois de chômage.Cela voulait dire qu’on actait le fait qu’ils ne pouvaient pas retrouver de boulot en fait. Et là, aujourd’hui, ils n’auront plus le droit qu’a 42 mois, voire 36 mois dans d’autres catégories... Ca veut dire 24 mois, 2 ans en moins!!Ca veut dire que, il y a des gens qui vont se retrouver sans travail, sur le coup de 57, 58 ans, et qui n’auront plus aucune allocation.
Donc on va avoir de nouveau ce que j’ai connu quand j’étais petite, puisque j’ai 50 ans! Quand j’étais petite, on parlait des « vieux travailleurs » qui étaient des gens dans la misère, et c’est quelque chose qu’on avait peu à peu perdu de vue.Entre l’offensive sur les retraites et ça, on va se retrouver de nouveau avec des gens âgés et qui seront dans la misère.

Cet accord s’est donc mis en place au 1° janvier 2003, et ceux qui sont rentrés à partir de ce moment-là, ils ont la nouvelle réglementation. Mais fait rarissime, dans le régime de l’assurance-chômage, - cela ne s’était passé qu’une seule autre fois-, et c’est absolument incroyable, , même d’un point de vue juridique, c’est que ceux qui était en cours d’indemnisation chômage au 1° janvier 2003, on leur a envoyé d’abord une lettre très cyniquement en leur disant de ne pas s’inquiéter, que tout allait bien, qu’on garantissait leurs allocations pour 2003... Très bien, mais on leur disait pas ce qui se passait après....En fait, ce qui se passait après, - et on avait été très peu à hurler à l’époque, il y avait eu les organisations de chômeurs et c’est à peu près tout! On n'a entendu personne dans le Landerneau syndical, ou politique dire que c’était un scandale! - c’est qu’ils ont décidé que tous ceux qui étaient en cours au 1° janvier 2003, on allait leur appliquer la nouvelle réglementation 1 ans après. C’est ça qu’on appelle en ce moment « les recalculés ». C’est-à-dire que au premier janvier, ils ont pris les compteurs, et quelqu’un par exemple qui avait ouvert un droit à 30 mois d’allocations chômage, et qui au premier janvier en a consommer 24, parce que ça faisait 2 ans qu’il était au chômage, eh bien au premier janvier 2004, on lui dit: « Madame ou monsieur, vous n’avez plus le droit qu’a 23 mois; soyez déjà extrêmement contents, on ne va pas vous réclamer le mois que vos avez touché en plus, mais au 1 janvier 00 h 00, vous n’avez plus rien ».
Et ça a concerné, c’est difficile à savoir aujourd’hui, il faudra regarder les chiffres, entre 180 000 et 250 000 personnes. C’est le plus gros plan social, si on considère qu’un plan social c’est de supprimer le travail, mais surtout le salaire,c’est le plus gros plan social qu’on ait jamais connu dans ce pays!. Et évidemment ça va s’étaler sur le temps, parce que, comme les allocations chômage, la durée, ça court, donc dans les 2 ans qui viennent, c’est entre 650 000 à 800 000 personnes qui vont se retrouver sans allocations chômage. Et tout ça, dans un silence absolument total!! Les chômeurs, on n' a pas réussi à les mobiliser, parce qu' évidemment quand on reçoit une lettre de ce type, - moi j’ai entendu plusieurs cas de personnes qui se sont suicidés carrément, parce que non seulement on a été licencié, mais en plus on vous…, moi j’en ai encore les larmes aux yeux quand je parle de ça. C’est vraiment un scandale de mettre des gens dans des situations comme ça, parce que on leur dit : « Vous n’avez même plus le droit d’avoir les moyens de survivre! ». Je le rappelle: ce n'est 57 %, les allocations chômage....; c’est que la moitié du salaire. Et donc on leur dit : « Bon, maintenant, vous n’avez plus le droit aux allocations chômage ».

Alors qu’est-ce qu’on leur propose à la place ? Le ministre du travail dit : «  Ce n’est pas catastrophique parce que 1/3 auront le droit à l’allocation de solidarité, (celle qui est versée par l’Etat), 1/3 auront le droit au RMI, et 1/3 n’auront rien ». En fait, d'après nos calculs, ce n’est pas du tout cela. En fait les calculs, c’est que 18% de ces 800 000 qui vont être jetés auront le droit à l’ASS, (l’allocation de solidarité), 17% auront le droit au RMI, et 65% n’auront plus le droit à rien.


