Une émission proposée et présentée par Pascale Fourier sur ALIGRE FM 93.1 en région parisienne
EMISSION DU 6 FEVRIER
2004
Chômeurs : entre indemnisation et assistance 2/2
Avec Avec Claire VILLIERS,
syndicaliste à l’ANPE militante à Agir contre le
Chômage, membre de la fondation Copernic. |
Pascale Fourier : Et notre invitée pour la deuxième semaine : Claire Villiers : Claire Villiers. Je suis syndicaliste à l’ANPE, militante à Agir ensemble contre le chômage, et membre de la fondation Copernic où nous avons écrit une note sur l’indemnisation du chômage qui s’appelle : « Pour un Grenelle de l’Unedic » Pascale
Fourierr :
Claire Villiers : En fait, c’est tombé sur la tête des chômeurs au 1° janvier 2003, mais personne ne s’en est rendu compte. Il y a eu un accord qui a été signé en Décembre 2002. C’est ce que j’expliquais la semaine dernière, c’est-à-dire que, comme le patronat a joué à l’apprenti sorcier, ils n'ont pas fait de réserves, ils ont baissé les cotisations, et donc, retournement de conjoncture économique, le régime UNEDIC s’est retrouvé en déficit. Donc évidemment dans ces cas-là, plutôt que d’augmenter considérablement les cotisations des entreprises, enfin les cotisations des entreprises qui dirait une part de leur responsabilité, eh bien qu’est ce qu’ils font? Ils tapent sur le plus petit de la classe et s’en prennent aux chômeurs. Qu'ont-ils décidé
de faire ? Ils ont décidé de réduire
la durée de l’indemnisation du chômage. Réduire
la durée, à la fois parce que ça a un intérêt
financier, évidemment, mais aussi parce que, ce qu’on disait
la semaine dernière, ça oblige les gens à prendre
un peu n’importe quoi, en tout ça pas ce qu’ils souhaiteraient,
et en tous cas accepter de l’emploi dégradé. Alors,
ils la réduisent de manière très considérable.
Maintenant les plus précaires n’ont plus le droit à
rien du tout, puisque maintenant si on a moins de 6 mois de travail
dans les 22 mois, on n'a plus droit à rien du tout! Dans ces
catégories-là, il y a des gens qui perdent 14 mois par
rapport à ce qu’ils auraient pu avoir avant. Dans une autre
catégorie qui est la catégorie principale, où on
ouvrait le droit à 30 mois d’allocation chômage,
( c’est ceux qui avaient un boulot, qui était licenciés
d’un emploi un peu stable) ,ceux- là, au lieu de 30 mois,
ils n'auront plus le droit qu’à 23, c’est-à-dire
qu’ils perdent 7 mois. Et puis, pour les plus âgés,
il y avait une catégorie, pour les plus de 57 ans, qui avaient
un certain nombre d’années de cotisation etc, ils avaient
le droit jusqu'à 60 mois de chômage.Cela voulait dire qu’on
actait le fait qu’ils ne pouvaient pas retrouver de boulot en
fait. Et là, aujourd’hui, ils n’auront plus le droit
qu’a 42 mois, voire 36 mois dans d’autres catégories...
Ca veut dire 24 mois, 2 ans en moins!!Ca veut dire que, il y a des gens
qui vont se retrouver sans travail, sur le coup de 57, 58 ans, et qui
n’auront plus aucune allocation. Cet accord s’est
donc mis en place au 1° janvier 2003, et ceux qui sont rentrés
à partir de ce moment-là, ils ont la nouvelle réglementation.
Mais fait rarissime, dans le régime de l’assurance-chômage,
- cela ne s’était passé qu’une seule autre
fois-, et c’est absolument incroyable, , même d’un
point de vue juridique, c’est que ceux qui était en cours
d’indemnisation chômage au 1° janvier 2003, on leur
a envoyé d’abord une lettre très cyniquement en
leur disant de ne pas s’inquiéter, que tout allait bien,
qu’on garantissait leurs allocations pour 2003... Très
bien, mais on leur disait pas ce qui se passait après....En fait,
ce qui se passait après, - et on avait été très
peu à hurler à l’époque, il y avait eu les
organisations de chômeurs et c’est à peu près
tout! On n'a entendu personne dans le Landerneau syndical, ou politique
dire que c’était un scandale! - c’est qu’ils
ont décidé que tous ceux qui étaient en cours au
1° janvier 2003, on allait leur appliquer la nouvelle réglementation
1 ans après. C’est ça qu’on appelle en ce
moment « les recalculés ». C’est-à-dire
que au premier janvier, ils ont pris les compteurs, et quelqu’un
par exemple qui avait ouvert un droit à 30 mois d’allocations
chômage, et qui au premier janvier en a consommer 24, parce que
ça faisait 2 ans qu’il était au chômage, eh
bien au premier janvier 2004, on lui dit: « Madame ou monsieur,
vous n’avez plus le droit qu’a 23 mois; soyez déjà
extrêmement contents, on ne va pas vous réclamer le mois
que vos avez touché en plus, mais au 1 janvier 00 h 00, vous
n’avez plus rien ». Alors qu’est-ce qu’on leur propose à la place ? Le ministre du travail dit : « Ce n’est pas catastrophique parce que 1/3 auront le droit à l’allocation de solidarité, (celle qui est versée par l’Etat), 1/3 auront le droit au RMI, et 1/3 n’auront rien ». En fait, d'après nos calculs, ce n’est pas du tout cela. En fait les calculs, c’est que 18% de ces 800 000 qui vont être jetés auront le droit à l’ASS, (l’allocation de solidarité), 17% auront le droit au RMI, et 65% n’auront plus le droit à rien.
Claire
Villiers :
Alors, d’abord, ce n’est pas 65% des chômeurs qui
n’auront rien, c’est 65% des 800 000 recalculés.
800 000, ça représente un peu plus d’1/3 de
la totalité des chômeurs-l’Unedic indemnise à
peu près, par mois, 2 millions de personnes. Donc, il faut faire
baisser le budget de l’Etat, puisqu' il y a le pacte de stabilité…
(Le président de la commission Européenne, Romano Prodi
a dit lui aussi que c’était une idiotie, donc vraiment
on ferait mieux de faire confiance à d’autres gens pour
faire de la politique, parce que ça commence à faire beaucoup)
. Et donc le gouvernement a décidé que cette ASS qui était
une allocation versée par 6 mois renouvelables - et on vérifiait
à chaque fois les conditions de ressource et les conditions de
recherche d’emploi- , maintenant, tranquillement, ils ne la verseront
plus que pendant 2 ans. Et c’est un couperet terrible ! Parce
que si au bout de 2 ans vous n’avez pas trouvé de boulot,
ça veut dire qu’il vous arrive quoi ? Et en plus,
il ont pris une mesure encore plus cynique: ceux qui avaient plus de
55 ans et qui touchaient l'ASS avaient une majoration, - puisque c’est
une petite allocation, elle fait 480 euros, je sais pas qui peut survivre
avec un truc pareil d’ailleurs, mais enfin bon- une majoration
de 40% pour les gens âgés qui attestait du fait qu’on
n’arrive pas à retrouver du boulot quand on est âgé.
Eh bien ils ont décidé qu’ils allaient supprimer
cette majoration. C’est-à-dire que maintenant, c’est
ce que je disais tout à l’heure, on sera a la fois vieux,
sans boulot et sans ressources. Alors, là,
même problème pour le gouvernement, c’est que le
RMI, c’est une allocation d’Etat, donc, je reviens à
la casse antérieure : problème du budget de l’Etat.
Et donc qu’est ce qu’ils ont imaginé pour échapper
à ça ? C’est de décentraliser le RMI,
et de le faire porter donc sur les départements. Deux avantages
de leur point de vue par rapport à ça. C’est que
ça change complètement de philosophie, c’est-à-dire
que on sait très bien que la proximité en matière
de gestion des gens les plus pauvres, c’est le clientélisme.
Et que là, très clairement, les présidents des
conseils généraux auront des prérogatives extrêmement
importantes. J’attire là aussi l’intention des auditeurs,
parce que vous allez voter au niveau cantonal pour les conseillers généraux,
donc ne faites pas n’importe quoi. Comme dit l’autre :
la droite et la gauche, c’est pareil, sauf quand la droite dirige.