Pascale Fourier :65% de chômeurs vont tomber à rien, à assez brève échéance mais il y en a d’autres qui vont être secourus , on pourrait dire, par l’ASS et le RMI. Vous pourriez effectivement -comme on avait dit qu’on allez le faire-, nous repréciser ce que c’est, l'ASS ?

Claire Villiers : Alors, d’abord, ce n’est pas 65% des chômeurs qui n’auront rien, c’est 65% des 800 000 recalculés. 800 000, ça représente un peu plus d’1/3 de la totalité des chômeurs-l’Unedic indemnise à peu près, par mois, 2 millions de personnes.
Alors donc dans quoi ils vont tomber ces gens ? Ce qu’on appelle l’ASS, l’allocation de solidarité spécifique, c’est une allocation qui est versée par l’Etat. Elle a une énorme différence avec l’allocation chômage, c’est que l’allocation chômage de l’Assedic, c’est une allocation qui est liée aux cotisations, donc c’est un droit individuel. L’allocation de solidarité, c’est une autre philosophie: c’est à la fois un minima social qui est une allocation chômage, mais en même temps qui a une connotation plus familialiste, d'une certaine manière qui renvoie à la conception de « l’aide au pauvre » des bonnes années du xix° siècle ( et « chacun ses pauvres à soi »). Et donc l’ASS, c’est pas un droit individuel, ça veut dire que si vous avez un conjoint ou une conjointe qui gagne plus que 10 000 francs, vous n’avez pas le droit à l’ASS, même si vous avez la condition d’ancienneté de travail, c’est-à-dire qu’il faut pouvoir dire qu’on a travaillé 5 ans dans les 10 dernières années. Juppé avait déjà fait une reforme en 1997 qui réduisait cette affaire, et donc, si vous dépassez le plafond, vous n’avez pas le droit à l’ASS. Avec l’ASS en plus, il y a un petit problème, c’est qu' il y a plein de gens qui sortent de l’Unedic et donc tombent dans les allocations d’Etat, (on va voir après le RMI), mais donc c’est le budget de l’Etat. Or le gouvernement est devant un espèce de dilemme, puisque Chirac de façon totalement dogmatique, scandaleuse et idiote, s’est engagé à une baisse d’impôts de 30% en 5 ans. Donc, puisque les impôts baissent, il y a évidemment moins de rentrées. Faisons remarquer quand même que ceux qui payent beaucoup d’impôts, c’est ceux qui gagnent de l'argent!! Donc en fait , il faut que les pauvres se débrouillent entre eux. En gros, c’est ça la philosophie.

Donc, il faut faire baisser le budget de l’Etat, puisqu' il y a le pacte de stabilité… (Le président de la commission Européenne, Romano Prodi a dit lui aussi que c’était une idiotie, donc vraiment on ferait mieux de faire confiance à d’autres gens pour faire de la politique, parce que ça commence à faire beaucoup) . Et donc le gouvernement a décidé que cette ASS qui était une allocation versée par 6 mois renouvelables - et on vérifiait à chaque fois les conditions de ressource et les conditions de recherche d’emploi- , maintenant, tranquillement, ils ne la verseront plus que pendant 2 ans. Et c’est un couperet terrible ! Parce que si au bout de 2 ans vous n’avez pas trouvé de boulot, ça veut dire qu’il vous arrive quoi ? Et en plus, il ont pris une mesure encore plus cynique: ceux qui avaient plus de 55 ans et qui touchaient l'ASS avaient une majoration, - puisque c’est une petite allocation, elle fait 480 euros, je sais pas qui peut survivre avec un truc pareil d’ailleurs, mais enfin bon- une majoration de 40% pour les gens âgés qui attestait du fait qu’on n’arrive pas à retrouver du boulot quand on est âgé. Eh bien ils ont décidé qu’ils allaient supprimer cette majoration. C’est-à-dire que maintenant, c’est ce que je disais tout à l’heure, on sera a la fois vieux, sans boulot et sans ressources.
Ca, c’est pour l’ASS. Il y a plein de gens qui vont se voir supprimer l’ASS puisque ceux qui sont en cours aujourd’hui, on va accepter de les prolonger jusqu'à 3 ans et après c’est la porte.
Alors, la porte, pour aller où ? La porte pour aller on pourrait dire au RMI, puisque la création du RMI en 1988 disait que c’était le dernier « filet de protection »! C’était ça l’invention du RMI, qui n’est pas quand même la panacée, puisque c’est à peu près le même montant. Là aussi, gros problème, le RMI, n’est pas un droit individuel, il est lié aux ressources du foyer, mais là, les ressources du conjoint sont beaucoup plus basses. Parce que si votre conjoint gagne plus que l’équivalent du RMI, c’est-à-dire 480 euros, là vous n’avez pas le droit au RMI non plus. C’est-à-dire qu’il faut vraiment être dans une misère totale pour pouvoir prétendre au RMI.
Et autre problème par rapport au RMI, c’est que, contrairement à l’ASS, vous ne validez pas de trimestres de retraite, c’est-à-dire que, quand vous êtes à l’ASS, ou en allocation chômage, vous continuez à valider les trimestres de retraite, qui font que les périodes de chômage sont validées, peu importent les calculs, à peu près comme des périodes de travail.
Quand vous êtes au RMI, non! C’est-à-dire que ce n’est pas du tout indifférent d’être à l’ASS ou au RMI. Si des gens se retrouvent 5 ans, 10 ans au RMI, parce qu’ils ne trouvent pas de boulot, parce qu’il n’y a pas de boulot pour tout le monde, ou parce qu’il ne peuvent pas…, eh bien, ça veut dire que, quand ils vont faire leurs calculs sur la retraite, il leur manquera ces annuités. Et donc ils relèveront du minimum vieillesse, c’est-à-dire que ils relèveront des pauvres.

Alors, là, même problème pour le gouvernement, c’est que le RMI, c’est une allocation d’Etat, donc, je reviens à la casse antérieure : problème du budget de l’Etat. Et donc qu’est ce qu’ils ont imaginé pour échapper à ça ? C’est de décentraliser le RMI, et de le faire porter donc sur les départements. Deux avantages de leur point de vue par rapport à ça. C’est que ça change complètement de philosophie, c’est-à-dire que on sait très bien que la proximité en matière de gestion des gens les plus pauvres, c’est le clientélisme. Et que là, très clairement, les présidents des conseils généraux auront des prérogatives extrêmement importantes. J’attire là aussi l’intention des auditeurs, parce que vous allez voter au niveau cantonal pour les conseillers généraux, donc ne faites pas n’importe quoi. Comme dit l’autre : la droite et la gauche, c’est pareil, sauf quand la droite dirige. Voilà donc en slogan ce qu’il en est. Et donc ils le transfèrent au conseil généraux, et donc un vrai risque de clientélisme.
Puis deuxième chose, c’est que ce n’est pas la même fiscalité. Parce qu' ils vont transférer l’équivalent du montant du RMI de 2003, mais comme il y a beaucoup plus de gens qui vont y prétendre puisque il y a tous ceux qui vont être virés de l’Assedic et tous ceux qui pourront pas prétendre à l’ASS, évidemment il y aura plus de gens qui demanderont à bénéficier du RMI. Et qui va payer ? La fiscalité locale. La fiscalité locale qui ne prend absolument pas en compte les revenus. Et donc, en fait, les histoires de baisse de l’impôt de Chirac, c’est tout simplement faire payer moins les riches pour faire payer plus les pauvres.
On voit bien là la philosophie des libéraux qui n’a absolument rien de social, qui est une philosophie qui dit : après tout, si les pauvres ont envie de se débrouiller entre eux qu’ils se débrouillent. Ca, ça peut être extrêmement dangereux, parce que ce qui va se passer dans les départements dans les localités etc…, c'est que les gens qui ont des petits salaires, qui sont au SMIC, à temps partiel etc, vont dire : «  Mais moi j’en ai marre de payer pour ces gens qui foutent rien ». On sait que c’est comme ça. Et donc qui c’est qui fait son beurre sur une histoire comme ça ? C’est le Pen, ou les gens de son genre.
Et on voit très bien que l’on a dans les cités, en gros : la guerre des pauvres contre les pauvres. Alors ça peut être les pauvres blancs contre les pauvres immigrés, les pauvres valides contre les pauvres handicapés, enfin, franchement tout ça c’est très malsain, et ça ressemble beaucoup à des trucs qu’on a connu dans des périodes anciennes où il faut trouver des boucs- émissaires et que c’est le plus fragiles qui font les frais. Et ça, c’est catastrophique!