Voilà donc en slogan ce qu’il en est. Et donc ils le transfèrent
au conseil généraux, et donc un vrai risque de clientélisme. A ça, vous ajoutez le RMA...Alors le RMA, c’est une invention absolument hallucinante, puisque le RMA, ça veut dire « revenu minimum d’activité ». C’est-à-dire qu’au bout d’un certain temps de RMI, on vous proposera un contrat de travail, à condition que les entreprises veuillent bien etc. Alors il est super, ce contrat de travail ! Parce que ce n’est pas un contrat à temps plein, donc vous risquez pas d’avoir le SMIC. C’est un taux horaire du SMIC, quelque soit la qualification, parce que dans les RMIste, il y a des tas de gens qui sont qualifiés, vous n’avez qu’a regarder dans les jeunes. Les intermittents du spectacle, il n’arrêtent pas de le dire, et pourtant ils y en a plein qui sont au RMI, et pourtant ils ont une qualification extraordinaire! Enfin ce n’est pas grave, ils seront quand même payés au SMIC. Et puis, il y a deux choses qui sont hallucinantes dans cette histoire. D’abord c’est un contrat à durée déterminé, - évidemment, on voit pas pourquoi se priver- , qui peut être de 3 fois 6 mois. Vous touchez le taux horaire du SMIC, mais vous ne payez pas de cotisations sociales sur la totalité de ce salaire, c’est-à-dire l’entreprise, parce que c’est bien connu que quand une entreprise embauche quelqu’un, ce n’est pas parce qu’il va produire de la richesse, c’est pour lui rendre service ! Tout le monde sait cela, on ne produit pas de richesse quand on est dans une entreprise. Et donc, on va verser aux entreprises, comme subvention pour embaucher des gens dans ce contrat de travail, l’équivalent du RMI qu’ils auraient touché. Et les cotisations sociales ne seront versées que sur la petite partie, c’est-à-dire 180 euros par mois que les gens toucheront en plus. Ce qui fait quoi ? Monsieur le ministre du travail, ou Raffarin, nous explique qu’il faut que les gens aillent au boulot, parce que le boulot c’est super, et je crois que tous ceux qui n’ont pas de boulot, ils aimeraient bien en avoir un. Mais leur truc à eux, c’est de renvoyer les gens au boulot dans leur condition à eux. Et du coup quand vous aurez fini votre RMA, eh bien, vous n’aurez jamais la possibilité d’ouvrir des droits à l’allocation chômage, c’est-à-dire que vous retomberez au RMI ! Donc ce n’est pas du tout un système d’insertion, c’est un système d’enfermement complet ! Et donc je crois que c’est exactement la philosophie du 19eme siècle, ou les pauvres c’est une classe dangereuse, il faut les enfermer. Et là, non seulement on va les enfermer, mais on va les enfermer en les obligeant à travailler. Pascale Fourier : Mais c’est très très bien finalement tout ça: si on coupe les vivres à tout le monde,ils vont enfin vouloir bosser, ces fainéants... C'est cela , la logique?? Claire Villiers : Alors il y a un problème, c’est qu' on nous raconte tout le temps que le travail, ça structure les individus, que c’est indispensable à la vie etc… Et en même temps, ils ont une peur folle que les gens soient fainéants. Moi ce que je vois tous les jours avec les copains chômeurs et chômeuses, c’est que les gens ont envie de mettre leurs capacités au service de tout le monde, donc ils ont envie de bosser. Mais ils ont pas envie de faire n’importe quoi, ils ont pas envie de le faire à n’importe quelles conditions, ils ont envie que ce soit utile, ils ont envie que ça ait du sens, ils ont envie d’avoir une place dans la société… Enfin bref. Ceci dit, le gouvernement c’est une folie absolue: il y a 300 000 offres d’emplois qui ne sont pas pourvues, j’ai dit tout à l’heure lesquelles c’étaient, c’est celles dont personne ne veut. Et il y a, officiellement, 2 500 000 chômeurs, en fait quand on regarde bien les chiffres, c’est plutôt autour de 4 millions. Il peuvent toujours couper les vivres a tout le monde : ça ne fera pas surgir les offres d’emploi pour autant ! Le patronat vous le dit avec beaucoup de cynisme : « De toutes façons, vous pouvez nous donner toutes les subventions que vous voulez, faire des exonérations de charges sociales etc…: ça nous permet de payer les gens moins, mais ça ne fait pas créer des emplois ». Une entreprise ne crée pas d’emplois si elle n’en a pas besoins par rapport à ses marchés et à sa production. Il faudrait quand même qu’on se mette ça un jour dans la tête. D’ailleurs, à mon avis, ça pose un autre problème qui est qu'on devrait réactualiser la question de savoir ce qu’est l’autogestion et la propriété collective. C’est-à-dire que je trouve que c’est vraiment insupportable que les boîtes privées décident toutes seules, ce qu’il faut faire, ce qu’il faut pas faire, bon etc… Et par rapport
à ça, je crois que en même temps il y a de vraies
contradictions dans la politique du gouvernement et même du patronat.