A ça, vous ajoutez le RMA...Alors le RMA, c’est une invention absolument hallucinante, puisque le RMA, ça veut dire « revenu minimum d’activité ». C’est-à-dire qu’au bout d’un certain temps de RMI, on vous proposera un contrat de travail, à condition que les entreprises veuillent bien etc. Alors il est super, ce contrat de travail ! Parce que ce n’est pas un contrat à temps plein, donc vous risquez pas d’avoir le SMIC. C’est un taux horaire du SMIC, quelque soit la qualification, parce que dans les RMIste, il y a des tas de gens qui sont qualifiés, vous n’avez qu’a regarder dans les jeunes. Les intermittents du spectacle, il n’arrêtent pas de le dire, et pourtant ils y en a plein qui sont au RMI, et pourtant ils ont une qualification extraordinaire! Enfin ce n’est pas grave, ils seront quand même payés au SMIC. Et puis, il y a deux choses qui sont hallucinantes dans cette histoire. D’abord c’est un contrat à durée déterminé, - évidemment, on voit pas pourquoi se priver- , qui peut être de 3 fois 6 mois. Vous touchez le taux horaire du SMIC, mais vous ne payez pas de cotisations sociales sur la totalité de ce salaire, c’est-à-dire l’entreprise, parce que c’est bien connu que quand une entreprise embauche quelqu’un, ce n’est pas parce qu’il va produire de la richesse, c’est pour lui rendre service ! Tout le monde sait cela, on ne produit pas de richesse quand on est dans une entreprise. Et donc, on va verser aux entreprises, comme subvention pour embaucher des gens dans ce contrat de travail, l’équivalent du RMI qu’ils auraient touché. Et les cotisations sociales ne seront versées que sur la petite partie, c’est-à-dire 180 euros par mois que les gens toucheront en plus. Ce qui fait quoi ? Monsieur le ministre du travail, ou Raffarin, nous explique qu’il faut que les gens aillent au boulot, parce que le boulot c’est super, et je crois que tous ceux qui n’ont pas de boulot, ils aimeraient bien en avoir un. Mais leur truc à eux, c’est de renvoyer les gens au boulot dans leur condition à eux. Et du coup quand vous aurez fini votre RMA, eh bien, vous n’aurez jamais la possibilité d’ouvrir des droits à l’allocation chômage, c’est-à-dire que vous retomberez au RMI ! Donc ce n’est pas du tout un système d’insertion, c’est un système d’enfermement complet ! Et donc je crois que c’est exactement la philosophie du 19eme siècle, ou les pauvres c’est une classe dangereuse, il faut les enfermer. Et là, non seulement on va les enfermer, mais on va les enfermer en les obligeant à travailler.

Pascale Fourier : Mais c’est très très bien finalement tout ça: si on coupe les vivres à tout le monde,ils vont enfin vouloir bosser, ces fainéants... C'est cela , la logique??

Claire Villiers : Alors il y a un problème, c’est qu' on nous raconte tout le temps que le travail, ça structure les individus, que c’est indispensable à la vie etc… Et en même temps, ils ont une peur folle que les gens soient fainéants. Moi ce que je vois tous les jours avec les copains chômeurs et chômeuses, c’est que les gens ont envie de mettre leurs capacités au service de tout le monde, donc ils ont envie de bosser. Mais ils ont pas envie de faire n’importe quoi, ils ont pas envie de le faire à n’importe quelles conditions, ils ont envie que ce soit utile, ils ont envie que ça ait du sens, ils ont envie d’avoir une place dans la société… Enfin bref. Ceci dit, le gouvernement c’est une folie absolue: il y a 300 000 offres d’emplois qui ne sont pas pourvues, j’ai dit tout à l’heure lesquelles c’étaient, c’est celles dont personne ne veut. Et il y a, officiellement, 2 500 000 chômeurs, en fait quand on regarde bien les chiffres, c’est plutôt autour de 4 millions. Il peuvent toujours couper les vivres a tout le monde : ça ne fera pas surgir les offres d’emploi pour autant ! Le patronat vous le dit avec beaucoup de cynisme : «  De toutes façons, vous pouvez nous donner toutes les subventions que vous voulez, faire des exonérations de charges sociales etc…: ça nous permet de payer les gens moins, mais ça ne fait pas créer des emplois ». Une entreprise ne crée pas d’emplois si elle n’en a pas besoins par rapport à ses marchés et à sa production. Il faudrait quand même qu’on se mette ça un jour dans la tête. D’ailleurs, à mon avis, ça pose un autre problème qui est qu'on devrait réactualiser la question de savoir ce qu’est l’autogestion et la propriété collective. C’est-à-dire que je trouve que c’est vraiment insupportable que les boîtes privées décident toutes seules, ce qu’il faut faire, ce qu’il faut pas faire, bon etc…