Les salaires : c’est du pouvoir d’achat. Si vous ne
distribuez plus de pouvoir d’achat, personne ne peut rien acheter...
Au bout d’un moment, à force de « baisser le
coût du travail », de payer les gens en fait de moins
en moins, à force de baisser les cotisations sociales et donc
de baisser les transferts sociaux qui sont aussi du pouvoir d’achat,
a force de baisser les allocations chômage, les indemnités
etc, plus personne ne peut rien consommer! Et donc vous déprimez
l’économie complètement. Ces gens-là, contrairement
à ce qu’ils nous affirment, sont d’extrêmement
mauvais économistes, puisqu’ils refont aujourd’hui
à peu près la même connerie qu’avait fait
Juppé en son temps et bien d’autres, qu’ils nous
expliquent que, s’il y a une crise, c’est parce que il y
a une crise de l’offre. Mais non pas du tout, c’est une
crise de la demande. Quand Strauss Kahn avait revalorisé de façon
très importante l’allocation de rentrée scolaire
il y a quelques années, il avait expliqué qu’il
faisait de la relance. Mais oui, bien sûr, il fait de la relance!
Je vous assure que quand on a le RMI ou l’ASS, on n’épargne
pas, contrairement à d’autres qui vont spéculer
et faire toutes les catastrophes d’éclatement des bulles
en tout genre. Non celui qui est le plus content de l’augmentation
des minima sociaux c’est le patron de Carrefour, ça c’est
sûr. Pascale Fourier : Mais que fait la gauche ? Que font les syndicats ? Enfin je ne sais pas, mais je n’entends pas un vaste tollé. J’ai bien entendu dire qu’il y avait eu une manifestation, mais finalement, c’est une manif qui a regroupé bien peu de gens. Pourquoi ça ne bouge pas ? Claire
Villiers: Je
crois que ça bouge pas, d’abord de la part des premiers
intéressés : les chômeurs. Moi j’ai vu
des gens quand ils ont reçu cette fameuse lettre de l’Unedic,
ils ont dit: « Mais nous, il faut qu’on se mette à
chercher du boulot comme des malades! On ne peut pas se retrouver au
1 janvier expulsés sans logement… donc on n’a pas
le temps de se mobiliser ». Et puis les gens ont pris un
tel coup sur la gueule que pour se mobiliser, c’est très
dur. Et puis pour se mobiliser, il ne faut pas être trop isolé.
Or quand on est chômeur et bien souvent, on est super isolé,
parce qu’on est dans son HLM dans sa cité… Et qu’on
a du mal. Pascale
Fourier :
Si vous voulez retrouver des renseignements sur tout ça, vous
pouvez aller sur le site d'AC :www.ac.eu.org/.ou sur celui de la Fondation
Copernic.(www.fondation-copernic.org/ ) sur lequel vous trouverez un
texte qui s’appelle « pour un Grenelle de l’Unédic ».
A bientôt.
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Rappel : Vous pouvez imprimer ce texte. Quel que soit l'usage que vous en ferez, il vous est demandé de citer votre source : Emission Des Sous...et des Hommes du 6 Février 2004 sur AligreFM. Merci d'avance. |