Et par rapport à ça, je crois que en même temps il y a de vraies contradictions dans la politique du gouvernement et même du patronat. Les salaires : c’est du pouvoir d’achat. Si vous ne distribuez plus de pouvoir d’achat, personne ne peut rien acheter... Au bout d’un moment, à force de « baisser le coût du travail », de payer les gens en fait de moins en moins, à force de baisser les cotisations sociales et donc de baisser les transferts sociaux qui sont aussi du pouvoir d’achat, a force de baisser les allocations chômage, les indemnités etc, plus personne ne peut rien consommer! Et donc vous déprimez l’économie complètement. Ces gens-là, contrairement à ce qu’ils nous affirment, sont d’extrêmement mauvais économistes, puisqu’ils refont aujourd’hui à peu près la même connerie qu’avait fait Juppé en son temps et bien d’autres, qu’ils nous expliquent que, s’il y a une crise, c’est parce que il y a une crise de l’offre. Mais non pas du tout, c’est une crise de la demande. Quand Strauss Kahn avait revalorisé de façon très importante l’allocation de rentrée scolaire il y a quelques années, il avait expliqué qu’il faisait de la relance. Mais oui, bien sûr, il fait de la relance! Je vous assure que quand on a le RMI ou l’ASS, on n’épargne pas, contrairement à d’autres qui vont spéculer et faire toutes les catastrophes d’éclatement des bulles en tout genre. Non celui qui est le plus content de l’augmentation des minima sociaux c’est le patron de Carrefour, ça c’est sûr.
Donc là je crois qu’il y a une vraie contradiction, et il faut qu’ils changent de politique.

Pascale Fourier : Mais que fait la gauche ? Que font les syndicats ? Enfin je ne sais pas, mais je n’entends pas un vaste tollé. J’ai bien entendu dire qu’il y avait eu une manifestation, mais finalement, c’est une manif qui a regroupé bien peu de gens. Pourquoi ça ne bouge pas ?

Claire Villiers: Je crois que ça bouge pas, d’abord de la part des premiers intéressés : les chômeurs. Moi j’ai vu des gens quand ils ont reçu cette fameuse lettre de l’Unedic, ils ont dit: « Mais nous, il faut qu’on se mette à chercher du boulot comme des malades! On ne peut pas se retrouver au 1 janvier expulsés sans logement… donc on n’a pas le temps de se mobiliser ». Et puis les gens ont pris un tel coup sur la gueule que pour se mobiliser, c’est très dur. Et puis pour se mobiliser, il ne faut pas être trop isolé. Or quand on est chômeur et bien souvent, on est super isolé, parce qu’on est dans son HLM dans sa cité… Et qu’on a du mal.
Et que les organisations de chômeurs, il y en a très peu et qu'elles sont petites. Qu'effectivement les syndicats, à part la CGT qui essaie, les autres syndicats n’ont jamais rien fait pour organiser les chômeurs. Pire en ce qui concerne la CFDT - qui est une organisation à laquelle j’ai été syndiquée longtemps et dont je ne suis plus membre depuis l’an 2000 justement à cause de ces affaires du PARE -, ils ont voté dans un de leur congrès qu’ils étaient contre l’organisation des chômeurs. Pourquoi ? Parce que je pense qu' en partie, ces gens-là -en tout cas les dirigeants, pas les militants de base des organisations syndicales-, mais ces gens-là pensent que « l’oisiveté est la mère de tous les vices », qu’il faut gagner son pain à la sueur de son front, et qu’après tout, les pauvres, eh bien, ils n’ont pas de droits, et qu' ils doivent se satisfaire de l’assistance qu’on va leur donner. Et nous, ce qu’on dit, c’est exactement l’inverse. Il n'y a pas d’un coté les inclus et de l'autre les exclus. Tout ça, c’est de la connerie ! Il n'y a que des sociologues je dirais complément sociaux libéraux pour raconter des bêtises pareilles. Il y a des salariés, avec ou sans emploi, précaires ou pas et qui ont des intérêts commun. Et c’est ça qu’il faut dire aujourd’hui, c’est que, si on ne se bat pas ensemble, eh bien on n’y arrivera pas.

Pascale Fourier : Si vous voulez retrouver des renseignements sur tout ça, vous pouvez aller sur le site d'AC :www.ac.eu.org/.ou sur celui de la Fondation Copernic.(www.fondation-copernic.org/ ) sur lequel vous trouverez un texte qui s’appelle «  pour un Grenelle de l’Unédic ». A bientôt.


 

Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 6 Février 2004 sur AligreFM. Merci d'avance.